Cour d'appel de Versailles, 24 juin 1993, n° 9999

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 24 juin 1993, n° 9999
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 9999
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 18 mars 1991

Sur les parties

Texte intégral

ED PEL 042987

п р ES

REPUBLIQUE FRANCAISE

MBRE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

47

1993 Le VINGT QUATRE JUIN MIL NEUF CENT QUATRE VINGT TREIZE

(2/91 la Cour d’Appel de Versailles, 12ème Chambre

a rendu l’arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique la cause ayant été débattue en audience publique

le VINGT NEUF AVRIL MIL NEUF CENT QUATRE VINGT

TREIZE

devant :

Monsieur BELLEAU, Président
Monsieur FRANK, Conseiller

PETERIES Y Z Monsieur ASSIE, Conseiller

assistés de Madame PECHE-MONTREUIL, Greffier.

et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la Loi,

Dans l’AFFAIRE

ENTRE

SARL HELIOS ayant son siège […]

ORLEANS, représentée par son Gérant.

APPELANTE d’un JUGEMENT rendu par le Tribunal de Commerce de

NANTERRE, 7ème Ch., en date du 19 Mars 1991.

CONCLUANT par la S.C.P. A & B, Avoués près la Cour

d’Appel de VERSAILLES.

PLAIDANT par Maître VILAIN, Avocat au Barreau d’ORLEANS. ifiée conforme

exécutoire

A B C D GA S



ET

SOCIETE D’ETUDES DE GESTION D’ANIMATION ET PROMOTION

(SEGAP) ayant son siège […], prise en la personne de ses représentants légaux.

INTIMEE

CONCLUANT par la S.C.P. C & D, Avoués près la Cour d’Appel de VERSAILLES

PLAIDANT par Maître JOURDAN, Avocat au Barreau de PARIS.

S.A. LES PAPETERIES Y Z ayant son siège […], […], […], prise en la personne de ses représentants légaux.

INTIMEE APPEL INCIDENT

CONCLUANT par la S.C.P. GAS, Avoués près la Cour d’Appel de VERSAILLES.

PLAIDANT par Maître DEBETZ, Avocat au Barreau de PARIS.



T

FAITS ET PROCEDURE.

La SOCIETE D’ETUDES DE GESTION D’ANIMATION ET DE

PROMOTION, dite SEGAP, a été constituée sous forme de société anonyme

coopérative à capital variable pour une durée de 20 ans commençant à courir au 4 Juin

1969 pour venir à expiration normalement le 4 Juin 1989.

Elle avait pour objet de fournir, en totalité ou en partie à ses associés, des marchandises, denrées ou services, équipements ou matériels nécessaires à l’exercice de leur commerce de librairie-papeterie, ainsi que de constituer et entretenir tous stocks de marchandises, et de mettre en oeuvre des techniques commerciales et publicitaires propres à promouvoir les ventes des associés.

La Société HELIOS, qui exerce un commerce de librairie papeterie à

ORLEANS, adhérait à cette coopérative d’achat qui réunissait 87 associés à la fin des années 1980.

A la même époque, dans le cadre de la réorganisation de la profession et pour des motifs d’ordre économique, il a été envisagé de procéder à un rapprochement entre la Société SEGAP et la Société des Papeteries Y Z qui exerçait une activité 5

3

6

d’achat en gros analogue.

Ce projet a fait l’objet d’une diffusion auprès de chacun des associés de la

Société SEGAP, notamment par l’envoi de comptes rendus de réunions qui s’étaient tenues en Février et Mars 1988, informations que la Société SEGAP prétend n’avoir reçues que partiellement.

Le 25 Mai 1988, une Assemblée Générale de la Société SEGAP a été convoquée

pour le 12 Juin 1988 avec, pour ordre du jour, la lecture du rapport de gestion du

Conseil d’Administration et la ratification de la décision de rapprochement envisagée

3

1


avec la Société Papeteries Y Z.

Au cours de cette assemblée, réunissant 75 associés sur 87 et plus des 3/4 du capital social, ont été adoptées à l’unanimité, les première, deuxième, troisième, quatrième, sixième, huitième et neuvième résolutions, la cinquième résolution étant adoptée par 74 voix et une abstention.

