Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 24 mars 2015, n° 13/05550

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 24 mars 2015, n° 13/05550
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 13/05550
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 11 juin 2013
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

HG

Code nac : 59C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 MARS 2015

R.G. N° 13/05550

AFFAIRE :

SARL PICK-ART

C/

SA ALTI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Juin 2013 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 01

N° Section :

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Franck LAFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE QUINZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SARL PICK-ART

XXX

XXX

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 13000358 – Représentant : Me Zoulfikaraly NATHOO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : U0008 substitué par Me DEBRAY

APPELANTE

****************

SA ALTI

XXX

XXX

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20130558

Représentant : Me Joseph BENAIM, Plaidant, avocat au barreau d’ESSONNE -

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Janvier 2015 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Hélène GUILLOU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

Vu l’appel interjeté le 16 juillet 2013 par la société Pick-Art d’un jugement rendu le 12 juin 2013 par le tribunal de commerce de Nanterre qui a:

— débouté la société Alti de sa demande d’expertise,

— débouté la société Pick-Art de ses demandes contre la société Alti,

— débouté la société Pick-Art de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice personnel subi par M. Z

— condamné la société Pick-Art à payer à la société Alti la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné la société Pick-Art aux dépens.

Vu les dernières écritures en date du 17 décembre 2014 , par lesquelles la société Pick-Art demande à la cour de:

— d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté les demandes de l’appelante et l’a condamnée au paiement d’une indemnité de 3 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,

— condamner la société Alti à payer à la société PICK-ART les sommes de:

—  131 936,21 euros conformément aux dispositions de l’article 10 du contrat liant les parties,

-135 000 euros en réparation du manque à gagner qu’a subi PICK-ART du fait de procédure dilatoire,

—  25 953,16 euros, au titre des intérêts de retard,

—  15 000 euros au titre du préjudice moral,

— débouter la société Alti de toutes ses demandes,

— condamner la société Alti au paiement d’une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières écritures en date du 2 décembre 2013, aux termes desquelles la société Alti, poursuivant la confirmation de la décision, prie la cour, si celle-ci estimait que la société Alti avait violé l’article 10 du contrat,

— constater que la société Pick-Art ne justifie d’aucun préjudice,

— en conséquence, et par application des dispositions de l’article 1152 du Code Civil, constater le caractère manifestement excessif de l’indemnisation prévue à la clause pénale figurant audit contrat, et en conséquence ramener celui-ci à un euro,

— débouter la société Pick-Art de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner la société Pick-Art au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2015.

SUR CE, la COUR

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que:

— les sociétés Helios et Pick-Art ont pour associés M. Z et Mme Y, Mme Y étant associée et gérante de la société Pick-Art et M. Z étant associé et gérant de la société Hélios,

— la Société Alti a confié à la société Pick-Art par un contrat de sous-traitance diverses prestations informatiques au profit de l’ONF, client final, lequel a exigé lors du renouvellement du marché public, remporté par la société Alti, que la prestation soit exécutée par MM G A et William B déjà connus par ses services,

— pour permettre à la société Alti de conserver son marché auprès de l’ONF, la société Alti a, par contrat du 17 mars 2009, sous-traité la prestation à la société Pick-Art qu’elle pensait l’employeur de MM A et B,

— ces deux salariés étant en réalité employés par la société Hélios, un contrat a été signé entre la société Hélios et la société Pick-Art le 18 mars 2009 les mettant à la disposition de la société Pick-Art,

— la société Hélios ayant été mise en liquidation judiciaire le 3 mars 2010, le liquidateur a, le 15 mars 2010, licencié MM A et B qui ne se sont plus présentés au sein de l’ONF,

— la société Pick-Art n’a donc plus été en mesure de fournir la prestation de sous-traitance,

— le 2 avril 1010, la société Alti a résilié, après mise en demeure, le contrat la liant à la société Pick-Art,

— constatant que ces salariés étaient en fait toujours chez ONF, et soutenant que la société Alti les mettait à disposition de l’ONF, via une société de portage, la société Pick-Art s’est prévalue d’une clause de non sollicitation du personnel insérée au contrat de sous-traitance,

— Le 24 août 2010 la société Pick-Art a assigné la société Alti en paiement des sommes de:

—  131 936,21 euros,

—  9 765,03 euros au titre des intérêts de retard,

—  14 512,96 euros au titre d’une clause pénale,

—  5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

—  30 000 euros de manque à gagner,

-10 000 euros au titre du préjudice moral

— soutenant qu’aucune clause de non sollicitation du personnel n’existait dans le contrat qu’elle avait signé avec la société Pick-Art, la société Alti a demandé le sursis à statuer en raison du dépôt d’une plainte pour faux en écriture, laquelle a finalement été classée sans suite,

