Cour d'appel de Versailles, du 22 novembre 2001

  • Propriété littéraire et artistique·
  • Photographie·
  • Photographe·
  • Sociétés·
  • Contrefaçon·
  • Concurrence déloyale·
  • Véhicule·
  • Originalité·
  • Révocation·
  • Auteur

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Si l’article L 112-2-9 du code de la propriété intellectuelle considère les ouvres photographiques comme des ouvres de l’esprit protégées par la loi, encore faut-il qu’elles présentent le caractère d’ouvres originales, ce qui implique qu’elles fassent transparaître la sensibilité de leur auteur et ses compétences personnelles, révélant ainsi sa personnalité et la particularité de son travail de créateur.Tel n’est pas le cas de photographies consacrées à une course d’automobiles lorsque les éléments représentés, leur mise en scène, le cadrage ne résultent pas d’un choix raisonné du photographe qui n’avait aucune prise sur eux, mais, en réalité, lui ont été imposés par les diverses circonstances et conditions de réalisation de prise de vue en course, notamment le recours à la technique dite " prise en rafale ". A défaut de témoigner d’aucune originalité propre à révéler la personnalité de l’auteur, de tels clichés ne peuvent être considérés comme ouvres de l’esprit, au sens du Code de la propriété intellectuelle et, partant, le délit de contrefaçon n’est pas constitué.

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 22 nov. 2001
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Importance : Inédit
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006938883

Texte intégral

La société DIFFUSION PHOTO PRESSE INTERNATIONAL (ci-après DPPI) commercialise les photographies réalisées par Mrs X…, Y…, Z… et A…. Ceux-ci ont ainsi pris des photographies lors de rallyes automobiles en 1998. Faisant grief à la société ACL d’avoir reproduit dans le périodique FRANCE AUTO des dessins de M. B… qui seraient la copie servile de leurs photographies, la société DPPI et les quatre photographes l’ont assignée devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon et concurrence déloyale. Après que M. B… fut intervenu volontairement, le tribunal a rendu le 26 mai 1999 le jugement suivant : – reçoit Eric B… en son intervention ; – condamne la société ACL à payer : * à Claude A…, la somme de 80.000 francs, * à François Y…, la somme de 80.000 francs, * à Thierry Z…, la somme de 80.000 francs, à titre de dommages et intérêts, en réparation des atteintes portées à leurs droits moraux et patrimoniaux d’auteur ; – fait interdiction à la société ACL de faire paraître, de reproduire, sous quelque forme que ce soit, et notamment à des fins publicitaires, les photographies de Claude A…, François Y… et Thierry Z…, insérées dans l’affiche publicitaire réalisée par Eric B… et d’utiliser ladite affiche publicitaire, ce dans le délai d’un mois suivant la signification de la présente décision, et, sous astreinte provisoire de 5.000 francs par infraction constatée, passé ce délai ; – déboute Alain X… de ses demandes ; – déboute la société DPPI de ses demandes ; – déboute la société ACL et Eric B… de leurs demandes ; – ordonne l’exécution provisoire ; – condamne la société ACL à payer à Claude A…, François Y… et Thierry Z…, la somme de 3.500 F chacun au titre de l’article 700 du NCPC ; – condamne la société ACL aux dépens. Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que trois des quatre photographies présentaient un caractère d’originalité révélant la personnalité de leur auteur. Ils

ont, en outre, considéré que la société DPPI, qui n’agissait que sur le fondement de la concurrence déloyale, ne caractérisait pas des faits distincts de ceux qui étaient constitutifs de contrefaçon. La société ACL et M. B…, puis M. X… ont régulièrement interjeté appel de cette décision, respectivement les 15 juillet et 5 août 1999. Les appels ont été joints par ordonnance de mise en état en date du 8 février 2000. La société ACL et M. B… ont dénié toute originalité aux photographies en cause et ont donc conclu à l’infirmation partielle du jugement. Ils ont sollicité la restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris, outre chacun le paiement d’une somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. A titre subsidiaire, au cas où la cour considérerait que les photographies litigieuses étaient protégeables au titre des dispositions édictées par l’article L112-2-9 du Code de la propriété intellectuelle, ils ont contesté avoir commis des actes de contrefaçon, concurrence déloyale ou parasitisme et ont donc formulé les mêmes demandes qu’à titre principal. A titre infiniment subsidiaire, au cas où la cour considérerait que les faits reprochés constituent des actes de contrefaçon, ils ont dénié aux photographes, en leur qualité de salariés et en l’absence de tout préjudice, le droit de réclamer des dommages et intérêts pour la violation de droits patrimoniaux appartenant à la société DPPI. Ils ont estimé le préjudice patrimonial de la société DPPI à la somme maximale de 4.500 F et le préjudice moral des photographes à 1.500 F par photographie. Ils ont, comme précédemment, demandé la restitution des sommes versées, augmentées cette fois des intérêts au taux légal à compter de leur règlement. Ils ont enfin sollicité, dans tous les cas, le paiement à chacun d’une somme de 40.000 F au titre de l’article 700 du NCPC. M. X… a critiqué le jugement entrepris en ce qu’il n’avait pas admis le caractère original de sa photographie. Lui et

