Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 16 mai 2018, n° 16/00518

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 2e ch., 16 mai 2018, n° 16/00518
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 16/00518
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulouse, 7 décembre 2015, N° 2014J1230
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

.

16/05/2018

ARRÊT N°168

N° RG: 16/00518

FP/TS

Décision déférée du 08 Décembre 2015 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE ( 2014J1230)

M. X

SARL STEGEAS

C/

SA ALBINGIA

SASU Y-SYS

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e chambre

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANT(E/S)

SARL STEGEAS

[…]

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e V i n c e n t R E M A U R Y d e l a S C P D ' A V O C A T S REMAURY-FONTAN-REMAURY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME(E/S)

SA ALBINGIA

[…]

[…]

Représentée par Me Mathieu PATRIMONIO de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP INTER-BARREAUX RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

SASU Y-SYS

[…]

[…]

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. PENAVAYRE,, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

F. PENAVAYRE, président

S. TRUCHE, conseiller

P. DELMOTTE, conseiller

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE- DURAND

ARRET :

— REPUTE CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par F. PENAVAYRE, président, et par J.BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

La société COGEAS qui exerce l’activité de courtier en matière de produits d’assurances, a utilisé la dénomination d’un autre courtier à titre de nom commercial et de nom de domaine, et a déposé la marque PROGEAS auprès de l’INPI.

La société COGEAS a été condamnée notamment pour utilisation illicite de la marque et injonction lui a été faite, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de cesser d’utiliser la dénomination

PROGEAS sous quelque forme que ce soit par jugement du tribunal de Grande instance de Toulouse en date du 16 octobre 2008, confirmé par arrêt de la cour d’appel le 7 décembre 2010.

La société COGEAS a changé de dénomination sociale et est devenue la société STEGEAS.

Suivant devis du 20 octobre 2008 accepté le 21 octobre, la société STEGEAS a confié à la SARL Y-SYS des prestations informatiques concernant la maintenance de son site Internet, à réaliser avant le 24 octobre 2008 pour un montant de 299 €.

La société PROGEAS ayant fait constater courant juin 2010 que le nom de domaine www .progeas.fr pointait toujours (était redirigé) vers le site de la société STEGEAS, la société Y SYS a procédé le 15 septembre 2010 à l’arrêt de ce pointage.

La société STEGEAS a été condamnée à la liquidation d’une astreinte de 185 000 euros au profit de la société PROGEAS.

Les parties se sont rapprochées et ont mis fin à leur différend moyennant le versement par la société STEGEAS d’une indemnité de 25 000 € outre 10 000 € à titre de préjudice moral.

Par acte d’huissier du 22 octobre 2014, la société STEGEAS a assigné l’EURL Y -SYS et son assureur la compagnie ALBINGIA devant le tribunal de commerce de Toulouse pour obtenir la condamnation de ces dernières à l’indemniser des fautes commises, à hauteur de la somme de 35 000 € outre les frais irrépétibles.

Par jugement réputé contradictoire du 8 décembre 2015, le tribunal de commerce de Toulouse a :

— dit que la société Y SYS n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la société STEGEAS

— débouté la société STEGEAS de l’intégralité de ses demandes

— condamné la société STEGEAS à payer à la société ALBINGIA la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— mis à sa charge les entiers dépens de l’instance.

La société STEGEAS a interjeté appel de cette décision le 3 février 2016.

L’ordonnance de clôture est en date du 23 janvier 2018.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions notifiées le 19 avril 2016, la société STEGEAS sollicite la réformation du jugement du 8 décembre 2015 et demande en conséquence :

— de prononcer la nullité du jugement du tribunal de commerce du 8 décembre 2015 sur le fondement des articles 4 et 16 du code de procédure civile car le tribunal a fondé son jugement sur un moyen soulevé d’office qui n’avait pas été contradictoirement débattu

— à défaut de réformer le jugement,

— de condamner, sur le fondement de l’article 1147 du code de procédure civile, in solidum les sociétés Y-SYS et la société ALBINGIA à lui payer la somme de 35 000 € à titre de dommages-intérêts outre 6000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— de condamner les sociétés intimées à supporter les entiers dépens

Elle explique que le tribunal a considéré à tort qu’aucun délai impératif n’avait été contractualisé entre les parties et que les prestations techniques demandées pouvaient être exécutées à tout moment alors que le devis indiquait que la maintenance du site était à réaliser avant le 24 octobre 2008, délai impératif à respecter par les parties, sauf à démontrer qu’il n’a pu l’être du fait du créancier de l’obligation, ce qui n’est ni allégué ni démontré en l’espèce.

En réalité les prestations ont été réalisées de façon incomplète, la société prestataire étant défaillante dans l’exécution du contrat. Il ne peut lui être fait le reproche de n’avoir pas vérifié la qualité des travaux de son prestataire alors qu’elle n’a aucune compétence en matière d’informatique et a fait appel précisément à un professionnel pour ce faire.

