Infirmation 28 mai 2020
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Sur la décision
| Référence : | CA Toulouse, 3e ch., 28 mai 2020, n° 18/03887 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Toulouse |
| Numéro(s) : | 18/03887 |
| Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Montauban, 2 juillet 2018, N° 17/00121 |
| Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
| Président : | C. BENEIX-BACHER, président |
|---|---|
| Avocat(s) : | |
| Cabinet(s) : | |
| Parties : | Association IARDT PRUDENCE CREOLE c/ Association CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE TARN ET GAR ONNE, SA IARDT PRUDENCE CREOLE, Association CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE, Organisme CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE, Association AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR |
Texte intégral
28/05/2020
ARRÊT N°156/2020
N° RG 18/03887 – N° Portalis DBVI-V-B7C-MQDX
(19/01742 joint N° Portalis DBVI-V-B7C-MQDX)
CBB/MB
Décision déférée du 03 Juillet 2018 – Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN – 17/00121
C X
Association G H I
C/
D Y
Organisme CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE
Organisme CPAM DE TARN ET GARONNE
Organisme L AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT(anciennement L’AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR)
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3e chambre
***
ARRÊT DU VINGT-HUIT MAI DEUX MILLE VINGT
***
Procédure RG n° 18/03887 :
APPELANT
Association G H I
[…]
[…]
Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Cécile GERBAUD-COUTURE, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMES
Monsieur D Y
[…]
[…]
Représenté par Me Laurent MASCARAS de l’ASSOCIATION D’AVOCATS MASCARAS CERESIANI – LES AVOCATS ASSOC IES, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame C X : caducité à l’égard de Mme C X par ordonnance du CME n° 110/2019 du 27 juin 2019
[…]
[…]
Non assignée, sans avocat constitué
CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE
[…]
[…]
Non assigné, sans avocat constitué
AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR devenu AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
assigné le 15/11/2018 à personne morale
[…]
[…]
Sans avocat constitué
CPAM DE TARN ET GARONNE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
assigné le 16/11/2018 à personne morale
[…]
[…]
Non assignée, sans avocat constitué
Procédure RG n° 19/01742 :
APPELANT
Madame C X
Ambassade de France DACS/Mme X SP 400 56 00 200
[…]
Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Jean CAMBRIEL de la SCP CAMBRIEL – DE MALAFOSSE – STREMOOUHOFF – GERBAUD COUTURE-ZOU ANIA, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMES
Monsieur D Y
[…]
[…]
Représenté par Me Laurent MASCARAS de l’ASSOCIATION D’AVOCATS MASCARAS CERESIANI – LES AVOCATS ASSOC IES, avocat au barreau de TOULOUSE
SA G H I prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[…]
[…]
Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Jean CAMBRIEL de la SCP CAMBRIEL – DE MALAFOSSE – STREMOOUHOFF – GERBAUD COUTURE-ZOU ANIA, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE
CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège : désistement partiel de l’appelant constaté par ordonnance du CME N° 103/2019 du 21/06/2019
[…]
[…]
Sans avocat constitué
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE TARN ET GARONNE
assignée le 17/06/2019 à personne morale
[…]
[…]
Sans avocat constitué
L’AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR devenu L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT : désistement partiel de l’appelant constaté par ordonnance du CME N° 103/2019 du 21/06/2019
[…]
[…]
Sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 26 Février 2020 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. N-O, président
A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller
V. BLANQUE-JEAN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
— DEFAUT
— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
— signé par C. N-O, président, et par , greffier de chambre.
FAITS
M. Y, militaire, a été victime d’un accident de la circulation survenu à Djibouti le 30 avril 1997. Par jugement du tribunal de grande instance de Montauban du 6 mai 2003, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 25 janvier 2005, Mme X en a été déclarée responsable et elle a été condamnée à l’indemniser avec son assureur la Cie H I.
Invoquant une aggravation de ses blessures, les 6, 9 et 17 janvier 2017, M. Y a fait assigner Mme X, la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale, la CPAM du Tarn et Garonne, l’agent judiciaire du Trésor et la Cie H I devant le tribunal de grande instance de Montauban en indemnisation de ses préjudices au résultat d’une expertise judiciaire du Dr A du 12 décembre 2016, ordonnée préalablement par le juge des référés le 23 juin 2016.
Par ordonnance en date du 7 avril 2017, le juge de la mise en état a accordé une provision de 10 000€ à M. Y à la charge de l’assureur H I.
