Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 8 octobre 2018, n° 16/01002
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 4e ch., 8 oct. 2018, n° 16/01002 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 16/01002 |
Décision précédente : | Tribunal d'instance de Nantes, 10 décembre 2015, N° 11-14-000665 |
Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
- Président : Brigitte AZOGUI-CHOKRON, président
- Avocat(s) :
- Parties :
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54C
4e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 OCTOBRE 2018
N° RG 16/01002
AFFAIRE :
[…]
C/
M. J-K X
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2015 par le Tribunal d’Instance de MANTES LA JOLIE
N° RG : 11-14-000665
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Sophie RIVIERE – MARIETTE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE HUIT OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
[…]
N° de Siret : 453 005 548 R.C.S. PARIS
Ayant son siège 14, […]
[…]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Marie-Emily VAUCANSON, avocat postulant et plaidant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 2016-476 vestiaire : 554
APPELANTE
****************
Monsieur J-K X
né le […] à […]
[…]
[…]
Représentant : Maître Sophie RIVIERE – MARIETTE, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, vestiaire : 275
Représentant : Maître Olivier LAERI, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : D 1927
INTIME
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Juin 2018, Madame Isabelle DE MERSSEMAN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président,
Madame Anna MANES, Conseiller,
Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme F G
FAITS ET PROCEDURE :
La société Caraktere est spécialisée dans la conception et la réalisation de travaux de rénovation et
surélévation. Elle recherche des clients, conçoit des ouvrages et sous-traite la réalisation des travaux.
Dans ce cadre, elle a chargé à compter du 13 mai 2014, M. X, architecte de formation, d’une
mission de conducteur de travaux pour la supervision de trois chantiers chez :
— M. et Mme Y
— M. et Mme Z
— M. A.
Les parties ont mis fin à ce contrat d’un commun accord le 31 mai 2014.
Le 11 juin 2014, M. X a remis à l’encaissement un chèque de la société Caraktere de 5.500 euros
qui a été rejeté le 24 juin 2014 au motif d'« opposition sur chèque pour vol ».
Le 2 juillet 2014, le conseil de M. X a adressé à la société Caraktere, une mise en demeure de
payer la somme de 6.760 euros en paiement de sa rémunération.
Faute de parvenir à un accord, M. X a, par acte du 25 septembre 2014, fait assigner la société
Caraktere Travaux aux fins d’obtenir sa condamnation, assortie de l’exécution provisoire, au
paiement d’une somme de 6.760 euros au titre de ses prestations, la somme de 1.500 euros à titre de
dommages et intérêts et la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure
civile, outre sa condamnation dépens.
Par jugement contradictoire du 11 décembre 2015, le tribunal d’instance de Mantes La Jolie a
:
— débouté la société Caraktere Travaux de son exception d’incompétence,
— condamné la société Caraktere Travaux à payer à M. X la somme de 6.180 euros avec intérêts
au taux légal à compter du 3 juillet 2014, date de réception de la lettre de mise en demeure,
— débouté M. X de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
— débouté la société Caraktere Travaux de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
— condamné la société Caraktere Travaux à payer à M. X la somme de 1.200 euros sur le
fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— débouté M. J-K X du surplus de ses prétentions,
— ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
— condamné la société Caraktere Travaux aux dépens.
Par déclaration remise au greffe le 10 février 2016, la société Caraktere a interjeté appel de ce
jugement à l’encontre de M. J-K X.
Par ordonnance du 8 avril 2017, le conseiller de la mise en état, a déclaré irrecevables les
conclusions de M. X signifiées le 24 février 2017 plus de deux mois après la notification des
conclusions de l’appelant en application de l’article 909 du code de procédure civile dans sa rédaction
applicable au litige et dit que M. X ne pourra plus conclure à nouveau ; les conclusions
signifiées par M. X postérieurement à cette ordonnance sont dès lors irrecevables.
Par conclusions signifiées le 9 mai 2016, la société Caraktere, appelante, demande à la cour, au
visa des dispositions des articles 1134, 1147, 1315, 1153 et 1153- 1 du code civil de:
— la recevoir en son appel, l’en dire bien fondée, y faire droit,
— infirmer dans toutes ses dispositions le jugement de première instance rendu par le tribunal
d’instance de Mantes la Jolie le 11 décembre 2015, sauf en ce qu’il a débouté M. X de sa
demande de dommages et intérêts,
A titre principal :
— lui donner acte de ce qu’elle se reconnaît débitrice de la somme de 1.000 euros au titre des
prestations fournies par M. X,
A titre subsidiaire :
— lui ordonner si besoin était de verser à M. X la somme de 2.214 euros,
— condamner M. X à lui verser la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts
— ordonner la compensation des sommes dues par les parties,
— condamner M. X à lui verser la somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du
code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
— assortir l’ensemble des condamnations de l’intérêt au taux légal.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 10 avril 2018.
