Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 2 juillet 2019, n° 18/00886
Chronologie de l’affaire
Commentaire • 1
Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 12e ch., 2 juill. 2019, n° 18/00886 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 18/00886 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Nanterre, 3 décembre 2017, N° 15/12056 |
Dispositif : | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Thérèse ANDRIEU, président
- Avocat(s) :
- Parties :
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 30F
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUILLET 2019
N° RG 18/00886 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SFCP
AFFAIRE :
C/
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 04 Décembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 8
N° Section :
N° RG : 15/12056
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Julie BARRERE,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
[…]
[…]
Représentant : Me Julie BARRERE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 638 – N° du dossier 14.0060
Représentant : Me Damien CHEVRIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0920 -
APPELANTE
****************
N° SIRET : B 5 52 141 533
[…]
[…]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 18129
Représentant : Me Clémence COLIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R156
substituée par Me GRIMAULT
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Mai 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par l’effet d’une cession de fonds de commerce intervenue le 13 avril 1994, la société Self de Clamart est
devenue titulaire d’un bail commercial consenti par la société Immobilière 3F sur des locaux commerciaux à
usage de supérette d’alimentation générale situés à […].
Le bail a été renouvelé par acte du 3 octobre 2001 pour une durée de 9 années commençant à courir le 1er
janvier 2002 pour se terminer le 31 décembre 2010. Après cette date, le bail s’est poursuivi par tacite
reconduction.
Par acte extrajudiciaire du 30 mars 2012 à effet au 30 septembre 2012, la société Immobilière 3F a délivré à la
société Self de Clamart un congé avec refus de renouvellement du bail en proposant un local de
remplacement.
Par courrier du 22 avril 2012, la société Self de Clamart a contesté l’offre de local de remplacement au motif
qu’il ne pourrait convenir à son activité.
Par acte d’huissier du 29 juin 2012, la société Self de Clamart a assigné la société Immobilière 3F devant le
tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de solliciter l’annulation du congé.
Par jugement du 3 avril 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a débouté le locataire de sa demande
de nullité du congé, a débouté le bailleur de sa demande reconventionnelle de résolution judiciaire du bail, a
validé le congé avec refus de renouvellement, a déclaré que le locataire a droit à une indemnité d’éviction et
bénéficie d’un droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité, et a ordonné une expertise.
L’expert judiciaire a rendu son rapport le 29 juillet 2015.
Par jugement du 4 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
— Condamné la société Immobilière 3F à payer à la société Self de Clamart les sommes suivantes :
— 314.000 € au titre de l’indemnité principale,
— 33.000 € au titre des frais de remploi, sous réserve de la preuve de la réinstallation du locataire,
— 44.000 € au titre du trouble commercial,
— 7.000 € au titre des frais administratifs et de déménagement,
— 30.000 € au titre des frais de réinstallation, sous réserve de la réinstallation du locataire et de la production
des justificatifs y afférents ; outre intérêt sur ces sommes au taux légal à compter du 29 juin 2012, date de
l’assignation ;
— Condamné la société Immobilière 3F à payer à la société Self de Clamart les indemnités de licenciement, et
le cas échéant de préavis, sur justificatifs de la preuve effective du licenciement de ses salariés ;
— Fixé le montant de l’indemnité d’occupation due par la société Self de Clamart à la société Immobilière 3F à
compter du 30 septembre 2012 à la somme annuelle de 44.442 € (outre les charges), et ce jusqu’à libération
effective et complète des lieux ;
— Dit que le montant de l’indemnité d’occupation sera indexé sur l’indice Insee du coût de la construction et