Par jugement du 3 juillet 2018, le tribunal a':
— Dit que l’action formée par D Y est recevable ;
— Fixé à la somme de 37 196,08 euros le préjudice patrimonial de D Y soit 4000 euros au titre des frais d’assistance tierce personne et 2868,60 euros au titre de frais de véhicule aménagé, 18 327,48 euros au titre des pertes de gains professionnels et 12 000 euros au titre de l’incidence professionnelle ;
— Condamné en conséquence C F épouse X et la SA G H I in solidum à payer à D Y la somme de 37 196,08euros en réparation de son préjudice patrimonial;
— Fixé à la somme de 21 445,25 euros le préjudice extra-patrimonial de D Y, soit 3 495,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, 7000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 1000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
— Condamné en conséquence C F épouse X et la SA IARDTPrudence I in solidum à payer a D Y la somme de 21 445,25 euros en réparation de son préjudice extra-patrimonial, dont sera déduite la somme de 3 000 euros versée à titre de provision en application de l’ordonnance du 23 juin 2016,
— Débouté D Y de ses demandes d’indemnisation du préjudice d’agrément et du préjudice sexuel ;
— Déclaré le présent jugement opposable à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Tarn et Garonne, à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et à l’Agent judiciaire de l’Etat ;
— Condamné in solidum C F épouse X et la compagnie H I à payer à D Y la somme de 4 000 euros au titre de Particle 700,l° du code de procédure civile ;
— Condamné in solidum C F épouse X et la compagnie H I aux dépens, comprenant ceux de la procédure de référé, les frais d’expertise et de la présente procédure en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
— Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration en date du 10 septembre 2019, la Cie H I a relevé appel de cette décision en en critiquant toutes les dispositions. L’affaire a été inscrite au rôle de la cour sous le n° 18-3887.
Un conseiller de la mise en état a été désigné par ordonnance du 25 septembre 2018.
Suivant avis préalable du 4 décembre 2018, les parties ont été invitées à s’expliquer sur la caducité de la déclaration d’appel par application de l’article 902 al3 du code de procédure civile considérant l’absence de signification de la déclaration d’appel à Mme X et à la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale dans le mois de l’avis d’avoir à signifier du 3 octobre 2018 expirant le 5 novembre 2018. Et par avis du 18 décembre 2018, les parties ont été invitées à s’expliquer sur la caducité erga omnes considérant l’indivisibilité du litige.
Par ordonnance en date du 27 juin 2019, le président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée a':
— Constaté l’absence d’indivisibilité du litige entre l’Association H I et Mme X, de même qu’entre l’ Association H I et la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale,
— Déclaré caduque la déclaration d’appel de l’Association H I formée à l’encontre de Mme. X,
— Dit que l’instance se poursuit entre l’Association H I, M. Y et la caisse primaire d’assurance-maladie du Tarn et Garonne,
— Enjoint à l’appelante de préciser sa forme juridique exacte (Association ou Société Anonyme) en produisant tout justificatif utile,
— Renvoyé l’examen de l’affaire devant la formation collégiale de la cour,
— Réservé les dépens avec l’instance au fond.
Parallèlement, par déclaration en date du 12 avril 2019, Mme X a relevé appel du jugement du 3 juillet 2018. L’affaire a été inscrite au rôle de la cour sous le n° 19-1742. L’ensemble des dispositions sont critiquées.
Un conseiller de la mise en état a été désigné par ordonnance du 19 avril 2019.
Sur la jonction des instances
L’appel de la SA G du 10 septembre 2018 à l’encontre du jugement enregistré au greffe de la cour sous le n° RG 18-3887 a été déclaré caduc à l’égard de Mme X par ordonnance du 27 juin 2019.
Mais par déclaration du’ 12 avril 2019, Mme X a relevé appel de cette même décision inscrite au greffe de la cour sous le n° RG 19-1742, dont la recevabilité n’est pas contestée, en intimant toutes les parties.
Il est de l’intérêt d’une bonne administration de la Justice que les deux instances soient jugées ensemble en raison de leur lien de connexité.
Moyens et prétentions des parties
La société G H I et Mme X, dans leurs dernières écritures en date du 5 février 2020, demandent à la cour au visa de la loi du 5 juillet 1984, des articles 2044 et suivants du code civil, de l’article 9 du code de procédure civile et de l’article 1353 nouveau du code civil, de réformer la décision et de':
— Dire que le tribunal de grande instance de Montauban n’a pas procédé aux recherches des us et coutumes relatifs à l’indemnisation de l’aggravation et à l’application des prescriptions en matière d’accidents de la circulation sur le territoire de Djibouti, sous l’empire du droit applicable à la date de l’accident.
Vu les dispositions de l’article 1382 du Code civil en sa version applicable à Djibouti à la date de l’accident de la circulation, Vu la délibération de l’Assemblée Générale de la Cour Suprême de Djibouti du 19 avril 1984 ayant fixé les dommages et intérêts en réparation des accidents de la circulation,
A titre principal,
— dire qu’il n’est pas établi que la loi Djiboutienne applicable prenait en considération l’indemnisation de l’aggravation,
— juger que l’indemnisation de M. Y pour l’ensemble des conséquences de l’accident avait été définitivement jugée par l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 25 janvier 2005 et se heurte à l’autorité de la chose jugée,
— dire, en tout état de cause, que la demande est prescrite,
— débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
— s’entendre condamner M. Y à restituer l’indemnisation allouée par la juridiction de premier degré à hauteur de 64.710,74 €,
— s’entendre condamner M. Y à régler à la compagnie G H I une indemnité de 6.000 € sur le fondement de l’article 700, 1° du Code de procédure civile.
Subsidiairement,
— juger, faute d’éléments contraires sur les us et coutumes, que la jurisprudence limitait l’indemnisation des préjudices en matière d’accidents de la circulation aux postes relatifs aux souffrances endurées fixées par la délibération de l’Assemblée Générale du 19 avril 1984,
— en conséquence, réformer intégralement la décision rendue concernant les indemnités allouées à M. Y en réparation de son préjudice patrimonial et extra patrimonial,
— juger que l’indemnisation allouée à M. Y au titre aux souffrances endurées, liées exclusivement à l’aggravation, évaluées à 3,5/7, ne peut excéder une somme de 1.367,42€ considérant les barèmes applicables sur le territoire de Djibouti sur la base du franc Djiboutien converti en euros.
