Cour d'appel de Toulouse, 6 avril 2016, n° 15/03676

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

.

06/04/2016

ARRÊT N°254

N° RG: 15/03676

XXX

Décision déférée du 31 Mars 2014 – Cour d’Appel de BORDEAUX – 13/02179

SAS PROMAN 057

SAS PROMAN 061

SAS PROMAN 062

SAS PROMAN 090

XXX

C/

SAS 33 INTERIM

SAS JPI HOLDING

SAS GROUPE X

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e chambre

***

ARRÊT DU SIX AVRIL DEUX MILLE SEIZE

***

DEMANDEURS SUR RENVOI DE CASSATION :

SAS PROMAN 057 prise en la personne de son représentant légaldomicilié ès qualités au dit siège social

XXX

XXX

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

et par Me Jean Claude SASSATELLI de la SCP SASSATELLI BAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS PROMAN 061 prise en la personne de son représentant légaldomicilié ès qualités au dit siège social

XXX

XXX

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Jean Claude SASSATELLI de la SCP SASSATELLI BAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS PROMAN 062 prise en la personne de son représentant légaldomicilié ès qualités au dit siège social

XXX

XXX

Représentée par Me Jean Claude SASSATELLI de la SCP SASSATELLI BAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS PROMAN 090 prise en la personne de son représentant légaldomicilié ès q

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Jean Claude SASSATELLI de la SCP SASSATELLI BAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE

XXX prise en la personne de son représentant légaldomicilié ès qualités au dit siège social

XXX

XXX

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Jean Claude SASSATELLI de la SCP SASSATELLI BAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEURS :

SAS 33 INTERIM

XXX

33370 ARTIGUES-PRES-BORDEAUX

Représentée par Me Xavier CARUANA-DINGLI, avocat au barreau de TOULOUSE et par la SELARL BENOIT-LALLIARD-ROUANET avocat au barreau de Lyon

SAS JPI HOLDING

XXX

XXX

Représentée par Me Xavier CARUANA-DINGLI, avocat au barreau de TOULOUSE et par la SELARL BENOIT-LALLIARD-ROUANET avocat au barreau de Lyon

SAS GROUPE X

XXX

XXX

Représentée par Me Xavier CARUANA-DINGLI, avocat au barreau de TOULOUSE et par la SELARL BENOIT-LALLIARD-ROUANET avocat au barreau de Lyon

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Janvier 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. P. PELLARIN, Conseiller et J.M. BAISSUS, conseiller chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. P. PELLARIN, conseiller faisant fonction de président

J.M. BAÏSSUS, conseiller

V. SALMERON, conseiller

Greffier, lors des débats : M. D

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par M. P. PELLARIN, conseiller faisant fonction de président, et par M. D, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

XXX, XXX, spécialisées dans la mise à disposition de personnel intérimaire auprès d’entreprises utilisatrices, ont leur siège à Manosque (04), et disposent d’une agence commune à Bruges (33).

Trois d’entre elles, la S.A.S Proman 057, la S.A.S Proman 061 et la S.A.S Proman 062, ont employé 4 salariés dont les contrats de travail comportaient une clause de non-concurrence :

— M. A Y, embauché le 2 mai 2008 par Proman 057 en qualité de commercial chargé d’affaires,

— M. F G, embauché le 1er avril 2010 par Proman 061 en qualité de chargé d’affaires, promu Responsable d’agence, statut cadre, le 1er janvier 2011,

— Mme M Z, embauchée le 1er mars 2010 par Proman 062, en qualité de chargé d’affaires,

— Mme O C, embauchée le XXX par Proman 057 en qualité d’assistante d’agence.

Ces quatre salariés ont quitté leurs fonctions entre avril et septembre 2012, soit par démission (Mmes Z et C, respectivement les 18 mai et 5 septembre 2012) soit par licenciement (MM. Y et G les 24 avril et 4 juillet 2012).

XXX, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance leur reprochent d’avoir de concert commis des faits de concurrence déloyale, consistant notamment :

— à travailler au profit d’une société concurrente qui à compter du 17 avril 2012 a pris le nom de S.A.S 33 Intérim et a déplacé son siège social de Châlon sur Saône à Artigues, à XXX,

— à prospecter leurs anciens clients et Intérimaires,

— à détourner de nombreux fichiers et documents.

Elles estiment que ces actes ont été commandités tant par la S.A.S 33 Intérim que par son représentant légal la S.A.S JPI Holding et actionnaire principal, elle-même filiale de la S.A.S Groupe X, dirigée par M. B.

Faisant droit à la requête des S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance, le président du tribunal de commerce de Bordeaux, par ordonnance du 27 septembre 2012, a désigné M. J, huissier de justice, afin d’effectuer certaines diligences dans les locaux de la S.A.S 33 Intérim. Celui-ci a déposé son rapport le 31 octobre 2012.