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SUR CE :
La société Caraktere et M. X ont signé un contrat le 13 mai 2014 intitulé « protocole de
partenariat » aux termes duquel ce dernier s’engageait à superviser les travaux réalisés auprès de trois
clients de la société Caraktere, en qualité de conducteur de travaux, à Rueil-Malmaison et à Vernon.
Les parties ont mis un terme à cette collaboration d’un commun accord dès le 31 mai 2014.
Le litige porte sur la rémunération de M. X restée impayée.
Sur les limites de l’appel :
M. X ayant été déclaré irrecevable à conclure par décision du conseiller de la mise en état le 18
avril 2017, la cour n’est saisie que de l’appel principal de la société Caraktere tendant à obtenir
l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a écarté l’exception
d’incompétence et débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts. Ces dispositions du
jugement non critiquées sont désormais irrévocables.
Sur le montant de la rémunération de M. X :
L’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable au litige,
prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et
qu’elles doivent être exécutées de bonne foi.
La charge de la preuve de l’obligation au paiement pèse, en application de l’article 1315 du code
civil, sur celui qui se prévaut de cette obligation ;
En l’espèce, les pièces remises au greffe de la cour par M. X au soutien de ses conclusions
déclarées irrecevables, sont elles-mêmes irrecevables ;
La société Caraktere présente le contrat signé par les parties le 13 mai 2014 qui mentionne que M.
X devra présenter « une facture dûment complétée concernant les missions effectuées selon un
barème établi entre la société Caraktere et lui-même. »
La société Caraktere soutient que le contrat de M. X comportait trois pages et que M. X n’a
présenté en première instance que les pages 1 et 3 alors que la rémunération de 600 euros HT par
chantier figurait en page 2. Elle sollicite à titre principal de lui donner acte de ce qu’elle se reconnaît
débitrice de la somme de 1.000 euros au titre des prestations fournies par M. X et présente deux
autres contrats de conducteurs de travaux comportant des pages 1 et 3 identiques à celles du contrat
de M. X, et fixant en page 2 la rémunération de ce type de mission à 600 euros HT par chantier.
Pour justifier d’une rémunération supérieure à ce montant et qu’il évaluait à la somme de 6.760 euros
pour la période du 13 au 31 mai 2014, M. X avait présenté en première instance le chèque de
5 500 euros remis à l’encaissement. Toutefois, la société Caraktere justifie avoir déposé plainte pour
vol de ce chèque au commissariat de police de Rueil-Malmaison le 11 juin 2014. Elle présente
également la copie du chèque qui ne comporte ni date, ni lieu de signature du chèque ainsi que la
fiche d’ouverture du compte bancaire comportant la signature de M. B, dirigeant de la
société, qui ne correspond pas à celle figurant sur le chèque remis par M. X.
Les contrats de M. H I, signé le 1er juillet 2013, de M. C le 13 mai 2014 et de M. D le
16 juin 2014, auxquels la société Caraktere a confié une mission de conducteur de travaux
comportent une mise en page strictement identique aux deux pages du contrat de M. X et font
mention en page 2 d’un barème de 600 euros HT par chantier.
M. C qui n’était plus lié à la société Caraktere le jour de son témoignage, atteste avoir signé
son contrat le même jour que M. X et avoir eu connaissance que leur rémunération serait
identique et fixée à 600 euros HT par chantier.
Il est établi par ces pièces que la rémunération convenue entre les parties à la présente procédure
s’élevait à la somme de 600 euros HT par chantier, soit une somme totale de 1 800 euros HT pour les
trois chantiers que M. X était chargé de suivre.
Il appartient à la société Caraktere qui sollicite la réduction de la rémunération de M. X de
montrer que ce dernier a manqué à ses engagements contractuels.
Pour justifier de l’insatisfaction de la clientèle et de la nécessité de réduire la rémunération de M.
X à la somme totale de 1 000 euros HT qu’elle propose, la société Caraktere présente le
témoignage de M. D qui a fait suite à M. X en qualité de conducteur de travaux. M. D
atteste qu’il a repris le chantier de M. Y précédemment suivi par M. X le 16 juin 2014, que la
salle de bain n’était pas conforme au devis et que le client a refusé de payer les suppléments, et enfin
que M. X a annoncé un prix fantaisiste pour l’entoilage des murs.