A la demande expresse de Monsieur X, représentant légal de la Société

HELIOS, il a été procédé à la lecture de la septième résolution ainsi libellée :

"après avoir entendu le rapport du Conseil d’Administration et dans les termes du compte rendu des réunions d’information qui a été communiqué à chaque associé,

l’Assemblée Générale approuve la décision du rapprochement avec la coopérative les

« Papeteries Y Z » ainsi que la cessation des activités d’achats qui en découlent”

Cette résolution a été adoptée par 69 voix et 6 abstentions dont celle de la

Société HELIOS.

Au cours de la même assemblée, il a été décidé qu’une Assemblée Générale

Extraordinaire devrait à terme se prononcer sur la mise en sommeil ou l’arrêt définitif de la société, prévu statutairement le 4 Juin 1989.

Conformément à cette dernière décision, une Assemblée Générale Extraordinaire

a été convoquée pour le 10 Octobre 1988, afin de délibérer sur l’ordre du jour ci

après :

- lecture du rapport du Conseil d’Administration suite aux décisions adoptées par

l’Assemblée Générale du 12 Juin 1988,

- cessation des activités d’achats de marchandises à compter du 31 Octobre 1988,

4

[…]


cessation des activités de fourniture de marchandises aux adhérents à compter

du 31 Octobre 1988,

ratification du mandat donné au Directeur Général de la société pour la réalisation des actifs de celle-ci,

- approbation de la convention de cession de droit au bail et des agencements des locaux sis à […].

Ces résolutions ont été adoptées à l’unanimité des 73 associés présents à

l’Assemblée du 10 Octobre 1988, étant observé que la Société HELIOS ne s’était pas faite représenter à cette réunion.

Le rapprochement des Sociétés SEGAP et Y Z s’est, par la suite, réalisé conformément aux voeux des associés majoritaires, la Société SEGAP ayant, en outre, prévu la réunion d’une Assemblée Générale pour le 31 Mai 1989 en vue de procéder à sa dissolution dès l’arrivée du terme prévu à ses statuts, soit le 4 Juin 1989.

La Société HELIOS, en opposition avec les décisions prises au cours de ces assemblées, a, par exploit du 26 Octobre 1988, fait assigner la Société SEGAP devant le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE, statuant en référé, aux fins de

voir :

"désigner un administrateur provisoire pour administrer la Société SEGAP et prendre, dans le cadre de ses fonctions, toutes mesures de nature à préserver l’intérêt social de ladite société ainsi que l’intérêt individuel de chaque associé”,

"dire que cet administrateur devra assurer l’indisponibilité des fonds, du matériel et des autres éléments d’actif indispensables à la poursuite de l’activité de ladite

société",

5

:

'


« en toute hypothèse, désigner un séquestre en vue d’assurer la disponibilité des fonds, du matériel et de tous éléments d’actif de la Société SEGAP ».

Par ordonnance en date du 27 Octobre 1988, le juge des référés, estimant que la Société SEGAP était pourvue de tous ses organes normaux de gestion, qu’elle fonctionnait normalement et que la demande de la Société HELIOS avait pour but essentiel de faire échec aux décisions prises par le Conseil d’Administration et les

Assemblées Générales susvisées, dont il n’est pas démontré qu’elles étaient de nature

à nuire à la société ou aux associés, a débouté la société demanderesse de l’ensemble

de ses prétentions.

La Société HELIOS a alors saisi la juridiction du fond pour voir :

*prononcer l’annulation des délibérations de l’Assemblée Générale du 12 Juin

1988",

"subsidiairement, prononcer l’annulation de la septième résolution de ladite

Assemblée Générale”,

"déclarer le jugement à intervenir sur cette nullité commun et opposable à la

Société Les Papeteries Y Z",

"prononcer en toute hypothèse la nullité des délibérations de l’Assemblée

Générale du 10 Octobre 1988",

"condamner les Sociétés SEGAP et Y Z solidairement à lui verser la

somme de 600 000 Frs à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 15 000 Frs sur le fondement de l’article 700 du NCPC",

6



En cours de procédure, elle a ajouté de nouvelles demandes tendant à voir prononcer la nullité des adhésions des administrateurs de la Société SEGAP à la Société

Y Z, ainsi que la nullité de la délibération du Conseil d’Administration ayant décidé du rapprochement entre la Société SEGAP et la Société Y Z.

Les Sociétés SEGAP et Papeteries Y Z se sont, quant à elles, opposées

à l’ensemble de ces prétentions.