— c’est dans ces circonstances qu’est intervenue la décision entreprise ;

Considérant que la société Alti produit:

— un contrat de sous -traitance Alti-Hélios en date du 17 juillet 2006 qui comporte une clause n° 8 stipulant la non sollicitation du personnel,

—  6 contrats de sous traitance Alti-Pick-Art, en date des 17 mars 2009 ( contrat initial et avenant N° 1), 15 septembre 2009 (avenant n°1 et avenant n°2), 24 décembre 2009 (avenant n° 2 et avenant n°3), chaque avenant concernant l’un ou l’autre des salariés mis à disposition, M. A et M. B ;

Considérant qu’aucun de ces contrats n’est signé des deux parties ; que 4 d’entre eux sont signés de la seule Mme C X ; qu’ils ne peuvent donc être opposés à la société Pick-Art ;

Considérant que cette dernière produit un avenant n° 3 au contrat de sous-traitance Alti-Pick-Art signé et paraphés des deux parties, qui comporte un article 10 intitulé 'convention de non sollicitation de personnel’ ainsi rédigé le prestataire et le client renoncent à engager directement ou indirectement, sauf accord particulier, tout personnel de l’autre partie ou des parties tierces coopérant au sein de la mission, ceci pendant toute l’exécution du présent contrat et pendant les 12 mois qui en suivront le terme, . En cas de manquement à la présente clause, la partie s’engage à dédommager l’autre partie en lui versant immédiatement une somme forfaitaire égale à la rémunération annuelle brute du collaborateur concerné ;

Considérant que la société Alti, tout en rappelant la plainte pour faux qu’elle a initiée et qui n’a pas abouti et en produisant deux attestations de salariés, Mme X et M. E F, responsables du centre de profit de la société Alti, qui expliquent que la clause de non sollicitation a été supprimée le 13 mars 2009 avec l’accord de M. Z, en raison de la cessation prévisible d’activité par la société Hélios, ne demande que la confirmation du jugement ; que celui-ci a rejeté la demande d’expertise sur la falsification des contrats et retenu l’existence d’une clause de non sollicitation du personnel dans ces actes ; qu’il n’y a donc plus lieu de s’interroger sur l’existence de cette clause mais seulement d’en envisager l’interprétation ;

Sur l’interprétation de la clause de non sollicitation de personnel:

Considérant que la société Pick-Art soutient que le mot 'personnel’ est différent du mot 'salarié’ et que les factures émises par la société Pick-Art à destination de la société Alti font bien expressément référence au personnel mis à disposition, et ce nominativement ; qu’en outre ce contrat fait référence aux 'parties tierces’ coopérant à la mission ce qui est le cas de la société Hélios ; qu’une telle clause est courante dans ce secteur réduit où il n’est pas rare de sous traiter les prestations ; que la rédaction de la clause prend en compte le fait que le personnel mis à disposition dans le cadre d’un contrat n’est pas forcément un salarié du cocontractant ; qu’enfin il est établi que MM A et B ont continué de travailler pour la société Alti par l’intermédiaire de la société External Omnium ; qu’elle est donc bien fondée à faire application de l’article 10 du contrat ;

Considérant que la société Alti fait valoir que l’article 10 ne peut concerner que les salariés de la société sous-traitante ; elle ajoute qu’en tout état de cause la clause pénale présente un caractère manifestement excessif qui justifie sa réduction sur le fondement de l’article 1152 du code civil ;

Considérant que la clause stipulant que le prestataire et le client renoncent à engager directement ou indirectement, sauf accord particulier, tout personnel de l’autre partie ou des parties tierces coopérant au sein de la mission doit être entendue comme visant aussi le personnel des parties tierces au contrat, ce qui est expressément stipulé ; que le personnel de la société Hélios qui a mis à disposition les deux salariés indispensables à la réalisation du contrat pour l’ONF est bien une 'partie tierce coopérant au sein de la mission’ ;

Considérant que la clause litigieuse prévoit qu’ En cas de manquement à la présente clause, la partie s’engage à dédommager l’autre partie en lui versant immédiatement une somme forfaitaire égale à la rémunération annuelle brute du collaborateur concerné ; qu’une telle clause qui a pour objet de dissuader l’une ou l’autre des parties d’engager directement ou indirectement le personnel indispensable à l’exécution de la mission et d’évaluer de manière forfaitaire le préjudice subi par l’autre partie s’analyse en une clause pénale ;

