Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 23 janvier 2019, n° 15/02450

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 23 janv. 2019, n° 15/02450
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 15/02450
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise, 16 avril 2015, N° 13/00617
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 JANVIER 2019

N° RG 15/02450

AFFAIRE :

A X

Syndicat UNION LOCALE CGT DE CHATOU

C/

Association LES P’TITS AMIS DE SERAINCOURT, loi 1901

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 avril 2015 par le conseil de prud’hommes – formation paritaire – de Cergy Pontoise

Section : activités diverses

N° RG : 13/00617

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

M. C D

[…]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur A X

[…]

[…]

représenté par M. C D, délégué syndical ouvrier, intervenant en vertu d’un mandat du 20 mars 2018 et d’un pouvoir de représentation du 26 septembre 2018

Syndicat UNION LOCALE CGT DE CHATOU

[…]

[…]

représenté par M. C D, délégué syndical ouvrier, intervenant en vertu d’un mandat du 20 mars 2018

APPELANTS

****************

LES P’TITS AMIS DE SERAINCOURT, association régie par la loi du 1er juillet 1901

[…]

[…]

comparante en la personne de Chrystel Dernoncourt, directrice, intervenant en vertu d’un pouvoir de représentation du 16 novembre 2018

assistée de Me Fabienne LACROIX de l'[…], avocate au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 60

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 novembre 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Evelyne SIRE-MARIN, Présidente, et Laurent BABY, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,

Par jugement du 17 avril 2015, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise (section activités diverses) a :

— débouté M. A X de la totalité de ses demandes,

— condamné solidairement M. X et l’UL CGT de Chatou à payer à l’association Les p’tits amis de Seraincourt la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné solidairement M. X et l’UL CGT de Chatou aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 29 avril 2015, M. X et l’Union Locale CGT de Chatou ont interjeté appel de ce jugement et, par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, demandent à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

pour M. X,

— requalifier le CDI à temps partiel en CDI à temps plein (durée de son travail portée au-delà de la durée légale mensuelle du travail ; non respect du contrat de travail ; défaut des mentions obligatoires conventionnelles ; rythme de travail imprévisible pour la fin de l’année 2013),

— fixer la moyenne mensuelle de salaire à la somme de 2 115,63 euros bruts (calculée sur la base du salaire horaire moyen perçu par lui entre le mois de juin 2012 et le mois de février 2013 (avant arrêts maladie + excluant le mois de mars 2013 car le bulletin de paie est manquant + excluant les indemnités de congés payés perçues par lui) = 13,96 euros x 35h x 4,33 semaines,

— juger que le licenciement pour faute grave du 3 juillet 2013 s’analyse comme un licenciement nul (car non respectueux des droits de la défense et fondé sur son état de santé) et, en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse (l’association évoquant une série de motifs peu précis, non établis et partiellement prescrits),

— condamner l’association Les p’tits amis de Seraincourt à lui payer les sommes suivantes :

. 8 008,11 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de la requalification du CDI à temps partiel en CDI à temps plein,

. 800,81 euros à titre de congés payés afférents,

. 30 000 euros nets de CSG-RDS à titre d’indemnité au titre de la nullité du licenciement, ou subsidiairement, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 4 231,27 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire, article 4.4 CCN Animation),

. 423,12 euros bruts à titre de congés payés sur préavis,

. 797,32 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement (article 4.4 CCN Animation : 1/4 de mois de salaire x 1,5075 années d’ancienneté),

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du défaut d’information sur les droits au DIF dans la lettre de licenciement,

. 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination fondée sur l’état de santé,

. 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte injustifiée au droit au respect de la vie

privée (article 9 du code civil),

. 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner, selon condamnations, la délivrance des documents suivants sous astreinte de 100 euros par jour et par document et se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte : bulletins de paie et en tout état de cause, celui de mars 2013, attestation Pôle emploi,

— ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal en application de l’article 1154 du code civil (anatocisme), à compter de la première demande, soit la saisine du conseil de prud’hommes,

pour l’UL CGT Chatou,

— lui accorder 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en sa qualité de partie civile pour le préjudice subi par la collectivité des salariés résultant notamment de la discrimination en raison de l’état de santé,

— lui accorder 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal en application de l’article 1154 du code civil (anatocisme), à compter de la première demande, soit la saisine du CPH.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, l’association Les p’tits amis de Seraincourt demande à la cour de :

