Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 9 mars 2017, n° 17/00515

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 9 mars 2017, n° 17/00515
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/00515
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 12 janvier 2017, N° 2016R01244
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 34C

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 9 MARS 2017

R.G. N° 17/00515

RG : N° 17/01079

AFFAIRE :

A X

C/

SA SOLOCAL GROUP prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Janvier 2017 par le Président du tribunal de commerce de NANTERRE

N° RG : 2016R01244

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à:

Me Bertrand LISSARRAGUE

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE NEUF MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur A X

XXX

XXX

Représenté par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1757055

assisté de Me Anne-Sophie NOURY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0132 et de Me Olivier LOIZON de l’AARPI SCEMLA LOIZON VEVERKA & de FONTMICHEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0564

SAS BJ INVEST agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1757055

assistée de Me Anne-Sophie NOURY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0132 et de Me Olivier LOIZON de l’AARPI SCEMLA LOIZON VEVERKA & de FONTMICHEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0564

APPELANTS

****************

SA SOLOCAL GROUP prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

XXX

XXX

Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 17129

assistée de Me Jean-pierre FARGES du LLP ASHURST LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J034 -

INTIMÉE

****************

Composition de la cour : L’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 mars 2017, Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

FAITS ET PROCÉDURE,

La société SoLocal Group (la société SoLocal), précédemment Pages Jaunes Groupe, est spécialisée dans la recherche d’informations locales, de mise en relation et de publicité locale, sur l’Internet, mobile et imprimé.

Elle est cotée sur le marché Euronext Paris.

Par jugement du 9 avril 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde financière accélérée en faveur de la société SoLocal. Le plan de sauvegarde a été arrêté le 9 mai 2014.

Les difficultés économiques ont cependant persisté, du fait notamment de l’importance du passif de la société et d’un contexte économique difficile.

L’assemblée générale des actionnaires s’est réunie le 15 décembre 2016 en vue de se déterminer sur une modification du plan de restructuration.

Un incident a eu lieu lors du vote d’une première résolution portant sur l’autorisation de réduction de capital de la société. Alors qu’un premier vote avait recueilli 64,74% des voix, soit un nombre en deçà de la majorité qualifiée des deux tiers pour en permettre l’adoption, celui-ci a été annulé au motif que certains actionnaires n’auraient pas compris le fonctionnement des boîtiers électroniques, la résolution ayant alors été remise au vote immédiatement après et ayant obtenu cette fois 66,95% des votes.

Par un jugement en date du 22 décembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté la modification du plan de sauvegarde financière accélérée après avoir constaté son approbation à la majorité des deux tiers de l’assemblée générale des actionnaires ainsi que par le comité des créanciers.

La société BJ Invest et M. X prétendent être actionnaires de la société SoLocal depuis février 2016. Ils se sont opposés aux différentes versions du plan de restructuration financière en proposant notamment une solution alternative lors de l’assemblée générale du 15 décembre 2016, laquelle solution a été rejetée.

C’est dans ce contexte que le 23 décembre 2016, la société BJ Invest et M. X ont été autorisés à faire assigner en référé à heure indiquée la société SoLocal devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, afin de voir suspendre la mise en oeuvre des résolutions votées le 15 décembre 2016.

Par ordonnance du 13 janvier 2017, le juge des référés a :

• débouté la société SoLocal de sa demande de nullité de l’assignation délivrée le 23 décembre 2016 ;

• débouté la société SoLocal de sa demande tendant à voir déclarer M. X et la société BJ Invest irrecevables en leurs demandes ;

• débouté M. X et la société BJ Invest de leur demande de suspension de la mise en oeuvre des résolutions n° l à 7 soumises au vote de l’assemblée générale de la société SoLocal en date du 15 décembre 2016 ;

• débouté la société SoLocal de sa demande de condamnation de M. X et la société BJ Invest à lui verser 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

• condamné solidairement M. X et la société BJ Invest à payer à la société SoLocal la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 23 janvier 2017, la société BJ Invest et M. X ont été autorisés à interjeter appel à jour fixe et à faire assigner la société SoLocal à comparaître le 1er mars 2017.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions, reçues au greffe le 27 février 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société BJ Invest et M. X demandent à la cour de :

— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté la société SoLocal de ses demandes ;

— infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté les demandes de la société BJ Invest et de M. X ;

Statuant à nouveau:

— suspendre la mise en ouvre des résolutions n° 1 à 7 soumises au vote de l’assemblée générale de la société SoLocal du 15 décembre 2016 dans l’attente de l’issue de la procédure au fond engagée par les appelants aux fins de nullité des délibérations de ladite assemblée générale ; – en tout état de cause, débouter la société SoLocal de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

— condamner la société SoLocal à verser aux appelants la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Les appelants soutiennent essentiellement :

Sur le moyen soulevé par l’intimée visant la nullité de l’assignation pour absence de motivation :

— que ce moyen ne résiste pas à l’examen des volumineuses écritures en réponse des intimés, celles-ci témoignant suffisamment de ce que l’intimée a parfaitement compris les moyens et griefs formulés par les appelants et a pu y répondre en conséquence ;

Sur le moyen d’irrecevabilité soulevé par l’intimée :

— que la société SoLocal ne peut contester sans se contredire la qualité d’actionnaire des appelants alors qu’elle l’a reconnue, notamment à l’audience du 5 janvier 2017 et que cette qualité est, en toute hypothèse, incontestable ;

— que l’affirmation des intimés, selon laquelle la résolution litigieuse serait « quasi identique » au projet de résolution déposé par M. X en amont de l’assemblée générale, ne résiste pas à la comparaison des deux projets ;

Sur le bien fondé de la demande de suspension formulée par les appelants :

— que les dirigeants de la société SoLocal ne pouvaient imposer un second vote au seul motif que des personnes présentes ont bruyamment exprimé leur mécontentement à la proclamation du premier résultat ;

— qu’il est un principe général selon lequel une assemblée ne peut voter deux fois une même résolution ; que seule une demande de rectification du vote et du résultat est éventuellement susceptible d’intervenir a posteriori, à l’exclusion de tout nouveau vote; que l’application de ce principe suffit à emporter la nullité de la délibération litigieuse ;

— que la violation des règles du droit de vote, qui fait encourir la nullité des délibérations par application de l’article L. 235-2-1 du code de commerce, constitue un trouble manifestement illicite ;

— qu’il existe une incohérence quant aux nombre de votes; qu’en effet la différence entre le nombre allégué de votes effectifs et le nombre d’actions, telle qu’elle ressort des résultats officiels, est supérieure à la différence maximale théorique entre le nombre d’actions et le nombre de votes exerçables ; que cette anomalie inexpliquée correspond à un nombre de droits de votes (64 154) supérieur au nombre de voix ayant permis à la résolution n°1 d’être adoptée à la majorité qualifiée requise lors du second vote ;

— que les appelants justifient d’un dommage imminent tenant à ce que leur participation dans la société menace d’être diluée irrémédiablement au moment où il sera statué au fond ;

— que l’acceptation de leur demande ne ferait courir aucun risque à la société la société alors et n’aurait d’autre conséquence qu’un simple retard dans son exécution.

Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 1er mars 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société SoLocal demande à la cour de :

In limine litis

— réformer l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a débouté la société BJ Invest et M. X de sa demande de nullité de l’assignation ;

— constater l’absence de motivation de l’assignation ;

— prononcer la nullité de l’assignation ;

Au fond,

A titre principal,

— réformer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté la société SoLocal de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de la société BJ Invest et M. X :

— constater l’absence d’intérêt à agir de la société BJ Invest et M. X ;

En conséquence,

— prononcer l’irrecevabilité de l’assignation ;

A titre infiniment subsidiaire,

— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté la société BJ Invest et M. X de leur demande de suspendre la mise en ouvre des résolutions n° 1 à 7 soumises au vote de l’assemblée générale de société SoLocal ;

— constater l’absence de bien-fondé des demandes formées par M. X et la société BJ Invest ;