Elle sollicite la réparation du dommage causé par l’inexécution de ses obligations, la mise en demeure n’étant pas une condition nécessaire des intérêts compensatoires et le débiteur étant tenu dès avant qu’il ait été mis en demeure selon la jurisprudence.

Elle entend démontrer l’existence :

— d’une faute, le manquement de la société Y SYS consistant à avoir omis de supprimer tous les termes et noms de domaine progeas comme elle s’y était engagée (cette erreur ayant d’ailleurs été reconnue par le gérant de la société à son assureur dans le courrier du 22 janvier 2014)

— d’un lien de causalité et d’un préjudice car si les prestations informatiques avaient été correctement exécutées, elle n’aurait pas été poursuivie pour défaut de suppression du terme progeas ni condamnée au paiement d’une astreinte de 185 000 €.

Elle prétend enfin qu’ il lui était techniquement impossible d’avoir connaissance de l’erreur commise et de recevoir un mail adressé à progeas.fr.

Elle sollicite la garantie de la compagnie d’assurances ALBINGIA, assureur de responsabilité civile de la société REANLY-SYS, et soutient que les exclusions de garantie opposées par la compagnie ne sont pas recevables.

La société ALBINGIA a notifié ses conclusions récapitulatives le 15 juin 2016. Elle demande :

À titre principal :

— de dire et juger que le tribunal n’a violé aucun principe du contradictoire en statuant au visa de l’article 1146 du Code civil

— de dire que la société Y SYS n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité envers la société appelante

— en conséquence de débouter la société STEGEAS de l’intégralité de ses demandes

— de confirmer le jugement en toutes ses dispositions

À titre subsidiaire :

— de dire que le manquement allégué de la société Y SYS n’a pas occasionné le préjudice revendiqué par la société STEGEAS et en conséquence de rejeter toutes ses demandes

À titre très subsidiaire :

— de dire que la compagnie ne doit sa garantie à Y SYS que dans les limites de la police d’assurance qui exclut les conséquences du retard dans l’exécution des missions et les conséquences de l’inexécution totale des missions confiées et de débouter la société STEGEAS de ses demandes de garantie,

À titre infiniment subsidiaire :

— de tenir compte de la franchise de 10 % avec un minimum de 1550 € et un maximum de 7650 €

— de constater que la société STEGEAS ne démontre pas avoir payé la somme de 25 000 € en exécution du protocole d’accord transactionnel ni avoir subi un préjudice moral à hauteur de 10 000 €

À titre incident :

— de condamner la société STEGEAS à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et de mettre les entiers dépens de l’instance à sa charge avec distraction au profit de la SCP Raffin et associés.

La compagnie ALBINGIA prétend pour l’essentiel :

— que les prestations ont bien été réalisées dans le délai imparti et qu’aucune lettre de rappel n’a été adressée à la société prestataire avant le mois de septembre 2010

— que c’est à bon droit que le tribunal a pu considérer que la société STEGEAS était la seule fautive puisqu’elle n’avait pas pris les moyens de vérifier la qualité des travaux effectués pour elle dans un délai raisonnable ni d’aviser son prestataire informatique de la nécessité de supprimer le pointage du domaine progeas.fr vers stegeas.fr alors qu’elle était la seule à avoir pleinement conscience des conséquences d’une éventuelle omission à cet égard

— que la société Y-SYS n’a pas omis de supprimer le domaine progeas.fr mais a mis en place un pointage vers le domaine stegeas.fr, ce qui ne peut résulter d’une erreur provenant du prestataire informatique

— que la société STEGEAS ne démontre pas sa bonne foi et ne justifie pas que le défaut de modification sur son site Internet résulte d’une faute du prestataire informatique

— qu’il n’est démontré aucun manquement réel de la société Y SYS à ses obligations contractuelles puisqu’il n’est produit aucun cahier des charges et que le devis ne prévoit qu’une maintenance d’une heure pour un coût modique (en sorte qu’il n’est intervenu que comme simple exécutant et non pas comme concepteur)

— que la société STEGEAS ne peut sérieusement soutenir n’avoir pas eu connaissance de l’existence du pointage entre le site progeas vers le site stegeas

— qu’il y a un risque de connivence entre les deux sociétés qui ont des intérêts communs et que la lettre adressée par l’assuré le 22 janvier 2014 est un courrier de complaisance

— que dès lors c’est à bon droit que l’assureur a notifié son refus de garantie le 29 mai 2013

À titre subsidiaire, la compagnie d’assurances soutient que la faute commise par Y SYS n’est pas à elle seule à l’origine du dommage puisque la société appelante est de mauvaise foi.

À titre très subsidiaire, elle invoque les exclusions de garantie prévues au contrat pour retard dans l’exécution des missions, ou pour inexécution totale des missions confiées.

Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’annulation du jugement :

La société sollicite l’annulation du jugement du 8 décembre 2015,sur le fondement des articles 4 et 16 du code de procédure civile, aux motifs que les premiers juges ont fondé leur décision sur un moyen soulevé d’office qui n’a pas été contradictoirement débattu.

Le tribunal de commerce devant lequel la société appelante a soutenu que la société Y- SYS avait mal réalisé ses prestations ou en tout état de cause de façon incomplète, s’est prononcé notamment en application l’article 1146 du Code civil et non pas sur le seul fondement de l’article 1147 qui était visé par l’assignation en justice.

Pour autant,il n’y a eu aucune violation du principe du contradictoire dès lors qu’il n’y a pas eu modification du fondement juridique de la demande tendant à voir constater l’inexécution d’une prestation contractuelle et à obtenir réparation du préjudice subi, le tribunal pouvant toujours restituer aux faits qui lui sont soumis leur exacte qualification.

Par ailleurs s’il fait une application erronée de la règle de droit, le seul recours ouvert aux parties est la voie de l’appel et non pas l’annulation du jugement.

Dès lors c’est en vain qu’il est prétendu qu’il a été porté atteinte au principe du contradictoire et il y a lieu de débouter la société STEGEAS de son exception de nullité.

Sur les prestations commandées à la société Y-SYS :

Selon le devis du 20 octobre 2008 fourni aux débats, la société STEGEAS a confié à la société Y-SYS le soin de réaliser une maintenance de son site internet comportant :

— la transformation du domaine PROGEAS en domaine STEGEAS

— la suppression des termes PROGEAS

— la création du domaine STEGEAS

— la suppression du domaine PROGEAS.

Or il a été constaté par Me BIRAN, huissier de justice, le 29 juin 2010 que lorsqu’on tape l’adresse du site www. progeas.fr, ce dernier se transforme automatiquement en www.stegeas.fr et que l’on arrive sur la page d’accueil de STEGEAS Cabinet de courtage.

À la suite de ce constat, la société Y-SYS est intervenue à nouveau pour procéder à l’arrêt du pointage (ou redirection ) en septembre 2010.

La redirection d’un nom de domaine permet de rediriger celui-ci vers une nouvelle cible, généralement un autre nom de domaine, le cas le plus courant étant celui lié au changement de nom d’un site Internet.

Dans ce cas, la redirection permet de guider automatiquement les visiteurs accédant à l’ancien nom de domaine vers le nouveau, en limitant les risques de perte de contacts car le changement de nom de

domaine a une incidence sur son référencement.

Dès lors que la société STEGEAS a été condamnée pour concurrence déloyale et qu’il lui a été fait interdiction d’utiliser le nom de domaine progeas.fr, elle ne pouvait rediriger les visiteurs du nom de domaine litigieux vers son nouveau site, au risque de se voir reprocher un manquement à ses obligations et de nouveaux actes de concurrence déloyale.

La redirection implique une manipulation sur le site de la société propriétaire du nom de domaine mais ne nécessite pas toujours l’intervention d’un professionnel et peut être effectuée par toute personne qualifiée en suivant les instructions disponibles sur Internet.

Il ne suffit pas de supprimer le nom de domaine PROGEAS sur le site de la société STEGEAS pour supprimer la redirection qui a été révélée par le constat de Me BIRAN le 29 juin 2010.

Dès lors que société appelante n’explique pas dans quelles conditions la redirection a été mise en place et ne justifie pas avoir expressément donné mission à sa société prestataire de services de supprimer tout pointage lequel ne peut résulter du seul changement du nom de domaine, elle est défaillante dans la preuve qui lui incombe que son cocontractant a mal réalisé sa prestation, peu important à cet égard la reconnaissance de ses erreurs effectuée par la société Y-SYS dès lors que rien n’établit qu’elle ait été informée de la condamnation de la société donneur d’ordre pour avoir utilisé un nom d’un domaine prohibé.

En conséquence, il y a lieu de débouter la société STEGEAS de son action dirigée tant à l’encontre de la société prestataire de services que de l’assureur de cette dernière.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision des premiers juges en lui substituant les présents motifs.

Sur les autres demandes :

La société STEGEAS succombant dans ses prétentions ne peut se voir allouer ni dommages et intérêts ni indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sera donc déboutée de ces demandes.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ALBINGIA partie des frais irrépétibles par elle exposés pour assurer sa représentation en justice.

Il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges de ce chef et de lui allouer la somme supplémentaire de 2000 € pour les frais exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement du 8 décembre 2015 en ce qu’il a débouté la société STEGEAS de l’intégralité de ses demandes dirigées tant contre la société Y-SYS que de son assureur la compagnie ALBINGIA et alloué à cette dernière la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société STEGEAS de l’ensemble de ses demandes et prétentions contraires,

Dit n’y avoir lieu à allocation de dommages et intérêts ni à indemnité sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile à son profit,

Condamne la société STEGEAS à payer à la société ALBINGIA la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

La condamne aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de Me Raffin et associés sur son affirmation de droit.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

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