— la déclarer recevable et bien fondée,

— déclarer M. X et l’Union Locale CGT Poitou mal fondés en leur appel,

— les débouter de l’ensemble de leurs demandes,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise du 17 avril 2015 en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

— débouter M. X de ses demandes de dommages et intérêts au titre du défaut d’information sur les droits au DIF dans la lettre de licenciement,

à titre subsidiaire,

— ramener sa demande à de plus justes proportions,

— débouter M. X de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte injustifiée au droit au respect de la vie privée,

— condamner les défendeurs à la somme de 2 000 euros, chacun, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR,

L’association Les p’tits amis de Seraincourt est un centre de loisirs.

M. A X a été engagé par l’association Les p’tits amis de Seraincourt, en qualité

d’animateur, par contrat à durée déterminée du 2 mai au 27 juin 2007, reconduit jusqu’au 13 juillet 2007, puis par contrat à durée indéterminée en décembre 2011, en qualité de directeur du centre de loisirs.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de l’animation.

M. X a été placé en arrêt de travail du 14 au 16 mai 2013, du 28 mai au 6 juin 2013 puis du 10 juin au 3 juillet 2013.

Par lettre du 11 juin 2013, M. X a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 19 juin 2013.

M. X a été licencié pour faute grave, par lettre du 1er juillet 2013 ainsi libellée :

« (…) Nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, pour les raisons suivantes : Vous n’avez à ce jour pas souhaité nous fournir les explications demandées dans notre courrier du 4 Juin 2013. Nous sommes donc obliger de constater que vous n’avez pas rempli vos fonctions de Directeur concernant les points suivants :

- Absence de suivi et de mise à jour des dossiers administratifs des enfants.

- Dossiers d’enfants introuvables et absences de fiches sanitaires de liaison malgré les obligations réglementaires ce qui induit que ces documents n’étaient pas emmenés lors de vos sorties à l’extérieur du Centre de Loisirs.

- Vous n’appliquiez pas le règlement intérieur du Centre de loisirs concernant la facturation des familles à la réservation.

- Vous n’appliquiez pas le règlement intérieur du Centre de Loisirs concernant l’accueil de familles non adhérentes à l’Association.

- Vous n’établissiez pas de factures mensuelles à toutes les familles, seulement à leur demande.

- Votre attribution de tarifs aux familles ne reposait sur aucuns éléments à jour (feuilles d’imposition 2011 au lieu de 2012).

- Absence de protocoles d’hygiène obligatoires en Centre de loisirs et défaut de règles simples de sécurité (rangement de produits d’entretien accessibles aux enfants, dates d’ouverture de produits alimentaires non indiquées, pas de cahier de menus).

- Non transmission de documents ou d’informations importantes concernant votre équipe auprès de votre hiérarchie (arrêt de travail non signalé, documents non transmis ; courrier non transmis).

- Changement d’horaire des membres de votre équipe à votre initiative, sans prévenir votre hiérarchie ni avoir sa validation, à plusieurs reprises et malgré plusieurs avertissements sur les risques encourus par votre équipe en cas d’accident,

- Vous n’avez toujours pas justifié votre absence du 23 Mai 2013.

Nous aurions aimé également vous interroger sur le sens des SMS retrouvés sur le téléphone professionnel qui avait été mis à votre disposition en tant que Directeur. En effet, nous sommes particulièrement étonnés d’y avoir trouvé les messages suivants :

- Message envoyé au 0626852833

- – Le 7/11/2012 9h36 : « Chode '' »

—  Le 11/11/2012 14h57 : « tu veu sucer en cave ctaprem »

- Le 16/11/2012 15h03 : « T chode cokine '

- Message envoyé au 0770891626

- Le 2/11/2012 11h56: « Arnakeuz va lool » ; « Bon cava t a de cel ki dmande de truk frauduleu en can mdr » ; « Ou c kta pa u le tps mdr » ; « Nn jdi capzske sur sky yen a deux ki mon dmander lol »

- Le 2/11/2012 I3h12 : « Ouai ouai tfacon jlorai fai ko celine lol » ; « Mdrr nn trankil » ; « Ta la dall toi ' »

- Message envoyé au 0633434861

- Le 16/11/2012 15h44 : « T plu sur sky » ; « Att ca a couper »

L’importante désorganisation, ainsi que la mise en péril de la sécurité de nos usagers engendrées par vos agissements rend impossible votre maintien dans la structure. Vous cesserez donc définitivement de faire partie du personnel dès la première présentation de cette lettre. »

Le 13 septembre 2013, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise aux fins de contester son licenciement.