Par ordonnance du 27 novembre 2012, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 9 octobre 2013, le président du tribunal de commerce a rejeté la demande en rétractation de l’ordonnance et a autorisé l’huissier à communiquer aux sociétés requérantes les éléments saisis lors de l’exécution de sa mission.

Dûment autorisées, les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance ont par actes des 14, 21 et 28 novembre 2012 fait assigner à jour fixe devant le tribunal de commerce de Bordeaux la S.A.S 33 Intérim, la S.A.S JPI Holding et la S.A.S Groupe X de diverses demandes au visa des articles 1382 et 1197 du code civil.

Par jugement du 26 mars 2013, le tribunal a :

— débouté la S.A.S Groupe X de sa demande de nullité de l’assignation,

— dit qu’il n’y avait aucun désistement des demanderesses à l’égard de la S.A.S Groupe X,

— dit que la communication de la pièce n°41 est régulière,

— débouté la S.A.S 33 Intérim de sa demande d’irrecevabilité,

— dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,

— débouté la S.A.S Proman 090 et la S.A.S Proman Performance de l’ensemble de leurs demandes,

— débouté les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061 et S.A.S Proman 062 de leur demande de condamnation solidaire à l’égard des S.A.S JPI Holding et S.A.S Groupe X,

— condamné la S.A.S 33 Intérim à payer à chacune des S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061 et S.A.S Proman 062 la somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts,

— débouté les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061 et S.A.S Proman 062 de leur demande de dommages-intérêts 'ad litem',

— débouté les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061 et S.A.S Proman 062 de leur demande de fermeture du fonds de commerce de la S.A.S 33 Intérim,

— débouté les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061 et S.A.S Proman 062 de leur demande tendant à la cessation des relations de travail entre Mmes Z, C, MM. G , Y, et la S.A.S 33 Intérim,

— débouté les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061 et S.A.S Proman 062 de leur demande de parution et d’affichage de la décision,

— condamné la S.A.S 33 Intérim à payer une indemnité de 1.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile à chacune des S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061 et S.A.S Proman 062,

— condamné la S.A.S Proman 090 et la S.A.S Proman Performance à payer chacune à la S.A.S 33 Intérim une indemnité de 1.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamné solidairement les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance à payer à la S.A.S JPI Holding une indemnité de 1.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamné solidairement les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance à payer à la S.A.S Groupe X une indemnité de 1.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamné la S.A.S 33 Intérim aux entiers dépens.

Sur appel des S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance, la cour d’appel de Bordeaux, par arrêt du 31 mars 2014, infirmant le jugement, a :

— déclaré irrecevables les demandes des S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance,

— annulé le P.V de constat établi le 24 octobre 2012 par M. J

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance aux dépens de première instance et d’appel.

Cette décision a été cassée en toutes ses dispositions et la cause et les parties renvoyées devant la cour de Toulouse par arrêt de la cour de cassation du 25 juin 2015 aux motifs :

1/ au visa de l’article 31 du code de procédure civile,

— que pour déclarer irrecevables les demandes des sociétés, l’arrêt retient que si celles-ci sollicitent chacune l’allocation de provisions à valoir sur les dommages-intérêts ou à défaut, des dommages-intérêts d’un montant différent, elles n’ont pas indiqué, pour chacune d’entre elles, la nature des faits de concurrence déloyale ayant directement engendré un préjudice spécifique, alors même qu’elles ont reconnu avoir un fichier commun et exercer leurs activités dans la même branche,

qu’en statuant ainsi, alors que l’existence d’un préjudice n’est pas une condition de recevabilité de l’action en responsabilité mais de son succès, et qu’elle relevait l’existence de demandes de dommages-intérêts distinctes pour chacune des sociétés consécutives à l’acte de concurrence déloyale allégué, la cour a violé le texte précité,

2/ au visa de l’article 237 du code de procédure civile,

— que pour annuler le P.V de constat du 24 octobre 2012 l’arrêt relève que les diligences du technicien, dont l’impartialité peut être mise en doute, constituaient une partie essentielle du P.V de constat de l’huissier de justice

qu’en statuant, par des motifs insuffisants à faire douter de l’impartialité du technicien et alors, d’autre part, qu’il résulte des productions que le rapport du technicien était distinct de celui de l’huissier de justice et annexé à ce dernier, et que les constatations du premier, qui portaient sur l’analyse des documents informatiques saisis, étaient divisibles des constatations du second, la cour a violé le texte précité.

La présente cour de renvoi a été saisie le 7 juillet 2015.

Les appelantes et les intimées ont respectivement notifié leurs dernières écritures par R.P.V.A les 17 et 11 décembre 2015. L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2016.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Il est fait expressément référence, pour l’exposé des moyens, aux conclusions visées.

