Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 15 novembre 2018, n° 17/03721

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 3e ch., 15 nov. 2018, n° 17/03721
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/03721
Sur renvoi de : Cour de cassation, 15 novembre 2016
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 NOVEMBRE 2018

N° RG 17/03721

N° Portalis DBV3-V-B7B-RROC

AFFAIRE :

C Y-E épouse X

C/

SARL A B H I

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Novembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 2

N° Section : 2

N° RG : 11/12489

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Julie GOURION

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (1re chambre civile) du 16 novembre 2016 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS (Pôle 4 – Chambre 1) le 18 juin 2015

Madame C Y-E épouse X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

LONDRES (ROYAUME-UNI)

Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – N° du dossier 217419

Représentant : Me Salomé LEMASSON, Plaidant, avocat substituant Me Antonin LEVY du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J033

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SARL A B H I

N° SIRET : 438 058 729

37, avenue A B H

[…]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 – N° du dossier 20170211

Représentant : Me Stephan ZITZERMANN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R149

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Septembre 2018 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport et Madame Françoise BAZET,Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

Le 30 novembre 2010, Mme Y a donné à la société A-B H I, exerçant sous l’enseigne BSI Boulogne, un mandat exclusif de vendre un bien I sis à Paris au prix net vendeur de 1 900 000 euros pour une commission égale à 4 % du prix de vente hors taxe à la charge de l’acquéreur.

Le mandat comportait la clause pénale suivante :

«Clause pénale Exclusivité

De convention expresse et à titre de condition essentielle sans laquelle le mandataire n’aurait pas accepté la présente mission, le mandant s’engage à signer aux prix, charges et conditions convenus toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d’une demande de prêt I (loi n° 79-596 du 13.07.1979) avec tout acquéreur présenté par le mandataire, …..s’interdit, pendant la durée du mandat et pendant la période suivant son expiration indiquée au recto, de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui.

En cas de non-respect des obligations énoncées ci-avant aux paragraphes a-, b-, c-, il s’engage expressément à verser au mandataire, en vertu des articles 1142 et 1152 du Code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue au recto».

Le mandat a été résilié le 27 février 2011 avec effet au 14 mars suivant.

Le 11 mars 2011, la société A-B H I a présenté et fait visiter le bien à Mme Z qui a fait le même jour une offre d’achat au prix de 1 980 000 euros, commission d’agence réduite à 80 000 euros incluse.

Une seconde visite a eu lieu le 25 mars 2011.

L’offre d’achat de Mme Z n’a pas eu de suite.

C’est dans ces conditions que, par acte du 26 juillet 2011, la société A-B H I a assigné Mme Y en paiement de la clause pénale et remboursement des frais de diagnostic technique.

Par jugement du 22 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris, retenant que, par trois fois, Mme Y avait refusé de vendre au prix du mandat en exigeant un prix supérieur, et ne s’était ravisée qu’après que l’offre fut devenue caduque, a :

— condamné Mme Y à verser à la société A-B H I une indemnité de 90 896 euros au titre de la clause pénale prévue au mandat du 30 novembre 2010, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

— débouté la société A-B H I de sa demande au titre des frais irrépétibles,

— ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 50% des sommes allouées.

Mme Y a interjeté appel de la décision et par arrêt du 18 juin 2015, la cour d’appel de Paris a :

— confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,

— rejeté toutes autres demandes,

— condamné Mme Y aux dépens de l’instance d’appel avec recouvrement direct.

Mme Y a formé pourvoi en cassation, et par arrêt du 16 novembre 2016, la Cour de cassation a :

— cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 juin 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Paris, et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Versailles,

— condamné la société A-B H I aux dépens.

Par dernières écritures du 31 octobre 2017, Mme Y, prie la cour de :

— juger que la clause pénale n’est pas due,

— déclarer irrecevable l’agence BSI Boulogne en ses demandes.

— ordonner la restitution, dans un délai de 15 jours à compter de l’arrêt à intervenir, de la somme de 45 448 euros versés à l’agence BSI Boulogne au titre de l’exécution provisoire accordée en première instance, sous peine d’une astreinte de 500 euros par jour de retard,

— condamner l’agence BSI Boulogne à verser à Mme Y la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par dernières écritures du 7 avril 2018, la société A-B H I prie la cour de :

— infirmer le jugement dont appel,

— condamner Mme Y à payer à la société A-B H I la somme de 90 896 euros à titre de dommages et intérêts, portant intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir,

— débouter Mme Y de toutes ses demandes,

— condamner Mme Y à payer à la société A-B H I la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme Y aux dépens avec recouvrement direct.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2018.

SUR QUOI, LA COUR :

Le tribunal et la cour de Paris ont retenu qu’il était établi que Mme Y avait refusé de vendre au prix du mandat à trois reprises, les 14, 15 et 25 mars 2011, qu’elle s’était ravisée à partir du 1er avril,

et qu’elle avait qualifié l’agence d’ 'escroc’ devant un acquéreur présenté par cette dernière, ce qui constituait un acte de dénigrement. Ils ont jugé que ce comportement avait eu pour effet de faire renoncer l’acquéreur, et de priver l’agence de sa commission, en sorte que la somme prévue à ce titre à titre de clause pénale au mandat était due.

