Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 11 juin 2015, n° 13/07159

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 61B

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 11 JUIN 2015

R.G. N° 13/07159

AFFAIRE :

ASSOCIATION LES DROITS DES NONS-FUMEURS

C/

SNC SELF SERVICE ROYAL exploitant sous l’enseigne 'LE CAFE ZEPHYR'

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 05

N° Section : 1

N° RG : 10/4352

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE JUIN DEUX MILLE QUINZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (2e chambre civile) du 13 juin 2013 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS (Pôle 2 Chambre 2) le 11 mai 2012

L’ASSOCIATION 'LES DROITS DES NONS-FUMEURS'

XXX

XXX

représentée par son représentant légal, Monsieur Y Z, président de l’association, né le XXX à XXX, de nationalité française, domicilié audit siège

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20130555

Représentant : Me Pierre MAIRAT de la SCP MAIRAT & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS (P.0252)

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SNC SELF SERVICE ROYAL

exploitant sous l’enseigne 'LE CAFE ZEPHYR'

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Avril 2015, Madame Véronique BOISSELET, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marine EYROLLES

Les 8 et 15 janvier 2010, maître X, huissier de justice, a établi un constat à la demande de l’association 'les droits des non-fumeurs’ (DNF) relatif à l’agencement des locaux de l’établissement 'le café Zéphyr', enseigne de la société Self Service Royal, exploitant un café XXX à Paris.

Après y avoir été dûment autorisée, l’association a assigné le 4 mars 2010 selon la procédure dite à jour fixe la société Self Service Royal devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 14 Septembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris, retenant pour l’essentiel que l’association ne démontrait pas que la terrasse litigieuse était un lieu où l’interdiction de fumer s’appliquait, a :

— débouté l’association de l’ensemble de ses demandes,

— débouté la société Self Service Royal de sa demande de dommages et intérêts,

— dit n’y avoir lieu de prononcer une condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné l’association aux dépens.

L’association 'les droits des non-fumeurs’ a relevé appel de ce jugement et par un arrêt du 11 mai 2012, la cour d’appel de Paris a :

— confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— rejeté toutes autres demandes des parties,

— condamné l’association 'les droits des non-fumeurs’ aux dépens.

Sur pourvoi de l’association 'les droits des non-fumeurs', la Cour de cassation a, par arrêt du 13 Juin 2013, cassé cet arrêt dans toutes ses dispositions et a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Versailles, reprochant à la cour d’appel de Paris d’avoir violé par fausse application les articles L3511-7 et R3511-1, 1° du code de la santé publique et de ne pas avoir donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1382 du code civil, 'alors qu’il résultait de ses propres constatations que la terrasse du café 'le Brébant’ (lire 'le café Zéphyr'), librement accessible à l’usage collectif des consommateurs et du personnel de l’établissement, mais également fermée par ses trois côtés principaux, et munie seulement d’une aération partielle sous toiture, comme telle impropre à répondre à l’exigence susvisée, constituait un lieu fermé et couvert accueillant du public et constituant un lieu de travail'.

Par conclusions du 24 décembre 2013, l’association 'les droits des non-fumeurs’ demande à la cour de :

— constater que la société Self Service Royal n’a pas respecté les prescriptions du code de la santé publique, notamment l’article R3512-2, 1°, en ce qu’elle a manqué d’appliquer la signalétique imposée par la loi, l’article R3512-2, 2°, en ce qu’elle a mis à la disposition des fumeurs un emplacement non conforme, notamment en ne respectant pas les normes d’aération prévues à l’article R3511-3 et R3512-2, 3° du code de la santé publique, et en ce qu’elle a favorisé sciemment la violation de l’interdiction de fumer au sein de son établissement,

— juger que la violation de ces dispositions réglementaires est constitutive d’une faute ayant entraîné pour l’association un préjudice,

— condamner la société Self Service Royal à verser à l’association une somme forfaitaire de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— faire injonction à la société Self Service Royal de se mettre en conformité dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, avec les dispositions du code de santé publique et du code du travail relatives à la réglementation et à la protection contre le tabac, et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction et par jour à partir du seizième jour suivant l’arrêt,

— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

— condamner la société Self Service Royal à verser à l’association une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Régulièrement assignée, la société Self Service Royal n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2015,

SUR QUOI LA COUR :

Les constatations de l’huissier, effectuées le 8 janvier 2010, à une heure non précisée, sont les suivantes :

L’établissement dispose d’une terrasse sur le trottoir fermée par des cloisons, châssis métalliques vitrés sur les côtés, et en façade des cloisons métalliques et vitrées d’environ 1, 35 mètre de hauteur. L’ensemble est entièrement recouvert par un store-banne. A l’intérieur côté gauche, est notée une table avec deux personnes dont l’une fume. Toutes les tables sont pourvues de cendriers.