XXX, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance demandent à la cour, par réformation partielle du jugement :

— de déclarer les intimés irrecevables en leur demande d’annulation du constat d’huissier du 24 octobre 2012,

— de rejeter toute demande de sursis à statuer,

— sur la responsabilité :

* de dire que la S.A.S 33 Intérim s’est rendue coupable de concurrence déloyale envers chacune des sociétés appelantes, notamment par

détournement de documents, prospection systématique et détournement de clients, débauchage massif de salariés Intérimaires, et de salariés permanents des S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061 et S.A.S Proman 062,

* de dire que la S.A.S JPI Holding et la S.A.S Groupe X ont participé à l’infraction et engagent leur responsabilité,

— sur la cessation des activités et actes fautivement concurrentiels:

* de condamner in solidum la S.A.S 33 Intérim, la S.A.S JPI Holding et la S.A.S Groupe X à fermer le fonds de commerce avec interdiction de se rétablir dans le département de la Gironde et les départements limitrophes durant 5 années, à cesser toute activité concurrentielle dans le département de la Gironde et les départements limitrophes sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé deux jours suivant la signification de la décision à intervenir,

* d’interdire aux S.A.S 33 Intérim, S.A.S JPI Holding et S.A.S Groupe X, d’entrer en relation avec clients et Intérimaires des sociétés appelantes, listées sur les fichiers de ces dernières, sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé deux jours suivant la signification de la décision à intervenir,

— sur la réparation des préjudices subis,

* à titre principal,

— d’ordonner une expertise comptable afin de permettre l’évaluation des préjudices économiques et financiers des sociétés appelantes,

— de condamner in solidum la S.A.S 33 Intérim, la S.A.S JPI Holding et la S.A.S Groupe X à payer aux sociétés appelantes, créances solidaires, la somme de 15.000 € à titre de provision ad litem,

— de condamner in solidum la S.A.S 33 Intérim, la S.A.S JPI Holding et la S.A.S Groupe X à payer, en réparation des préjudices subis, :

à la S.A.S Proman 057 la somme de 24.360 €

à la S.A.S Proman 061 la somme de 726.040 €,

à la S.A.S Proman 062 la somme de 82.040 €,

à la S.A.S Proman 090, la somme de 1.955.240 €,

à la S.A.S Proman Performance, la somme de 12.320 €,

— d’ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux journaux, ainsi que son affichage sur la page d’accueil de leur site internet pendant un mois,

*à titre subsidiaire,

— de condamner in solidum la S.A.S 33 Intérim, la S.A.S JPI Holding et la S.A.S Groupe X à payer :

à la S.A.S Proman 057, la somme de 30.450 € au titre du chiffre d’affaires détourné, celle de 18.270 € au titre de la perte de clientèle subie,

à la S.A.S Proman 061, la somme de 907.550 € au titre du chiffre d’affaires détourné, celle de 544.530 € au titre de la perte de clientèle subie,

à la S.A.S Proman 062 la somme de 102.550 € au titre du chiffre d’affaires détourné, celle de 30.660 € au titre de la perte de clientèle subie,

à la S.A.S Proman 090, la somme de 2.444.050 € au titre du chiffre d’affaires détourné, celle de 1.466.430 € au titre de la perte de clientèle subie,

à la S.A.S Proman Performance, la somme de 15.400 € au titre du chiffre d’affaires détourné, celle de 9.240 € au titre de la perte de clientèle subie,

— sur les frais :

* de condamner in solidum la S.A.S 33 Intérim, la S.A.S JPI Holding et la S.A.S Groupe X à payer à chacune des sociétés appelantes une indemnité de 20.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S 33 Intérim, la S.A.S JPI Holding et la S.A.S Groupe X demandent à la cour,

Vu les articles 1382 du Code Civil et L1411-1 du Code du Travail,

Vu les articles 30 à 32, 49 et 488 du Code de Procédure Civile,

1/ de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Bordeaux le 16 avril 2013 en ce qu’il a :

— débouté les SAS Proman 090 et Proman Performance de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

— débouté les SAS Proman 057, 061 et 062 de leur demande de condamnation solidaire à l’égard des SAS JPI Holding et Groupe X,

— débouté les SAS Proman 057, 061 et 062 de leur demande de dommages et intérêts ad litem

— débouté les SAS Proman 057, 061 et 062 de leur demande de fermeture du fonds de commerce de la SAS 33 Intérim

— débouté les SAS Proman 057, 061 et 062 de leur demande tendant à la cessation des relations de travail entre Mme M Z et Mme O C,

débouté les SAS Proman 057, 061 et 062 de leur demande de parution et d’affichage de la présente décision