Sur la requalification de la collaboration de travail en contrat de travail à temps plein :

L’article L. 3123-17 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, dispose en ses alinéas 1 et 2 que « le nombre d’heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d’une même semaine ou d’un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3122-2 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3122-2.

Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement. »

L’article L. 3122-2 prévoit quant à lui qu'« un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année. Il prévoit :

1° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d’horaire de travail ;

2° Les limites pour le décompte des heures supplémentaires ;

3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.

Lorsque l’accord s’applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.

Sauf stipulations contraires d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche, le délai de prévenance en cas de changement de durée ou d’horaires est fixé à sept jours.

A défaut d’accord collectif, un décret définit les modalités et l’organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d’une semaine. ».

En cas d’atteinte ou de dépassement de la durée légale du travail, le contrat de travail à temps partiel est automatiquement requalifié en temps complet et ce, à compter de la première irrégularité.

En revanche, la seule exécution d’heures complémentaires au-delà de la limite du dixième autorisée par l’article L. 3123-17 n’entraîne pas la requalification du contrat en temps complet.

En l’espèce, il est constant que M. X a été embauché par l’association Les p’tits amis de Seraincourt à temps partiel à raison de 123,16 heures par mois par contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 décembre 2011.

M. X fait valoir qu’il a atteint voire dépassé la durée légale du travail et qu’il a atteint la limite du dixième pour avoir travaillé :

. 186 heures en juillet 2012 dont 36 heures sur une semaine,

. 167 heures en juillet 2013,

. à raison de 50 heures hebdomadaires en février, mars, avril, juillet, août, octobre, novembre et décembre 2012,

. à raison de 37 heures durant une semaine de novembre 2012,

. à raison de 48 heures hebdomadaires pendant 4 semaines entre les mois de mars et mai 2013.

Ces estimations reposent sur les calendriers 2012 et 2013 versés aux débats en pièces 1 et 2 de l’appelant. Ces calendriers ont été transmis au moment de la signature du contrat de travail (soit en décembre 2011) pour l’année 2012 et en début d’année 2013 pour l’année 2013 et, de fait, il en ressort effectivement les heures alléguées par M. X.

Cependant, il ressort de :

. l’article 3 du contrat de travail qu’un calendrier était joint pour l’année 2012 et que « l’annualisation de la période de 2012 sera de 123,16/mois au taux horaire brut de 13,20 euros ».

. l’article 4 du contrat de travail que « seules les heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures semaine pendant les vacances scolaires seront rémunérées majorées à 125%. Cette majoration est matérialisée dans l’annualisation par application d’un coefficient de 1,25 sur le nombre d’heures et non sur le taux horaire (…) »

Il est donc question, dans le contrat de travail, d’une « annualisation ». La convention collective applicable à la relation de travail entre M. X et l’association Les p’tits amis de Seraincourt (la convention collective nationale de l’animation du 28 juin 1988 étendue par arrêté du 10 janvier 1989) prévoit pour la modulation du temps de travail des salariés à temps partiel des prescriptions particulières. Elles résultent de l’article 5.7.4 de la convention collective.

En particulier, l’article 5.7.4.3 de la convention collective « Durée annuelle minimale » prévoit que « Sauf accord exprès du salarié, la durée minimale annuelle de travail des salariés à temps partiel dont la durée de travail est répartie sur l’année ne pourra être inférieure à 480 heures travaillées. ». Cette disposition conventionnelle ne fait pas partie de celles qui ont été écartées de l’arrêté d’extension (seuls les articles 5.7.4.4 et 5.7.4.7 n’ayant pas été étendus). Ainsi, la convention collective applicable rend-elle possible une annualisation du temps de travail, laquelle est prévue, comme il découle de l’article 5.7.4.1- «  généralités », « a fin de répondre aux variations inhérentes aux activités (pendant les périodes périscolaires, scolaires, de vacances) de la branche professionnelle, de permettre de satisfaire l’accueil du public et d’éviter le recours excessif aux heures complémentaires, au chômage partiel, un régime de modulation pour les salariés à temps partiel est mis en place concernant les salariés sous CDI (…), favorisant ainsi l’augmentation de la durée du travail (…) ».