Considérant qu’en application de l’article 1152 du code civil, une telle clause peut être modérée si elle présente un caractère manifestement excessif ; que ce caractère peut résulter de la disproportion manifeste entre le montant de la clause pénale et celui du préjudice effectivement subi, en tenant compte de la finalité de la clause, qui était d’éviter tout débauchage de personnel ;

Considérant qu’il est établi que les deux salariés MM A et B ont continué d’être embauchés sur le marché de l’ONF, la société Alti les ayant mis à disposition par l’intermédiaire d’une société de portage salarial ;

Considérant qu’en l’espèce les prestations de chacun de ces deux salariés étaient facturées 400 euros par jour par la société Pick-Art à la société Alti, soit, au vu des factures versées aux débats, entre 17 000 et 20 000 euros par mois ; que, compte tenu de la durée prévue pour la non sollicitation soit jusqu’au mois d’avril 2011, la somme de 131 936,21 euros réclamée représente entre 6 et 7 mois de facturation ; que la société Pick-Art, désignée comme 'le prestataire’ dans le contrat de sous-traitance était également visée par cette interdiction de sollicitation du personnel d’une société tierce ; qu’elle ne pouvait donc proposer à la société Alti que la mise à disposition d’autres salariés, ce qu’elle a tenté de faire sans succès, le client final, ONF ayant subordonné le marché à sa réalisation par MM A et B ;

Considérant que la clause pénale est donc sans proportion avec le préjudice subi par la société Pick-Art qui était informée de la liquidation de la société Hélios, le gérant de la société Pick-Art étant associé dans cette société, son préjudice résultant pour le principal non pas de la réembauche indirecte des deux salariés par la société Alti, mais de la liquidation de la société qui le mettait à sa disposition et qu’elle n’a pas repris ;

Considérant que la clause pénale sera donc réduite à la somme de 40 000 euros ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Sur les autres demandes:

Considérant que la société Pick-Art demande également le paiement d’intérêts moratoires (25 953,16 euros), d’une autre clause pénale ( 25 953,16 euros), d’un manque à gagner suite à procédure dilatoire ( 5000X27 mois 135 000 euros), d’un préjudice moral (15 000 euros), d’une somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu’elle se prévaut des conditions des ventes de la société Pick-Art qui rappellent que le défaut de paiement l’autorise à réclamer à titre de dommages-intérêts et de clause pénale une indemnité égale au taux de la BCE majoré de 10 points des sommes dues, outre les intérêts légaux, les frais judiciaire éventuels’ ;

Considérant que cette clause qui figure en effet sur les factures qu’elle a adressées à la société Alti jusqu’en février 2010, ainsi que sur la facturation de la clause pénale qu’elle a adressée le 4 juin 2010 à la société Alti, ne peut s’appliquer qu’aux prestations contractuelles et non aux dommages-intérêts dus en application d’une clause pénale ; que la société Pick-Art qui invoque une atteinte portée à sa réputation par la plainte pour faux dans le microcosme du 'monde Pick’ 'entraînant l’éloignement de clients et prospects durant la période de suspicion’ ne justifie d’aucun préjudice réel qu’aurait entraîné cette plainte pour faux qui a été classée sans suite ; qu’elle ne produit aucun élément relatif aux auditions, confrontations qui lui auraient été imposées, et au stress qui en serait résulté, pas plus que des frais d’avocats qu’elle aurait engagés ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes sur ces points ;

Sur l’indemnité de procédure et les dépens:

Considérant qu’il apparaît équitable d’indemniser la société Pick-Art des frais irrépétibles qu’elle a exposés en première instance et en appel ; que le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Pick-Art à payer à la société Alti une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et que la société Alti sera condamnée à lui payer une somme de 5 000 euros sur ce fondement ;

Considérant qu’il convient de rejeter la demande reconventionnelle formée à ce titre par la société Alti ;

Que celle-ci sera condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 12 juin 2013, sauf en ce qu’il a débouté la société Alti de sa demande d’expertise et rejeté la demande en réparation du préjudice personnel subi par M. Z,

et, statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que la clause pénale stipulée à l’article 10 du contrat ayant lié la société Alti à la société Pick-Art est manifestement excessive,

la réduisant:

Condamne la société Alti à payer à la société Pick-Art la somme de 40 000 euros en application de cette clause,

Déboute la société Pick-Art du surplus de ses demandes,

Condamne la société Alti à payer à la société Pick-Art la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Alti aux dépens

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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