les trois autres photographes ont sollicité deux sommes de 70.000 F en réparation de leurs préjudices moraux et patrimoniaux, outre 7.000 F chacun sur le fondement de l’article 700 du NCPC. La société DPPI, appelante incidente, a sollicité une somme de 100.000 F en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et d’agissements parasitaires commis par la société ACL, la remise par celle-ci sous astreinte de 5.000 F par jour de retard, passé les quinze jours qui suivront la signification de l’arrêt, de la liste intégrale de toutes les exploitations conduites avec les photographies litigieuses, avec pour chaque mode d’exploitation l’indication du nom et de la nature du support, sa date de mise en service, de sa zone géographique de diffusion et de sa durée d’exploitation, enfin le paiement d’une somme de 7.000 F au titre de l’article 700 du NCPC. L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 septembre 2001. La société DPPI et les photographes en ont demandé la révocation le 3 octobre 2001, en expliquant que leur avoué n’avait reçu leurs instructions données le 24 septembre que le 27, et ont versé aux débats des pièces nä64 à 72 selon bordereau en date du 3 octobre 2001. SUR CE, Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture :

Considérant que le motif avancé par la société DPPI et les photographes à l’appui de leur demande ne constitue pas une cause grave de révocation au sens de l’article 784 du NCPC ; Qu’il convient en conséquence de rejeter la demande et d’écarter des débats les pièces litigieuses ; Sur le droit d’auteur : Considérant que si les oeuvres photographiques sont, aux termes de l’article L112-2-9 du Code de la propriété intellectuelle, des oeuvres de l’esprit protégées par la loi, encore faut-il qu’elles présentent le caractère d’oeuvres originales, ce qui implique qu’elles fassent transparaître la sensibilité de leurs auteurs et leurs compétences personnelles,

révélant ainsi leur personnalité et la particularité de leur travail de créateur ; Considérant que Mrs A…, Z…, Y… et X… entendent démontrer le caractère original de leurs photographies par le fait qu’ils ont seuls choisi l’objectif, régler l’éclairage, fait le cadrage et la mise au point, déterminé l’angle de prise de vue, ainsi que l’instant convenable du temps de pose ; Considérant que si le choix des moyens techniques est bien le leur, il apparaît à l’examen de leurs photographies qu’ils n’ont fait que capter sur leur objectif une banale phase de course automobile, sur laquelle ils ne pouvaient exercer aucune action singulière susceptible de faire transparaître leur sensibilité et leurs compétences personnelles ; Qu’ainsi, M. A… a réalisé la photographie d’un véhicule SUBARU bleu conduit par le futur vainqueur de la course, prise dans un virage lors du rallye de Monte-Carlo en 1998 ; Que la masse du véhicule, le visage à demi-voilé du pilote et du co-pilote, ainsi que la multitude de spectateurs servant de toile de fond, considérés par les premiers juges comme la preuve de l’originalité de l’oeuvre, sont des éléments inopérants, dès lors que le photographe n’avait sur eux aucune prise ; Qu’en réalité, M. A…, posté à un endroit déterminé qui lui était imposé pour des raisons de sécurité, a, ainsi que le démontre une autre photographie versée aux débats, pris plusieurs photographies du véhicule en une fraction de seconde selon la technique du déclenchement continu dite « prise en rafale », qui lui permet ensuite de sélectionner la meilleure photographie destinée à être publiée ; Que le choix du véhicule s’explique par le fait qu’il était conduit par un grand champion de courses de rallye ; Que la position de la tête du pilote ou du co-pilote doit tout au hasard, comme le démontre la photographie suivante où le visage du co-pilote est en pleine lumière ; Qu’enfin, la présence d’un nombreux public est habituel dans les

virages des courses de rallye ; Qu’en définitive, il s’agit d’une banale photo-reportage, ce qui n’enlève rien à sa qualité technique, mais interdit de la considérer comme une oeuvre de l’esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle ; Considérant que la photographie de M. Z… représente un véhicule TOYOTA à un stand de ravitaillement lors de la course des 24 heures du Mans en 1998 ; Que là encore, il s’agit d’une photographie prise selon la technique du déclenchement continu, ainsi que le prouve une autre photographie prise une fraction de seconde plus tard, depuis un emplacement imposé au photographe ; Que dès lors, les traces noires sur les flancs du véhicule, qui ne doivent rien à M. Z… mais tout aux projections des plaquettes de pneus, de même que le refléchissement en ombre chinoise sur le véhicule de la foule des spectateurs surmontée de nuages se profilant dans le ciel, qui est dû à la position imposée du photographe et non à un « choix raisonné » de sa part, ne permettent pas de considérer la photographie en cause comme une oeuvre de l’esprit ; Considérant que M. Y… revendique une photographie prise lors du rallye d’Espagne de 1998, depuis le véhicule MITSUBISHI du pilote MAKINEN ; Que M. Y… affirme faussement être le co-pilote que l’on voit assis auprès du pilote, alors qu’il ne justifie pas d’une licence de pilotage, pourtant indispensable, et qu’il résulte de la légende accompagnant la publication de la photographie que ce co-pilote se nomme MANIENSENMAKI ; Qu’il en résulte que le rôle de M. Y… s’est limité à installer un objectif grand angle à l’arrière de la voiture et éventuellement à donner des instructions au co-pilote, lequel, muni du déclencheur photographique matérialisé par un petit tube bleu, est en fait le véritable auteur de la photographie ; Qu’en conséquence, outre la grande banalité du cliché qui, comme les deux précédents, relève du reportage-photo, M. Y… ne peut pas prétendre avoir réalisé une oeuvre de l’esprit ;