C’est donc à un calcul annuel qu’il convient de procéder.

Certes, les articles 5.7.4.4 et 5.7.4.7 ne peuvent plus désormais être appliqués comme ayant été écartés de l’arrêté d’extension. Cependant, l’exclusion de ces articles ne date que de l’arrêté du 12 février 2013.

Ces articles prévoient :

. « 5.7.4.4. Conditions d’amplitude de la modulation des horaires

La durée maximale du travail ne peut dépasser en période haute 48 heures au cours d’une semaine civile et 44 heures en moyenne sur 12 semaines consécutives. Aucune limite inférieure n’a été fixée.

La modulation est organisée dans le cadre d’une programmation indicative des horaires selon un calendrier transmis au salarié chaque année, pour l’ensemble de la période de modulation. Ce programme fait l’objet d’une consultation des instances représentatives du personnel de l’entreprise lorsqu’il en existe. »

. « 5.7.4.7. Conséquences du dépassement de l’horaire légal hebdomadaire et de l’horaire moyen

Dans le cadre du planning annuel (ou de la durée du CDD), les heures effectuées au-delà de la moyenne hebdomadaire chaque semaine sont intégralement compensées au cours de la période de référence par des heures non effectuées en deçà de cette même durée.

Par dérogation aux dispositions du paragraphe 5.4 de la présente convention, les heures de dépassement de l’horaire légal ne donnent pas lieu au repos compensateur de remplacement et ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires. »

Ces stipulations conventionnelles ne sont plus applicables à compter du mois de février 2013 mais elles étaient en revanches applicables sur la période antérieure.

Par voie de conséquence, l’association Les p’tits amis de Seraincourt, pouvait comme elle l’a fait, au titre de l’année 2012, annualiser le temps de travail de M. X et, sans encourir de griefs, lisser sur l’année 2012 le temps de travail réalisé par M. X courant juillet 2012.

En revanche, à partir du mois de février 2013, les deux derniers articles susvisés sont inapplicables à l’espèce. Il faut en déduire qu’il n’était pas possible, pour l’association Les p’tits amis de Seraincourt, de procéder à une modulation annuelle du temps de travail de M. X.

Le calendrier de 2013 transmis à M. X en début d’année révèle qu’il a travaillé 48 heures (soit plus de 35 heures) la deuxième semaine du mois de mars 2013. Par application de l’article L. 3123-17 alinéa 2, il a été vu que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement. Il a également été vu qu’en cas d’atteinte ou de dépassement de la durée légale du travail, le contrat de travail à temps partiel est automatiquement requalifié en temps complet et ce,

à compter de la première irrégularité.

Il en résulte que le contrat de travail de M. X sera requalifié de contrat de travail à temps plein à compter du mois de mars 2013.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Statuant à nouveau, il sera alloué à M. X la somme de 1 895,83 euros à titre de rappel de salaire découlant de cette requalification, le calcul de l’appelant n’étant pas utilement critiqué par l’association Les p’tits amis de Seraincourt. L’association Les p’tits amis de Seraincourt sera en outre condamnée à payer à M. X la somme de 189,58 euros au titre des congés payés afférents. Ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2013, date de la convocation de l’association Les p’tits amis de Seraincourt devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes.

Les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés en application de l’article 1154 du code civil.

Il conviendra en outre d’ordonner la délivrance de bulletins de paie et d’une attestation Pôle emploi conforme à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la nullité du licenciement fondé sur l’état de santé de M. X :

M. X invoque une discrimination en raison de son état de santé.

Il ressort de l’article L. 1132-1 du code du travail qu’aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en raison de son état de santé.

Sur le terrain de la preuve, il n’appartient pas au salarié qui s’estime victime d’une discrimination d’en prouver l’existence. Suivant l’article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, pour seuls éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de son état de santé, M. X expose qu’il a fait l’objet d’un licenciement et ajoute que l’association Les p’tits amis de Seraincourt a décidé de le licencier dès que sont apparus ses problèmes de santé.

S’il est un fait que M. X a été licencié, ce seul fait n’est pas suffisant pour laisser supposer l’existence d’une discrimination.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point. Il sera également confirmé en ce qu’il a débouté l’union locale CGT de Chatou de sa demande indemnitaire, cette demande étant liée à la reconnaissance de la discrimination invoquée.