Par jugement en date du 19 Mars 1991, le Tribunal de Commerce de

NANTERRE a débouté la Société HELIOS de toutes ses demandes et l’a condamnée à

payer à chacune des deux sociétés défenderesses une indemnité de 5 000 Frs sur le fondement de l’article 700 du NCPC aux seuls motifs :

"…. qu’il résulte des documents produits aux débats que la Société HELIOS a eu une parfaite connaissance du projet de rapprochement des Sociétés SEGAP et Y

Z",

… que les convocations et les délibérations, tant des Conseils d’Administration que des Assemblées Générales, ont été faites et se sont tenues conformément aux dispositions légales en vigueur",

"… que l’Assemblée Générale ordinaire du 12 Juin 1988, ayant statué sur le rapprochement, a vu sa septième résolution adoptée à une très large majorité et que la

Société HELIOS s’est simplement abstenue lors de son vote",

"… que les résolutions de l’Assemblée Générale Extraordinaire du 22 Septembre

1988 ont été votées à l’unanimité des associés présents, la Société HELIOS, régulièrement convoquée, ne s’étant pas faite représenter”,

"… qu’il y a lieu, en conséquence, de dire la demande de la Société HELIOS recevable mais mal fondée et de la débouter de sa demande d’annulation des Assemblées

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Générales Ordinaires et Extraordinaires de la Société SEGAP".

Appelante de cette décision, la Société HELIOS estime tout d’abord qu’en rejetant "en bloc* l’argumentation qu’elle avait longuement développée dans ses écritures, les premiers juges n’ont pas motivé leur décision et que, pour ce seul motif, le jugement déféré doit être annulé.

Elle se prévaut ensuite, comme elle l’avait fait en première instance, de divers vices de forme affectant l’Assemblée du 12 Juin 1988 tenant à l’irrégularité de la convocation des actionnaires et à l’irrégularité de l’ordre du jour. Elle se prévaut également de diverses irrégularités de fond relatives à un défaut d’information des actionnaires, à une violation et à une modification implicite des statuts, à un détournement de pouvoir imputable aux administrateurs, à la nullité des engagements financiers pris au cours de cette Assemblée, à la discrimination faite entre les différents

actionnaires, à un abus de majorité.

Elle déduit de là que la fusion qui s’est opérée entre les Sociétés Y Z et SEGAP a été réalisée grâce à des moyens de pression qui s’analysent en une véritable violence au sens des dispositions du Code Civil et qu’elle a été, de surcroît, effectuée au détriment des intérêts de certains associés dont elle-même, dès lors que ces derniers se sont vus proposer un statut nouveau différent de celui des autres associés, ne leur

permettant pas, notamment, de faire usage de la marque « Y Z ».

Elle demande en conséquence à la Cour d’annuler le jugement entrepris et,

statuant à nouveau :

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de déclarer nulle et de nul effet l’Assemblée Générale de la Société SEGAP du

12 Juin 1988, ainsi que toutes les Assemblées Générales ordinaires ou extraordinaires

subséquentes pour les motifs sus énoncés,

- de remettre en conséquence les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le vote de l’Assemblée Générale du 12 Juin 1988,

- subsidiairement, pour le cas ou son action en nullité viendrait à être écartée, de condamner la Société des Papeteries Y Z à lui remettre les actions correspondant au montant de sa participation financière au sein de la Société SEGAP et

ce, sous astreinte de 1 000 Frs par jour de retard qui commencera à courir un mois après la signification de l’arrêt à intervenir,

- plus subsidiairement encore, dans l’hypothèse où elle ne pourrait plus être rétablie dans ses droits, de condamner la Société des Papeteries Y Z à lui payer la somme de 600 000 Frs en réparation du préjudice financier et commercial par elle subi,

en tout état de cause, de condamner la Société Papeteries Y Z à lui

payer la somme de 100 000 Frs à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation de son préjudice moral ainsi qu’une indemnité de 50 000 Frs en application de l’article 700 du NCPC,

- de condamner enfin solidairement la Société Papeteries Y Z et la

Société SEGAP aux entiers dépens de première instance et d’appel.

9



Les Sociétés SEGAP et Y Z estiment, tout d’abord, que les premiers

juges ont suffisamment répondu à l’argumentation développée par la Société HELIOS et que, dans ces conditions, le jugement déféré ne saurait être annulé.