Aucun affichage apparent du principe d’interdiction de fumer sur la terrasse n’est apposé sur la façade et les retours de la terrasse.

Il n’est pas contesté que l’article L.3511-7 du code de la santé publique dispose qu’il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif et que l’application de ce texte doit faire l’objet d’un décret d’application. L’article R.3511-1 modifié du même code précise que l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif mentionnée à l’article L3511-7 s’applique dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail.

Les circulaires interprétatives de ce texte précisent, pour celle du 29 novembre 2006, que 's’agissant des locaux dits de convivialité tels que les cafés… l’interdiction s’applique dans les lieux fermés et couverts, même si la façade est amovible', et qu’il 'sera donc permis de fumer sur les terrasses, dès lors qu’elles ne sont pas couvertes ou que la façade est ouverte'. Les mêmes prescriptions sont reprises dans la circulaire du 17 septembre 2008, qui précise qu’il y a lieu d’entendre par espace extérieur (dans lequel l’interdiction ne s’applique pas) les terrasses totalement découvertes quand bien même elles seraient closes sur leurs côtés, les terrasses couvertes mais dont le côté principal est intégralement ouvert.

Il est suffisamment établi par les constatations sus relatées que la terrasse litigieuse ne répond pas aux conditions légales et réglementaires nécessaires pour échapper à l’interdiction de fumer, dans la mesure où elle est fermée quasi entièrement, peu important à cet égard que le store-banne puisse être replié, ou que les parois soient amovibles en été. Cette terrasse doit donc être considérée comme un lieu fermé et couvert qui accueille du public ou constitue un lieu de travail. S’il est vrai que des circulaires ne constituent pas des dispositions contraignantes, l’interprétation de la loi par le juge doit se faire conformément au but du législateur, lequel est, en ce qui concerne les dispositions légales et réglementaires précitées, fondé sur des impératifs de santé publique, en sorte que c’est l’interprétation la plus favorable au but poursuivi qui doit prévaloir.

Le fait, certes regrettable, que l’heure du constat ne soit pas précisée, n’enlève rien à la force probante des constatations de l’huissier selon lesquelles sont présentes sur cette terrasse deux personnes dont une fume, et des tables pourvues de cendriers.

La seule présence de fumeurs démontre en l’espèce que fumer est toléré dans l’établissement. Il est donc établi que la société, en capacité en sa qualité d’exploitante de s’opposer à ce que l’on fume hors de locaux dédiés au sein de son établissement, a contrevenu aux dispositions de l’article R3512-2 du code de la santé publique réprimant par une peine d’amende contraventionnelle de 4e classe le fait de favoriser, sciemment, par quelque moyen que ce soit, la violation de l’interdiction de fumer.

La faute commise par la société Self Service Royal est donc suffisamment démontrée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs formulés par DNF, et sera retenue.

DNF, association reconnue d’utilité publique, qui a pour buts, selon ses statuts, de permettre aux non- fumeurs de participer à la vie sociale et collective sans avoir à supporter la fumée du tabac des fumeurs, d’agir auprès des pouvoirs publics pour obtenir le respect de la réglementation de protection des non-fumeurs et d’exercer les droits de la partie civile pour les infractions à ladite réglementation, subit nécessairement un préjudice direct et personnel du fait de la faute établie, qui sera justement réparé par la somme de 3 000 euros.

Il sera également fait injonction à la société Self Service Royal de se mettre en conformité avec les dispositions du code de la santé publique et du code du travail relatives à la réglementation et à la protection contre le tabac, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai d’un mois après signification du présent arrêt.

Succombant, la société Self Service Royal sera condamnée aux dépens de première instance et aux dépens des deux instances d’appel et devra contribuer, en équité, aux frais de procédure exposés par DNF à hauteur de 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant, publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Vu l’arrêt de la Cour de Cassation du 13 juin 2013 portant cassation totale de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 mai 2012,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Self Service Royal à payer à l’association les Droits des Non Fumeurs la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, et la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Lui fait injonction de se mettre en conformité avec les dispositions du code de la santé publique et du code du travail relatives à la réglementation et à la protection contre le tabac,

Dit que, faute pour elle de l’avoir fait passé le délai d’un mois après signification du présent arrêt, elle pourra être condamnée à une astreinte de 200 euros par jour de retard,

La condamne aux dépens de première instance, et des deux instances d’appel, avec recouvrement direct.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,



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