Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 25 septembre 2019, n° 18/00325

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 2e ch., 25 sept. 2019, n° 18/00325
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 18/00325
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulouse, 6 décembre 2017, N° 2016J00652
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

25/09/2019

ARRÊT N°366

N° RG 18/00325 – N° Portalis DBVI-V-B7C-MCCS

FP/CO

Décision déférée du 07 Décembre 2017 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2016J00652

M. SERNY

SARL AGENCE Y

C/

Société CANIMEXCO S.L.société de droit Espagnol

confirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e chambre

***

ARRÊT DU VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANTE

SARL AGENCE Y

Prise en la personne de son représentant légal

[…]

31290 VILLEFRANCHE-DE-LAURAGAIS

Représentée par Me Franck MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de Me Anne-Marie BADTS DE CUGNAC, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Société CANIMEXCO

Intxaurrondo N°66

[…]

Représentée par Me A B, avocat au barreau de TOULOUS assistée de Me Stéphane RUFF de la SCP RSGN AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Juin 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. PENAVAYRE,président, S.TRUCHE, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

F. PENAVAYRE, président

S. TRUCHE, conseiller

M. SONNEVILLE, conseiller

Greffier, lors des débats : C. OULIE

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par F. PENAVAYRE, président, et par C. OULIÉ, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL AGENCE Y représente, auprès de la grande distribution et principalement de la centrale d’achat SOCAMIL du groupe LECLERC, les sociétés EXCLUSIVAS BAI et CANIMEXCO, sociétés de droit espagnol qui vendent des produits alimentaires en conserve.

Le 2 décembre 2013 , la société EXCLUSIVAS BAI et la SARL AGENCE Y ont signé un contrat d’agent commercial qui a été repris par la société CANIMEXCO fin 2014, cette dernière société devant s’occuper exclusivement de la distribution des produits sur le marché français.

Le mandat porte sur la vente des produits suivants : asperges, poivrons, légumes, tomates, végétaux, olives, conserves de poissons, confiseries, fruits secs.

Par courriel du 9 mars 2015, la centrale d’achat SOCAMIL a informé les sociétés CANIMEXCO et l’AGENCE Y qu’elle suspendait les commandes de produits susceptibles de contenir du bisphénol A à la suite à la publication de la loi du 24 décembre 2012 qui étend l’interdiction de cette substance à tous les contenants alimentaires à partir du 1er janvier 2015.

Le 17 mars 2015, la société CANIMEXCO a informé la centrale d’achat SOCAMIL qu’elle était dans l’obligation de mettre fin à leur collaboration commerciale.

La SARL AGENCE Y ayant ainsi perdu son principal client a demandé la réparation de son préjudice par lettre recommandée du 17 janvier 2016.

Par acte d’huissier du 18 mai 2016, la SARL AGENCE Y et Madame Z Y ép X ont assigné les sociétés EXCLUSIVAS BAI et CANIMEXCO devant le tribunal de Commerce de Toulouse.

Seule la société CANIMEXCO a comparu.

Par jugement réputé contradictoire du 7 décembre 2017, le tribunal de commerce de Toulouse a :

— débouté la SARL AGENCE Y de sa demande en paiement de la somme de 33 074,04 euros au titre de l’indemnité de fin de contrat

— débouté la SARL AGENCE Y de sa demande en paiement de la somme de 2835,17 euros au titre des commissions non versées sur les ventes d’huile

— débouté la SARL AGENCE Y de sa demande d’indemnité de préavis et en paiement de différentes sommes à titre d’indemnité de frais de fonctionnement

— débouté Madame Y ép X de sa demande de condamnation de la société CANIMEXCO à lui payer la somme de 15 000 € au titre du préjudice personnel subi

— condamné la SARL AGENCE Y et Madame Y ép X in solidum à payer à la société CANIMEXCO la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— mis les dépens de l’instance à leur charge in solidum.

La SARL AGENCE Y a interjeté appel de cette décision le 24 janvier 2018.

Par ordonnance du 5 avril 2018, le magistrat chargé de la mise en état a donné acte à la société appelante de son désistement d’instance vis-à-vis de la société EXCLUSIVAS BAI.