En conséquence, – débouter la société BJ Invest et M. X de leurs demandes ;

A titre reconventionnel,

— Réformer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté la société SoLocal de sa demande de condamnation la société BJ Invest et M. X au paiement de 30 000 euros à titre de dommages- intérêts ;

— constater l’abus du droit d’ester en justice la société BJ Invest et M. X;

En conséquence,

— condamner in solidum la société BJ Invest et M. X au paiement de 30 000 euros à titre de dommages intérêts ;

En tout état de cause,

— condamner in solidum la société BJ Invest et M. X à payer à la société SoLocal la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société SoLocal soutient essentiellement :

In limine litis, sur la nullité de l’assignation en raison du défaut de motivation

— que les assignations délivrées le 23 décembre 2016 et le 26 janvier 2017 se bornent à procéder par affirmation sans motiver juridiquement leurs moyens conformément à l’article 56 du code de procédure civile ;

— que si les appelants précisent que leur demande est fondée sur l’article 873 du code de procédure civile, ils ne justifient toutefois aucunement de l’existence trouble manifestement illicite.

A titre principal, sur l’irrecevabilité de la demande faute d’intérêt à agir

— que les appelants ne prouvent en rien leur qualité d’actionnaires de la société ;

— que les appelants ont émis un projet de résolution quasi-identique à celle finalement adoptée et mise en oeuvre, que par conséquent ils n’ont aucun intérêt légitime à demander la nullité de la résolution de l’assemblée générale ;

A titre subsidiaire, sur les conditions d’ouverture de l’action en référé

Sur l’absence de trouble manifestement illicite

— que les appelants ne précisent pas la règle de droit qui aurait été violée lors de l’assemblée des actionnaires, ce dont il résulte l’impossibilité pour le juge de l’évidence de constater un trouble manifestement illicite ;

— qu’au contraire, aucune règle n’interdit à la même assemblée générale d’une société anonyme de voter de nouveau une résolution qui aurait été invalidée ;

— que plusieurs éléments, -tels que décrits dans le procès-verbal de constat établi par l’huissier de justice, présent dans la salle, et tels que relatés par l’administrateur judiciaire et conciliateur, présent à l’estrade avec les dirigeants, – font apparaître l’irrégularité du premier vote de la 1re résolution ;

— que le second vote a dû avoir lieu en raison d’un doute légitime quant à la régularité du 1er vote et après la protestation des actionnaires n’ayant pas réussi à voter.

Sur l’absence de dommage imminent

— que s’il est fait droit à la demande des appelants, cela aura pour effet de provoquer le dommage imminent contre lequel ils prétendent vouloir se prémunir ;

— qu’une mesure conservatoire de suspension de la mise en oeuvre des résolutions reviendrait à empêcher la mise en oeuvre du plan de restructuration financière; que la société SoLocal encourrait alors un péril imminent ;

— que les appelants sollicitent du juge des référés une mesure qui, en pratique, aurait les mêmes effets que la nullité d’une assemblée générale sans avoir permis un débat au fond alors que le prononcé de la nullité relève de l’appréciation des juges du fond.

A titre reconventionnel

— que l’action introduite par les appelants, sans fondement juridique et visant à suspendre une résolution d’assemblée similaire à celle qu’ils avaient proposée, constitue un usage illégitime et abusif de la justice et une obstruction systématique dans un but tout personnel et mercantile.

MOTIFS DE LA DECISION

I – Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité de l’assignation

La société SoLocal ne précise pas, dans le dispositif de ses écritures, si elle entend soulever la nullité de l’assignation à jour fixe délivrée le 26 janvier 2017 à M. X ou si elle soulève une exception de nullité des deux assignations de première instance et d’appel délivrées le 23 décembre 2016 et le 26 janvier 2017.

Eclairés par leurs motifs, les conclusions montrent que la société SoLocal soulève une exception de nullité des deux actes, pour vice de forme s’agissant de l’assignation délivrée pour l’instance d’appel et pour défaut de motifs pour les deux assignations.

