Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 28 février 2019, n° 18/04711

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 28 févr. 2019, n° 18/04711
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/04711
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 14 juin 2018, N° 2018R00203
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53E

14e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 28 FÉVRIER 2019

N° RG 18/04711 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SPYQ

AFFAIRE :

SARL ROIS MAGES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

C/

SA FINAMUR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 15 Juin 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2018R00203

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Irène FAUGERAS-CARON

Me Anne-laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT FÉVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SARL ROIS MAGES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

N° SIRET : 488 831 579

[…]

[…]

Représentée par Me Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068 – N° du dossier 180146

assistée de Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN

APPELANTE

****************

SA FINAMUR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 340 446 707

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 42387

assistée de Me Antoni MAZENQ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0296

SA CMCIC LEASE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 332 778 224

[…]

[…]

Représentée par Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 42387

assistée de Me Antoni MAZENQ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0296

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 janvier 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odette-Luce BOUVIER, président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL,conseiller,

Madame Sophie THOMAS, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 24 septembre 2008, la société Finamur (chef de file) et la société CMCIC Lease ont consenti, à hauteur de 50 % chacune, au profit de la société Rois Mages un crédit-bail immobilier ayant pour objet le financement de l’acquisition d’un terrain et de travaux de construction d’un ensemble immobilier à usage d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), situé au Havre.

Le crédit-bail a été consenti pour une durée de 18 ans, soit jusqu’en 2026, le montant de l’investissement ayant été arrêté définitivement le 25 mars 2012 à la somme de 9 642 775,22 euros HT (pièce n° 16).

Aux termes de article 5 -2° de cet acte, le preneur peut mettre fin au contrat de manière anticipée et acquérir le bien objet du contrat à partir de la fin de la septième année suivant la prise d’effet du crédit-bail moyennant le paiement d’une indemnité.

En application de cette clause, la société Rois Mages a fait part, le 31 mai 2016, à la société Finamur, en sa qualité de 'chef de file’ de l’opération de crédit-bail, de son intention de lever l’option d’achat.

Par lettre du 24 août 2016, la société Finamur a indiqué à la société Rois Mages que le prix d’achat de l’immeuble à intervenir au plus tard le 16 mars 2017, s’évaluait selon elle à la somme totale de '8 927 692,38 euros TTC', après règlement de l’échéance du 16 mars 2017, la quote-part lui revenant étant évaluée à la somme totale de 3 834 956,51 euros et la quote-part revenant à la société CMCIC Lease à celle de 5 092 735,87 euros.

Puis, par lettre du 28 août 2017, la société Finamur a affirmé que le prix d’achat s’évaluait à la somme totale de '8 185 792,03 euros HT', après règlement de l’échéance du 16 septembre 2017, la quote-part lui étant évaluée à la somme totale de 3 723 188,9 euros et la quote-part revenant à la société CMCIC Lease à celle de 4 462 603,09 euros.

Affirmant que le calcul des indemnités était opaque, la société Rois Mages a, par actes d’huissier des 27 et 28 février 2018, assigné en référé les sociétés Finamur et CMCIC Lease devant le président du tribunal de commerce de Nanterre afin notamment d’être autorisée à régler à chacun des crédit-bailleurs la somme de 3 559 307,61 euros au titre du capital restant dû, que soit désigné un notaire afin de rédiger l’acte de vente, d’être autorisée à consigner le montant des 'pénalités’ dues du

fait de la rupture anticipée du contrat, à savoir la somme de 106 779,23 euros pour la société Finamur et la somme de 834 853,08 euros pour la société CMCIC Lease et, enfin, que soit ordonné la consignation des fonds jusqu’à l’aboutissement du litige, aimablement ou judiciairement, lié la détermination exacte de la quote-part résiduelle du prix de cession.

Par ordonnance contradictoire rendue le 15 juin 2018, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, retenant notamment que s’il n’était pas contestable que les modalités contractuelles de calcul des quote-parts des sociétés Finamur et CMCIC Lease étaient différentes, il n’appartenait pas au juge des référés, juge de l’évidence, d’interpréter les clauses contractuelles et de statuer sur la bonne ou la mauvaise exécution d’un contrat ; que les demandes de la société Rois Mages se heurtaient donc à une contestation sérieuse ; que par ailleurs, la société Rois Mages ne justifiait ni de l’existence d’un dommage imminent ni d’un trouble manifestement illicite, a :

— écarté les pièces n°7, 8, 9, 11 et 23 produites par la société Rois Mages,

— dit recevables les conclusions en réponse et récapitulatives n°2 des sociétés Finamur et CMCIC Lease,

— dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Rois Mages,

— renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond,

— condamné la société Rois Mages à payer aux sociétés Finamur et CMCIC Lease la somme de 4 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Rois Mages aux entiers dépens.

