Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 12 avril 2021, n° 19/01449

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 12 avr. 2021, n° 19/01449
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/01449
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Saint-Gaudens, 7 février 2019, N° /00356
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

12/04/2021

ARRÊT N°

N° RG 19/01449 – N° Portalis DBVI-V-B7D-M36H

NB/NB

Décision déférée du 08 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance de SAINT GAUDENS-17/00356

M. X

[…]

C/

B Y

D Z

SARL COMET CHARPENTE

Compagnie d’assurances MMA IARD

SA PIZARRAS L

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT ET UN

***

APPELANTE

[…], SASU au capital de 5.479.828,68 €, immatriculée au RCS de TOULOUSE, sous le n° 528 648 892, dont le siège social est […]

[…], […], […], […], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[…]

[…]

Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur B Y

Les Moles

[…]

Représenté par Me Dominique JEAY de la SCP JEAY – MARTIN DE LA MOUTTE – JAMES-FOUCHER, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur D Z

Les Moles

[…]

Représenté par Me Dominique JEAY de la SCP JEAY – MARTIN DE LA MOUTTE – JAMES-FOUCHER, avocat au barreau de TOULOUSE

SARL COMET CHARPENTE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

LE VILLAGE

[…]

Représentée par Me Christine VAYSSE-LACOSTE de la SCP VAYSSE-LACOSTE-AXISA, avocat au barreau de TOULOUSE

Compagnie d’assurances MMA IARD, immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° 440048882 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Manuel FURET de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE

SA PIZARRAS L, société de droit espagnol ayant son siège à […]

M N O

[…]

Représentée par Me Christine CASTEX de la SAS CABINET CASTEX, avocat au barreau D’ARIEGE

Représentée par Me Danielle POINTU de la SCP CAVALLINI POINTU ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant N. BERGOUNIOU, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

J-C. GARRIGUES, conseiller faisant fonction de président

A.M. ROBERT, conseiller

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire chargé de fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : K. SOUIFA

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par J-C. GARRIGUES, conseiller faisant fonction de président, et par N. DIABY, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Suivant factures des 31 août 2010 et 28 septembre 2011, M. D Z a confié à la Sarl Comet Charpente le lot charpente-couverture-zinguerie de la construction d’une maison individuelle au lieudit 'Les Molles’ à Cier de Luchon (31), avec mise en place d’une couverture en ardoise naturelle 40/25 posée au crochet.

La Sarl Comet Charpente s’est fournie en ardoises auprès de la Sasu Chausson Matériaux Crealis, qui s’est elle-même fournie auprès de la Sa Pizarras L, société de droit espagnol.

Après la réalisation et la réception des travaux, M. D Z et son ami M. B Y, demeurant à la même adresse, se sont plaints de désordres affectant les ardoises, principalement l’apparition de tâches blanchâtres, d’auréoles et de coulures de rouille.

A la requête de M. Y et de M. Z, une expertise a été ordonnée en référé le 7 septembre 2015, au contradictoire de la Sarl Comet Charpente et de son assureur, la Sa MMA Iard, et de la Sasu Chausson Matériaux Créalis.

Une nouvelle ordonnance du 7 mars 2016 a rendu les opérations d’expertise opposables à la Sa Pizarras L.

L’expert a proposé aux parties un complément d’expertise afin de soumettre 50 ardoises à des analyses destinées à vérifier si 'les seuils de performances mentionnées sur l’étiquette apposées sur les palettes de livraison sont assurés'.

Le 26 septembre 2016, le juge des référés a ordonné le versement d’une provision complémentaire par la Sasu Chausson Matériaux Créalis et la Sarl Comet Charpente pour procéder à ce complément d’expertise.

Seule la Sasu Chausson Matériaux Créalis a consigné les sommes, de sorte que l’expert a déposé son rapport en l’état le 7 mars 2017.

Par acte d’huissier de justice en date du 23 mai 2017, MM. Y et Z ont fait assigner la Sarl Comet Charpente et la Sa MMA Iard devant le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens aux fins d’indemnisation.

La Sarl Comet Charpente a appelé en cause la Sas Chausson Matériaux Créalis venant aux droits de la Sas Chausson Matériaux.

