Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 2 avril 2019, n° 17/07552

  • Augmentation de capital·
  • Sociétés·
  • Assemblée générale·
  • Souscription·
  • Agrément·
  • Cession·
  • Associé·
  • Exclusion·
  • Actionnaire·
  • Demande

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 2 avr. 2019, n° 17/07552
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/07552
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 18 septembre 2017, N° 2014F01999
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

FS

Code nac : 34C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 AVRIL 2019

N° RG 17/07552 – N° Portalis DBV3-V-B7B-R4T4

AFFAIRE :

W, AA X

C/

F Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 19 Septembre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 5

N° Section :

N° RG : 2014F01999

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Marc V

Me P Q

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur W, AA X

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me Marc V de la SELARL U-V-CHARBONNIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 003 – N° du dossier 170289

Représentant : Me Etienne ROCHER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentant : Me W BARRET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame R, AB Y épouse X

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me Marc V de la SELARL U-V-CHARBONNIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 003 – N° du dossier 170289

Représentant : Me Etienne ROCHER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentant : Me W BARRET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

Monsieur F Y

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me I GOULARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me

MORENO

Madame R-AC Y

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me I GOULARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me MORENO

Monsieur E Y

de nationalité Française

[…]

appt 532

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me I GOULARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me MORENO

Madame G H épouse Y

de nationalité Française

[…]

appt 532

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me I GOULARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me MORENO

Madame I D

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me I GOULARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me MORENO

Monsieur K D

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me I GOULARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me MORENO

Madame L A

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me I GOULARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me MORENO

Monsieur N A

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me I GOULARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me MORENO

SAS EMBREGOUR

[…]

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me Frank MARTIN LAPRADE de l’AARPI JEANTET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T04 -

SAS ALFRED DE MUSSET (C)

[…]

[…]

[…]

Représentant : Me P Q de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 – N° du dossier 20180073

Représentant : Me Frank MARTIN LAPRADE de l’AARPI JEANTET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T04 -

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Février 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur U GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

La société par actions simplifiée Alfred de Musset ( la société C) est une société familiale créée par M. et Mme F Y, dans laquelle leurs cinq enfants ainsi que leur gendre M. W X possèdent chacun 280 actions.

L’actif de la société holding familiale est constitué pour l’essentiel par sa participation à hauteur de 50,75 % dans la société Compagnie Industrielle et Financière d’Entreprise (la société Cife),société cotée sur Euronext, laquelle intervient dans le secteur du bâtiment et des travaux publics au travers de sa principale filiale Entreprises des Travaux Publics de l’Ouest (ETPO) et dans la promotion immobilière. La société Cife, dont le président directeur général a été jusqu’en 2013 M. F Y, puis à compter de juin 2013 son fils M. E Y, détient des parts en autocontrôle représentant

9,4 % de son capital.

M. X a occupé de 1996 à 2011 la fonction de directeur général délégué de la société ETPO, filiale au sein du groupe Cife et a été administrateur de la société Cife de 1997 jusqu’à sa démission le 12 avril 2014. Il a ensuite initié des procédures tant devant le conseil des prud’homes en sa qualité de salarié que devant le tribunal de commerce en qualité de mandataire social.

En décembre 2012, un projet de donation partage des actions de la société C proposé par M. et Mme F Y n’a pu prospérer en raison de l’opposition de Mme R-AB X, arguant de la sous-évaluation des parts.

De même en mai 2013, la proposition faite par M. et Mme X à trois des associés de la société C portant sur le rachat de la majorité des titres de la société n’a pas été suivie d’effet.

Le 5 mai 2014, est publié au Balo ( bulletin des annonces légales obligatoires) l’avis d’une réunion de l’assemblée générale de la société Cife comportant notamment la résolution n°5 sur la possibilité d’une vente des actions de l’autocontrôle. Le 13 juin 2014 l’assemblée générale des actionnaires de la société Cife a approuvé cette résolution prévoyant une vente des actions détenues en autocontrôle.