réajusté annuellement et automatiquement à sa date d’anniversaire, soit tous les 1er octobre de chaque année,
la première indexation étant intervenue le 1er octobre 2013;
— Dit que les sommes relatives à l’indemnité d’occupation porteront intérêt à compter du 21 février 2017, date
de la demande, en application de l’article 1155 (ancien) du code civil ;
— Ordonné la capitalisation desdits intérêts échus depuis plus d’un an en application de l’article 1154 (ancien)
du code civil ;
— Ordonné la compensation entre la somme due au titre de l’indemnité d’éviction et les sommes dues au titre de
l’indemnité d’occupation ;
— Dit que, à défaut d’accord entre les parties, l’indemnité d’éviction devrait être payée dans les conditions de
l’article L 145-29 du code de commerce et les fonds pourraient être déposés à la Caisse des dépôts et
consignations, en application de l’article L518-19 du code monétaire et financier ;
— Dit que l’indemnité de remploi, de réinstallation seraient consignées et débloquées à son profit uniquement
dans l’hypothèse où la société Self de Clamart justifierait de sa réinstallation dans le délai d’un an, à défaut de
quoi ces sommes seraient restituées de plein droit à la société Immobilière 3F sans autre formalité ;
— Dit que, dans les trois mois suivant la date du versement de l’indemnité d’éviction à la société Self de
Clamart elle-même ou de la notification à celle-ci du versement de l’indemnité au séquestre, la société Self de
Clamart devrait rendre les locaux à la société Immobilière 3F ;
— Dit qu’en cas de non remise des clés, à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la notification du
versement de l’indemnité d’éviction au séquestre, et après mise en demeure, le séquestre devrait retenir 1 %
par jour de retard sur le montant de l’indemnité ;
— Ordonné en l’absence de libération des locaux, l’expulsion de la société Self de Clamart des lieux loués, et de
toute personne occupante des lieux de son fait, et ce, avec l’assistance de la force publique s’il y a lieu ;
— Rejeté toutes demandes au fond plus amples ou contraires ;
— Condamné la société Immobilière 3F à payer à la société Self de Clamart 5.000 € en application de l’article
700 du code de procédure civile ;
— Ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
— Condamné la société Immobilière 3F aux entiers dépens dont le coût de l’expertise.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 8 février 2018 par la société Self de Clamart.
Vu la restitution des lieux par la société Self de Clamart le 29 mars 2018.
Vu les dernières conclusions notifiées le 26 mars 2019 par lesquelles la société Self de Clamart demande à la
cour de :
— Infirmer le jugement dont appel en certaines de ses dispositions,
En conséquence,
— Condamner la société Immobilière 3F au paiement des sommes suivantes :
— 472.000 € au titre d’indemnité d’éviction,
— 33.000 € au titre de frais de réemploi,
— 117.058 € à titre principal, 84.318,50 € à titre subsidiaire, et 52.000 € à titre très subsidiaire au titre du
trouble commercial,
— 7.000 € au titre de frais administratifs et déménagement,
— 76.809,19 € au titre de l’indemnité de réinstallation,
— 40.000 € au titre de l’indemnité pour perte des stocks,
— les indemnités de licenciement, et le cas échéant de préavis, sur justificatifs de la preuve effective du
licenciement de ses salariés, soit la somme de 25.317,13 €,
— Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 29 juin 2012,
— Dire n’y avoir lieu à déplafonnement du loyer et que l’indemnité d’occupation correspondra au loyer actuel,
soit la somme de 17.032 €,
A titre subsidiaire,
— Dire y avoir lieu à un abattement de 55%,
— Dire n’y avoir lieu ni à intérêt de droit, ni capitalisation des intérêts, ni compensation,
En tout état de cause,
— Condamner la société Immobilière 3F au paiement de 7.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de
procédure civile, et en tous les dépens.
Vu les dernières conclusions notifiées le 24 avril 2019 au terme desquelles la société Immobilière 3F
demande à la cour de :
— Recevoir la société Self de Clamart en son appel incident et l’en déclarer bien fondée
Sur l’indemnité principale
— Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé ladite indemnité à 314.000 €,
Sur les indemnités accessoires
— Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé :
— le trouble commercial à 44.000 € ;
— les frais de réinstallation à 30.000 €.