Par conclusions notifiées le 25 avril 2018, la SARL AGENCE Y demande à la cour sur le fondement des articles L 134-1 et suivants , R 134-1 et suivants du code de commerce, de la loi du 25 janvier 1991 et la directive européenne du 18 décembre 1988 :

— de réformer le jugement du tribunal de commerce du 7 décembre 2017

— de constater que le contrat d’agence commerciale signé par la société EXCLUSIVAS BAI a été transféré à la société CANIMEXCO à compter du 1er janvier 2015 , ce qui n’est pas contesté

— de constater que la société CANIMEXCO a rompu unilatéralement et brutalement le contrat qui la liait à l’AGENCE Y

— de constater que la SARL AGENCE Y a demandé l’indemnisation de la rupture du contrat dans le délai de un an,

En conséquence :

— de condamner la société CANIMEXCO SL à payer à la SARL AGENCE Y les sommes suivantes :

*33 074,04 euros à titre d’indemnité de rupture de contrat correspondant à deux années de commissions brutes outre les intérêts au taux légal à compter de la date de rupture du 17 mars 2015

* la somme de 4134,26 euros correspondant à trois mois de commissions au titre du non-respect du préavis prévu par l’article L 134-11 alinéa 2 et 3 du code de commerce, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2015

*5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— de condamner la société CANIMEXCO à supporter les dépens avec distraction au profit de la SCP MALET

— de débouter la société CANIMEXCO de sa demande d’indemnisation et de compensation comme injuste et infondée.

La société SL CANIMEXCO a notifié ses conclusions récapitulatives le 26 avril 2019.

Elle demande à la cour ,sur le fondement des articles L 134-1 et suivants du code de commerce:

— de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société AGENCE Y de sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture du contrat et de l’indemnité de préavis

— de prendre acte que la SARL AGENCE Y a renoncé aux demandes complémentaires qu’elle avait formées en première instance

— de confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des commissions sur l’huile, ainsi qu’au paiement des frais de fonctionnement,

— de confirmer le jugement en ce qu’il a condamnée in solidum avec Madame Z Y, au paiement d’une somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et mis les entiers dépens de l’instance à sa charge

À titre subsidiaire, si la cour devait écarter l’existence d’un cas de force majeure, elle demande :

— de réduire le montant de l’indemnité compensatrice à une somme symbolique par référence à l’effondrement des ventes découlant de l’interdiction du bisphénol A et de la faute commise par la SARL AGENCE Y qui n’a pas alerté son mandant sur l’existence de cette nouvelle réglementation

— de réduire le montant du préavis à une somme symbolique

— de condamner la SARL AGENCE Y à réparer les conséquences préjudiciables de ses manquements contractuels

— de constater l’extinction de la créance de la SARL AGENCE Y par compensation,

En tout état de cause, de condamner la SARL AGENCE Y à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre les entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de Me A B en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à la 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat d’agence commerciale :

Conformément à l’article L 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Cette réparation n’est pas due :

— lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial

— lorsque la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent , à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.

En cause d’appel, la société AGENCE Y fait valoir que l’indemnité de fin de contrat est le principe et que les exceptions ont un caractère limitatif en sorte qu’il n’existe aucune cause susceptible de faire échapper le mandant à son obligation d’indemnisation, quand bien même elle revêtirait les caractères de la force majeure.

La société CANIMEXO SL soutient pour sa part qu’elle doit être exonérée du paiement des indemnités prévues par les articles L 134'11 et 12 du Code de commerce, nonobstant le caractère impératif de ces textes, dès lors qu’elle a été confrontée à un événement présentant toutes les caractéristiques de la force majeure, à savoir la mise en application d’une nouvelle réglementation lui faisant interdiction de commercialiser des produits contenant du Bisphénol A dans tous les contenants alimentaires à compter du 1er janvier 2015 .

L’indemnité de cessation de contrat est due à l’agent commercial lorsqu’il rapporte la preuve que la cessation du contrat , quelle que soit la partie qui en a pris l’initiative, résulte de faits imputables au mandat.

Par contre, lorsque le mandant a été contraint, par des circonstances indépendantes de sa volonté ou d’événements imprévisibles lors de la conclusion du contrat, de cesser de vendre certains produits dont la commercialisation était assurée par l’agent commercial et de réorganiser son réseau, ces événements constituent une cause légitime de rupture du contrat.

Selon les informations fournies aux débats, la société CANIMEXO SL, société de négoce de droit espagnol a été spécifiquement créée fin 2013 pour la distribution de produits alimentaires en conserve sur le marché français.