Le 4 juillet 2018, la société Rois Mages a formé appel de la décision en ce qu’elle a écarté les pièces n°7, 8, 9, 11 et 23 produites par la société Rois Mages, dit recevables les conclusions en réponse et récapitulatives n°2 des sociétés Finamur et CMCIC Lease, dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Rois Mages, renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond, condamné la société Rois Mages à payer aux sociétés Finamur et CMCIC Lease la somme de

4 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société Rois Mages aux entiers dépens.

Dans ses conclusions transmises le 9 janvier 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Rois Mages, intimée, demande à la cour:

— d’infirmer l’ordonnance rendue le 15 juin 2018 par le tribunal de commerce de Nanterre,

Statuant à nouveau,

— de l’autoriser à se prévaloir du caractère effectif de la levée de l’option et à régler à chacune des sociétés intimées la somme de 3 321 231,07 euros HT au titre du capital restant dû arrêtée pour mémoire après le paiement de l’échéance du 16 décembre 2018,

— de désigner M. X Y, notaire à Rouen, en qualité de séquestre et de rédacteur de l’acte de vente, lequel sera chargé de recevoir la signature des parties en présence,

— de l’ autoriser à séquestrer entre les mains de ce notaire, le montant des pénalités dues du fait de la rupture anticipée du contrat, arrêtées pour mémoire après le paiement de l’échéance du 16 décembre 2018, à savoir 99 636,93 euros HT pour la société Finamur et 779 012,46 euros pour la CMCIC Lease,

— d’ordonner le séquestre et ou la consignation des fonds jusqu’à l’aboutissement du litige, amiablement ou judiciairement, lié la détermination exacte de la quote-part résiduelle du prix de cession,

— de débouter les sociétés Finamur et CMCIC Lease de l’intégralité de leur demandes, fins et prétentions,

— de condamner, in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, la société CMCIC Lease et la société Finamur à lui payer à titre provisionnel la somme de 12 625,13 euros hors taxes au titre du reliquat des intérêts trop versés

— de condamner in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, la société CMCIC Lease et la société Finamur à lui payer la somme de 16 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société Rois Mages fait valoir en substance :

— qu’en ce qui concerne la demande des intimées tendant à faire écarter les pièces n° 7, 8, 9, 11 et 23, la conciliation de droit commun, aux termes de l’article L. 129-4 du code de procédure civile, est possible devant toutes les juridictions et peut être mise en place avant la saisine de la juridiction ; que la confidentialité attachée à la procédure mentionnée à l’article L. 611-15 du code de commerce, dans l’éventualité où la présente procédure serait effectivement régie par ces dispositions, ne concerne que les termes de l’accord et non les pièces ;

— qu’au principal, sa dépense annuelle de loyers pour l’année 2018 sera égale à la somme totale de 878 800,72 euros (219 700,18 euros X 4) ; qu’il s’agit donc d’une dépense significative ; que la forte progressivité des loyers a pour conséquence d’augmenter d’année en année le coût de cette dépense qui est par ailleurs prohibitive au regard du marché actuel ;

— que, depuis le 16 mars 2017, elle a été contrainte de verser aux sociétés CMCIC Lease et Finamur une somme totale de 831 376,39 euros au titre des intérêts contractuel ;

— que c’est bien en raison de l’opacité du contrat et de l’impossibilité pour elle de calculer le prix de la levée d’option d’achat que celle-ci se trouve privée de concrétiser son droit contractuel de lever l’option jusqu’à l’achèvement de son processus financier ;

— qu’aucun des taux 'Swap’ n’est déterminé ni déterminable à la lecture du contrat de crédit-bail ; que la clause prévoyant les modalités de calcul de la quote-part du prix de cession devant revenir à la société CMCIC Lease est particulièrement ambigüe, voire potestative ;

— qu’elle vient de saisir le juge du fond de la question de l’interprétation du contrat litigieux ;

— que c’est bien cette absence de communication du taux 'Swap', reconnue par les sociétés CMCIC Lease et Finamur, qui est à l’origine d’une incertitude contractuelle et du litige qui les oppose ;