Sur la faute grave :

La faute grave se définit comme celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur

d’établir la réalité et la gravité de la faute.

En l’espèce, divers griefs sont reprochés à M. X. Au nombre de ces griefs figurent notamment : une désorganisation du service par des carences de M. X ainsi que « des dossiers d’enfants introuvables et une absence de fiches sanitaires de liaison malgré les obligations réglementaires ce qui induit que ces documents n’étaient pas emmenés lors de vos sorties à l’extérieur du Centre de Loisirs (') et une absence de protocoles d’hygiène obligatoires en Centre de loisirs et défaut de règles simples de sécurité (rangement de produits d’entretien accessibles aux enfants, dates d’ouverture de produits alimentaires non indiquées, pas de cahier de menus), un changement d’horaire des membres de votre équipe à votre initiative, sans prévenir votre hiérarchie ni avoir sa validation, à plusieurs reprises et malgré plusieurs avertissements sur les risques encourus par votre équipe en cas d’accident ».

L’article 1 de l’arrêté du 20 février 2003 relatif au suivi sanitaire des mineurs (') prévoit que « l’admission d’un mineur en centre de vacances, en centre de loisirs (') est conditionnée à la fourniture préalable sous enveloppe cachetée portant le nom du mineur au responsable du centre :

1° d’informations relatives :

a) aux vaccinations obligatoires ou à leurs contre-indications (…)

b) aux antécédents médicaux ou chirurgicaux ou à tout autre élément d’ordre médical considéré par les parents (') comme susceptibles d’avoir des répercussions sur le déroulement du séjour,

c) aux pathologies chroniques ou aiguës en cours (…)

2° d’un certificat médical de non-contre-indication lorsqu’une ou plusieurs activités physiques (') sont proposées dans le cadre de l’accueil »

L’accueil des mineurs en centre de loisirs est donc réglementé et encadré par des règles sanitaires prises dans l’intérêt des enfants.

Il résulte de l’attestation de Mme E-secrétaire de l’association-(pièce 22 de l’intimée) que le 14 mai 2013, elle s’est rendue au centre de loisirs et a constaté que 19 enfants n’avaient pas de dossier administratif et/ou de fiches sanitaires. Le même témoin indique avoir constaté « qu’il n’y avait pas de protocole de nettoyage de la cuisine et du frigidaire, que les dates d’ouverture des produits consommables n’étaient pas indiquées, que les produits d’entretien étaient rangés avec les sirops des enfants (…) », ce qu’a confirmé Mme Y-directrice adjointe et animatrice de l’association-dans sa propre attestation. De l’attestation de Mme Y, il découle qu’en septembre 2013 (deux mois après le licenciement de M. X), elle a constaté que « les trousses à pharmacie n’étaient pas correctement tenues (absence de certains produits et beaucoup de produits périmés ». Mme Y ajoute, dans son attestation, que « pendant les grandes vacances (juillet et août 2013) [la remplaçante de M. X] a voulu consulter le PAI (projet d’accueil individualisé) d’un enfant, Z F, accueilli depuis des années au centre de loisirs. Je savais que Z souffrait d’allergies (arachide, fruits à coque) par contre, [la remplaçante de M. X] m’a fait remarquer que dans le PAI il était indiqué que le médecin nous interdisait de donner des aliments à Z. Or, Z G les repas à la cantine au lieu de ramener un panier repas. » et que « lors des sorties, je n’ai jamais constaté la présence des dossiers des enfants ainsi que les fiches sanitaires. De plus, M. X ne m’a jamais demandé de les emmener avec nous lorsqu’il ne nous accompagnait pas à l’extérieur du centre de loisirs » Ces dernières déclarations ont été confirmées par un autre témoin : Mme H-animatrice au centre de loisirs-qui atteste en ce sens.

Certes, M. X produit également des attestations, pour la plupart rédigées par des parents, indiquant leur satisfaction quant à son travail. Si effectivement, des qualités sont reconnues à

M. X, ces attestations ne viennent cependant pas contredire les lacunes sanitaires démontrées ci-avant.

Ces lacunes sanitaires de M. X, qui exposent les enfants à des dangers, présentent un degré de gravité suffisant pour justifier qu’il ait été immédiatement mis fin à son contrat de travail, d’autant que l’appelant avait-au moins sur le plan alimentaire-suivi en novembre 2012 avec succès une formation consacrée à la maîtrise des règles d’hygiène.