La Cour de cassation a retenu, au visa des articles 6-1 alinéa 3 de la loi 70-9 du 2 janvier 1970, dans sa rédaction issue de la loi 2006 -872 du 13 juillet 2006, et 72 du décret 72-678 du 20 juillet 1972, dans sa rédaction issue du décret 2010- 1707 du 30 décembre 2010, qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que la vente n’avait pas été effectivement conclue, de sorte que l’agent I ne pouvait se prévaloir des dispositions de la clause litigieuse, laquelle emportait obligation de conclure la vente sauf à payer la somme contractuellement prévue même en l’absence de faute imputable au mandant, la cour d’appel avait violé les textes précités.

Mme Y fait valoir que les demandes de l’agence sur un fondement délictuel sont irrecevables, puisque le litige est fondé sur l’exécution d’un contrat, et qu’en outre elles sont nouvelles en appel. L’agence a en outre commis de nombreux manquements à ses obligations, en la trompant volontairement sur la durée de l’exclusivité, en lui laissant croire que la modification du prix de vente avait été actée avant de soutenir le contraire en excipant de l’absence de signature d’un avenant, en transmettant l’offre d’achat avec retard et de manière incomplète, notamment sur sa durée, et en négligeant d’effectuer les démarches nécessaires à la régularisation de la promesse de vente avant le 26 mars 2011, date d’expiration de la validité de l’offre.

La société A-B H I, prenant acte de ce que la clause pénale n’est pas applicable, fait valoir qu’elle est néanmoins en droit d’obtenir l’indemnisation de son préjudice résultant de la perte d’une chance d’obtenir une commission de 90 896 euros, dès lors qu’elle a été privée de cette commission à raison des fautes commises par Mme Y pour avoir exigé un prix plus élevé que celui convenu au mandat de vente du 30 novembre 2010 et à la lettre-proposition d’achat du 11 mars 2011 et pour l’avoir dénigrée auprès de sa cliente.

***

L’article 6 -I de la loi du 2 janvier 1970 modifiée dispose que 'aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties.'. Ce texte est d’ordre public et s’impose donc aux parties nonobstant toute convention contraire.

Or si les parties sont en désaccord sur les raisons pour lesquelles l’offre formulée par l’acquéreur potentiel trouvé par l’agence n’a pas eu de suite, elles s’accordent sur le fait que cet acquéreur s’est retiré avant que l’opération ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte contenant l’engagement des parties, puisqu’il est constant que Mme Y n’a accepté l’offre de Mme Z qu’alors que cette dernière était déjà caduque et que Mme Z avait renoncé, et qu’en tout état de cause, aucun acte unique contenant l’engagement des parties n’a été signé. Dès lors, en vertu du texte précité, la clause pénale contenue au mandat et fondant la demande de l’agence, aux termes de laquelle le mandant s’engageait à signer toute promesse ou tout compromis de vente aux conditions convenues audit mandat n’est pas applicable, et, ainsi que soutenu par Mme Y et reconnu par la société A-B H I, la somme contractuellement prévue à titre de pénalité n’est pas due.

Les parties ayant convenu à l’avance des modalités et montant de l’indemnisation de l’inexécution par Mme Y de ses obligations, et notamment de celle de signer la vente au prix convenu au mandat, la société A-B H I ne peut s’affranchir de cet accord, pour solliciter une indemnisation au titre d’une perte de chance de percevoir sa rémunération, en invoquant les mêmes

manquements de Mme Y que ceux qu’elle dénonçait au titre de l’inexécution de ses obligations contractuelles. Les longues explications des parties sur leurs manquements réciproques sont donc inopérantes, et la demande de la société A-B H I sera donc également rejetée en ce qu’elle est fondée sur l’existence d’une perte de chance.

Il n’est par ailleurs pas démontré que les faits de dénigrement allégués, à les supposer établis, soient à l’origine de la renonciation de Mme Z à poursuivre l’opération.

Le jugement sera donc infirmé sur la somme allouée à la société A-B H I, et sa demande sera rejetée.

Le présent arrêt valant titre de restitution, il est inutile d’ordonner la restitution des sommes versées au titre de l’exécution provisoire, et le prononcé d’une astreinte ne se justifie pas non plus.

Sur la demande reconventionnelle de Mme Y :

Mme Y avait formé une demande en dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros devant le tribunal, pour procédure abusive, qui a été rejetée par le tribunal et qui n’est pas reprise devant la cour de céans.

Elle formule désormais une demande de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros fondée sur le préjudice que lui auraient causé les violations par l’agence de ses obligations contractuelles, en ce qu’elles auraient retardé la vente, et son comportement agressif qui l’a particulièrement meurtrie alors qu’elle était enceinte de six mois.

La recevabilité de cette demande n’est pas contestée.

Néanmoins, en l’absence de tout élément de preuve des griefs allégués cette demande sera rejetée.

Sur les autres demandes :

La société A-B H I, qui succombe, supportera les dépens de première instance, ceux de l’instance d’appel devant la cour de Paris, et ceux de la présente instance sur renvoi après cassation.

Les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirmant le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau sur l’entier litige,

Déboute la société A-B H I de toutes ses demandes,

Y ajoutant,

Déboute Mme C Y de toutes ses demandes,

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société A-B H I aux dépens de première instance, à ceux de l’instance d’appel devant la cour de Paris, et à ceux de la présente instance sur renvoi après cassation.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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