La Sas Chausson Matériaux Créalis a elle-même appelé à la cause la Sa Pizarras L par exploit d’huissier en date du 7 mai 2018.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement contradictoire en date du 8 février 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens a :

Déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamné la Sarl Comet Charpente à verser à M. B Y et M. D Z 23.000 € en réparation de l’ensemble des préjudices résultant de la délivrance d’ardoises non conformes aux prévisions des parties,

— condamné la Sas Chausson Matériaux Créalis à relever et garantir la Sarl Comet Charpente du paiement de cette somme,

— condamné la Sas Chausson Matériaux Créalis à payer à M. B Y et M. D Z 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la Sas Chausson Matériaux Créalis aux dépens en ceux compris les frais d’expertise.

Par déclaration du 26 mars 2019, la Sas Chausson Matériaux Créalis a relevé appel de l’intégralité des chefs du dispositif.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 6 novembre 2020, la Sas Chausson Matériaux Créalis, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1604, 1641 et 1792 du Code civil, de :

— rejeter l’appel incident formé par les consorts Y Z visant à obtenir la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a écarté l’application des dispositions de l’article 1792 du Code civil et par conséquent débouter la Sarl Comet Charpente de sa demande de garantie sur ce fondement ;

— rejeter l’appel incident formé par M. Y et M. Z visant à obtenir la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a limité le coût des travaux de remise en état à la somme de 23.000 € ;

— réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée à relever et garantir la Sarl Comet Charpente des condamnations prononcées à son encontre au profit des consorts Y et Z, et en ce qu’il l’a condamnée à payer à ces derniers 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens ;

Ce faisant,

— déclarer irrecevable et mal fondé l’appel en garantie diligenté par la Sarl Comet Charpente et son assureur la Sa MMA Iard à son encontre ;

— débouter la Sarl Comet Charpente et la Sa MMA Iard de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son égard ;

Subsidiairement,

— dans l’hypothèse où la Cour ferait droit aux demandes des consorts Y Z à l’encontre de la Sarl Comet Charpente et de la Sa MMA Iard et aux recours de celles-ci à son encontre ;

— condamner la Sa K L à relever et la garantir indemne de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre ;

— condamner la partie succombante à lui payer une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— la condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir, pour l’essentiel, que les désordres affectant les ardoises de la toiture ont un caractère purement esthétique et ne rendent pas l’immeuble impropre à sa destination ; que contrairement à ce qu’a jugé le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens, les ardoises livrées à la société Comet Charpente répondent à la norme EN 12326 et sont conformes à leur destination, en ce qu’elles répondent à tous les seuils de performance les plus élevés ; qu’aucun bon de commande n’est produit par la société Comet Charpente dont il résulterait qu’elle aurait commandé des ardoises d’une qualité esthétique particulière.

Subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour ferait droit à l’appel en garantie de la société Comet Charpente et de son assureur contre la société Chausson Matériaux, elle demande à être garantie par la société Pizarras L productrice des ardoises qui a livré des ardoises de qualité STD au milieu des palettes étiquetées Rio.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 15 juillet 2019, MM. Y et Z, intimés, demandent à la cour, au visa de l’article 1792 du Code civil, de :

— faisant droit à leur appel incident, infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a écarté l’application de l’article 1792 du Code civil, limité à la somme de 23.000 € le coût des travaux de remise en état et les a déboutés de leur demande formulée à titre de dommages et intérêts et, statuant à nouveau,

— condamner in solidum la Sarl Comet Charpente et la Sa MMA Iard à leur payer la somme de 43.330,11 € avec actualisation pour tenir compte de l’évolution de l’index BT01 depuis le mois d’octobre 2016 jusqu’au complet paiement, outre la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

— subsidiairement, condamner la Sarl Comet Charpente, sur le fondement de l’article 1604 du Code civil, à leur payer la somme de 43.330,11 € avec pareille actualisation, outre 5.000 € à titre de dommages et intérêts et débouter la Sarl Chausson Matériaux des fins de son appel ;

— condamner in solidum la Sarl Comet Charpente et la Sa MMA Iard à leur payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— confirmer en toutes ses autres dispositions le jugement dont appel et condamner tous succombant aux dépens de la procédure devant la cour, distraction en étant prononcée au profit de Me Jeay.