— qu’il n’est nulle part indiqué dans le contrat qu’en cas de refus des sociétés crédit-bailleresses d’accepter les calculs du crédit-preneur, il appartiendrait à ce dernier de formaliser une nouvelle demande similaire ;

— que, contrairement à ce qu’affirment les sociétés intimées, un tel séquestre, non judiciairement autorisé, n’aurait aucun effet libératoire pour la société Rois Mages ;

— qu’il existe bien en l’espèce un trouble manifestement illicite qui résulte de l’impossibilité pour elle d’exécuter une clause contractuelle convenue en sa faveur ; que ce trouble manifestement illicite est d’autant plus caractérisé que seule la société CMCIC Lease est responsable de cette impossibilité d’exécution ;

— que, bien qu’il n’existe aucune contestation sur le montant des intérêts trop versés, la société CMCIC Lease refuse de lui rembourser la somme dont elle lui est pourtant redevable ;

— sur la question de la prescription soulevée par les sociétés intimées, que la société Finamur a renoncé à se prévaloir de la prescription quinquennale dans la mesure où elle a validé les calculs de la société Rois Mages et que deux premiers avoirs ont été émis en janvier 2013.

Dans leurs conclusions transmises le 11 janvier 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Finamur et CMCI Lease, intimées, demandent à la cour de :

— « dire et juger » que les pièces n° 7, 8, 9, 11 et 23 produites par la société Rois Mages se heurtent au principe de confidentialité attaché à la procédure de conciliation et, en conséquence, les écarter des débats,

— « dire et juger » que la société Rois Mages, ne rapporte pas la preuve d’une quelconque urgence,

— « dire et juger » que les demandes de la société Rois Mages, se heurtent à des contestations sérieuses et nécessitent l’interprétation du contrat,

— « dire et juger » que la société Rois Mages n’établit pas l’existence d’un dommage imminent,

— « dire et juger » que la société Rois Mages n’établit pas l’existence d’un trouble manifestement illicite,

— « dire et juger » qu’il n’y a pas lieu à référé,

En conséquence,

— confirmer l’ordonnance entreprise, dans toutes ses dispositions,

Subsidiairement,

— « dire et juger » irrecevable, en tout cas mal fondée, la société Rois Mages en l’ensemble de ses demandes, 'à toutes fins qu’elles comportent',

En conséquence,

— débouter la société Rois Mages de l’ensemble de ses demandes, à toutes fins qu’elles comportent,

En toute hypothèse,

— condamner la société Rois Mages à payer à la société Finamur et à la société CMCI Lease, la somme de 16 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, les sociétés Finamur et CMCI Lease font valoir en substance :

— qu’elles n’ont jamais donné leur accord pour la production des pièces n° 7, 8, 9, 11 et 23 qui ne peuvent donc être versées aux débats conformément aux dispositions de l’article 129-4 du code de procédure civile ;

— que le contrat de crédit-bail immobilier prévoit, par principe, une levée d’option d’achat à terme ; qu’il ne peut donc être sérieusement affirmé que l’absence de levée d’option anticipée, simple faculté dérogatoire accordée au crédit-preneur, caractérise une situation d’urgence ;

— que les mesures sollicitées nécessitent une interprétation du contrat, qui ne relève pas du pouvoir du juge des référés ;

— que la demande formée au titre des intérêts prétendument trop versés est irrecevable puisque prescrite conformément à l’article 2224 du code civil, le prétendu trop perçu ayant été accepté sans réserve par la société Rois Mages et l’échéancier définitif ayant été établi le 5 septembre 2012, le cours de la prescription quinquennale a commencé à courir, au plus tôt, le 5 septembre 2012, et en tout cas avant le 8 janvier 2013, date du courrier de la société Finamur adressé à la société Rois Mages et évoquant ce sujet ;

— que la prétendue constatation de la renonciation aux effets de la prescription ne relève pas de la compétence matérielle du juge des référés, mais des juges du fond ;

— que la société Rois Mages ne justifie pas de l’existence d’un dommage imminent ;

— que sur l’absence de trouble manifestement illicite, la société Rois Mages a librement souscrit au contrat et que la progressivité des loyers procède de ce contrat ;