— Fixer les indemnités de licenciement dues par la société Immobilière 3F à la société Self de Clamart à
13.894,46 € ;
— Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Immobilière 3F à payer 33.000 € au titre des
frais de remploi ;
— Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Immobilière 3F à payer 7.000 € au titre des
frais administratifs et de déménagement ;
Et statuant à nouveau :
— Condamner la société Self de Clamart à rembourser à la société Immobilière 3F 33.000 € au titre des frais de
remploi indûment réglés ;
— Condamner la société Self de Clamart à rembourser à la société Immobilière 3F 5.000 € au titre des frais
administratifs et de déménagement indûment réglés.
Sur l’indemnité d’occupation
— Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé l’indemnité d’occupation annuelle à 44.442 € en principal
outre les charges à compter du 30 septembre 2012 ;
Et statuant à nouveau :
— Fixer le montant de l’indemnité d’occupation due par la société Self de Clamart à la société Immobilière 3F à
50.368 € en principal outre les charges dues à compter du 30
septembre 2012 ;
— Condamner la société Self de Clamart à rembourser à la société Immobilière 3F 32.593 € au titre du
trop-perçu de l’indemnité d’occupation, à laquelle doivent s’ajouter
les charges et les intérêts de droit en application de l’article 1155 du Code civil, à compter du 30 septembre
2012 jusqu’au 29 mars 2018 ;
— Condamner la société Self de Clamart à verser à la société Immobilière 3F 7.500 € en application de l’article
700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mai 2019.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du
code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 – Sur le montant de l’indemnité principale d’éviction
Il résulte de l’article L.145-14 du code de commerce que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail.
Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé
une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité
comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la
profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des
frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la
preuve que le préjudice est moindre.
L’article L.145-14 édicte ainsi une présomption de perte du fonds de commerce, laquelle peut cependant être
combattue, si le bailleur rapporte la preuve que le préjudice que va subir le locataire du fait de l’éviction "est
moindre", notamment lorsque le fonds de commerce peut être transféré, ce qui donne alors lieu à une
indemnité de transfert, plutôt qu’à une indemnité de remplacement.
En l’espèce, le bailleur indique qu’il « consent à ce que la société Self de Clamart reçoive une indemnité de
remplacement correspondant à la perte de son fonds de commerce », même si ce locataire a transféré son
fonds à 300 mètres de distance, dès lors que le nouveau local est plus petit que l’ancien. Il est en effet constant
que le local objet de l’éviction disposait d’une surface de vente de 350 mètres carrés (outre 450 m2 de réserves
en sous-sol), alors que le nouveau local ne dispose que d’une surface de 102 m2, ce qui aboutit à une perte de
surface de plus de 2/3, de sorte que le commerce n’a plus la même attractivité.
En cas de perte du fonds de commerce, l’indemnité principale d’éviction est constituée par la plus élevée des
deux valeurs suivantes : la valeur marchande du fonds de commerce d’une part, et la valeur du droit au bail
d’autre part. L’expert a évalué la valeur du droit au bail à 314.000 euros, et la valeur marchande du fonds de
commerce entre 280.000 euros et 325.000 euros, indiquant que l’indemnité principale pouvait être fixée à la
somme de 314.000 euros, ce qu’a également retenu le premier juge.
La société Self de Clamart critique la décision de première instance et sollicite la fixation de l’indemnité
d’éviction à la somme de 472.000 euros, en rappelant les trois méthodes d’évaluation retenues par l’expert
amiable. Elle soutient que ce rapport aboutirait à une fixation variant entre 397.581 euros (méthode fondée sur
le chiffre d’affaires), 441.700 euros (méthode par capitalisation), et 470.000 euros (méthode en fonction de
l’état du marché). Elle soutient que sa clientèle est locale, de sorte que le critère de la mauvaise desserte en
transports en commun retenu par le premier juge est sans incidence en l’espèce. Elle ajoute que la baisse de
son chiffre d’affaires ne doit pas être prise en compte dès lors qu’elle est imputable aux agissements du
bailleur (fermeture progressive du centre commercial).