Sur le fond, elles font valoir en réplique que l’opération de rapprochement réalisée entre elles ne peut être qualifiée d’opération de fusion et qu’elle a été réalisée avec l’approbation de l’immense majorité des actionnaires de la Société SEGAP. Elles ajoutent que, de surcroît, cette opération a été effectuée dans la plus totale transparence et en toute régularité. Elles soutiennent, à cet égard, que le représentant de la Société

HELIOS est mal venu à critiquer les conditions dans lesquelles s’est déroulée

l’Assemblée du 12 Juin 1988 alors qu’il était présent à cette Assemblée et qu’il n’a même pas voté contre la septième résolution prévoyant le rapprochement entre les deux entreprises. Elles soutiennent également que l’on voit mal comment la Société HELIOS peut réclamer, à titre subsidiaire, l’attribution d’actions de la Société Y Z, alors qu’elle a refusé d’accepter la proposition d’adhésion à cette société qui lui a été faite. Enfin, elles estiment que la Société HELIOS ne justifie d’aucun préjudice.

Les sociétés intimées sollicitent, dès lors, la confirmation en toutes ses

dispositions du jugement déféré sauf à se voir allouer, pour chacune, une indemnité complémentaire de 50 000 Frs H.T. sur le fondement de l’article 700 du NCPC. La

Société des Papeteries Y Z réclame, en outre, la somme de 200 000 Frs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

DISCUSSION.

Sur la demande en annulation du jugement déféré.

Considérant que l’appelante fait grief au premier juge de ne pas avoir respecté les dispositions de l’article 455 du NCPC qui lui font obligation de motiver sa décision.

Mais considérant qu’après avoir exposé les faits de la cause et, succinctement,

10


les moyens et prétentions respectives des parties, le premier juge a rejeté

l’argumentation de la Société HELIOS en se référant expressément aux pièces versées aux débats et en précisant la portée qu’il convenait de leur donner.

Considérant qu’il suit de là que le Tribunal a mis à même les parties de critiquer la pertinence des motifs retenus et la Cour d’en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions, la nullité du jugement entrepris ne peut être utilement invoquée.

Sur le fond du litige

Sur les nullités de forme invoquées par la Société HELIOS.

Considérant que la Société HELIOS soutient tout d’abord que la convocation pour l’Assemblée Générale du 12 Juin 1988 lui a été adressée moins de 15 jours francs avant la tenue de ladite Assemblée, qu’il n’est pas justifié d’une insertion légale dans le même délai et que la convocation n’était pas, de surcroît, accompagnée des documents prévus aux articles 133 et 135 du Décret du 23 Mars 1967.

Mais considérant que la convocation à l’Assemblée du 12 Juin 1988 a été

adressée à chacun des adhérents par lettre recommandée avec accusé réception du

25 Mai 1988, soit plus de 15 jours avant la date de l’Assemblée, peu important la date

à laquelle elle a été retirée par les intéressés ; qu’en présence d’une convocation régulière et chacun des associés ayant été préalablement informé de l’objet de

l’Assemblée, il n’était nul besoin d’une insertion dans un journal d’annonce légale ; qu’en tout état de cause, en application des dispositions de l’article 159 de la Loi susvisée, un associé est irrecevable à solliciter la nullité d’une Assemblée du chef d’une

prétendue irrégularité de la convocation lorsque cet associé, comme dans le cas

d’espèce, était présent à l’Assemblée et qu’il a pu utilement participer aux débats qui

s’en sont suivis.

IMILIN. ..



Considérant que, de même, l’appelante est mal venue à critiquer le défaut

d’information préalable des actionnaires et l’irrégularité de l’ordre du jour alors que chaque actionnaire avait reçu, depuis un certain temps, des informations relatives à la situation financière de la Société SEGAP ainsi qu’au rapprochement envisagé avec la

Société Y Z et que, surtout, l’ordre du jour prévu pour l’assemblée du 10

Décembre 1988, portait sur dix points exprimés de façon claire et précise dont "la ratification de la décision de rapprochement avec la coopérative Les Papeteries Y

Z et la cessation des activités qui en découlent", étant observé que la Société

HELIOS, présente à l’Assemblée du 12 Juin 1988, n’a pas contesté avoir reçu, comme les autres adhérents, l’ensemble des informations qui lui étaient destinées.

Sur les nullités de fond.

Considérant qu’il convient de rappeler que la Société SEGAP a été constituée pour une durée de 20 années à compter du 4 Juin 1969, date de son immatriculation au

Registre du Commerce, qu’ainsi le terme normal de la Société SEGAP se trouvait fixé

au 4 Juin 1989.

