Cour d'appel de Toulouse, 24 septembre 2013, n° 12/00589

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

.

24/09/2013

ARRÊT N° 283

N°RG: 12/00589

Décision déférée du 09 Janvier 2012 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 09/03908

ELIAS-PANTALE

PL

SARL SOCIETE LOISIRS A VIVRE

C/

C X

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE

***

APPELANT(E/S)

SARL SOCIETE LOISIRS A VIVRE représentée par son Gérant domicilié en cette qualité au siège social sis

XXX

XXX

représentée par Me Pascal GORRIAS de la SCP BOYER & GORRIAS, avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de Me Stéphane RUFF de la SCP RUFF-BIELER-NEBOT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME(E/S)

Monsieur C X

XXX

31120 B SUR A

représenté par Me Elisabeth MALET, avocat au barreau de TOULOUSE

assisté de Me Vincent VALADE de la SCP D’AVOCATS CANTIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 11 Juin 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

P. LEGRAS, président

P. DELMOTTE, conseiller

M. P. PELLARIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Z

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par P. LEGRAS, président, et par M. Z, greffier de chambre.

Le 5 décembre 2007 C X a donné à bail à la SARL LOISIRS A VIVRE une parcelle de terrain à usage commercial pour une activité de vente de piscines, spas et abris de jardin route de Seysses à B/A pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2008 et moyennant un loyer de 900€ HT réduit à 700€ HT les cinq premiers mois.

Dès son installation début 2008 la mairie de B/A a mis la société locataire en demeure de cesser son activité, interdite par les dispositions du PLU du fait du classement du terrain en zone N, et de déposer son enseigne implantée au sol en infraction au règlement local de publicité. Faute de régularisation possible la SARL LOISIRS A VIVRE finissait par démonter ses installations et par quitter les lieux le 31 décembre 2008.

Elle obtenait à l’amiable du bailleur le remboursement des loyers des mois de janvier et février 2009 pendant lesquels le terrain n’était plus occupé.

Par acte du 19 novembre 2009 la SARL LOISIRS A VIVRE faisait assigner C X devant le tribunal de grande instance de TOULOUSE aux fins de voir prononcer la résolution du bail pour manquement à l’obligation de délivrance dès la prise d’effet du bail et de le voir condamner au remboursement des loyers perçus soit la somme de 8.063,12€, de l’astreinte administrative payée de 925,70€ et de 50.000€ de préjudice commercial du fait de son départ forcé, outre 2.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. C X concluait au débouté de la demande de résolution du bail et demandait la condamnation de la SARL LOISIRS A VIVRE à lui payer la somme de 24.480€ HT correspondant aux loyers impayés arrêtés au 5 décembre 2010 ou, subsidiairement en cas de résolution, la somme de 25.355,20€ de dommages-intérêts correspondant au coût de la remise en état du terrain, outre 5.000€ pour action abusive et 3.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 9 janvier 2012 le tribunal a :

' prononcé aux torts du bailleur la résolution du bail conclu le 5 décembre 2007 à effet du 31 décembre 2008;

' condamné C X à payer à la SARL LOISIRS A VIVRE la somme de 8.000€ au titre des dépenses engagées à perte;

' débouté les parties du surplus de leurs demandes;

' condamné C X aux dépens.

La SARL LOISIRS A VIVRE a interjeté appel de ce jugement le 10 février 2012. Elle a conclu récapitulativement le 19 avril 2013 à la réformation partielle avec le prononcé de la résolution du bail à la date de sa conclusion le 5 décembre 2007 et sa condamnation à lui payer les sommes de 8.063,12€, 925,70€ et 50.000€. Elle demande 3.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir en substance :

— que le bailleur ne pouvait ignorer le classement du terrain en zone PLU et ne lui en a jamais fait part; il avait l’obligation de vérifier avant le bail que l’activité envisagée pouvait y être exercée et la qualification juridique du bail est sans conséquences;

' que son maintien sur les lieux n’a été motivée que d’abord par l’espoir de trouver une solution puis par les tentatives de trouver un nouvel emplacement;