Si la cour devait considérer que la rente viagère prévue à la délibération de l’Assemblée Générale de la cour suprême de Djibouti du 19 avril 1984 s’applique à la victime et non exclusivement au profit des tiers,
— juger que la rente ne peut correspondre qu’à l’indemnisation d’un déficit permanent et ou d’un préjudice professionnel,
— la fixer à 1FR représentant pour M. Y, victime d’un accident de la circulation à 32 ans, une indemnité de 17.100 francs Djiboutien suivant le barème applicable,
— dire que cette rente ne vise pas une aggravation mais les conséquences globales de l’accident,
— juger que l’indemnisation y afférent a largement été liquidée du fait des indemnisations perçues en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 25 janvier 2005,
— le débouter de toute demande complémentaire,
— infiniment subsidiairement, si la cour devait considérer, après avoir recueilli les éléments utiles concernant les us et coutumes et la jurisprudence applicable avant 1999 aux indemnisations, que celles-ci pouvaient excéder les postes de préjudices prévus par la délibération de l’assemblée générale de la cour suprême de Djibouti du 19 avril 1984,
— juger que seuls peuvent faire l’objet d’une indemnisation les postes prévus aux articles 177 et 178 des décrets d’application de la loi Djiboutienne de 1999 n°200-0203 et 200-0204 soit :
— les frais sur présentation des pièces justificatives sans pouvoir excéder 2 fois le tarif des hôpitaux publics,
— les frais futurs raisonnables sur évaluation forfaitaire,
— la durée de l’incapacité temporaire fixée par expertise médicale (pour les personnes salariées sur le revenu net perçu au cours des 6 derniers mois précédents l’accident,
— l’incapacité permanente,
— l’assistance d’une tierce personne,
— la souffrance endurée,
— le préjudice esthétique,
— le préjudice de carrière,
— allouer en conséquence à M. Y :
' en réparation de ses préjudices patrimoniaux:
*au titre du préjudice de carrière une indemnité de 5.873,61 €,
*débouter M. Y de sa demande liée à l’assistance d’une tierce personne, celle-ci n’étant prévue que pour un taux d’incapacité permanent au moins égal à 80%,
*débouter M. Y de toutes ses autres demandes non indemnisables,
' en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux :
* au titre du préjudice fonctionnel une somme de 234,95€.
*dire en tout état de cause que la créance de la CPAM s’imputera sur le préjudice professionnel et le déficit fonctionnel permanent a dû concurrence,
*débouter M. Y de sa demande de prise en charge du déficit fonctionnel temporaire non prévue par la loi Djiboutienne,
* au titre des souffrances endurées: 1.410 €,
* au titre du préjudice esthétique une somme de 195,79€,
*débouter purement et simplement M. Y de ses demandes de réparation du préjudice d’agrément et du préjudice sexuel non prévus par la loi Djiboutienne et par ailleurs parfaitement injustifiés.
Très infiniment subsidiairement,
— débouter M. Y de sa demande au titre de la perte des gains professionnels futurs.
En tout état de cause, et sous réserve du recours des organismes sociaux sur les postes soumis,
— s’entendre condamner M. Y à restituer après compensation le trop perçu en exécution du jugement de première instance assorti de l’exécution provisoire au regard des indemnités qui lui
seront allouées,
— réduire à plus juste mesure l’indemnité sollicitée par M. Y au titre de ses frais irrépétibles,
— en tout état de cause, débouter purement et simplement M. Y de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions y compris formulées au titre de son appel incident en ses dispositions contraires aux présentes écritures,
— condamner M. Y à régler à la compagnie G H I et à Mme X une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 et 10 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de 1re instance et d’appel.
Elles soutiennent':
— l’irrecevabilité des conclusions de M. Y du 2 septembre pour ne pas avoir été notifiées dans le délai de 3 mois de ses conclusions du 31 mai,
— la loi applicable est la loi Djiboutienne antérieure à 1999 date de la loi sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation puisque l’accident de M. Y est antérieur à la mise en oeuvre de cette loi';
— faute de loi spécifique à l’indemnisation des accidents de la route c’est donc l’article 1382 du code civil français qui s’applique en fonction du barème élaboré en 1984 par la Cour Suprême Djiboutienne,
— la loi française de 1985 n’est donc pas applicable':
— l’application de la Loi de Djibouti a pour conséquence que :
*l’affaire est prescrite vu la date de l’accident 1997 et la prescription décennale de l’article 1382 du code civil,
*le droit français sur l’autorité de chose jugée de l’arrêt de 2005 ou la prescription n’a pas vocation à s’appliquer au nom du principe de subsidiarité, puisque le Droit étranger demeure inconnu sur ces points en l’absence de recherches du juge de Montauban,
*la loi djiboutienne étant applicable, le barème d’indemnisation l’est également de sorte que seul le poste Souffrances endurées est indemnisable, avec possibilité d’adaptation en fonction du cas d’espèce';
*la monnaie choisie doit être la monnaie locale et les indemnités sont allouées en pourcentage du SMIC local,
*subsidiairement il conviendrait de faire application des dispositions de la Loi de 1999' qui indemnise le préjudice professionnel, le DFP, le PE et le PA ,
— mais dès lors que M. Y ne fait aucune recherche d’emploi depuis son licenciement la perte de gains professionnels futurs devrait être pondérée';
— les demandes sur appel incident seront rejetées faute de pièces justificatives';
M. Y, dans ses dernières conclusions en date du 27 janvier 2020, demande à la cour, de :
A titre principal,
— réformer le jugement dont appel en tant qu’il a retenu l’application du droit international privé, de la convention de la Haye et de la loi djiboutienne,
— dire que le droit français s’applique et en particulier la loi Badinter de 1985 et l’article 2226 du code civil actuellement en vigueur,
A titre subsidiaire : dans le cas où le jugement dont appel serait confirmé sur l’application du droit international privé, de la convention de la Haye et de la loi djiboutienne,
— dire que l’action n’est pas touchée par la prescription trentenaire,
— dire que l’action est recevable comme tendant à l’indemnisation de préjudices nouveaux,
— dire que les niveaux d’indemnisation doivent être évalués par le juge au regard des usages, jurisprudences et niveaux de vie français, en particulier le référentiel Mornet 2018, en l’absence de barèmes djiboutiens à valeur normative.