2/ Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX le 16 avril 2013 en ce qu’il a condamné la société 33 Intérim à payer à chacune des SAS Proman 057, 061 et 062 la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts,

et

— à titre principal, dire que la S.A.S 33 Intérim n’a commis aucun acte de concurrence déloyale, et en conséquence de débouter les sociétés Proman 057, 061 et 062 de l’ensemble de leurs demandes,

— à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société 33 Intérim à payer à chacune des sociétés Proman 057, 061 et 062 la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts,

— en tout état de cause, de débouter les sociétés 057, 061 et 062 de leur demande de mesure d’expertise, et de condamner solidairement les sociétés Proman 057, 061, 062, 090 et Performance à payer à la société 33 Intérim la somme de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— de condamner solidairement les sociétés Proman 057, 061, 062, 090 et Performance à payer à la société 33 Intérim la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— de condamner solidairement les sociétés Proman 057, 061, 062, 090 et Performance aux entiers dépens de l’instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

— sur le cadre du litige

Selon l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Ainsi, en l’espèce, la cour n’est saisie que du fond du litige et non d’une demande de sursis à statuer, pourtant développée dans le corps des conclusions des intimées.

— sur la concurrence déloyale

* L’action engagée par les S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance est, dans ce litige, exclusivement dirigée contre des sociétés avec lesquelles elles ne disposent d’aucun lien de droit, de sorte que l’action est de nature délictuelle, et suppose que soient établis une faute, un préjudice et un lien de causalité.

La faute invoquée consiste en des procédés déloyaux auxquels aurait eu recours la S.A.S 33 Intérim, pour concurrencer les sociétés appelantes, avec la complicité de la S.A.S JPI Holding et de la S.A.S Groupe X. Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie permet en effet aux entreprises de se concurrencer librement, sous la seule limite de ne pas recourir à des procédés déloyaux.

* La concurrence déloyale peut avoir été commise au préjudice de sociétés dont n’émanent pas les salariés de la S.A.S 33 Intérim auxquels il est reproché d’avoir usé de procédés déloyaux. Il n’en serait autrement que si les faits de concurrence déloyale consistaient exclusivement dans le débauchage de salariés, au surplus en violation d’une clause de non-concurrence. C’est donc à tort que le tribunal a rejeté les demandes formées par la SAS Proman 090 et la S.A.S Proman Performance, aux seuls motifs qu’elles n’avaient pas été les employeurs des salariés précités.

* La validité de deux rapports produits par les appelantes est contestée.

Est d’abord versé le rapport d’un enquêteur privé, la société Sud Intelligence, qui a surveillé les allées et venues de personnes se rendant à la S.A.S 33 Intérim pour y travailler.

Cet enquêteur ne s’est pas limité à vérifier en un lieu public donné, celui situé devant l’agence de la S.A.S 33 Intérim, qui y travaillait, mais a procédé, à partir de ce lieu à une filature des personnes concernées, dont deux se trouvaient être encore liées par un contrat de travail à une des sociétés appelantes. On y voit ainsi certaines personnes suivies jusqu’à un supermarché, ou encore jusqu’à une sortie de rocade. Ce rapport constitue dès lors un moyen de preuve illicite tant au regard de l’article L 1121-1 du Code du travail , pour les deux salariés d’une société Proman, que de l’article 9 du code civil, en ce qu’il implique une atteinte à la vie privée des personnes suivies, insusceptibles d’être justifiées par la nécessité pour les sociétés Proman de se ménager une preuve quant à l’embauche par un concurrent de leurs anciens salariés.

Les sociétés intimées sollicitent l’annulation du rapport de M. E, société Dièdre Concept, technicien ayant assisté l’huissier de justice M. J en exécution de l’ordonnance du 27 septembre 2012, pour atteinte au principe d’impartialité et d’indépendance.

Or le seul fait que M. E, domicilié dans le Loiret, ait participé à une épreuve de course à pied à Manosque, ville du siège social de la majorité des sociétés du groupe Proman le 9 septembre 2012 ainsi que l’année suivante en portant un dossard Proman, ne suffit pas à faire douter de l’indépendance et de l’impartialité de ce technicien dans l’exercice de sa mission qui était d’assister l’huissier pour l’accomplissement des opérations concernant le prélèvement des documents informatiques, alors qu’il n’est pas contesté qu’il s’agit d’un informaticien notamment spécialisé dans les questions relatives aux sociétés d’intérim, et dès lors particulièrement compétent pour assister l’huissier dans cette opération.