— que subsidiairement, la clause de calcul de prix de levée d’option d’achat anticipée ne s’analyse en aucun cas, comme une clause pénale, puisqu’elle ne sanctionne pas une inexécution de la part du crédit- preneur ; que chaque crédit- bailleur est libre de fixer les modalités de calcul du coût d’une levée d’option d’achat anticipée et ce également dans le cadre d’un financement par un pool ;

— que d’une part, il n’appartient pas au crédit preneur d’établir des calculs, mais aux crédit-bailleurs; que d’autre part, à partir du moment où le crédit-preneur refuse de procéder à la signature de l’acte authentique et que la date de la dernière échéance à régler, retenue pour le calcul du prix de la levée d’option, est dépassée, un nouveau calcul est indispensable ;

— que conformément à l’article 1583 du code civil, la cession de l’immeuble financé à l’appelante est impossible en droit puisqu’aucun accord sur le prix n’est intervenu.

*******

La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 janvier 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes à « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions puisqu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

Sur la demande de rejet des pièces sur le fondement de l’article 129-4, alinéa 2, du code de procédure civile :

En application de l’article 129-4, alinéa 2, du code de procédure civile, ' les constatations du conciliateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent ni être produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties, ni, en tout état de cause dans une autre instance '.

En l’espèce, les pièces n° 7, 8 et 9 et 23 qui constituent des échanges entre les parties et le conciliateur doivent, en application du texte sus visé, être écartées des débats, à l’exception de la pièce n° 11 dont il n’est pas démontré qu’elle aurait été adressée au conciliateur, les pièces qui seront écartées n’y faisant, par ailleurs, pas référence.

L’ordonnance déférée sera confirmée en ce qu’elle a écarté les pièces n° 7, 8 et 9 et 23 mais infirmée en ce qu’elle a écarté la pièce n°11.

Sur les demandes tendant à la réalisation forcée de la vente des biens objet du crédit-bail immobilier :

La cour relève à titre liminaire que la demande de la société Rois Mages d’être autorisée à se prévaloir du caractère effectif de la levée de l’option et à régler à chacune des sociétés intimées la somme de 3 321 231,07 euros HT au titre du capital restant dû arrêtée pour mémoire après le paiement de l’échéance du 16 décembre 2018 et de désignation d’un notaire à Rouen, en qualité de rédacteur de l’acte de vente, lequel sera chargé de recevoir la signature des parties s’analyse en une demande d’exécution forcée du contrat.

La cour relève également que la société Rois Mages fonde ses demandes sur les dispositions des articles 872 et 873, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile.

Il convient dès lors d’examiner les demandes qu’elle soutient au regard de ces différents fondements.

Selon l’article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Aux termes de l’article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s’entend du « dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ».

Aux termes de l’article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la juridiction des référés peut ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

S’agissant de l’indemnité de résiliation anticipée d’un contrat de crédit-bail immobilier, il est constant qu’est nulle la clause de résiliation anticipée d’un contrat de crédit-bail immobilier qui tend, en réalité, à l’exécution de toutes les clauses du contrat, dans le seul intérêt du crédit-bailleur. Au contraire, est valide la clause qui fixe le montant de l’indemnité de résiliation anticipée à une somme sensiblement inférieure au cumul des loyers restant à courir jusqu’au terme du contrat, dans la mesure où elle ne comprend pas les intérêts.

En l’espèce, aux termes de l’article A 5 2°) du contrat intitulé 'acquisition anticipée à la demande du preneur', le preneur a la faculté d’acquérir le bien objet du contrat à partir de la fin de la 7e année qui suivra la prise d’effet du crédit-bail.

Cet article précise que la quote-part revenant à Finamur correspond au : ' prix de levée d’option hors taxes [qui] sera égal au montant de la valeur résiduelle contractuelle (colonne « encours après » du tableau ci-joint), à compter de la fin de la 7e année et jusqu’à la dixième année, suivant la prise d’effet du contrat, le prix de vente sera égal au capital restant dû, à la date de vente, majorée de trois pour cent (3 %) puis majorée de deux pour cent (2 %) entre la onzième année à la quinzième année, puis majorée de un pour cent (1 %) entre la lin de la seizième année à la dix huitième année'.