A l’audience du 1er mars 2017, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l’éventuelle irrecevabilité de l’exception de nullité au regard des dispositions de l’article 74 du code de procédure civile.

Chacune d’elles a produit une note en délibéré sur ce moyen d’ordre public.

A – Nullité pour vice de forme de l’assignation

La société SoLocal soutient que l’assignation du 26 janvier délivrée par M. X porte mention d’une adresse 7, XXX qui s’est révélée inexacte lorsque la société SoLocal lui a fait signifier des décisions le condamnant au paiement d’une somme d’argent, en particulier au vu de procès-verbaux de signification du 22 février 2017 dont elle n’a eu connaissance que le 27 février 2017.

Aux termes de l’article 648 du code de procédure civile, tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs, si le requérant est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité l’acte, en application de ce même texte.

Toutefois, l’article 74 du code de procédure civile énonce que 'les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond et fin de non-recevoir'.

Par ailleurs, il résulte de l’alinéa 2 de l’article 114 du code de procédure civile que la nullité d’un acte pour vice de forme ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.

La société SoLocal explique que l’article 74 du code de procédure civile ne peut lui être opposé, puisqu’elle n’a eu connaissance de l’irrégularité qu’au cours de l’instance d’appel, lorsqu’elle a fait signifier une ordonnance du 12 décembre 2016 du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre qui lui était favorable.

Cette signification, délivrée suivant les formes de l’article 659 du code de procédure civile, a cependant été faite le 22 février 2017, soit avant que la société SoLocal a conclu pour la première fois sur le fond dans la présente instance d’appel, le 24 février 2017, sans soulever l’exception de nullité de l’assignation et ce n’est que le 1er mars 2017 qu’elle a conclu à la nullité de l’assignation.

C’est sans preuve que la société SoLocal soutient qu’elle n’a eu connaissance que le 27 février 2017 de la délivrance, par son huissier de justice, de l’acte du 22 février 2017.

En toute hypothèse, la cour observe que la société SoLocal ne justifie à ce jour d’aucun grief résultant de l’irrégularité dénoncée, en particulier elle ne démontre aucune difficulté d’exécution de la décision rendue en première instance qui a condamné solidairement la société BJ et M. X au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou d’une autre décision.

Il s’ensuit que l’exception de nullité de l’assignation du 26 janvier 2017, qui n’est pas recevable, ne peut être accueillie.

B – Nullité pour défaut de motivation

La société SoLocal soutient encore que les deux assignations des 23 décembre 2016 et 26 janvier 2017 seraient nulles au regard des articles 15, 16 et 56 du code de procédure civile, pour ne pas comporter l’objet de la demande en fait et en droit.

L’assignation du 23 décembre 2016 comporte 7 pages et 22 pièces à son soutien, elle vise expressément les dispositions de l’article 873 du code de procédure civile et la violation alléguée des règles relatives au vote des actionnaires.

Il en est de même de l’assignation du 26 janvier 2017, qui vise 29 pièces et qui développe en plus de 10 pages les moyens et critiques des appelants dirigés contre l’ordonnance,

L’exception de nullité de ces actes, qui manque en fait, sera par suite rejetée.

II – Sur la recevabilité des demandes

A – Au regard de la qualité d’actionnaire de M. X et de la société BJ Invest

Selon la société SoLocal, les appelants seraient dépourvus de droit d’agir faute pour eux de justifier de leur qualité d’actionnaires de la société SoLocal.

M. X et la société BJ Invest versent aux débats une actualisation du document de référence de la société SoLocal visée par l’Autorité des marchés financiers, dont il ressort qu’au 5 octobre 2016, M. X, la société BJ Invest, M. Y et la société Pentagram Media ont déclaré détenir 7,0879% du capital représentant 6,9785% des droits de vote.

Dans deux lettres adressées le 23 novembre 2016 aux appelants, la société SoLocal, tout en mettant en demeure M. X et la société BJ Invest de justifier de leur participation dans le capital, ne leur a en aucune façon dénié leur qualité d’actionnaire.