M. A, client, atteste que M. X n’avait pas l’ensemble des compétences requises pour la
rénovation totale d’un appartement, qu’il connaissait mal les standards techniques et que ses conseils
étaient très imprécis. Il précise en avoir fait part au responsable de la société Caraktere deux
semaines après le début des travaux mais ceci n’est pas établi par les pièces de la procédure.
Le contrat a été résilié d’un commun accord le 31 mai 2014, soit après deux semaines et demie de
travail.
En l’état des attestations insuffisamment précises et circonstanciées de M. D et de M. A
dont les appréciations subjectives ne sont pas corroborées par des éléments objectifs tel un
procès-verbal d’huissier de justice permettant de constater un état d’ avancement des chantiers non
conforme aux prévisions contractuelles, la preuve n’est pas rapportée d’une défaillance de M. X
dans l’accomplissement de sa mission.
Le montant de la rémunération de M. X sera ainsi fixé, comme indiqué au contrat, à la somme
de 600 euros HT par chantier soit, pour les trois chantiers, 1800 euros HT et 2 160 euros TTC.
Par infirmation du jugement déféré, la société Caraktere est condamnée à payer à M. X la la
somme de 2 160 euros TTC.
Sur le point de départ des intérêts de retard :
Le jugement déféré a assorti le montant de la condamnation de la société Caraktere des intérêts au
taux légal à compter du 3 juillet 2014, date de réception de la lettre de mise en demeure.
La société Caraktere fait valoir que cette date ne peut être retenue car le contrat prévoyait que la
rémunération n’était exigible qu’après facturation et qu’en l’espèce, la facture n’a été adressée que le 3
juin 2015.
Conformément à l’article 1153 du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, les intérêts ne
sont dûs qu’à compter d’une mise en demeure. Cet acte interpellatif doit porter sur des sommes
exigibles.
Dès lors que le contrat prévoyait que les sommes seraient dûes après envoi d’une facture dument
complétée et que cette facture n’a été adressée à la société Caraktere que le 3 juin 2015, la mise en
demeure du 3 juillet 2014 ne portait pas encore sur des sommes exigibles et c’est à tort que le
jugement a retenu cette date.
Le jugement déféré sera donc infirmé afin de fixer le point de départ des intérêts de retard au jour de
la décision de première instance, soit le 11 décembre 2015.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Caraktere :
La société Caraktere sollicite l’infirmation du jugement qui l’a déboutée de sa demande de dommages
et intérêts et réclame 800 euros à titre de dommages et intérêts au motif que M. X a conservé les
clés des trois chantiers au-delà de la rupture contractuelle, ce qui a retardé la poursuite des chantiers
et a mis la société en porte à faux vis-à-vis de ses clients.
Elle présente une attestation de M. D qui rapporte que M. X a conservé les clés de la porte
d’entrée de M. E et qu’il a fallu refaire des clés ainsi qu’un courrier adressé le 18 janvier 2015
sollicitant la remise des clés.
La société Caraktere affirme que les clés ont été remises en cours de procédure sans qu’il soit
possible d’indiquer une date exacte. L’absence de remise des clés dès le 31 mai 2014, date de la
rupture contractuelle, n’est attestée que pour un seul chantier.
Au vu de ces éléments, il convient d’infirmer le jugement et de condamner M. X à la somme de
300 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jour du présent
arrêt. Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur les dépens et les demandes d’indemnités de procédure :
La rémunération réclamée en première instance par M. X ayant été écartée et fixée à un montant
moindre au vu des pièces fournies par la société Caraktere, il convient d’ infirmer les condamnations
de la société Caraktere aux dépens de première instance et à la somme de 1 200 euros au titre de
l’article 700 du code de procédure civile prononcées par le jugement.
Le sens de la présente décision conduit à partager les dépens de la procédure de première instance et
d’appel entre les parties.
L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de la société Caraktere formée en application
des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l’appel,
Infirme le jugement déféré :
— en ce qu’il a condamné la société Caraktere Travaux à payer à M. X la somme de 6.180 euros
avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2014, date de réception de la lettre de mise en
demeure,
— en ce qu’il a débouté la société Caraktere de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
— en ce qu’il a condamné la société Caraktere aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1 200
euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société Caraktere à payer à M. X la somme de 2 160 euros TTC au titre de sa
rémunération, avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2015,
Condamne M. X à verser à la société Caraktere la somme de 300 euros à titre de dommages et
intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Confirmant pour le surplus et ajoutant,
Déboute la société Caraktere du surplus de ses demandes,
Fait masse des dépens de première instance et d’appel et condamne M. X et la société Caraktere
à les supporter chacun à proportion de moitié ,
Dit que les dépens d’appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du
code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de
procédure civile.
Signé par Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président et par Mme F G,
Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Textes cités dans la décision