Quant à la quote-part revenant à la société CMC Lease, celle-ci s’élève à : 'la valeur actualisée de toutes les sommes restant dues au jour de la levée (loyers et valeur résiduelle au terme du contrat), actualisation faite au taux le plus bas entre : / – Le taux du SWAP ayant servi au calcul de l’échéancier lors de la mise en loyer, minoré de deux points (2 pts) / Le taux du SWAP qui sera en vigueur à la levée d’option pour une durée égale à la durée résiduelle du contrat, lequel taux minoré de deux points (2 pts) / Ce total majoré d’une indemnité égale à 3 % du montant ainsi obtenu de la fin de la 7e année jusqu’à la 10e année, égale à 2 % entre la 11e année et la 15e année et égale à 1 % entre la 16e année et la 18e année'.

S’il est constant que la société Rois Mages a fait part aux sociétés intimées de son souhait de lever l’option par lettre recommandée du 31 mars 2016, les parties n’ont jamais pu aboutir à un accord sur le montant des indemnités et pénalités réclamées par les sociétés crédit-bailleresses.

La société Rois Mages reconnaît elle-même que ce désaccord sur ces indemnités et pénalités est du à 'l’opacité du contrat et [à] l’impossibilité pour [elle] de calculer le prix de levée d’option d’achat'.

S’agissant du capital restant dû ou de la 'de la valeur résiduelle actualisée', la société Rois Mages propose de régler à chacune des sociétés intimées la somme de 3 321 231,07 euros HT, soit une somme totale de 6 642 462,14 euros arrêtée 'pour mémoire’ après le paiement de l’échéance du 16 décembre 2018, contre une somme totale de l’ordre de 8 077 349,63 euros HT réclamée par les sociétés Finamur et CMC Lease, après règlement de l’échéance du 16 septembre 2017, au titre (pièce de l’appelante n° 12).

Au regard de l’absence de clarté des dispositions contractuelles sus visées quant au mode de calcul applicable pour déterminer le prix de levée d’option et de la nécessaire interprétation en conséquence de l’article A 5 2°) du crédit-bail qui ne relève pas des pouvoirs de la juridiction des référés et de l’absence d’évidence quant aux sommes dues par les , il n’y a pas lieu à référé en conséquence sur les demandes d’autorisation de la société Rois Mages à se prévaloir du caractère effectif de la levée de

l’option et de désignation d’un notaire en qualité de séquestre et de rédacteur de l’acte de vente.

Dès lors, il n’y a pas lieu de répondre à la question de la prescription soulevée par les sociétés crédit-bailleresses en ce que cette fin de non-recevoir porte uniquement sur la 'demande formée au titre des intérêts prétendument trop versés’ et ne concerne pas le principal des demandes de la société Rois Mages.

Il appartient en effet au seul juge du fond de rechercher au regard des termes du contrat, des éléments de fait et des négociations en cours entre les parties, la commune intention des parties et de déterminer en conséquence le prix de levée de l’option, condition essentielle pour finaliser la rédaction du contrat de vente comme le demande la société Rois Mages.

En outre, s’il est constant que la société Rois Mages a régulièrement exercé son droit à levée de l’option, par lettre recommandée du 31 mars 2016 et que, compte tenu du préavis de 8 mois prévu à l’article A 4.5 du crédit-bail, le contrat est résilié depuis la fin du mois de décembre 2016, à cette date, le cumul de loyers restant à courir était de l’ordre de 10 999 000 euros pour un montant maximal chiffré par les sociétés Finamur et CMC Lease, après règlement de l’échéance du 16 mars 2017, à la somme totale de 8 927 692,38 euros TTC. Les indemnités de résiliation réclamées étaient donc à cette date inférieures au cumul des loyers restant à courir jusqu’au terme du contrat.

Il n’est donc pas établi avec l’évidence requise en référé le caractère manifestement illicite du trouble invoqué par la société Rois Mages au visa de l’article 873, alinéa 1, du code de procédure civile tiré du non-respect par les crédit-bailleresses de leurs obligations contractuelles, pour que soit ordonnée l’exécution forcée du contrat, l’appelante ne justifiant pas au surplus du montant du capital qu’elle considère comme restant dû puisque le mode de calcul qu’elle propose, à savoir '6 642 462,14 euros (capital restant dû après le règlement de l’échéance du 16 décembre) / 2 = 3 321 237,07 euros" ne correspond pas aux stipulations contractuelles précitées.

De même, si l’ urgence de la situation est avérée au regard des conséquences pour la société Rois Mages découlant de la poursuite du contrat, la demande d’exécution forcée du contrat et de rédaction d’un acte de vente ne s’avère pas fondée, au visa de l’article 872 du code de procédure civile, compte tenu des contestations sérieuses opposées par les sociétés Finamur et CMCI Lease.