Même si elle critique certains éléments du rapport d’expertise judiciaire, la société Immobilière 3 F sollicite
finalement l’entérinement de ce dernier quant à la fixation de la valeur du droit au bail, et celle de la valeur
marchande, sollicitant dès lors la confirmation du jugement sur le montant de l’indemnité principale
d’éviction.
La cour observe en premier lieu que la société Self de Clamart ne conteste pas la valeur du droit au bail, telle
que retenue par l’expert judiciaire à hauteur de 314.000 euros, sa contestation ne portant que sur la valeur
marchande du fonds de commerce. Sur cette valeur marchande, la société Self de Clamart invoque le rapport
amiable, tout en augmentant les coefficients retenus par ce dernier. En effet, ce rapport amiable faisait état,
selon les trois méthodes rappelées, d’une valeur variant entre 260.000 euros et 320.000 euros, et non pas d’une
valeur variant entre 397.581 euros et 470.000 euros, comme soutenu par la société Self de Clamart.
S’agissant de l’évaluation par la recette journalière, la proposition de la société Self de Clamart de retenir un
coefficient de 100, alors même que l’expert retient un coefficient de 65, n’est nullement justifiée. Il ressort en
effet des éléments du dossier que le secteur est à faible pouvoir d’achat, sans perspective de développement
significative. (quartier populaire de Clamart).
S’agissant de l’estimation par le taux de chiffre d’affaires, le premier juge a justement retenu, conformément
notamment au rapport d’expertise judiciaire qu’il n’était pas possible de retenir un pourcentage de 30%
correspondant aux grandes villes, et qu’il était dès lors plus conforme à la situation particulière de retenir une
moyenne entre 20% et 30%, soit 25%.
S’agissant enfin de l’estimation en fonction des éléments cités sur l’état du marché, il ne s’agit que d’un élément
parmi d’autres qu’il n’est pas possible de retenir de manière unique ainsi que l’a justement observé le premier
juge.
Alors que l’expert amiable avait retenu une valeur médiane du fonds de commerce à 300.000 euros, l’expert
judiciaire a admis une valeur variant entre 280.000 euros et 325.000 euros, soit une valeur de 302.000 euros,
inférieure à la valeur du droit au bail de 314.000 euros, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a
retenu cette dernière valeur de 314.000 euros pour l’indemnité principale. Le jugement sera confirmé de ce
chef.
2 ' sur les indemnités accessoires
* les frais de remploi
Cette indemnité est destinée à compenser les droits de mutation qui seront dûs pour acquérir un fonds de
commerce ou un droit au bail de valeur équivalente, outre les frais d’acte et les frais de transaction.
Le premier juge avait fixé cette indemnité à 33.000 euros, estimant qu’il n’y avait pas de contestation des
parties à ce sujet.
La société Immobilière 3 F forme un appel incident, et sollicite le rejet des demandes formées à ce titre dès
lors que la société Self de Clamart n’a pas acquis de fonds de commerce, et qu’elle ne justifie pas de frais
d’acquisition d’un droit au bail, étant observé qu’elle a au contraire bénéficié d’une franchise de six mois de
loyer.
La société Self de Clamart sollicite la confirmation du jugement sur ce point, faisant observer qu’elle a
déboursé une somme de 2.000 euros pour les frais de rédaction du bail, outre 9.000 euros au titre du dépôt de
garantie.
Le dépôt de garantie ne constitue pas des frais de remploi. Seuls les frais de rédaction d’acte à hauteur de
2.000 euros peuvent ainsi être indemnisés au titre des frais de remploi.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
* le trouble commercial
Cette indemnité est destinée à compenser la perte de temps et de revenus générée par l’éviction (gestion de la
procédure d’éviction et recherche d’un nouveau bail).
Le premier juge avait fixé cette indemnité à 44.000 euros, estimant qu’il n’y avait pas de contestation des
parties à ce sujet.
La société Immobilière 3 F sollicite confirmation du jugement sur ce point.