En tout état de cause, de :
— débouter la SA G Pudence I de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens,
— condamner la SA G H I à payer à M. Y les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts, outre le recours des tiers payeurs selon leur décompte :
— au titre du déficit fonctionnel temporaire 3 495, 25 €
— au titre du déficit fonctionnel permanent 13 880 €
— au titre de l’assistance d’une tierce personne deux heures par semaine jusqu’à la
consolidation 4 800 €
— au titre des frais de véhicules adaptés 2 868,60 €
— au titre de la perte de gains professionnels futurs 261 410,74€
— au titre de l’incidence professionnelle 30 000 €
— au titre des souffrances endurées 10 000 €
— au titre du préjudice esthétique 1500 €
— au titre du préjudice d’agrément (chasse) 3 000 €
— au titre du préjudice sexuel 2 500 €
— condamner la SA G H I à verser à Monsieur Y la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile de première instance outre la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile d’appel,
— condamner la SA G Pudence I aux entiers dépens de l’instance de référé, de l’expertise judiciaire, de première instance et d’appel.
Il soutient que':
— la loi applicable n’est pas la loi de Djibouti,
— la loi applicable est la loi française
*la demande d’indemnisation des préjudices en aggravation n’a pas été précédemment tranchée de sorte qu’il ne peut être opposé l’autorité de chose jugée (art 22 L 1985),
*la preuve de l’aggravation est rapportée par le rapport d’expertise,
*l’action n’est pas prescrite puisque le point de départ de l’action en aggravation est la date de consolidation de l’aggravation du dommage (2226 du code civil) et l’action en référé a interrompu la prescription (2241 du code civil),
— les demandes indemnitaires sont justifiées par le rapport d’expertise.
La caisse nationale militaire de la sécurité sociale, la caisse primaire d’assurance maladie de Tarn-et-Garonne et l’agent judiciaire de l’Etat n’ont pas constitué avocat.
Dans le dossier enregistré sous le n° RG 19-1742, Mme X s’est désistée de son action contre l’agent judiciaire de l’Etat et la caisse nationale militaire de la sécurité sociale. Il en a été pris acte par ordonnance du 21 juin 2019.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2020 dans les deux instances.
MOTIVATION
Sur la recevabilité des conclusions de M. Y du 2 septembre 2019 (RG n°19-1742)
Ce moyen qui n’a pas été soulevé devant le conseiller de la mise en état ni ne figure au dispositif des demandes des appelantes, sera rejeté en application de l’article 914 du code de procédure civile. Au demeurant, les conclusions de M. Y ont été signifiées le 2 septembre 2019 soit dans les 3 mois de la notification du 4 juin 2019 à son conseil constitué le même jour le 4 juin 2019, des conclusions de l’appelant déposées au greffe le 31 mai 2019.
Sur la Loi applicable
La G H I et Mme X soutiennent l’application de la loi de Djibouti antérieure à 1999, date de la loi sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation de ce pays, puisque l’accident de M. Y est antérieur à la mise en oeuvre de cette loi. Et faute de loi spécifique à l’indemnisation des accidents de la route, c’est donc l’article 1382 du code civil français qui s’applique en fonction du barème élaboré en 1984 par la Cour Suprême Djiboutienne, ainsi qu’il a été indiqué par l’ ambassadeur de France à Djibouti dans une note du 26 janvier 2018.
