Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 16 mai 2013, n° 12/03391

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 23A

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2013

R.G. N° 12/03391

AFFAIRE :

J D X

C/

F Z

MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Février 2012 par le Tribunal de Grande Instance de pontoise

N° chambre :1re

N° Section :Famille-Personne

N° RG : 11/04585

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Afsaneh KHAKPOUR

Me Mélina PEDROLETTI

avis M. P.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur J D X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

représenté par Maître Afsaneh KHAKPOUR avocat postulant et plaidant du barreau de VERSAILLES

APPELANT

****************

Madame F Z

née le XXX à XXX

XXX

XXX

représentée par Maître Mélina PEDROLETTI avocat postulant du barreau de VERSAILLES – N° du dossier 00021945 vestiaire : 626

ayant pour avocat plaidant Maître Noureddine HABIBI ALAOUI du barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 93 -

INTIMEE

EN PRESENCE DU MINISTERE PUBLIC représenté à l’audience par Monsieur H I avocat général à qui la cause a été communiquée qui a conclu.

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Avril 2013, Madame Dominique LONNE, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Présidente,

Madame Dominique LONNE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Mme F Z, née le XXX à XXX, de nationalité marocaine, a contracté mariage le XXX (et non 2011 indiqué dans le dispositif du jugement par suite d’un erreur matérielle) à A (Maroc) avec M. J D X, né le XXX à XXX, également de nationalité marocaine.

Deux enfants sont issus de cette Union : Habiba née le XXX à XXX née le XXX à XXX

Un jugement rendu le 17 octobre 2006 par le tribunal de grande instance de Paris a prononcé le divorce des époux J D X-F Z.

Par exploit du 26 mars 2011, Mme F Z a assigné M. J D X devant le tribunal de grande instance de Pontoise afin de voir annuler leur mariage célébré le XXX à A au Maroc, au visa tant des articles 10 et 57 de la MOUDAWANA (code de la famille marocain) que des articles 146 et 147 du code civil français, en exposant que M. J D X lui a caché avoir été déjà dans les liens du mariage avec Mme B X, née le XXX à XXX, mariage contracté le XXX à A et dont sont issus trois enfants : Mohammed né le XXX à XXX née le XXX à XXX née le XXX à A.

Mme F Z a sollicité la condamnation de M. J D X au paiement de la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, en faisant valoir qu’elle l’avait rencontré en France alors qu’il était en situation irrégulière, qu’il a obtenu sa carte de résident de dix ans le 21 octobre 2003 et a quitté le domicile conjugal le 17 septembre 2004 ; qu’alors qu’il était marié avec Mme Z, un troisième enfant est né le XXX de son premier mariage avec Mme B X et que le 11 juillet 2009 devant l’officier d’état civil d’Argenteuil M. J D X a contracté un troisième mariage avec Mme M J O, née le XXX à XXX, alors qu’il est toujours dans les liens du mariage avec sa première épouse, Mme B X.

Invoquant sa bonne foi, elle a demandé que le mariage continue de produire ses effets à son égard.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 03 février 2012, le tribunal de grande instance de Pontoise a, en application de la loi française et notamment de l’article 147 du code civil, :

— annulé le mariage entre Mme F Z et M. J D X prononcé le 31 janvier « 2011 » à A (Maroc) ,

— ordonné la transcription du dispositif de ce jugement en marge des registres de l’état civil,

— dit que le mariage continuera à produire ses effets à l’égard de Mme Z,

— condamné M. X à payer à Mme Z la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. X aux dépens.

Par déclaration reçue et enregistrée le 11 mai 2012, M. J D X a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 03 octobre 2012, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, il demande à la cour :

* d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

* de condamner Mme Z à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel .

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 03 janvier 2013, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme F Z conclut au débouté de l’ensemble des demandes de M. X et à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a annulé le mariage des époux X-Z et dit que le mariage continuera à produire ses effets à l’égard de Mme Z.

Elle demande que le montant des dommages-intérêts pour préjudice moral soit porté à la somme de 35.000 euros et sollicite l’allocation d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que la condamnation de M. X aux dépens.

Vu les conclusions du ministère public du 14 mars 2013 qui conclut à la confirmation du jugement entrepris ;

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur la compétence

M. X soulève l’incompétence du juge français aux motifs que les époux sont tous deux de nationalité marocaine, qu’ils ont contracté mariage au Maroc devant l’officier d’état civil d’A, que la juridiction française n’a pas compétence pour annuler l’acte de mariage s’agissant d’un acte étranger.

Mais l’article 3 paragraphe 1 du règlement (CE) du Conseil n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 dispose que : 'Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux , les juridictions de l’Etat membre :

a) sur le territoire duquel se trouve :

— la résidence habituelle des époux, ou

— la dernière résidence des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, ou

— la résidence habituelle du défendeur,

….'.

Les règles de compétence du règlement s’appliquent également avec les pays tiers à l’union européenne (civ I 28 novembre 2007 s’agissant d’une application d’office à des époux Y).

Mme F Z demeurant XXX à XXX, ancien domicile conjugal, a assigné le 26 mars 2011 en nullité de mariage devant le tribunal de grande instance de Pontoise M. J D X demeurant XXX à XXX.

Le juge français est compétent pour statuer sur la demande d’annulation du mariage formée par Mme Z dès lors que la dernière résidence commune des époux s’est trouvée en France, où leur divorce a d’ailleurs été prononcé, et qu’ils résident toujours tous les deux en France, Mme Z résidant toujours à l’ancien domicile conjugal.