' qu’aucune clause contractuelle ne peut dispenser le bailleur de son obligation de délivrance;

' que la résolution judiciaire du bail entraînant l’anéantissement rétroactif du contrat doit prendre effet au jour de sa conclusion dès lors qu’elle n’a jamais pu exercer normalement son activité, ce qui justifie le remboursement de la totalité des loyers versés;

' que son préjudice de 50.000€ est constitué par ses dépenses d’installation inutiles (24.977€), la perte de chance de réaliser le chiffre d’affaires escompté et il s’y ajoute le montant de l’astreinte qu’elle a du verser.

C X, intimé et appelant incident, a conclu en dernier lieu le 12 avril 2013 à l’infirmation avec, sur la constatation du dol de l’appelante ayant vicié son consentement et de sa mauvaise foi dans l’exécution du contrat, le prononcé de la résiliation du bail aux torts de celle-ci et sa condamnation à lui payer la somme de 24.480€ HT avec intérêts au taux légal. Subsidiairement il demande de constater l’impossibilité de remettre les parties en l’état antérieur à la conclusion du bail, les effets de la résolution au 31 décembre 2008 n’étant pas rétroactifs et l’appelante étant condamnée à lui payer la somme de 1.400€ correspondant aux arrérages de loyer de juin à décembre 2008, outre la somme de 25.355,20€ correspondant au coût de la remise en état du terrain. Il répond pour l’essentiel :

' que c’est Mme Y qui est venue le démarcher en expliquant qu’elle s’occupait de toutes les démarches administratives liées à l’exercice d’une activité commerciale sur le terrain qu’il n’avait jamais donné en location jusque là et elle a elle-même rédigé le bail sans passer par un notaire en connaissant parfaitement l’interdiction dont il faisait l’objet;

' qu’au vu de la véritable intention des parties, soit la mise à disposition d’un terrain nu pour un loyer modeste dans une zone attractive sans préjuger de sa commercialité, Mme Y pensant jouer sur le temps pour faire réviser le PLU, il ne peut pas y avoir eu manquement à l’obligation de délivrance;

' que Mme Y l’a laissé dans l’ignorance de ses démarches administratives jusqu’à son départ en décembre 2008 et a volontairement pris un risque dont sa société doit assumer les conséquences;

' que, subsidiairement, son consentement a été vicié par les mensonges de Mme Y quant à l’obtention des autorisations administratives;

' que le bail ayant continué à courir n’a été résilié qu’à l’expiration de la première période triennale le 31 décembre 2010.

M O T I F S E T D E C I S I O N

Le contrat de bail conclu le 5 décembre 2007 s’intitule 'bail de terrain nu pour une activité commerciale’ et indique que le bailleur donne bail à loyer au preneur une parcelle de terrain 'à usage professionnel ou de commerce’ qu’il identifie et décrit et dont il précise la destination soit l’exercice des activités suivantes :

' la vente de piscines et de produits liés aux loisirs en général, la vente de tous accessoires pour la maison;

' tous travaux (aménagement, électricité, plomberie, espaces verts…) liés à la maison individuelle;

' tous commerces de gros et de détail;

' plus généralement toutes opérations industrielles, commerciales et financières, mobilières et immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social.

Ce contrat a été clairement qualifié par les parties de bail commercial et s’analyse comme tel dans ses dispositions sans qu’il y ait lieu de le requalifier comme le demande l’intimé sur le fondement de l’article 1156 du code civil.

En sa qualité de bailleur C X, quand bien même il n’était pas un professionnel de l’immobilier ou un familier des affaires, avait l’obligation de s’assurer de la compatibilité du terrain donné à bail avec l’activité déclarée par la locataire sans pouvoir se retrancher derrière la clause habituelle indiquant que le preneur fera son affaire personnelle de l’obtention de toute autorisation administrative, de sécurité ou autre, nécessaire à l’exercice de ses activités dans les lieux loués.