Elle a été informée de l’existence d’une nouvelle réglementation par un courrier émanant de la SOCAMIL en date du 18 février 2015 lui demandant de préciser si les produits qu’elle commercialise sont concernés par l’interdiction du bisphénol A à tous les contenants alimentaires applicable à compter du 1er janvier 2015.

En réponse elle a expliqué que l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) n’a pas à ce jour statué sur cette interdiction, mais a réduit les taux autorisés et précisé que la France applique ce décret par principe de précaution.La législation espagnole n’interdisant pas l’utilisation du bisphénol A mais le limitant dans la mesure des préconisations de l’EFSA, elle a reconnu qu’ il était possible d’en trouver dans certains contenants à un taux infinitésimal et non nocif pour le consommateur.

Par courrier du 9 mars 2015, la société SOCAMIL a répondu qu’elle ne pouvait commercialiser des produits ne répondant pas aux exigences de la législation française et qu’elle suspendait les commandes sur tous les produits permanents faisant l’objet d’un référencement et susceptibles de contenir du bisphénol A (à l’exception de huile d’olive).

Après avoir consulté ses fournisseurs , la société CANIMEXO SL a décidé de cesser toute collaboration avec la centrale d’achat des établissements LECLERC.

En réponse à leur proposition de continuer à commander les produits de la gamme permanente non concernée par le bisphénol A et lui proposant de reprendre les commandes si ses fournisseurs entamaient des démarches pour la mise en conformité de leurs emballages, elle a répondu, « qu’elle ne pouvait pas continuer à livrer pour les références maintenues car les coûts de livraison ne permettaient pas de conserver une rentabilité acceptable pour un tel volume de commandes ».

Elle a donc cessé d’approvisionner ses clients français et partant, de recourir aux services de ses agents commerciaux exclusivement dédiés au territoire national , la SARL AGENCE Marc PEYRAS qui travaillait en région bordelaise ayant pour sa part renoncé à toute indemnisation selon l’attestation produite aux débats.

Alors que la société CANIMEXO était référencée pour toute une gamme de produits, il n’est pas contesté que seuls quelques produits résiduels échappaient à l’interdiction, ce qui a compromis la rentabilité des livraisons et l’a contrainte à réorganiser son réseau, le marché espagnol n’étant pas préparé à cette nouvelle réglementation .

Elle justifie d’avoir du renvoyer de nombreuses marchandises à ses fournisseurs à la suite de la fermeture du marché français.

Il ne peut lui être fait le reproche d’avoir ignoré une réglementation qui n’est pas prescrite par l’Autorité Européenne mais spécifique à la France et que la SARL AGENCE Y qui opère sur le marché national, semble avoir également ignorée car à défaut, elle aurait du en aviser son mandant pour lui permettre de s’y préparer.

En tout état de cause ,elle justifie de n’en avoir été informée que par le courrier qui lui a été adressé par la SOCAMIL en février 2015.

La société CANIMEXO SL qui justifie de l’impossibilité de poursuivre le contrat d’agence commerciale à la suite de l’interdiction des emballages contenant Bisphénol A, est en droit d’opposer un cas de force majeure à son cocontractant, le contrat ne pouvant plus s’exécuter et ce, sans faute de sa part.

Dès lors la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

Sur l’indemnité de préavis :

Aux termes de l’article L 134-11 du code de commerce lorsque le contrat d’agence est à durée indéterminée chaque partie peut y mettre fin moyennant un préavis.

La durée du préavis est d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée et de trois mois, pour la troisième année commencée et les années suivantes.

Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d’une faute grave de l’une des parties ou de la survenance d’un cas de force majeure.

Le mandant n’a pas formalisé la rupture du contrat avec son agent commercial à la suite de la

cessation de son partenariat commercial avec la société SOCAMIL du mois de mars 2015.

Néanmoins elle justifie d’un cas de force majeure comme explicité plus haut.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision du tribunal de commerce qui a rejeté les prétentions de la SARL AGENCE Y de ce chef.

Sur les autres demandes :

Compte tenu des circonstances, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés pour assurer leur représentation en cause d’appel.

Par contre il y a lieu de confirmer l’indemnité allouée à la société CANIMEXO SL en première instance.

La partie qui succombe doit supporter les frais de l’instance .

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré

Confirme le jugement du tribunal de Commerce de Toulouse en date du 7 décembre 2017 en toutes ses dispositions,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes et de leurs prétentions contraires,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne la SARL AGENCE Y aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de Me B sur son affirmation de droit.

Le greffier Le président

.

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