Le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise sera donc confirmé en ce qu’il a considéré la faute grave caractérisée et en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes financières afférentes.

Sur la demande de dommages et intérêts du chef du DIF :

M. X reproche à l’association Les p’tits amis de Seraincourt de ne pas avoir porté dans la lettre le licenciant les informations le concernant relatives au droit individuel à la formation.

Il ressort de l’article L. 6323-19 du code du travail (dans sa rédaction applicable au présent litige) que dans la lettre de licenciement, l’employeur informe le salarié, s’il y a lieu, de ses droits en matière de droit individuel à la formation. Cette information comprend les droits visés à l’article L. 6323-17 et, dans les cas de licenciements visés à l’article L. 1233-66, les droits du salarié en matière de droit individuel à la formation définis par l’article L. 1233-67.

Le fait, pour l’employeur, de ne pas informer le salarié de ses droits en matière de droit individuel à la formation peut causer au salarié un préjudice, ce préjudice devant compenser la perte d’une chance d’utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation.

Toutefois, le préjudice n’est pas systématique. Par ailleurs, il convient d’observer que, si effectivement l’information sur le DIF ne figure pas dans la lettre de licenciement, elle figure toutefois dans le certificat de travail que M. X ne conteste pas avoir reçu de telle sorte qu’il a bien été informé sur ce point et qu’il n’a donc subi aucun préjudice.

Statuant à nouveau, le conseil de prud’hommes n’ayant pas statué sur ce point, il conviendra de débouter M. X de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages et intérêts du chef de l’atteinte au respect de la vie privée :

Pour former cette demande, M. X fait grief à l’association Les p’tits amis de Seraincourt d’avoir produit une pièce-anciennement sa pièce 73-qui consistait en une capture d’écran éditée par l’employeur depuis le compte facebook de l’appelant.

Cette pièce n’est plus produite par l’association Les p’tits amis de Seraincourt en cause d’appel. En revanche, M. X la produit sous le numéro B1. Il résulte des allégations non contestées de M. X que l’association Les p’tits amis de Seraincourt a accédé à son compte facebook alors qu’il était protégé par un code d’accès. C’est donc nécessairement frauduleusement qu’elle y a eu accès.

Même si l’association Les p’tits amis de Seraincourt ne produit plus cette pièce, elle a cependant frauduleusement accédé au compte personnel Facebook de M. X en contravention avec l’article 9 du code civil qui dispose en son premier alinéa que chacun a droit au respect de sa vie privée.

L’association Les p’tits amis de Seraincourt a commis une faute qui a causé à M. X un préjudice qui sera intégralement réparé par l’octroi d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de l’UL CGT Chatou :

Dès lors que le salarié a été débouté de sa demande au titre de la discrimination sur son état de santé, les manquements de l’employeur n’ont pas porté atteinte à l’intérêt collectif des salariés, l’UL CGT Chatou sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, l’association Les p’tits amis de Seraincourt sera condamnée aux dépens.

L’association Les p’tits amis de Seraincourt sera en outre condamnée à payer à M. X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile.

L’union locale CGT de Chatou sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Requalifie le contrat de travail de M. X de contrat de travail à temps plein à compter du mois de mars 2013,

Condamne l’association Les P’tits Amis de Seraincourt à payer à M. X les sommes suivantes :

. 1 895,83 euros à titre de rappel de salaire découlant de cette requalification,

. 189,58 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2013,

Déboute M. X de sa demande de dommages et intérêts du chef du DIF,

Condamne l’association Les P’tits Amis de Seraincourt à payer à M. X la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de l’atteinte à la vie privée,

Ordonne la délivrance, par l’association Les P’tits Amis de Seraincourt à M. X, de bulletins de paie et d’une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision,

Rejette la demande d’astreinte,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Confirme le jugement pour le surplus,

Déboute les parties de leurs plus amples demandes,

Condamne l’association Les P’tits Amis de Seraincourt à payer à M. X la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,

Déboute l’association Les P’tits Amis de Seraincourt de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,

Déboute l’UL CGT Chatou de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,

Condamne l’association Les P’tits Amis de Seraincourt aux dépens,

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 23 janvier 2019, n° 15/02450