Ils soutiennent que les désordres affectant les ardoises, qui dénaturent l’harmonie de la couverture, sont généralisés et rendent la maison impropre à sa destination ; que les travaux de réparation doivent s’entendre du montant du devis émanant de la société Chenay et fils communiqué à l’expert judiciaire le 4 octobre 2016 pour un montant de 43 330,11 €

TTC ; que contrairement à ce que soutient la société Chausson, les ardoises naturelles 40/25 Rio STD L ne sont pas conformes à la commande de la société Comet Charpente, une partie des ardoises vendues relevant d’un classement T2 et non T1.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 7 janvier 2021, la Sarl Comet Charpente, intimée, demande à la cour, au visa des articles 9 et 16, 237 du code de procédure civile, 1315, 1604 et 1792 du Code civil, de :

—  in limine litis, réformer le jugement et déclarer nul le rapport d’expertise judiciaire ;

Au fond, réformer le jugement :

— débouter M. Z et M. Y de l’ensemble de leurs demandes ;

— la norme EN12326 est inapplicable dans la convention passée entre MM. Z et Y et elle-même, tandis qu’aucune qualité d’ardoises n’a été convenue avec eux ;

— ce qui est présenté comme étant un désordre n’est à l’origine d’aucun dommage, constituant simplement une patine naturelle ;

— elle a parfaitement exécuté sa prestation de pose ;

— débouter les parties de leurs demandes à son égard ;

— condamner solidairement M. Z et M. Y au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

— débouter la Sas Chausson Créalis de sa demande de voir l’appel en garantie à son encontre déclaré irrecevable et mal fondé ;

— confirmer le jugement en cela qu’il a limité la somme allouée à MM. Z et Y au seul montant des réparations évaluées à 23.000 € ;

— débouter les parties de leurs demandes plus amples ou contraires à son égard ;

— infirmer le jugement en cela qu’il a mis hors de cause la Sa Pizarras L et ;

— condamner solidairement la Sas Chausson Matériaux Crealis et la Sa Pizarras L a intégralement relever et garantir la Sarl Comet Charpente de toute condamnation,

— condamner solidairement les mêmes au paiement de la somme de

3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance dont ceux de référé,

A titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où les désordres devaient relever de la garantie décennale,

— débouter la Sas Chausson Matériaux Crealis de sa demande de voir l’appel en garanti à son encontre déclaré irrecevable et mal fondé,

— confirmer le jugement en cela qu’il a limité la somme allouée à MM. Z et Y au seul montant des réparations évaluées à 23.000 €,

— débouter les parties de leurs demandes plus amples ou contraires à l’égard de la Sarl Comet Charpente,

Infirmer le jugement en cela qu’il a mis hors de cause la Sa Pizarras L et ;

— condamner solidairement la Sas Chausson Matériaux Crealis et la Sa Pizarras L à la relever et à la garantir intégralement de toute condamnation ;

— condamner tout succombant au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens dont ceux de référé.

Elle soutient qu’elle n’avait pas d’intérêt à financer les investigations complémentaires relatives à la qualité des ardoises, et que le rapport d’expertise judiciaire doit être déclaré nul au visa de l’article 237 du code de procédure civile en ce qu’il a mis à sa charge des investigations particulièrement onéreuses qu’elle n’avait pas les moyens de supporter ; que les désordres qui affectent les ardoises ont un caractère purement esthétique et ne relèvent pas de la garantie décennale ; qu’il n’a pas été convenu entre les parties que les ardoises doivent être d’une qualité particulière, et que la norme EN 12326 sur laquelle l’expert judiciaire fonde tout son raisonnement, et qui n’est pas gratuitement consultable sur le site de l’AFNOR, est inapplicable en l’espèce, de sorte que MM. Y et Z ne peuvent prétendre à l’existence d’une non-conformité ; qu’ils n’ont subi aucun préjudice, ayant revendu leur maison le 11 décembre 2019, sans que l’acte de vente fasse état d’une quelconque moins-value du fait de l’état de la toiture.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 12 décembre 2019, la Sa MMA Iard, intimée, demande à la cour, au visa de l’article 1792 du Code civil, de :

— confirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

— condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris celui de l’article 10 du décret du 8.03.2001-2012 modifié par le décret 2007-1851 du 26 décembre 2007.

Elle soutient pour l’essentiel que les désordres ne sont pas de nature décennale et qu’en tout état de cause, les travaux effectués par la société Comet Charpente ont été parfaitement réalisés, l’expert notant une conception et une pose soignée de la couverture en ardoise.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 26 septembre 2019, la Sa Pizarras L, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1792 et 1604 du Code civil, de :

A titre principal,

— constater qu’il n’existe plus aucun désordre même esthétique sur la couverture de la maison de MM. Z et Y ;

— les débouter en conséquence de leurs demandes fondées sur les articles 1792 et 1604 du Code civil ;

A titre subsidiaire, sur l’appel en garantie formé à son encontre par la Sas Chausson Matériaux Crealis et la Sarl Comet Charpente,