Le 17 juin 2014, M. F Y convoque une assemblée générale de la société C pour le 30 juin 2014 ayant pour objet une augmentation du capital de la société.

Le 19 juin 2014, M. et Mme X ont adressé une lettre à la société C avec copie aux associés annonçant une proposition d’achat de 100% des actions de la société qui serait finalisée en septembre 2014 et ont demandé le report de l’assemblée générale.

Le 24 juin 2014, ils confirment leur présence à l’assemblée générale mais indiquent leur opposition à l’augmentation de capital en raison du montant trop faible de la prime d’émission et le calendrier trop court favorisant ainsi M. E Y.

Le 30 juin 2014, les associés de la société C, sauf M.et Mme X, approuvent l’augmentation de capital de la société, la clôture de l’augmentation de capital devant se faire au 31 juillet 2014.

Le 1er juillet 2014, le président de la société C rappelle à tous les associés la procédure d’agrément à laquelle est soumise, en application de l’article 11 des statuts, la cession de droit préférentiel de souscription.

Le 9 juillet 2014, M.et Mme X sollicitent par courrier adressé à la société C d’accorder son agrément à deux sociétés HTB SARL et EI BTP, mais cette lettre n’arrive pas à son destinataire à la suite d’une erreur des services postaux.

Le 19 juillet 2014, les actionnaires de la société C, à l’exception de M. et Mme A et M.et Mme X, renoncent à leurs droits préférentiels de souscription au profit de la société Embregour, laquelle sollicite son agrément en qualité d’associée.

Le 25 juillet 2014, l’assemblée générale de la société C accorde un agrément à la société Embregour pour lui permettre la réalisation de l’augmentation de capital mais ne statue pas sur la demande d’agrément des deux sociétés de M.et Mme X, qui n’a pas pu être inscrite à l’ordre du jour.

Les 28 et 29 juillet 2014, à la suite de la cession de quatre droits préférentiels de souscription de M.et Mme X aux sociétés EI BTP et HTB SARL, la société C reçoit le virement du prix de souscription des deux actions nouvelles versées respectivement par ces deux sociétés pour 14 140 euros chacune.

Le 31 juillet 2014 l’assemblée générale de la société C refuse d’agréer les deux sociétés EI BTP et HTB SARL.

Selon procès-verbal du 4 août 2014, l’augmentation de capital de la société C est définitivement réalisée au prix de 14 140 euros l’action pour un total de 5,3 millions d’euros soit 75% du montant de l’augmentation initialement prévue, les actions étant souscrites à hauteur de 80 actions par les époux A-Y et à hauteur de 295 actions par la société Embregour. M. E Y possède ainsi directement ou indirectement via la société Embregour 24,2% du capital de la société C, tandis que M. et Mme X voient leur participation au sein de la société passer de 28% à 23,6%..

C’est dans ce contexte que M. et Mme X ont fait assigner le 22 octobre 2014 la société C et les huit autres associés de la société C devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins principalement d’annulation de l’augmentation de capital de la société C votée le 30 juin 2014 et des assemblées générales des 30 juin, 31 juillet et 4 août 2014 et en paiement de dommages-intérêts.

Le 16 avril 2015, après échanges de courriers entre les parties, le président de la société C adresse une lettre recommandée avec avis de réception à M. et Mme X, leur indiquant que la cession de leurs droits préférentiels de souscriptions aux sociétés EI BTP et HTB SARL a été réalisée sans faire l’objet de l’agrément requis par les statuts, et les informant que dès lors, en application des statuts de la société, ils sont tenus de céder la totalité de leurs actions dans le délai d’un mois à compter de ce courrier, et qu’à défaut de trouver un repreneur qui reçoive l’agrément de la société, leurs actions seront automatiquement rachetées par la société afin d’être annulées et il suspend de ce fait leurs droits non pécuniaires.

M. et Mme X font alors assigner le 29 avril 2015 la société C devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins principalement de voir prononcer la nullité de l’exclusion prononcée.