Le moyen tiré de l’incompétence du juge français doit être rejeté.

II) Sur la loi applicable

Selon l’article 3 du Code civil, il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en oeuvre, même d’office, la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle.

Au surplus l’article 9 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 prévoit en matière de dissolution du mariage qu’elle est prononcée selon la loi de celui des deux Etats dont les époux ont tous deux la nationalité à la date de la présentation de la demande.

Les conditions de fond du mariage sont régies par la loi nationale des époux, qui sont en l’espèce tous deux de nationalité marocaine, en sorte que seule la loi marocaine est applicable pour apprécier le consentement.

III) Sur le fond

M. X soutient qu’au regard de la loi marocaine, loi nationale des parties, le mariage ne peut pas être annulé dans la mesure où la loi marocaine autorise la polygamie.

Il fait valoir qu’un mariage contracté à l’étranger en état de bigamie pour l’un des époux ou les deux n’est pas nul en France si les lois nationales ou les statuts personnels, éventuellement différents, de chaque époux autorise la polygamie.

Sur ce point, la cour relève néanmoins que la MOUDAWANA, code de famille marocain :

— interdit la polygamie lorsqu’une injustice est à craindre envers les épouses et lorsqu’il existe une condition de l’épouse en vertu de laquelle l’époux s’engage à ne pas lui adjoindre une autre épouse (article 40 de la Moudawana) ;

— prévoit deux cas énumérés à l’article 41 dans lesquels le tribunal n’autorise pas la polygamie ;

— prévoit à l’article 42 :' En l’absence de condition par laquelle l’époux s’engage à renoncer à la polygamie, celui-ci doit, s’il envisage de prendre une autre épouse, présenter au tribunal une demande d’autorisation à cet effet. La demande doit indiquer les motifs objectifs et exceptionnels justifiant la polygamie et doit être assortie d’une déclaration sur la situation matérielle du demandeur.'

Si la loi marocaine autorise donc la polygamie, c’est donc sous certaines conditions.

En tout état de cause, devant la cour Mme Z soutient, notamment au visa des article 10 et 57 de la MOUDAWANA, que le mariage est nul car son consentement a été vicié, que M. X l’a trompée en lui cachant ainsi qu’au juge notarial sa précédente union avec Mme B X et l’existence de deux enfants nés de ce premier mariage, que si elle avait eu connaissance de l’état de polygamie de son mari elle l’aurait assigné en annulation de mariage et non pas en divorce ;

L’article 10 du code de la famille marocain dispose que 'le mariage est conclu par consentement mutuel (Ijab et Quaboul) des deux contractants, exprimés en termes consacrés ou à l’aide de toute expression admise par la langue et l’usage’ et l’article 57 que :' Le mariage est nul : 1) Lorsque l’un des éléments visés à l’article 10 ci-dessus fait défaut'.

Or, il résulte de l’acte de mariage établi au Maroc devant notaire le XXX entre F Z et J D X que ce dernier s’est déclaré 'célibataire selon son attestation administrative pour mariage n°1185/2000 délivrée le 12.12.2000".

Le fait pour Mme F Z d’avoir, au moment où il s’est marié avec M. J D X le XXX, été laissée dans l’ignorance du premier mariage de M. X, contracté au Maroc avec B X le XXX (selon acte de mariage versé aux débats et dressé à A le 11 août 1992) et également dans l’ignorance de la naissance des deux premiers enfants issus de cette première union, à savoir Mohammed X né le XXX et Meryem X née le XXX, tous deux à XXX, constitue la dissimulation d’éléments déterminants pour Mme Z, viciant son consentement.

Madame Z demande que le mariage continue à produire ses effets à son égard en raison de sa bonne foi.

L’article 58 du code de la famille marocain prévoit :

'Le tribunal prononce la nullité du mariage en vertu des dispositions de l’article 57 ci-dessus, dès lors qu’il en a connaissance ou à la demande de toute personne concernée.

Ce mariage, après consommation, donne droit au Sadaq et entraîne l’obligation de l’Istibra (la retraite de continence). Si le mariage a été conclu de bonne foi, il produit également le droit à la filiation et entraîne les empêchements au mariage dus à l’alliance.'

Il apparaît que ces dispositions permettent à l’époux de bonne foi de conserver le bénéfice des effets du mariage, de même qu’en droit français l’article 201 du code civil permet à celui des époux qui est de bonne foi de ne pas subir les effets du caractère rétroactif d’une annulation du mariage mais de bénéficier des effets du mariage jusqu’à la date de l’annulation.

Aucun élément ne permet en l’espèce d’écarter la bonne foi de Mme Z.

Le jugement entrepris sera confirmé, mais par substitution de motifs, en ce qu’il a annulé le mariage célébré le XXX à A (Maroc) entre Mme F Z et M. J D X et dit que le mariage produira ses effets à l’égard de Mme Z.

Eu égard aux circonstances de l’espèce exactement invoquées par Mme Z comme étant génératrices à son égard d’un préjudice moral, les premiers juges ont justement fixé sa réparation à la somme de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, mais par substitution de motifs, étant précisé que la date du mariage annulé est le XXX et non 2011,

Y ajoutant,

Déboute M. J D X de ses demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. J D X à payer à Mme F Z une somme complémentaire de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne M. J D X aux dépens, étant précisé que l’application de l’article 699 du code de procédure civile n’est pas demandée.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Présidente et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 16 mai 2013, n° 12/03391