Elles soutiennent en effet que':
— il existe un lien d’extranéité’puisque le lieu du fait dommageable, c’est à dire l’accident, est Djibouti, le dommage invoqué ne constituant pas un nouveau préjudice à proprement parler mais une aggravation’des blessures initiales';
— la Convention de La Haye est applicable': en matière de responsabilité délictuelle internationale la règle de conflit de lois que la Cour de Cassation applique traditionnellement est la loi de l’état du lieu où le fait dommageable s’est produit soit en l’espèce Djibouti'; et il ne s’agit pas d’un délit complexe autorisant l’examen d’éléments relatifs aux liens les plus étroits avec le fait dommageable,
— il n’existe aucun accord procédural relatif à l’application de la loi française': lors du premier jugement la question de la loi applicable ne s’est pas posée ni n’a été débattue ni n’a été visée dans les décisions'; et c’est par simple erreur qu’elles n’ont pas invoqué le conflit de loi'; l’autorité de chose jugée ne s’attache qu’à la question de la responsabilité et au droit à indemnisation qui ne sont pas contestés mais pas à la loi applicable,
— la loi djiboutienne n’est pas contraire à l’ordre Public International puisqu’elle prévoit bien le droit à indemnisation des victimes d’accidents de la circulation,
— l’application du droit français n’est que subsidiaire c’est à dire qu’il ne s’applique que lorsque le juge ne parvient pas à prendre connaissance du droit positif étranger qui inclut la doctrine, la jurisprudence et les coutumes, après avoir fait toutes recherches utiles ; en l’espèce, antérieurement à la loi Djiboutienne de 1999, le droit applicable était l’article 1382 et les indemnisations fixées selon un barème établi par la Cour Suprême de Djibouti ; le régime applicable était donc parfaitement connu.
M. Y réplique que':
— il n’y a pas de conflit de lois (application par un juge français de la loi étrangère) en l’absence de lien d’extranéité avec le droit français'; s’agissant de l’aggravation des blessures qui est un nouveau dommage, le lieu du fait dommageable où le préjudice est subi, est la France'; le fait générateur n’est plus l’accident mais l’aggravation du dommage; le droit international privé n’étant pas applicable, il ne sera pas possible pour la juridiction d’appliquer une loi étrangère, sauf à enfreindre l’ordre juridique français,
— au surplus, la convention de La Haye de 1971 est inapplicable puisqu’elle concerne la question de la responsabilité civile extra contractuelle découlant d’un accident de la circulation'; or, cette question a déjà été tranchée par l’arrêt de 2005'; et en l’absence de convention internationale, en matière de responsabilité délictuelle internationale, la règle de conflit de loi applicable est la loi de l’Etat qui présente les liens les plus étroits avec le fait dommageable'; or en l’espèce, l’aggravation des dommages est née en France, toutes les parties sont françaises et y vivent, l’arrêt de 2005 a fait application de la loi française sans aucune opposition des parties, et M. Y travaillait en France'; ainsi le litige portant sur l’aggravation des préjudices présente des liens étroits avec la France et non pas avec Djibouti'; d’autant que la loi Djiboutienne n’évoque pas la réparation de l’aggravation des préjudices'; et au regard du montant alloué des indemnisations particulièrement faibles, l’application de la loi étrangère aurait pour conséquence une indemnisation disproportionnée au regard du préjudice subi';
— les parties ont substitué la loi française à la loi étrangère par accord tacite puisqu’elles n’ont pas soulevé l’application de la loi de Djibouti devant le tribunal de grande instance en 2003, devant la cour en 2005, devant le juge des référés en 2016 et devant le juge de la mise en état en 2017'; l’assureur H I a même offert une indemnisation sur la base du régime d’indemnisation français';
— l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse en date du 25 janvier 2005 a acquis l’autorité de la chose jugée’ sur la question de la loi applicable en application des articles 4 et 480 du code de procédure civile’en ce qu’il a tranché le litige portant sur la responsabilité en appliquant la loi française (identité des parties, responsabilité du fait de l’accident de 1997, demande en indemnisation sur la base de référentiels français),
— le droit français est d’application subsidiaire chaque fois que la loi étrangère n’est pas applicable ou qu’il est impossible de la connaître malgré les recherches que le juge doit accomplir préalablement'; en l’espèce, le juge a interrogé l’ambassade de France et il a reçu une réponse mais cette réponse est inexploitable car bien qu’il soit écrit que la règle applicable est celle de l’article 1382, le barème
d’indemnisation ne vise que les frais funéraires et le préjudice moral et ce, à titre indicatif'; ce n’est donc qu’une simple circulaire interne dont il n’est pas justifié qu’elle fasse partie de l’ordre juridique Djiboutien'; et vu les montants proposés, il n’apparaissent pas répondre au principe français de la réparation intégrale';
— et même si l’article 1382 était applicable et non la loi de 1985, l’action trentenaire à compter de l’accident de 1997 ne serait pas prescrite.
Ainsi, au regard des éléments du dossier, il apparaît que la question de la responsabilité de l’accident survenu à Djibouti a déjà été tranchée par le tribunal de grande instance de Montauban dans son jugement du 6 mai 2003, confirmé par arrêt de la cour d’appel du 25 janvier 2005, qui a déclaré Mme X responsable et l’a condamnée avec son assureur la Cie H I à indemniser M. Y.
Or, les juridictions ont tranché cette question en faisant application de la loi française du 5 juillet 1985, les parties n’ayant pas soulevé la question de l’application de la loi étrangère. Les appelantes ne peuvent ainsi valablement soutenir que l’absence de débat sur la loi applicable relevait d’une «'erreur'».
Et l’action en indemnisation de l’aggravation des blessures qui est une conséquence de l’accident de la route originel, doit donc suivre le même régime juridique que l’action initiale.