Considérant qu’il résulte des pièces des débats que l’exercice comptable de la

Société SEGAP, clôturé le 31 Mars 1987, faisait apparaître une perte de 117 000 Frs avec un report déficitaire de 505 000 Frs ; qu’en fonction de ces résultats, et comme cela ressort des lettres d’information adressées par le Conseil d’Administration à ses adhérents et que seule la Société HELIOS prétend ne pas avoir reçues, il apparaît que

l’avenir de la société était particulièrement compromis et qu’il fallait trouver une solution, avant l’arrivée du terme de ladite société, dans l’intérêt commun des associés

; que c’est dans ces conditions qu’a été envisagé le rapprochement avec la Société

Y Z qui ne peut en aucun cas s’analyser, comme le prétend la Société

HELIOS, en une opération de fusion.

Considérant en effet qu’aux termes de l’article 371 de la Loi du 24 Juillet 1966, il y a fusion lorsque deux sociétés se réunissaient pour n’en former qu’une, soit par la

12

i

.

1


11.

création d’une société nouvelle, soit par absorption ; que les éléments caractéristiques de la fusion sont la transmission de l’ensemble des éléments d’actif et de passif de la société absorbée à la société absorbante, la dissolution de la société absorbée et

l’échange de droits sociaux, à savoir que les associés de la société absorbée deviennent associés de la société absorbante avec attribution de parts dans la mesure où il y a un

actif net au niveau de la société absorbée.

Or considérant qu’en l’espèce, les conditions d’une fusion n’étaient pas remplies puisqu’il n’y avait plus d’actif net de la Société SEGAP mais au contraire une situation négative ; qu’il ne pouvait donc y avoir attribution de parts pour les actionnaires de la Société SEGAP dans le cadre d’une fusion avec la Société Y Z ; que, de

surcroît, la fusion aurait entraîné une inégalité des droits entre anciens et nouveaux actionnaires, ce qui est contraire aux règles spécifiques applicables aux sociétés à forme coopérative.

Considérant que c’est la raison pour laquelle il a été proposé aux adhérents de

1 la Société SEGAP, ainsi qu’il ressort des pièces des débats, de souscrire personnellement et dans un cadre préfixé, leur adhésion à la Société Y Z, ce qui impliquait d’une part une démarche individuelle et non pas collective et d’autre part, pour chaque candidat intéressé, de suivre la procédure d’agrément prévue par les statuts et le règlement intérieur de la Société Y Z.

Considérant qu’il suit de ce rappel que la Société HELIOS, qui a été régulièrement informée de l’opération de rapprochement envisagée, est mal venue à invoquer un abus de majorité ou un détournement de pouvoir imputable aux dirigeants de la Société SEGAP.

Considérant, en effet, que l’abus de majorité n’est constitué que dans l’hypothèse où un groupe contrôle la société et prend des décisions contraires à l’intérêt général, dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la

minorité.

13



Or considérant qu’il suffit de se référer au Procès-Verbal de l’Assemblée du 12

Juin 1988 pour constater que la septième résolution, prévoyant le principe du rapprochement des adhérents de la Société SEGAP avec la Société Y Z, a été décidé, non pas par un groupe majoritaire, mais par 69 adhérents sur 75 présents, dont le représentant de la Société HELIOS, qui s’est abstenu et ce, selon le principe « un homme, une voix » applicable aux sociétés coopératives ; que, de surcroît, cette décision

a été prise, non pas contrairement à l’intérêt social, mais en vue de permettre aux libraires-papetiers, adhérents de la Centrale SEGAP, de maintenir les avantages en découlant que celle-ci ne serait plus, dans un proche avenir, en mesure de leur fournir.