La société Self de Clamart sollicite fixation de son trouble à hauteur de 117.058 euros à titre principal, 84.318
euros à titre subsidiaire, et 52.000 euros à titre encore plus subsidiaire, faisant valoir qu’elle n’a eu aucune
activité durant tout le mois d’avril 2018, de sorte qu’il convient de retenir une perte de chiffre d’affaires durant
1 mois.
L’expert a indiqué que ce trouble correspondait habituellement à 3 mois de bénéfice réel, soit l’EBE retraité.
Constatant toutefois que cet EBE était nul, il a proposé de retenir un trouble commercial à hauteur d’un demi
mois de chiffre d’affaires, soit la somme de 44.000 euros, ce qui est parfaitement justifié, aucun élément ne
permettant d’allouer une somme supérieure à la société Self de Clamart. Le jugement sera confirmé de ce chef.
* les frais de déménagement
Le premier juge avait fixé cette indemnité à 7.000 euros, estimant qu’il n’y avait pas de contestation des parties
à ce sujet.
La société Immobilière 3 F sollicite l’infirmation du jugement sur ce point dès lors que la société Self de
Clamart ne justifie pas des frais qu’elle invoque.
La société Self de Clamart sollicite la confirmation du jugement sans produire de justificatif. Au regard de la
surface de l’ancien magasin (plus de 300 m2), les frais de déménagement peuvent toutefois être évalués à la
somme de 7.000 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.
* les frais de réinstallation
Cette indemnité est destinée à compenser les frais d’aménagement des nouveaux locaux, semblables à ceux
perdus dans les anciens locaux.
Le premier juge avait fixé cette indemnité à 30.000 euros.
La société Immobilière 3 F sollicite confirmation du jugement sur ce point.
La société Self de Clamart sollicite l’infirmation du jugement et le paiement d’une somme de 76.809,19 euros,
correspondant aux factures des divers aménagements.
En première instance, la société Self de Clamart avait produit un devis de 289.497 euros, et l’expert avait
estimé ce dernier excessif, proposant de retenir une somme de 30.000 euros pour les chambres froides,
retenant pour le surplus qu’il n’existait pas d’installations spécifiques.
Il n’appartient pas au bailleur de financer, au titre des frais de réinstallation, les aménagements ordinaires qui
ne présentent aucune spécificité, tels que les rayonnages d’un supermarché. S’agissant des éléments
spécifiques, tels que les chambres froides, il convient de tenir compte de la vétusté des équipements anciens,
le bailleur n’étant redevable que d’éléments semblables aux éléments perdus.
Au regard de ces éléments et des factures produites, la cour retiendra une indemnité de réinstallation à hauteur
de 46.500 euros, décomposée de la manière suivante : facture Emas Group retenue pour 40.000 euros (après
déduction des éléments de rayonnage et application d’un coefficient de vétusté sur les chambres froides et
meubles réfrigérés), facture CRB retenue à hauteur de 5.000 euros (rideaux métalliques après déduction de la
vétusté), les factures Darchy et Cati (enseigne et meuble de caisse après déduction de la vétusté) pour 1.500
euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.
* les pertes sur stock
Le premier juge avait rejeté la demande de la société Self de Clamart à ce titre, dès lors qu’aucun justificatif
n’était produit.
La Société Self de Clamart reprend sa demande en paiement à hauteur de la somme de 40.000 euros au motif
qu’elle n’a pas eu d’activité durant un mois.
Force est ici de constater que la simple inactivité du supermarché durant un mois est insuffisante à prouver
une perte de stock, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
* sur les indemnités de licenciement
Le premier juge avait condamné le bailleur au paiement des indemnités de licenciement sur justificatif de la
preuve effective des licenciements.
La société Self de Clamart sollicite paiement d’une somme de 25.317,13 euros à ce titre.