Enfin, une telle mesure, si elle peut être envisagée au regard de la persistance du différend opposant les parties, s’avère inopportune en l’espèce, en raison des conséquences irrémédiables qu’aurait une telle exécution forcée ordonnée à hauteur de référé.

Les contestations sérieuses sus retenues s’opposent enfin à toute obligation de faire, en application de l’article 873, alinéa 2, du code de procédure civile.

Il résulte de l’ensemble de ces constatations et énonciations qu’il convient de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Rois Mages tendant à se prévaloir du caractère effectif de la levée de l’option et à régler à chacune des sociétés intimées la somme de 3 321 231,07 euros HT au titre du capital restant dû arrêtée pour mémoire après le paiement de l’échéance du 16 décembre 2018, de désigner M. X Y, notaire à Rouen, en qualité de séquestre et de rédacteur de l’acte de vente, chargé de recevoir la signature des parties en présence et de la demande subséquente d’autorisation à séquestre du montant des pénalités dues du fait de la rupture anticipée du contrat.

Sur la mesure de consignation sollicitée :

La société Rois Mages demande à la cour d’infirmer l’ordonnance déférée et, de manière générale, d’ordonner la consignation 'des fonds’ jusqu’à l’aboutissement du litige, amiablement ou judiciairement.

La cour relève que la société Rois Mages ne précise pas sur quel fondement elle demande la mise sous séquestre de ces 'fonds’ visant de manière générale les trois fondements précités.

Il convient dès lors de rappeler que selon l’article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut ordonner en référé notamment toutes les mesures que justifie l’existence d’un différend.

Le juge des référés peut notamment ordonner le séquestre et ou la consignation des fonds jusqu’à l’aboutissement du litige amiablement ou judiciairement, lorsque les parties sont en litige et qu’une réponse urgente s’impose dans l’attente de la décision du juge du fond.

En l’espèce, il est constant que la société Rois Mages a régulièrement exercé son droit à levée de l’option et qu’en l’absence d’accord sur le prix d’achat, elle continue de verser aux sociétés Finamur et CMC Lease les échéances trimestrielles prévues au contrat de crédit-bail, qui s’élevaient à la somme de 233 839,84 euros à la date de résiliation du contrat, qui aujourd’hui s’élèvent désormais à la somme de 237 803,23 euros et qui ne vont cesser d’augmenter.

Par conséquent, la société Rois Mages apporte la preuve de l’existence d’un différend et d’un préjudice réel et actuel, qui ne fera que s’aggraver avec le temps puisqu’aucun accord n’a été trouvé entre les parties, ni amiablement, ni judiciairement, sur le montant des indemnités de levée de l’option.

Dans ces conditions, sans préjuger de la validité et de l’interprétation de la clause de levée d’option, il convient d’ordonner, sur le fondement de l’article 808 du code de procédure civile, la consignation des sommes dues jusqu’à ce que le litige en cours soit irrévocablement tranché, à l’amiable ou judiciairement.

L’ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de consignation formulée par la société appelante et, statuant, à nouveau, la cour ordonne la consignation des loyers par la société Rois Mages dans les termes et conditions fixés par le dispositif du présent arrêt.

Sur les demandes accessoires :

Il n’y a pas lieu en équité de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Les demandes des parties sont rejetées à ce titre.

Eu égard aux circonstances de l’affaire, chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME l’ordonnance déférée en ce qu’elle a écarté la pièce n°11 de la SARL Rois Mages et rejeté la demande de consignation des échéances trimestrielles du contrat de crédit-bail résilié.

STATUANT À NOUVEAU sur ces chefs de décision,

Vu l’évolution du litige,

DIT n’y avoir lieu à écarter des débats la pièce n°11 de la SARL Rois Mages

AUTORISE à titre conservatoire la consignation par la SARL Rois Mages, à chaque échéance trimestrielle prévue au contrat de crédit-bail du 24 septembre 2008, des fonds correspondant aux loyers dus par la SARL Rois Mages aux sociétés Finamur et CMCIC Lease au titre du contrat précité auprès de la Caisse des dépôts et consignations, et ce pour les sommes dues à compter de la date de la présente décision,

DIT que cette mesure de consignation sera maintenue jusqu’à ce que le litige opposant les parties soit irrévocablement tranché, à l’amiable ou par décision judiciaire,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 28 février 2019, n° 18/04711