Considérant que, dans ces conditions, l’appelante est mal venue à reprocher au

Conseil d’Administration de la Société SEGAP, tout en réclamant réparation à la Société

Y Z, seule solvable, d’avoir violé les statuts en demandant à ses adhérents

d’adhérer simultanément à deux sociétés concurrentes alors que les adhérents de la

Société SEGAP n’ont eu à voter que sur un principe de rapprochement, lequel devait être consacré dans des Assemblées ultérieures et qui, de surcroît, ne devait devenir

effectif que lors de l’arrivée à terme de la société, ce qui impliquait nécessairement que la Société SEGAP cesse rapidement, dans l’intérêt commun, de s’approvisionner et liquide son stock ; que, de même, l’appelante ne peut davantage soutenir que la souscription des actions Y Z a été réalisée à partir des fonds sociaux de la

Société SEGAP alors que les adhésions ont été faites, certes dans le cadre d’un regroupement, mais par les seuls adhérents intéressés à titre individuel ; que, pas plus elle ne peut invoquer utilement un « détournement de pouvoir » dans la mesure où le

Conseil d’Administration de la Société SEGAP a pris soin, comme le lui permettaient les statuts, de proposer une solution propre à permettre de gérer au mieux les intérêts de ses adhérents, d’obtenir ensuite l’approbation de ces derniers et de les tenir informés, une fois la solution dégagée, de la suite donnée à leur décision.

Considérant qu’en réalité, le seul grief réel que la Société HELIOS fait à ses adversaires est de n’avoir pas pu bénéficier, à la suite de la décision de rapprochement prise lors de l’Assemblée du 12 Juin 1988 et consacrée par les assemblées subséquentes,

14


de l’enseigne « Y Z ».

Considérant qu’à cet égard, il ressort des pièces des débats que la Société Y

Z a proposé à la Société HELIOS, comme à quelques autres adhérents de la Société

SEGAP, un statut dit « neutre » consistant à faire bénéficier ces nouveaux adhérents de

tous les avantages du groupement d’achat Y Z à l’exception de l’enseigne dès lors qu’il existait, dans la ville où ces adhérents étaient établis, un autre libraire bénéficiant déjà de l’enseigne Y Z.

Considérant que la Société HELIOS estime que cette situation, qu’elle qualifie de discriminatoire, ne pouvait être acceptée par elle et qu’elle lui ouvre droit réparation.

Mais considérant que la Société Y Z était en droit de n’accepter, en vertu des règles applicables aux sociétés coopératives, que les nouveaux associés qui adhéraient sans aucune réserve à ses statuts et notamment aux dispositions relatives à la concurrence à l’intérieur d’une même ville entre deux sociétaires.

Qu’il suit de là que l’appelante ne peut demander que lui soit attribuées de Y droit des actions de la Société Y Z à hauteur de la part de capital qu’elle détenait dans la Société SEGAP dès lors qu’elle n’a pas, pour des raisons qui lui sont propres, accepté de s’intégrer à ce groupe dans les conditions prévues par celui-ci.

Considérant que, de même, l’action en dommages et intérêts dirigée à l’encontre de la seule Société Y Z et fondée nécessairement sur l’article 1382 du Code

Civil, ne peut être accueillie dans la mesure où aucune faute n’est établie à l’encontre

de la société intimée qui n’a fait qu’user de son droit de refuser un adhérent qui ne remplissait pas les conditions requises et ou la Société HELIOS, qui, comme d’autres adhérents de la Société SEGAP, s’est tournée vers d’autres distributeurs, ne justifie

d’aucun préjudice quantifiable et appréciable.

15

.. . I I



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Polyqanews

-

Considérant que, dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté la Société HELIOS de l’ensemble de ses prétentions.

Considérant enfin que la Société Y Z n’établit pas le caractère abusif du recours exercé à son encontre.

Qu’elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts formée de ce chef.

Considérant en revanche qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge et à celle de la Société SEGAP les sommes que toutes deux ont été amenées à exposer en cause

d’appel non comprises dans les dépens.

Qu’il sera alloué à chacune d’elles une indemnité complémentaire de 8 000 Frs au titre de l’article 700 du NCPC, en sus de celle accordée sur le même fondement en première instance.

PAR CES MOTIES

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort.

Reçoit la Société HELIOS en son appel.

Le dit mal fondé et l’en déboute.

Confirme en conséquence en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Y ajoutant :

- Rejette la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par

la Société PAPETERIES Y Z,

16


1325.

- Faisant partiellement droit à la demande formée par les sociétés intimées au titre de l’article 700 du NCPC, condamne l’appelante à payer à chacune d’elles une indemnité complémentaire de 8 000 Frs, en sus de celle déjà accordée en première

instance,

- Condamne enfin l’appelante aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par les avoués concernés, conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC.

ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIE, CONSEILLER

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER LE PRESIDENT

т и L

A. PECHE-MONTREUIL P.A. BELLEAU

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Cour d'appel de Versailles, 24 juin 1993, n° 9999