* Au soutien de leur action en concurrence déloyale, les sociétés Proman invoquent essentiellement le débauchage déloyal du personnel permanent, puis le débauchage du personnel intérimaire, le détournement de clients et le détournement de documents, fichiers et savoir faire.

a) le détournement du personnel permanent

Les sociétés Proman précisent dans leurs conclusions que si elles ont évoqué la violation de la clause de non-concurrence à laquelle étaient tenus les 4 salariés ensuite embauchés par la S.A.S 33 Intérim, pour 'rappeler le contexte entourant le litige', elles se prévalent d’autres actes de concurrence déloyale, de sorte qu’il en est pris acte, et qu’il n’y a pas lieu de se pencher sur la validité des clauses de non-concurrence, laquelle devient sans incidence sur le présent litige, tout comme il n’y a pas lieu de retenir à la charge des intimées le fait que les salariés embauchés par la S.A.S 33 Intérim étaient tenus par une clause de non-concurrence, ni celui que la S.A.S 33 Intérim assurait lors de l’embauche que ces clauses étaient nulles et qu’elle prendrait en charge les frais de justice en cas d’action de l’ancien employeur.

Il est établi que la S.A.S 33 Intérim a démarré son activité en embauchant entre juillet et octobre 2012 quatre anciens salariés de trois des sociétés appelantes dont deux avaient démissionné, et deux avaient été licenciés. Le débauchage de salariés n’est pas en lui-même un acte de concurrence déloyale et ne le devient que s’il résulte de l’usage de manoeuvres déloyales ou s’il a pour effet de désorganiser l’entreprise d’origine.

Les sociétés anciens employeurs ne fournissent pas d’élément sur la désorganisation qu’aurait engendrée le départ des salariés en cause, étant

observé que cela concerne un ou deux salariés pour chacune des trois sociétés.

Elles se prévalent des déclarations de l’un de ces anciens salariés, M. F G, faites dans le cadre d’un P.V de constat du 27 juin 2013 au cours duquel l’huissier de justice instrumentaire a assisté aux dites déclarations faites au président du groupe Proman. M. F G y déclare qu’il a été sollicité dès mars 2012 par la famille B représentant la S.A.S JPI Holding pour être débauché ainsi que trois autres collaborateurs, avec offre d’une meilleure rémunération, d’une prise de participation dans la société, promesse de prise en charge des frais de justice, stratégie de maintien en place de certains salariés pendant un temps pour garder un lien avec l’agence Proman, ce qui a permis le détournement des connaissances et documents.

Une telle déclaration n’est pas soumise aux règles édictées par les articles 202 du code de procédure civile relatives aux attestations, l’authenticité des énonciations rapportées résultant du constat fait par l’huissier de justice et de la précision donnée par l’intéressé qu’il autorise la production de ce document en justice et connaît les sanctions en cas de fausse déclaration.

Le fait que la société Proman 057, ancien employeur de M. F G, se soit désistée de l’action prud’homale engagée contre lui, pourrait être de nature à porter atteinte à la force probante de cette déclaration. Cependant, on constate que le contenu des propos de M. F G est corroboré par des pièces justificatives alors qu’au contraire les intimées n’entendent le contredire que par l’attestation de M. Y indiquant qu’il s’agit de mensonges. Ainsi, par un e-mail du 21 mars 2012, H B de X Direction, avec pour adresse H @ groupejti.com, envoie en copie à M. F G l’extrait Kbis de la société prenant le nom de S.A.S 33 Intérim, ainsi que les informations sur le bail. Les rémunérations sont systématiquement plus avantageuses : pour M. F G 4.000 € + primes et promesse de prise de participation à 40%, invoquée lors du constat de M. J par d’autres salariés, contre 3.820 € + primes, pour M. A Y 2.800 € + primes contre 2.600 € + primes, pour Mme Z 2.400 € + primes et 10% des parts, contre 2.120 € + intéressement dans le contrat Proman.

La promesse d’embauche faite par la S.A.S JPI Holding, et garantissant la nullité de la clause de non-concurrence et la prise en charge des frais de justice n’est en revanche pas probante, car non datée, ni signée, ni complète. De plus, alors que M. F G indique que la stratégie était qu’il reste un peu pour accompagner le départ de salariés et qu’il 'lève le pied pour être licencié', ce qui est intervenu, le contenu de cette lettre lui fait clairement le reproche d’ une absence de réaction face au souhait d’une collaboratrice de partir à la concurrence, un mois après le départ d’un autre collaborateur (départ inévitablement programmé selon l’employeur) et d’un désengagement total, en fuyant le Directeur général.

On relève également que M. Y a été licencié pour faute grave, pour un fait unique caractérisé par des injures à l’encontre du chef de secteur, intervenu concomitamment aux démarches faites par M. B auprès de M. F G.

Enfin, le but déloyal de la stratégie progressive de départ des salariés ayant permis un transfert de données est établi par les échanges d’e-mails relevés lors des constatations de M. J assisté de M. E : dès le 28 mars 2012, (il sera licencié le 24 avril 2012), M. Y s’envoyait sur sa boîte e-mail personnelle des informations concernant la disponibilité d’intérimaires, qu’il allait ensuite récupérer le 29 juin 2012 sur une adresse ouverte à son nom chez 33 Intérim (dont, pourtant, il ne devient salarié suivant contrat de travail qu’à compter du 25 juillet 2012) ; de même, une demande d’informations sur dossiers d’intérimaires était transmise par l’agence 33 Intérim à l’adresse personnelle de Mme C fin juin 2012, laquelle répondait immédiatement être dans l’impossibilité de le faire pour le moment, une autre salariée étant dans le bureau avec les dossiers.