— constater que le recours en garantie de la Sas Chausson Matériaux Crealis et de la Sarl Comet Charpente à son encontre sur le fondement de l’article 1792 du Code civil ne peut s’appliquer, l’ardoise vendue n’étant pas un produit EPERS ;

— constater qu’elle n’a pas vendu à la Sas Chausson Matériaux Crealis des ardoises Rio Standard qui ont été vendues par cette dernière à la Sarl Comet Charpente ;

— dire en conséquence que le recours en garantie sur le fondement de l’article 1604 du Code civil à l’encontre de la Sas Chausson Matériaux Crealis n’est pas recevable ;

— en conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté de leurs appels en garantie la Sas Chausson Matériaux Crealis et de la Sarl Comet Charpente à son encontre et en ce qu’il a dit qu’un

défaut de conformité des ardoises Rio aux qualités que le producteur annonce n’est pas établi ;

— condamner toute partie succombante et notamment la Sas Chausson Matériaux Crealis à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que les désordres ne sont pas de nature décennale ; qu’il résulte des factures de la société Comet à MM. Z et Y qu’il n’a pas été convenu de qualité particulière des ardoises ; que la société Pizarras L vend uniquement à des négociants en matériaux, dont la société Chausson, à laquelle elle a livré des ardoises de plusieurs qualités, dont les ardoises Rio et les ardoises référencées STD.

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur la nullité du rapport d’expertise :

Le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, rappelé que la circonstance que l’expert ait proposé une analyse complémentaire de la qualité des ardoises confiée au LNE en suggérant de la mettre à la charge de l’entreprise qui les a vendues et de celle qui les a posées ne permet pas de supposer un défaut d’impartialité, la charge de la consignation relevant au final du pouvoir du juge chargé des expertises.

La demande de nullité du rapport d’expertise sera en conséquence écartée.

- Sur les données de l’expertise :

L’expert A a constaté que les désordres apparents aux ardoises de la couverture et les malfaçons de pose des gouttières d’eau pluviale posées par la société Comet Charpente existent ; que les désordres aux ardoises de la couverture se manifestent par des décolorations des ardoises sous forme de tâches blanchâtres sur l’ensemble des ardoises et des auréoles avec des coulures brunâtres de rouille provoquées par des inclusions de minéraux oxydant sur certaines ardoises ; ces phénomènes affectent l’ensemble de la couverture ; que ces désordres qui se développent à l’épreuve du temps compromettent l’aspect de la couverture en ardoise dans son ensemble et dénaturent son harmonie. L’aspect esthétique est une fonction déterminante pour la couverture en ardoise de cette maison neuve. Les désordres esthétiques des ardoises se manifestant par la décoloration sous forme de tâches blanchâtres et les coulures brunâtres de rouille constituent des défauts de conformité des ardoises.

L’expert précise que les ardoises naturelles, produites par la société espagnole K L proviennent du site de production de la carrière Juanita située au lieudit Los Molinos à Carballeda de Valdeorras en Galicie, dans la province de Orense située dans le nord-ouest de l’Espagne ; qu’elles sont marquées CE, portent l’appellation Rio et l’estampille de la norme européenne EN 12326, qui établit une classification des ardoises et notamment définit différents seuils de performance sur trois critères : le cycle thermique T, l’exposition au dioxyde de soufre S, et le taux d’absorption d’eau A ; que l’étiquette exposée sur les palettes de livraison des ardoises utilisées pour la toiture Rio indique, suivant la norme européenne EN 12326, les performances T1-S1-A1, qui répondent à tous les seuils de performance les plus élevés ; que les changements d’aspect des ardoises litigieuses se manifestant par des taches de décoloration et des coulures de rouille provenant de l’oxydation de la surface d’inclusion de minéraux métalliques traduisent très probablement une non conformité des ardoises Rio au classement T1.

Si le contrôle de la classification des ardoises n’a pu être réalisé du fait du non versement par la société Comet Charpente de sa part de consignation complémentaire pour la mission confiée au LNE, il résulte des essais pratiqués en 2015 par le laboratoire CRPTP sur des ardoises prélevées sur la couverture litigieuse que sur un lot de 6 ardoises, l’essai de cycle thermique révèle un seuil de performance T2 pour deux tiers des ardoises ce qui explique les coulures de rouille et les décolorations blanches constatées.

L’expert A chiffre à la somme de 43 330,11 € TTC le montant des réparations, qui impliquent la réfection totale de la couverture en ardoise.