La convention de La Haye du 4 mai 1971 relative à la loi applicable à la responsabilité civile extra-contractuelle découlant d’un accident de la circulation routière n’est donc pas applicable puisque la question de la responsabilité a été tranchée. Le litige doit alors être jugé en application de la loi française du 5 juillet 1985.
Ainsi, le jugement sera réformé en ce qu’il a retenu «'la compétence de la loi djiboutienne'» et fait application aux demandes formées par M. Y des dispositions de l’article 1382 du code civil français et du barème d’indemnisation élaboré par la Cour Suprême de Djibouti conformément à la note de l’ambassade de France à Djibouti du 26 janvier 2018.
Sur la recevabilité de l’action en indemnisation de l’aggravation
L’action en indemnisation de l’aggravation d’un préjudice se distingue par son objet de l’action in indemnisation initiale de sorte qu’il ne peut être opposé l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt du 25 janvier 2005.
Et en vertu de l’article 22 de la loi du 5 juillet 1985, le point de départ de la prescription est le jour de la manifestation de l’aggravation des préjudices. Or, l’expert judiciaire le Dr A, dans son rapport du 10 décembre 2016, fixe cette date au jour de la consultation du Dr B le 20 janvier 2012 qui constate une «'dégradation arthrosique fémoro-patellaire et propose une prothèse'» alors que M. Y était âgé de 46 ans. L’action en indemnisation de l’aggravation initiée par assignations des 6, 9 et 17 janvier 2017 n’est donc pas prescrite.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur les demandes indemnitaires
Dans son rapport du 12 décembre 2016, l’expert relève que M. Y a souffert en suite de son accident de la route en 1997 d’une fracture comminutive de la rotule gauche, l’incapacité permanente partielle ayant été évaluée à 13'%.
En raison d’une dégradation arthrosique fémoro patellaire, le 20 février 2012 il lui a été posé une prothèse du genou. L’expert constate donc une dégradation progressive de son état': il est
actuellement très handicapé par un genou qui ne dépasse pas 70° de flexion et douloureux avec une importante amyothrophie du quadriceps responsable d’instabilité musculaire'; la marche se fait avec boiterie et l’aide d’une canne, les mouvements complexes sont impossibles à réaliser, le périmètre de marche est limité et le retentissement fonctionnel est important. L’état du genou est directement imputable à l’évolution arthrosique consécutive à l’accident de 1997.
Les conclusions de l’expert sont les suivantes':
* date de consolidation': 31 janvier 2014 ;
* déficit fonctionnel temporaire total du 20 février 2012 au 29 février 2012, et du 12 juin 2012 au 14 juin 2012 ;
* déficit fonctionnel temporaire partiel :
o De classe III du 1er mars 2012 au 11 juin 2012, et du 15 juin 2012 au 15 août2012 ;
o De classe II du 16 août 2012 au 22 août 2012 ;
o De classe I du 23 août 2012 au 30 janvier 2014.
* arrêt de travail justifié jusqu’à la date de consolidation avant la mise en invalidité ;
* déficit fonctionnel permanent à 20 % ;
* conséquences professionnelles : licenciement et mise en invalidité ;
* assistance d’une tierce personne': 2 heures par semaine jusqu’à la consolidation ;
* nécessité de conduire avec un véhicule équipé d’une boîte automatique ;
* souffrances endurées à 3.5/7 ;
* préjudice esthétique à 1/7 ;
* préjudice sexuel, il est allégué une gène positionnelle à la réalisation de l’acte.
Il résulte de ce rapport que M. Y justifie suffisamment de l’existence d’une aggravation des blessures imputables directement à l’accident de 1997.
Les conclusions de l’expert constituent une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime née le 1er juin 1965 au jour de la manifestation de l’aggravation le 20 janvier 2012 (47ans) et au jour de la consolidation des préjudices aggravés le 31 janvier 2014 (49ans), de son activité professionnelle (sans emploi après avoir été chauffeur de bus), de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 applicable quel que soit l’événement dommageable, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Par ailleurs, l’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue ; et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais 2018 au taux d’intérêt 0,5 % qui apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.
Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Assistance de tierce personne (4 800 € demandés)
La nécessité de la présence auprès de M. Y d’une tierce personne n’est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d’autonomie mais elle reste discutée dans son coût.
En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d’indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduite en cas d’aide familiale ni subordonnée à la production de justificatifs des dépenses effectuées.
L’expert précise, en effet, que M. Y a eu besoin d’une aide durant l’ensemble de la période depuis la fin de son hospitalisation le 29 février 2012 jusqu’à la consolidation du 31 janvier 2014 soit 23 mois ou 100 semaines ce qui représente la somme de 4800€ au taux horaire de 24€.
Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)
- Pertes de gains professionnels futurs : 261 410,74 euros demandés
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.
Elles sont déterminées à partir de la perte annuelle de référence incluant les salaires et les primes, depuis la date de consolidation au jour de la décision d’une part, et à partir de la décision d’autre part.
En l’espèce, M. Y justifie d’un salaire annuel de 1222€ par mois (soit 14 664€ par an) avant son licenciement effectif en juin 2014. Il a été placé en invalidité catégorie 2 à compter du 1er février 2014.
Au jour de la manifestation de l’aggravation des préjudices (consultation du Dr B le 20 janvier 2012) M. Y travaillait encore.