Au vu de ces éléments circonstanciés, il apparaît que les sociétés employeurs appelantes ont été victimes d’un débauchage de salariés et à l’aide d’une stratégie et dans un but déloyal consistant à s’approprier les données et connaissances acquises au sein de leur ancienne entreprise.

Il apparaît également que la S.A.S Groupe X a participé à la commission des actes de débauchage déloyaux ; en effet, l’e-mail est adressé à M. F G par H B, 'X Direction', à une date à laquelle la S.A.S 33 Intérim n’est pas encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux, et à laquelle, sous son ancienne dénomination de Sofratt Rail, elle n’est pas encore présidée par la S.A.S JPI Holding, mais par une société Sofrat. Enfin, la confusion est telle qu’alors que la présidence de la S.A.S 33 Intérim est assurée par la S.A.S JPI Holding à compter du 17 avril 2012, les contrats de travail de trois des quatre salariés mentionnent la S.A.S 33 Intérim représentée par 'président Groupe X'.

Aucune acte ne peut être imputé à la S.A.S JPI Holding.

b) débauchage déloyal de personnel intérimaire des sociétés appelantes

Les intérimaires ne font pas partie du personnel des agences d’intérim de sorte que les appelantes ne peuvent se prévaloir d’un 'débauchage’ déloyal.

Ces dernières se prévalent en réalité d’attestations de leurs propres salariés pour soutenir que M. F G se rendait sur les chantiers afin d’inviter les intérimaires à venir à l’agence 33 Intérim. Or une telle démarche qui consiste à prendre contact avec les clients ou les personnes placées par une autre entreprise n’est pas en soi un procédé déloyal.

Il est également soutenu que M. Y et Mme Z auraient sollicité Mme C pour arrêter les missions de certains intérimaires, ce qui ne ressort pas des e-mails produits, la demande consistant dans la transmission des informations contenues dans les dossiers de certains intérimaires, procédé qui sera examiné ultérieurement.

Il n’y a donc pas en soi de procédés déloyaux utilisés dans la prise de contact avec des intérimaires.

En revanche, il ressort des documents informatiques recueillis lors du constat d’Huissier par M. E, que le dossier 'intérimaires’ de la S.A.S 33 Intérim contenait 415 fichiers faisant référence à des personnes du fichier intérimaire Proman lesquels contiennent 201 documents annotés Proman, ce qui démontre que ces documents proviennent directement des sociétés Proman. La preuve est ainsi faite d’un détournement de listes d’intérimaires qui a pu être accompli grâce aux anciens salariés, procédé déloyal. Il ressort également des données informatiques prélevées que sur les 99 intérimaires délégués par l’agence 33 Intérim, 76 faisaient partie du fichier intérimaire Proman. S’il n’est pas contestable qu’un intérimaire peut être inscrit simultanément auprès de plusieurs entreprises de travail temporaire, cette constatation associée à celle du détournement des fichiers démontre que la S.A.S 33 Intérim dont l’activité débutait, s’est amplement nourrie au départ des informations détournées au préjudice des sociétés concurrentes.

Ainsi que l’a justement retenu le tribunal, la S.A.S 33 Intérim ne pouvait ignorer le procédé utilisé, et il a déjà été constaté que celui-ci avait été clairement favorisé par le débauchage progressif des salariés, permettant la transmission des données.

c) démarchage systématique et déloyal de la clientèle

L’enquête privée ayant été annulée, il n’y a pas à tenir compte des constatations effectuées par la société Sud Intelligence.

Les constatations tirées des documents informatiques prélevés le 27 novembre 2012 révèlent que 47 fichiers ou répertoires font référence à des entreprises du fichier clients Proman, lesquels contiennent 15 documents annotés Proman. Le même constat que précédemment d’un recours à un procédé déloyal est établi. Sur les 21 clients facturés, 17 font partie du fichier clients Proman. La S.A.S 33 Intérim s’est ainsi appuyée en partie sur des informations obtenues de façon déloyale pour détourner la clientèle des sociétés Proman, et les observations déjà faites quant à la connaissance par la S.A.S 33 Intérim des détournements pour les fichiers d’intérimaires demeurent valables pour les fichiers clients.