Considérant enfin, que M. X… est l’auteur d’une photographie d’un véhicule RENAULT MEGANE, pris au cours du rallye de Lunéville en 1998 ; Qu’il apparaît que ce même véhicule a également été photographié par un tiers, sans que l’on puisse savoir de quelle photographie M. B… s’est inspiré, tant elles se ressemblent dans leur banalité ; Qu’aucun de ces clichés ne témoignant donc d’une originalité révélant la personnalité de leur auteur, c’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté M. X… de son action ; Sur la contrefaçon et la concurrence déloyale : Considérant que faute de la reconnaissance de l’existence d’une oeuvre de l’esprit, le délit de contrefaçon n’est pas constitué ; Qu’il convient donc de débouter les quatre photographes de leurs demandes ; Considérant que la société DPPI ne caractérise aucun fait de concurrence déloyale distinct de la contrefaçon, en se bornant à faire reproche à la société ACL d’avoir utilisé sans son autorisation des photographies prétendument contrefaites pour les besoins de publicité ; Que la société ACL est un courtier en assurances et la société DPPI une agence de publicité, de sorte que celle-ci ne peut sérieusement soutenir que celle-là aurait tenté de détourner une partie de sa clientèle ; Que le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté la société DPPI de sa demande ; Sur les demandes accessoires :

Considérant que les sommes versées en exécution du jugement entrepris devront être restituées, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ; Considérant que la procédure engagée par les intimés et M. X… ne peut être qualifiée d’abusive et qu’il n’y a donc pas lieu à dommages et intérêts ; Considérant que l’équité commande, en revanche, d’allouer à la société ACL et à M. B… une somme de 15.000 F à chacun en application des dispositions de l’article 700 du NCPC ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : – DIT

n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture. – REJETTE des débats les pièces communiquées le 3 octobre 2001 par les intimés. – CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. Alain X… et la société D.P.P.I. de leurs demandes. – L’INFIRME pour le surplus. STATUANT À NOUVEAU, – DÉBOUTE Mrs Claude A…, François Y… et Thierry Z… de leurs demandes. – LES CONDAMNE à restituer à la société A.C.L. les sommes versées en exécution du jugement déféré, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt. – DÉBOUTE la société ACL et M. Eric B… de leur demande de dommages et intérêts. – CONDAMNE la société DPPI, M. X…, M. A…, M. Y… et M. Z… à leur payer une somme de 15.000 F (quinze mille francs) à chacun en application des dispositions de l’article 700 du NCPC. – LES CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel, et accorde pour ceux d’appel à la SCP KEIME & GUTTIN, avoués, le bénéfice de l’article 699 du NCPC. Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier

Le Président C. CLAUDE

F. CANIVET 12e chambre A – Délibéré du 22/11/2001 RG Nä6091/99 – 6523/99 Alain X… (Scp Jupin-Algrin)RG Nä6091/99 – 6523/99 Alain X… (Scp Jupin-Algrin) Sté ACL (Scp Keime-Guttin) M. B… (Scp Keime-Guttin) c/ SNC DPPI (Scp Jupin-Algrin) Sté ACL (Scp Keime-Guttin) M. B… (Scp Keime-Guttin) M. A… (Scp Jupin-Algrin) M. Y… (Scp Jupin-Algrin) M. Z… (Scp Jupin-Algrin) PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : – DIT n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture. – REJETTE des débats les pièces communiquées

le 3 octobre 2001 par les intimés. – CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. Alain X… et la société D.P.P.I. de leurs demandes. – L’INFIRME pour le surplus. STATUANT À NOUVEAU, – DÉBOUTE Mrs Claude A…, François Y… et Thierry Z… de leurs demandes. – LES CONDAMNE à restituer à la société A.C.L. les sommes versées en exécution du jugement déféré, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt. – DÉBOUTE la société ACL et M. Eric B… de leur demande de dommages et intérêts. – CONDAMNE la société DPPI, M. X…, M. A…, M. Y… et M. Z… à leur payer une somme de 15.000 F (quinze mille francs) à chacun en application des dispositions de l’article 700 du NCPC. – LES CONDAMNE aux dépens de première instance et d’appel, et accorde pour ceux d’appel à la SCP KEIME & GUTTIN, avoués, le bénéfice de l’article 699 du NCPC. Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier

Le Président C. CLAUDE

F. CANIVET



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