La société Immobilière 3 F demande à la cour de fixer les indemnités de licenciement à la somme de
13.894,46 euros, indiquant notamment qu’il convient d’exclure la prétendue indemnité versée à M. X,
dès lors que celui-ci travaille toujours pour la société, dont il est d’ailleurs le gérant.
Il ressort des éléments produits aux débats que M. X est toujours gérant de la société Self de Clamart, de
sorte qu’il n’a pas été licencié.
Il convient dès lors de fixer le montant des indemnités de licenciement à la somme de 13.894,46 euros. Le
jugement sera infirmé de ce chef.
3 ' sur l’indemnité d’occupation
Il résulte de l’article L.145-28 du code de commerce qu’aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité
d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité,
il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité
d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments
d’appréciation.
Il résulte en outre de l’article L.145-33 du même code (section 6) que le montant des loyers des baux
renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée
d’après : les caractéristiques du local considéré ; la destination des lieux ; les obligations respectives des
parties ; les facteurs locaux de commercialité ; les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Le premier juge a fixé le montant de l’indemnité d’occupation due par le preneur à compter du 30 septembre
2012 à la somme annuelle de 44.442 euros jusqu’à libération des lieux. Il a tenu compte de la valeur locative
estimée par l’expert judiciaire à la somme de 59.256 euros, à laquelle il a appliqué un coefficient de précarité
de 25% pour tenir compte des importants travaux réalisés à l’initiative du bailleur pour rénover le quartier, ce
qui s’est traduit par des difficultés d’accès au magasin et par la fermeture de plusieurs commerces dans le
centre commercial.
La société Self de Clamart sollicite l’infirmation du jugement de ce chef, et la fixation de l’indemnité annuelle
d’occupation à titre principal à 17.032 euros, ce qui correspond au montant du loyer plafonné, et à titre
subsidiaire au montant de la valeur locative après abattement de 55% pour tenir compte de la précarité.
La société Immobilière 3 F sollicite pour sa part paiement d’une indemnité annuelle de 50.368 euros, comme
retenu par l’expert judiciaire, après application d’un abattement limité à 15% pour précarité.
Il est constant que l’indemnité d’occupation n’est pas soumise au plafonnement, et qu’elle ne peut pas non plus
correspondre au loyer prévu par le bail. Elle doit dès lors correspondre à la valeur locative, cette dernière étant
la valeur locative « judiciaire » et non pas la valeur locative de marché.
En l’espèce, l’expert a retenu une valeur locative de marché à hauteur de 69.434 euros, et une valeur locative
de 59.256 euros. La société Self de Clamart critique les références citées par l’expert, sans toutefois proposer
d’autres références. L’expert a retenu un panel de 11 références tout à fait pertinentes en ce qu’elles portent sur
des commerces similaires, notamment des supermarchés alimentaires, dont 3 références judiciaires.
C’est ainsi à bon droit que l’expert a retenu une valeur locative de 59.256 euros.
C’est également à bon droit que le premier juge a retenu un abattement de précarité de 25% au regard des
travaux de rénovation du quartier entraînant des difficultés d’accès (palissades autour du commerce…), outre
la fermeture d’autres commerces du centre commercial.
Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité d’occupation à la
somme annuelle de 44.442 euros outre les charges. Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a dit que
cette indemnité serait indexée et porterait intérêts, outre capitalisation.
4 – Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Chacune des parties succombant pour partie, celles-ci conserveront chacune la charge de leurs dépens d’appel.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour
faire valoir son droit.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 4 décembre 2017 en toutes ses
dispositions, à l’exception de celles portant sur le montant des frais de remploi, des frais de réinstallation et
des indemnités de licenciement qui sont infirmées,
Et statuant à nouveau de ces seuls chefs,
Condamne la société Immobilière 3 F à payer à la société Self de Clamart les sommes de :
— 2.000 euros au titre des frais de remploi,
— 46.500 euros au titre des frais de réinstallation,
— 13.894,46 euros au titre des indemnités de licenciement,
Rejette toutes autres demandes,
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d’appel.
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure
civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de
la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
Textes cités dans la décision