Son licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle à effet au 30 juin 2014 et sa mise en invalidité à compter du 1er février 2014 sont selon l’expert en lien direct avec l’aggravation de ses blessures. Il est donc constaté médicalement que la victime n’est plus apte en raison du dommage à l’origine du licenciement, à reprendre ses activités dans les conditions antérieures.
M. Y justifie par la production d’attestations de Pôle Emploi de sa recherche d’un emploi adapté, mais en raison de son handicap actuel tel que décrit plus haut (flexion du genou limité à 70°, douloureux, instabilité musculaire, marche avec boiterie et canne, périmètre de marche limité avec évolution arthrosique) et ses compétences et qualifications professionnelles antérieures (chauffeur de bus) il ne peut lui être fait le reproche de ne pas avoir retrouvé un emploi qui ne peut être qu’un travail sédentaire de bureau. Son préjudice est donc intégral.
M. Y sollicite une revalorisation annuelle de salaire de 2,8 % correspondant en 2015 selon l’INSEE aux progressions de carrière et les gains d’ancienneté, des salariés en contrat à durée indéterminée, qui restent en place dans le même établissement d’une année sur l’autre.
Toutefois, si en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice et de l’évaluation du préjudice au plus près de la date de la décision, il a droit à la revalorisation de sa créance indemnitaire, ce ne peut être qu’en fonction de l’érosion monétaire et à ce titre sa créance de 14 664€
par an en juin 2014 est revalorisée en avril 2020 à 15 117,88€ (Inflation sur la période: 3,1 % index utilisé :FRCPI1998 (INSEE), Index initial : 128.13, Index final: 132.09).
Par ailleurs les pertes de gains professionnels futurs ne peuvent être calculées sur la base du salaire annuel de référence revalorisé année par année jusqu’à la retraite de la victime soit pendant 16 ans jusqu’en 2030 comme M. Y le suggère. Elles sont en réalité capitalisées à compter de l’arrêt à venir, sur la base du salaire annuel de référence actualisé en fonction de l’érosion monétaire sur lequel un taux de capitalisation est appliqué.
Ainsi, le calcul des pertes de gains professionnels futurs se fait en deux temps': la période courant de la consolidation à l’arrêt à intervenir soit en l’espèce du mois de février 2014 au mois d’avril 2020 et celle au delà de l’arrêt.
Toutefois, concernant la première période, M. Y ne sollicite l’indemnisation qu’à compter de son licenciement (en juin 2014) reconnaissant implicitement qu’il a reçu paiement de son salaire jusqu’à cette date.
Pour la seconde période, au-delà de l’arrêt, il convient d’opérer une capitalisation du salaire annuel de référence (actualisé), en appliquant le barème de capitalisation temporaire jusqu’à 65 ans pour un homme de 55 ans (âge de M. Y en avril 2020'; taux de 9,260)
L’indemnisation des pertes de gains professionnels futurs s’établit donc ainsi':
— salaire antérieur 1222€
1222€ X 12 = 14 664€ actualisés à 15 117,88€ (Indice FRCPI)
— de juin 2014 à avril 2020'= 70 mois
14 664€/12 mois X 70 mois = 85 540€ actualisés à 88 187.64€ (érosion monétaire)
— au delà d’avril 2020':
capitalisation de 14 664€ actualisés à 15117.88€ X 9,260 = 139991,56€
Total': 88 187.64 +139 991,56€ = 228 179,21€
— A déduire la créance de la CPAM du Tarn et Garonne (arrêtée en septembre 217 et non réactualisée)':
*capital invalidité':103 678,81€
*arrérages échus en invalidité': 13 216,52€
Total 116 895,33€
Total du poste': 228 179,21€ – 116 895,33€ = 111 283,88€
- Incidence professionnelle': 30 000€ demandés
Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au
dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.
L’expert a clairement conclu à l’incidence sur l’avenir professionnel de M. Y de l’aggravation de son état de santé qui exige l’alternance très fréquente des postures assise, couchée et debout. Il justifie donc d’une perte de chance de retrouver un quelconque emploi hors sa zone de compétence et en raison de son âge. Il évalue lui même sa chance de retrouver un emploi à 10'%.
L’évaluation de ce poste de préjudice doit en conséquence être fixée à 23 000€
- frais de véhicule adapté': 2 868,60 euros demandés pour l’équipement d’une boîte automatique
L’expert n’a pas répondu à cette question bien qu’interrogé sur la nécessité pour M. Y de disposer d’appareillages ou de fournitures complémentaires.
Toutefois, au regard des séquelles au niveau du genou et des difficultés pour M. Y de se mouvoir, cette dépense apparaît indispensable. Ce préjudice peut être indemnisé sur devis en raison de la faiblesse des ressources de la victime qui ne peut faire l’avance de tels frais.
M. Y produit le devis de l’entreprise Linas d’un montant de 2868,60€ qui lui sera donc accordé.
Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Déficit fonctionnel temporaire': 3 495,25 euros demandés
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence, le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.