Ils ont pu accéder à l’assemblée générale litigieuse du 15 décembre 2016, présenter des résolutions qui ont été soumises au vote des actionnaires et exercer leurs droits de vote. M. X a également pu s’exprimer lors de cette assemblée, sans que sa qualité d’actionnaire ne soit discutée. .

Le 22 décembre 2016, la société BJ Invest a adressé à la société SoLocal une déclaration de franchissement de seuils statutaires

Dans la note d’opération établie le 9 février 2017 par la société SoLocal mise à la disposition du public à l’occasion de l’émission et de l’admission sur le marché réglementé d’actions nouvelles, la participation de M. X et de la société BJ Invest au capital au jour de la diffusion de la note y figure à hauteur de 5,97 %.

Les appelants versent encore aux débats deux attestations d’inscription de titres en compte par lesquelles les établissements Natixis et 1818 certifient que BJ Invest détient biens 1 908 148 actions de SoLocal dans leurs livres.

Il ressort enfin des mentions de l’ordonnance, qui font foi jusqu’à inscription pour ce qui est des faits que le juge a lui-même constatés ou a constaté avoir été accomplis en sa présence, que le directeur général de la société SoLocal a reconnu lors de l’audience devant le premier juge que les demandeurs étaient actionnaires de la société.

L’intérêt et la qualité à agir s’apprécient lors de la saisine du juge.

La société SoLocal ne démontre pas que les appelants auraient perdu leur qualité d’actionnaire avant de former leur appel.

La fin de non-recevoir sera rejetée.

B – Au regard de l’intérêt légitime à agir des appelants compte tenu de la présentation, par eux, d’une résolution identique au cours de l’assemblée générale du 15 décembre 2016

Les appelants ont déposé le 17 novembre 2016 des projets de résolution pour l’assemblée générale du 15 décembre 2016 dont l’exposé des motifs démontre que, si ceux-ci s’inscrivent dans la structure du projet proposé par la société SoLocal, en ce sens que toutes les résolutions prévoyaient une réduction du capital, les propositions de M. X, qui considère que celles de la société ne respectaient pas suffisamment l’intérêt des actionnaires, comportaient des ajustements de certains paramètres, afin d’aboutir selon lui à un projet équilibré, en particulier des ajustements concernant le nombre d’attributions d’actions gratuites aux actionnaires ou l’émission de bons de souscription d’actions autonomes au profit des actionnaires.

La société SoLocal ne peut donc valablement soutenir que ces projets de résolutions étaient identiques ou même similaires aux délibérations litigieuses, privant ainsi M. X et la société BJ Invest du droit de les contester.

C- Au regard de ce que l’assemblée générale a déjà été exécutée

La société SoLocal soutient encore que les demandes des appelants seraient dépourvues d’objet, dans la mesure où la 1re résolution de l’assemblée générale du 15 décembre 2016 a été exécutée et qu’il serait impossible désormais de demander la suspension d’une résolution d’assemblée générale qui a déjà été mise en oeuvre.

La cour rappelle en premier lieu que, si le juge des référés apprécie la situation au jour où il statue, il lui appartient en toute hypothèse de déterminer si la demande était justifiée.

Ensuite et surtout, il ressort des pièces versées aux débats, notamment du jugement du 22 décembre 2016 ayant arrêté la modification du plan de sauvegarde accélérée de la société SoLocal que, si la société n’exécute pas ses engagements, les créanciers devront dans un premier temps saisir le commissaire à l’exécution du plan conformément à la procédure de médiation prévue au plan et qu’en cas d’échec de la procédure de médiation, le commissaire à l’exécution du plan saisira le tribunal pour que celui-ci décide s’il y a lieu ou non de procéder à la résolution du plan.