Il est constant que le terrain en cause, du fait de son classement en zone N du PLU de la commune de B/A, est insusceptible de recevoir une quelconque activité commerciale, et il en résulte que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance, ce dès la prise d’effet du bail le 1er janvier 2008, la conséquence en étant la résolution du bail à ses torts à compter de cette date.

L’intimé se réfère à la notion de dol sans conclure à la nullité du contrat ni même demander des dommages-intérêts sur ce fondement, et il n’est pas en mesure d’établir que les propos mensongers de Mme Y ou d’un proche de celle-ci relatifs à l’obtention des autorisations nécessaires à l’exercice de son activité, à les supposer avérés, auraient été déterminants de son consentement à contracter alors qu’une simple vérification de sa part auprès du service compétent de la mairie lui aurait permis d’en vérifier la fausseté.

La résolution du bail prenant effet au 1er janvier 2008 les parties doivent dans la mesure du possible être remises dans leur état antérieur. Il convient en conséquence de faire droit à la demande de l’appelante en restitution des loyers perçus jusqu’au 31 décembre 2007 inclus soit la somme de 8.063,12€.

L’appelante demande à hauteur de 24.977€ le remboursement de ses frais d’installation en produisant des factures de décembre 2007 à juillet 2008. Cependant il ressort d’un courrier LRAR en date du 15 février 2008 du service urbanisme de la mairie de B/A qu’elle était dès ce moment clairement informée que du fait du classement du terrain au PLU sa situation n’était pas régularisable et qu’elle s’exposait à des poursuites pénales. Il s’en évince que dès ce moment la SARL LOISIRS A VIVRE était informée de l’illégalité de son activité et que tous les aménagements effectués par la suite l’ont été à ses risques et périls. Il sera fait droit à sa demande à hauteur de la somme de 11.000€ correspondant aux dépenses engagées avant le 15 février 2008.

Le premier juge a justement considéré qu’elle n’était pas fondée à demander le remboursement de la somme de 925,70€, montant de l’astreinte administrative résultant de l’inexécution par elle de l’arrêté de mise en demeure du 15 avril 2008 relatif à la dépose des dispositifs publicitaires, s’agissant de la sanction d’un comportement en rien imputable au bailleur.

En revanche elle est légitime à solliciter à titre de préjudice commercial la perte de chance de réaliser sur le terrain loué une certaine marge. Pour autant il est justifié pour l’exercice 2008 d’un chiffre d’affaires de 136.000€ et d’un résultat d’exploitation négatif de 62.000€, ces chiffres étant, pour l’exercice 2009, respectivement de 98.500€ et 23.000€, en sorte que sa demande ne peut prospérer.

De son côté C X demande au titre de la remise en état du terrain une somme de 25.355€ correspondant selon devis du 20 novembre 2010 à des travaux d’enlèvement des gaines de mise en attente de branchement, de décapage de toute la surface du terrain et de la mise en place de cailloux concassés ainsi que du reprofilage du chemin d’accès. Compte tenu de l’état antérieur du terrain tel que révélé notamment par les photographies produites il apparaît que les aménagements de surface effectués par la locataire qui a par ailleurs procédé à l’enlèvement de toutes ses installations a procuré une plus value au terrain et que la remise en état telle qu’envisagée n’est pas justifiée.

Le jugement sera en conséquence réformé avec la prise d’effet de la résolution du bail au 1er janvier 2008 et la condamnation de C X au paiement de la somme de 19.063,12€ (8.063,12 + 11.000).

Les deux parties succombant il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens seront à la charge de C X qui succombe principalement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

' CONFIRME le jugement en ce qu’il a prononcé aux torts du bailleur la résolution du bail du 5 décembre 2007 et en ce qu’il a statué sur les dépens;

' REFORMANT:

+ FIXE au 1er janvier 2008 la date d’effet de cette résolution;

+ CONDAMNE C X à payer à la SARL LOISIRS A VIVRE la somme de 19.063,12€;

' DEBOUTE les parties de leurs demandes contraires et plus amples;

' DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

' CONDAMNE C X aux dépens d’appel dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président

Martine Z Philippe LEGRAS



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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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