- Sur la nature des responsabilités encourues :

Les désordres qui affectent l’ensemble de la couverture en ardoise sont de nature esthétique ; ils ne compromettent pas la solidité de l’immeuble et n’ont pas empêché les maîtres de l’ouvrage d’occuper la maison du mois d’octobre 2011 au mois de décembre 2019, date de sa revente par M. D Z, propriétaire de la maison, aux consorts F G-H I, au prix de 370 000 €. L’acte de vente de l’immeuble ne fait état d’aucune moins value quant à la toiture de l’immeuble. Il est inséré, en page 14 de l’acte notarié, un paragraphe intitulé 'Convention des parties sur les procédures en cours' ainsi rédigé :

'Le vendeur déclare et l’acquéreur reconnait avoir été informé qu’il existe actuellement une procédure en cours avec la SARL Comet Charpente, au sujet de la catégorie d’ardoises fournies, qui n’étaient pas celles de la facture. La procédure, qui a été gagnée en première instance par le vendeur, est actuellement en appel. Le vendeur fait son affaire personnelle de la procédure devant la cour d’appel et de toutes ses conséquences, l’acquéreur ne pouvant être inquiété ni recherché à ce sujet.'.

En l’espèce, MM. Y et Z ne démontrent pas en quoi, à raison notamment de la finalité particulière de l’ouvrage, du projet architectural ou de son caractère de bien d’exception, les parties ont nécessairement entendu intégrer l’aspect esthétique dans la destination de l’ouvrage.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens a écarté en l’espèce, la responsabilité décennale des constructeurs et a rejeté l’ensemble des demandes formulées sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

Les demandes des consorts Y et J ne peuvent en conséquence prospérer que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

- Sur la responsabilité de la société Comet Charpente :

La couverture de la maison litigieuse a été réalisée par la société Comet Charpente ; la facture du 28 novembre 2011 fait état de 195 m2 de couverture ardoise naturelle 40/25 posée au crochet, sans autre précision. La facture fait état d’un prix de l’ardoise au m2 de 49,50 €.

Les ardoises posées sur la maison de M. Z, qui consistent en un mélange d’ardoises de classe T1 et de classe T2 sont conformes à la norme européenne EN 12326. L’expert judiciaire indique en outre que la couverture en ardoise a fait l’objet d’une conception et d’une pose soignée, et les maîtres de l’ouvrage n’allèguent pas de défauts d’exécution dans la mise en oeuvre des ardoises.

Les ardoises litigieuses, achetées par la société Comet Charpente à la Sasu Chausson Matériaux au prix de 37 € HT le m2 ont été facturées au maître de l’ouvrage au prix de 49,50 € le m2.

A titre de comparaison, le devis de réfection établi le 4 octobre 2016 par la société Chenay et fils mentionne, pour une couverture en ardoises d’Espagne de 40X25 premier choix et premier tri, un prix HT de 82,81 € le m2.

En l’absence de précision, dans le bon de commande, de la qualité des ardoises devant être mises en oeuvre, il ne peut être retenu un manquement à l’obligation de délivrance, ni un défaut de conformité.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné la SARL Comet Charpente à verser à M. B Y et M. D J la somme de

23 000 € en réparation de l’ensemble des préjudices résultant de la délivrance d’ardoises non conformes aux prévisions des parties.

MM. Y et Z seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes.

La Sa MMA Iard, assureur de la société Comet Charpente, la Sasu Chausson Matériaux et la Sa K L seront mises hors de cause.

- Sur les autres demandes :

MM. Y et Z, qui succombent, seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût du rapport d’expertise de M. A et déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Aucune considération particulière d’équité ne commande en l’espèce qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés Comet Charpente, Chausson Matériaux , K L et de la Sa MMA Iard.

PAR CES M0TIFS :

La cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

— condamné la Sarl Comet Charpente à verser à M. B Y et M. D Z 23.000 € en réparation de l’ensemble des préjudices résultant de la délivrance d’ardoises non conformes aux prévisions des parties,

— condamné la Sas Chausson Matériaux Créalis à relever et garantir la Sarl Comet Charpente du paiement de cette somme,

— condamné la Sas Chausson Matériaux Créalis à payer à M. B Y et M. D Z 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la Sas Chausson Matériaux Créalis aux dépens en ceux compris les frais d’expertise.

Et, statuant de nouveau et y ajoutant :

Déboute M. B Y et M. D Z de l’ensemble de leurs demandes.

Prononce la mise hors de cause des sociétés MMA Iard, Comet Charpente, Chausson Matériaux et K L.

Déboute les sociétés Comet Charpente, Chausson Matériaux, K L et la MMA Iard de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum M. B Y et M. D Z aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Les déboute de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Le Greffier, Le Président,

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