D’autre part, si l’Autorité des marchés financiers a accédé le 23 décembre 2016 à la demande de dérogation pour des fonds anglo-saxons de déposer une offre publique d’acquisition dans le cadre de la mise en oeuvre des opérations de restructuration, puis a, le 8 février 2017, délivré son visa sur le prospectus de l’augmentation de capital, la période de souscription de cette augmentation a été prévue pour se dérouler du 15 au 24 février 2017 et le règlement-livraison des titres à émettre a été fixé les 13 et 14 mars 2017, de sorte que, si la première résolution portant sur la résolution du capital par réduction de la valeur nominale des actions a été mise en oeuvre, l’opération décidée par les résolutions n° 1 à 7 dont il est demandé la suspension, qui constituent un ensemble indivisible, n’est pas achevée à ce jour.

La fin de non-recevoir sera également rejetée.

***

L’ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle déclaré recevables les demandes de M. X et de la société BJ Invest.

III – Sur le bien fondé de la demande

Selon l’article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, 'le président (du tribunal de commerce) peut dans les limites de la compétence du tribunal de commerce, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.'

Le trouble manifestement illicite que le juge des référés a le pouvoir de faire cesser, peut-être défini comme 'toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit', le dommage imminent qu’il appartient au juge des référés de prévenir comme 'le dommage qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.' A – l’existence d’un trouble manifestement illicite

Au soutien de leur demande, les appelants se prévalent d’un trouble qui résulterait de l’illicéité des conditions dans lesquelles sont intervenus le second vote de la 1re résolution de la société SoLocal ainsi que des délibérations subséquentes lors de l’assemblée générale du 15 décembre 2016.

Selon eux, ces délibérations auraient été adoptées en méconnaissance des dispositions de l’article L. 235-2-1 du code de commerce ainsi que des règles fondamentales du droit électoral.

La cour observe en premier lieu que les délibérations litigieuses, en particulier la première délibération soumise à un second vote, se trouvaient bien inscrites à l’ordre du jour de l’assemblée générale

En deuxième lieu, il résulte de l’alinéa 2 de l’article L. 235-1 que la nullité des délibérations autres que la nullité d’une société ou d’un acte modifiant les statuts ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du titre III du livre deuxième du code de commerce.

L’article L. 235-2-1 du code de commerce énonce ensuite que 'les délibérations prises en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions peuvent être annulées.'

Ainsi que le relève exactement le premier juge, aucun texte n’envisage expressément la situation dénoncée par les appelants, en prohibant la mise aux voix d’une résolution figurant à l’ordre du jour et précédemment rejetée au cours d’une même assemblée générale.

Les appelants, qui invoquent l’article L. 235-2-1 précité, ne précisent en aucune façon les dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions qui auraient été méconnues.

Il ne ressort donc avec évidence d’aucune règle ou d’aucun principe que l’assemblée générale des actionnaires, qui est souveraine, aurait épuisé son ordre du jour après un premier vote et qu’elle ne pourrait procéder à un second vote avant la levée de la séance.

La société SoLocal verse au contraire aux débats un avis du comité juridique de l’association nationale des sociétés par actions (ANSA) du 2 juillet 2014 qui, après avoir rappelé que selon l’article L. 225-105 du code de commerce, l’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas à l’ordre du jour, considère que 'le principe incontestable de la souveraineté de l’assemblée conduit à permettre à celle-ci de revenir sur un vote y compris au cours d’une même séance, que la résolution initiale ait été adoptée ou rejetée, à la condition, conformément au droit commun, que le consentement des actionnaires soit suffisamment éclairé. Le bureau doit donc apporter toutes les explications utiles qui justifient l’adoption d’une résolution modifiée'.

Bien que non contraignant, cet avis rappelle néanmoins opportunément la contreverse doctrinale que suscite la question posée. S’agissant des éléments de fait, le premier juge a suffisamment exposé les circonstances dans lesquelles le second vote est intervenu, après qu’un doute ait été émis sur les conditions techniques dans lesquelles le premier vote avait eu lieu, doute qui s’est manifesté par une protestation de certains actionnaires.