— sur la responsabilité de la S.A.S JPI Holding et de la S.A.S Groupe X

Il apparaît, à l’examen des pièces produites, que la S.A.S Groupe X a participé à la commission des actes de débauchage déloyaux ; en effet, l’e-mail attestant d’une prise de contact avec M. F G dès mars 2012 est adressé à ce dernier par H B, 'X Direction', à une date à laquelle la S.A.S 33 Intérim n’est pas encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux, et à laquelle, sous son ancienne dénomination de Sofratt Rail, elle n’est pas encore présidée par la S.A.S JPI Holding. De plus, alors que la présidence de la S.A.S 33 Intérim sera assurée par la S.A.S JPI Holding à compter du 17 avril 2012, les contrats de travail de trois des quatre salariés mentionnent la S.A.S 33 Intérim représentée par 'président Groupe X'.

Il a été retenu précédemment que le procédé de débauchage du personnel permanent constituait un acte de concurrence déloyale qui doit ainsi être retenu à l’encontre de la S.A.S Groupe X ; en revanche, aucun acte ne peut être imputé à la S.A.S JPI Holding.

— sur les demandes en réparation du préjudice

* sur les demandes en cessation des activités et actes fautivement concurrentiels

Ce n’est pas la création et l’exploitation du fonds de commerce de la S.A.S 33 Intérim qui constituent une concurrence déloyale, mais certains agissements que celle-ci a commis et qui seuls doivent donner lieu à réparation des préjudices générés. La demande en fermeture du fonds de commerce, avec interdiction de rétablissement pendant cinq ans, au surplus présentée sur le fondement des articles 1142 et suivants du code civil alors que les parties ne sont liées par aucun contrat, a été justement rejetée par le tribunal.

De même, la demande tendant à voir interdire aux sociétés intimées d’entrer en relation avec les clients et intérimaires des sociétés Proman listés sur les fichiers de ces dernières se heurte au principe de la liberté du commerce et de l’industrie, le démarchage des clients d’un concurrent n’étant pas interdit. La demande, qui excède celle tendant à voir cesser des agissements déloyaux précis a été également rejetée à juste titre.

* sur la réparation des préjudices subis

Les agissements déloyaux de la S.A.S 33 Intérim et de la S.A.S Groupe X ont eu pour effet de détourner une partie de la clientèle des sociétés appelantes et de provoquer une baisse de leur chiffre d’affaires.

La demande d’expertise présentée à titre principal par les sociétés appelantes tend à voir déterminer la nature et les prix des prestations livrées à leur clientèle par la S.A.S 33 Intérim et à évaluer leur préjudice financier et économiques par l’étude des documents comptables de cette société, pour la période postérieure à octobre 2012. Or une telle mesure ne peut qu’être rejetée en ce que d’une part elle aurait pour effet de permettre aux appelantes de connaître le fonctionnement commercial de son adversaire malgré le secret des affaires, que d’autre part, les sociétés appelantes, qui ont la charge de la preuve, se dispensent de justifier sur les années concernées soit depuis fin 2012, de leur propre activité , éléments qui pourtant seraient de nature à permettre d’apprécier l’étendue de la perte définitive de clientèle qu’elles allèguent. Le tribunal leur a ainsi opposé à bon droit les dispositions de l’article 146 alinéa 2 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu de se prononcer sur les demandes provisionnelles.

À titre subsidiaire, les appelantes procèdent chacune à une évaluation de leur préjudice sur la base de calculs arrêtés en janvier 2014 en procédant par extrapolation, considérant que le chiffre d’affaires réalisé par la S.A.S 33 Intérim en 2012 (une moyenne de 175.000 € par mois) provient du détournement de clientèle, qu’il s’est poursuivi de la même façon jusqu’à cette date de telle sorte que chacune d’entre elles peut prétendre au pourcentage de ce chiffre d’affaires proportionnel à celui réalisé en 2012 sur leur clientèle détournée; Elles y ajoutent une indemnisation correspondant au prix de cession de cette clientèle, qu’elles fixent au chiffre d’affaires censé être obtenu par la S.A.S 33 Intérim sur un an.

Or la démonstration par les appelantes de l’étendue du préjudice subi suppose qu’elles justifient de l’impact de la concurrence déloyale sur leur propre chiffre d’affaires. A défaut, elles ne pourraient se prévaloir que d’un préjudice de principe découlant nécessairement de faits fautifs. Pourtant, ainsi que cela a déjà été observé, elles ne versent aucun élément sur les chiffres d’affaires réalisés après décembre 2012.

Pour la période antérieure à octobre 2012, la cour dispose à la fois du chiffre d’affaires réalisé par la S.A.S 33 Intérim auprès de la clientèle des sociétés appelantes et du chiffre d’affaires réalisé par ces sociétés. A cet égard, on relève que même les sociétés qui n’étaient pas les employeurs des salariés embauchés par la S.A.S 33 Intérim ont subi un détournement de clientèle caractérisé par une baisse de leur chiffre d’affaires, les fichiers étant accessibles au sein de l’agence de Bruges commune aux différentes sociétés, de sorte qu’elles sont fondées en leurs demandes.