Au vu des périodes de DFT fixées par l’expert et sur la base de 23€ par jour, l’indemnisation de ce poste de préjudice doit être évaluée ainsi qu’il suit':
— déficit temporaire total du 20 au 29 février 2012 (hospitalisation)': 10 jours = 230€
— déficit temporaire partiel de classe III (50%) du 1er mars au 11 juin 2012': 103 jours'= 1184,50€
— déficit temporaire total du 12 juin au 14 juin 2012' (d’hospitalisation)': 3 jours = 69€
— déficit temporaire partiel de classe III (50%) du 15 juin au 15 août 2012': 62 jours = 713€
— déficit temporaire partiel de classe II (25%)du 16 au 22 août 2012': 7 jours = 40,25€
— déficit temporaire partiel de classe I (10%) du 23 août 2012 au 30 janvier 2014: 527 jours = 1212€
Total 3448,85€
- Souffrances endurées': 10 000.00 euros demandés
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime. L’expert a visé les douleurs durant les phases pré et post opératoire, la rééducation laborieuse et insatisfaisante à la suite de la pose d’une prothèse ; évalué à 3,5 /7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 10 000€.
Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)
- Déficit fonctionnel permanent': 13 880,00 euros demandés
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiale et sociales).
Il est caractérisé en l’espèce par la dégradation progressive de l’état’du genou de M. Y lequel est actuellement très handicapé en raison d’un déficit de flexion avec évolution arthrosique, l’impossibilité d’un appui unipodal à gauche, une importante amyothrophie du quadriceps responsable d’instabilité musculaire, des douleurs permanentes du genou lors de tous les déplacements'; la marche se fait avec boiterie et à l’aide d’une canne, les mouvements complexes sont impossibles à réaliser, le périmètre de marche est limité et le retentissement fonctionnel est important.
Ces constatations conduisent à appliquer un taux de 20'% ce qui correspond à une aggravation de 7'% de son incapacité définitive estimée à 13'% par arrêt de 2005.
En conséquence l’indemnisation de ce préjudice sera calculée sur la base du point à 20 % pour un homme âgé de 49 ans à la date de consolidation de l’aggravation soit 2040 X 7 = 14 280€
M. Y sollicite la somme de 13 880€ qui lui sera donc allouée.
- Préjudice esthétique': 1500 € demandés
Ce poste de dommage répare les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique.
Ce préjudice est évalué par l’expert à 1/7 en raison de la cicatrice résultant de l’intervention chirurgicale, de la position du pied gauche en rotation externe et en raison de la boiterie avec marche à l’aide d’une canne.
M. Y doit être indemnisé à hauteur de 1500€.
- Préjudice d’agrément': 3 000€ demandés
Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir. Il est indemnisé sur la foi de pièces justificatives.
En l’espèce, il résulte clairement des séquelles importantes supportées par M. Y qu’il ne peut plus pratiquer toute activité sportive qui mobilise la marche à pied. Il produit une attestation du président de la Fédération de Chasse de Tarn et Garonne en date du 6 juillet 2017 indiquant qu’il faisait valider son permis de chasser depuis la campagne 2004-2005.
Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 1000€.
- Préjudice sexuel': 2500€ demandés
Ce poste répare les préjudices touchant la sphère sexuelle comprenant le préjudice morphologique (atteintes aux organes sexuels), le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même (perte de la libido, de la capacité à réaliser l’acte ou à accéder au plaisir) et l’impossibilité ou difficulté à procréer.
En l’espèce, il est allégué une gêne positionnelle à la réalisation de l’acte et l’expert écrit que les
plaintes de M. Y sont justifiées.
Ce préjudice sera indemnisé par l’allocation de la somme réclamée de 2500€.
******************
Le préjudice corporel global subi par M. Y s’établit ainsi à la somme de':
— tierce personne': 4 800€
— pertes de gains professionnels futurs': 111 283,88€
— incidence professionnelle': 23 000€
— frais de véhicule adapté': 2 868,60€
— déficit fonctionnel temporaire': 3 448,85€
— Souffrances endurées': 10 000€
— déficit fonctionnel permanent': 13 880€
— préjudice esthétique': 1 500€
— préjudice d’agrément 1 000€
— préjudice sexuel': 2 500€
Total':'174 281.33€
En conséquence, le jugement sera infirmé sur le montant des préjudices accordés.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.
La société G H I et Mme X qui succombent dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d’appel et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande d’allouer à M. Y une indemnité de 4000€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La cour
— Ordonne la jonction des procédures 19-1742 et 18-3887 sous ce seul numéro.
— Infirme le jugement du 3 juillet 2018 à l’exception des dispositions relatives à la recevabilité de l’action de M. Y en indemnisation de l’aggravation de ses préjudices du fait de l’accident de la route initial en date du 30 avril 1997, l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Statuant à nouveau
— Dit que l’affaire doit être jugée en application du droit français et en particulier de la loi du 5 juillet 1985 dite Loi Badinter.
— Condamne in solidum’la société G H I et Mme X à payer à M. Y les sommes suivantes':
— tierce personne': 4 800€
— pertes de gains professionnels futurs: 111 283.88€
— incidence professionnelle': 23 000€
— frais de véhicule adapté': 2 868,60€
— déficit fonctionnel temporaire': 3 448,85€
— Souffrances endurées': 10 000€
— déficit fonctionnel permanent': 13 880€
— préjudice esthétique': 1 500€
— préjudice d’agrément 1 000€
— préjudice sexuel': 2 500€
Total':'174 281.33€
— Condamne in solidum G H I et Mme X à verser à M. Y la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
— Condamne la G H I et Mme X aux entiers dépens de l’instance d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. L C. N-O
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