Abstraction faite d’un motif de l’ordonnance relevant à tort que le secrétaire général n’avait pas précisé lors de son intervention que les votants devaient appuyer deux fois sur bouton de leur choix, la première pour effectuer le choix du vote, la deuxième fois pour confirmer définitivement le vote, alors que débats ont montré qu’il avait été expliqué aux actionnaires, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de constat d’huissier de justice, que 'lorsque les votants voteront, ils entendront un bip émis par le boîtier et que leur choix ne sera plus modifiable', l’ordonnance reprend avec précision le déroulement des opérations telles que décrites par ce constat, corroboré notamment par le témoignage de Me Bourbouloux, administrateur judiciaire et conciliateur.

A ces constatations s’ajoutent celles, développées en cause d’appel par l’intimée, selon lesquelles la barre de progression des votes n’aurait pas eu une progression continue, le taux d’abstention affiché sur le grand écran (10,69% d’abstention, représentant plus de 2,1 millions de voix), se serait révélé anormalement élevé, les personnes présentes à l’estrade n’auraient pas eu le retour des résultats sur leur écran et des actionnaires auraient indiqué que leurs boîtiers ne fonctionnaient pas (99 boîtiers sur les 440 présents dans la salle n’auraient pas émis de vote alors que le quorum était très élevé).

Me Basse, commissaire au plan et présent dans la salle, atteste en outre que 'l’erreur technique est apparue évidente'.

Ainsi, outre qu’il n’existe aucune évidence d’une violation d’une règle de droit, le déroulement des faits laisse penser que l’assemblée n’a pas pris, dans un premier temps, une décision éclairée, ce qui prive de plus fort, à supposer un second vote possible au cours d’une même assemblée, le trouble allégué de tout caractère manifestement illicite.

Il appartient donc au seul juge du fond de trancher la question de droit soulevée en considération des éléments de preuve apportés par les parties.

B – l’existence d’un dommage imminent

Le dommage imminent que le juge des référés a le pouvoir de prévenir doit être imputable au défendeur et ne peut être simplement éventuel.

Au cas présent, les appelants soutiennent que s’ils obtiennent la nullité des délibérations des assemblées générales, ils auront dores et déjà vu leur participation diluée dans la société de manière irréversible et irrémédiable et ne disposeraient d’aucune solution pratique pour retrouver la valeur de leur participation.

Si la mise en oeuvre d’une éventuelle annulation rétroactive des délibérations risque en effet de ne pas permettre une remise en état des parties dans le contexte d’une opération avec offre au public, rien de permet à ce jour de dire que le dommage qui pourrait en résulter pour les appelants serait imputable à la société SoLocal, les délibérations ayant été prises par l’assemblée des actionnaires et non par la société.

Il n’est en second lieu pas démontré que les appelants seraient avec évidence privés de tout recours indemnitaire à l’encontre de celui ou de ceux dont les agissements auraient entraîné une irrégularité du vote.

La société SoLocal expose de son côté amplement que c’est à l’inverse la mesure de suspension qui serait de nature à lui causer un préjudice irréparable.

Sans qu’il y ait lieu de mettre en balance les intérêts respectifs des parties, seuls les appelants sollicitant une mesure conservatoire, la cour considère que la preuve d’un dommage imminent n’est en l’espèce pas rapportée.

L’ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a débouté M. X et la société BJ Invest de sa demande de suspension, à défaut pour elle de prouver l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent.

IV – Sur les autres demandes

La cour approuve les motifs par lesquels le premier juge a rejeté la demande

revonventionnelle de la société SoLocal pour procédure abusive.

Les appelants soulèvent une question de droit sérieuse et rien ne permet de dire qu’ils ont engagé la présente procédure de façon téméraire ou qu’ils aient agi animés d’un esprit malveillant voire emprunt de légèreté blâmable.

Il y a lieu de confirmer l’ordonnance qui a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société SoLocal.

Il sera enfin fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure

civile au profit de la société SoLocal.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE l’exception de nullité des assignations des 23 décembre 2016 et le 26 janvier 2017 ; Z les demandes de la société BJ Invest et de M. X recevables :

CONFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE in solidum la société BJ Invest et M X à payer à la société SoLocal Group la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la société BJ Invest et de M. X de ce chef ;

DIT que la société BJ Invest et M. X supporteront in solidum la charge des dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 9 mars 2017, n° 17/00515