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés du groupe Proman, le préjudice ne saurait 'nécessairement’ atteindre le chiffre d’affaires réalisé par la S.A.S 33 Intérim sur leurs anciens clients. C’est en effet méconnaître le droit de la clientèle à se déterminer librement. De même, c’est considérer que toutes les commandes n’auraient pu être emportées par les salariés sans le recours à des procédés déloyaux, ou encore qu’elles auraient automatiquement réalisé ce chiffre d’affaires.

Pour la période postérieure à fin 2012, il doit être retenu qu’une partie de la clientèle détournée a pu rester acquise à la S.A.S 33 Intérim en conséquence des agissements déloyaux, qu’une autre a pu y rester par libre choix du client, voire poursuivre ses relations tant avec les sociétés appelantes qu’avec la S.A.S 33 Intérim ce qui résulte notamment des attestations de la société LCB que de la société Secométal, conséquence qui n’est plus en lien avec les fautes initiales.

Cependant les appelantes ne justifient aucunement de la perte des clients concernés, ce qui leur aurait été aisé de faire en produisant les chiffres d’affaire réalisés auprès d’eux.

En conséquence, dès lors qu’il est établi par les appelantes qu’elles ont subi une chute de leur chiffre d’affaires relative aux clients détournés pour la seule période expirant à fin 2012, que du fait de leur carence elles ne démontrent pas avoir continué à subir un tel préjudice, ni une perte définitive de leur clientèle, il y a lieu, compte tenu des chiffres d’affaire réalisés par la S.A.S 33 Intérim auprès des clients des sociétés appelantes, et des motifs précédents, d’évaluer à 2/3 de ce chiffre d’affaires l’indemnité réparant le préjudice subi par chacune des sociétés appelantes soit :

— S.A.S Proman 057 : 3.505 € x 2/3 = 2.337 arrondis à 2.500 €

— S.A.S Proman 061 : 104.614 € x 2/3 = 69.743 arrondis à 70.000 €

— S.A.S Proman 062 : 11.806 € x 2/3 = 7.870 arrondis à 8.000 €

— S.A.S Proman 090 : 281.688 € x 2/3 =187.792 arrondis à 188.000 €

— S.A.S Proman Performance : 1.803 € x 2/3 = 1.202 arrondis à 1.300 €.

* sur la demande de publication de la décision

Il n’y a pas eu d’utilisation de la presse pour la commission des faits délictueux, et aucune circonstance particulière de faire droit à cette demande, les appelantes ne démontrant pas la nécessité d’avoir recours à cette parution pour réparer un préjudice d’image dont elles ne demandent pas réparation.

* sur les demandes annexes

Les condamnations prononcées en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées à l’exception de celle prononcée en faveur de la S.A.S JPI Holding, de la S.A.S 33 Intérim et de la S.A.S Groupe X.

En appel, en application de l’article 700 du Code de procédure civile, il est alloué à chacune des parties appelantes l’indemnité fixée au dispositif de cette décision, qui sera à la charge des parties condamnées aux dépens, soit la S.A.S 33 Intérim et la S.A.S Groupe X.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement déféré sauf :

— en ce qu’il déboute la S.A.S Proman 090 et la S.A.S Proman Performance de leurs demandes,

— en ce qu’il rejette les demandes en condamnation de la S.A.S Groupe X,

— sur le montant des condamnations prononcées à titre de dommages-intérêts,

— en ce qu’il prononce condamnation au bénéfice de la S.A.S JPI Holding, de la S.A.S 33 Intérim et de la S.A.S Groupe X en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant,

Dit que la S.A.S 33 Intérim et la S.A.S Groupe X ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance.

Les condamne in solidum à payer :

— à la S.A.S Proman 057 : 2.500 €

— à la S.A.S Proman 061 : 70.000 €

— à la S.A.S Proman 062 : 8.000 €

— à la S.A.S Proman 090 : 188.000 €

— à la S.A.S Proman Performance : 1.300 €.

Déboute les sociétés appelantes de leur demande tendant à voir interdire aux sociétés intimées d’entrer en relation avec les clients et intérimaires des sociétés Proman listés sur les fichiers de ces dernières.

Condamne in solidum la S.A.S 33 Intérim et la S.A.S Groupe X, en application de l’article 700 du Code de procédure civile à payer une indemnité de 3.500 € à chacune des S.A.S Proman 057, S.A.S Proman 061, S.A.S Proman 062, S.A.S Proman 090 et S.A.S Proman Performance.

Condamne in solidum la S.A.S 33 Intérim et la S.A.S Groupe X au paiement des dépens en ce compris les frais du P.V de constat de M. J, huissier de justice, dont distraction au profit de Maître Sorel, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Toulouse, 6 avril 2016, n° 15/03676