Parallèlement, saisis par M. et Mme X, le président du tribunal de commerce de Nanterre statuant en référé a, par ordonnance du 17 juin 2015, suspendu tous les effets de la mesure de rachat forcé de leurs actions entreprise par le président de la société C contre M. et Mme X à effet au 16 avril 2015.

Par jugement du 17 mai 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la jonction des deux procédures initiées par M. et Mme X et a désigné le centre de médiation et de l’arbitrage de Paris ( CMAP) pour la mise en oeuvre d’une médiation entre les parties.

Le CMAP a informé le 14 novembre 2016 le tribunal de commerce de Nanterre que la médiation organisée n’avait pas permis de trouver un accord.

Par jugement du 19 septembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre :

— a dit recevable mais mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par M. F Y, Mme R-AD Y, M. E Y, Mme G H épouse Y, Mme I D née Y, M, K D, Mme L A née Y et M. N A,

— s’est déclaré compétent,

— a dit la SAS Embregour bien fondée en sa demande d’intervention volontaire accessoire,

— a débouté les époux X de leur demande d’annulation de l’augmentation de capital de la SAS Alfred de Musset du 30 juin 2014 et des délibérations prises par les assemblées générales des 30 juin 2014, 31 juillet 2014 et 4 août 2014,

— a débouté les époux X de leur demande de nullité des actes ultérieurs se rapportant à l’augmentation de capital du 30 juin 2014,

— a débouté les époux X de leur demande de dommages-intérêts relative aux conditions de l’augmentation de capital à l’encontre de C, de M, F Y, Mme R-S, M. E Y, Mme G H épouse Y, Mme I D T, M. K D, Mme L A

née Y et de M. N A,

— a dit que l’exclusion prononcée par le président de la SAS Alfred de Musset est nulle et rétablit

les époux X dans l’ensemble des droits attachés à leurs actions dans la SAS Alfred de

Musset,

— a débouté la SAS Alfred de Musset de sa demande reconventionnelle,

— a condamné la SAS Alfred de Musset à payer la somme de 10 000 euros aux époux X à titre de dommages-intérêts relativement à sa tentative de les exclure,

— a débouté la SAS Alfred de Musset de sa demande de dommages-intérêts pour abus du droit à agir,

— a reçu les parties en leurs demandes plus amples ou contraires, les dit mal fondées et les en a déboutées en toutes fins non conformes au présent jugement qu’elles comportent,

— a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— a ordonné l’exécution provisoire, nonobstant appel et sans constitution de garantie,

— a condamné les époux X aux dépens.

Le 23 octobre 2017, M. W-AA X et Mme R-AB Y épouse X ont interjeté appel de la décision en ce que le jugement entrepris :

* les a déboutés de leur demande d’annulation de l’augmentation de capital de la SAS Alfred de Musset du 30 juin 2014 et des délibérations prises par les assemblées générales des 30 juin 2014, 31 juillet 2014 et 4 août 2014,

* les a déboutés de leur demande de nullité des actes ultérieurs se rapportant à l’augmentation de capital du 30 juin 2014,

* les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts relative aux conditions de l’augmentation de capital à l’encontre de C, de M, F Y, Mme R-S, M. E Y, Mme G H épouse Y, Mme I D T, M. K D, Mme L A née Y et de M. N A,

* a condamné la SAS Alfred de Musset à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts relativement à sa tentative de les exclure,

* les a dit mal fondés en leurs demandes plus amples ou contraires et les en a déboutés en toutes fins non conformes au jugement,

* a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et les a déboutés de leur demande à ce titre,

* les a condamnés aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2019, M. W X et Mme R-AB Y épouse X demandent à la cour de:

Vu les articles 1382, 1844 et 1843-4 du code civil (avant réforme)

Vu le principe de la fraude et l’adage fraus omnia corrumpit

— les recevoir en leur appel, les y dire bien fondés,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il:

* les a déboutés de leur demande d’annulation de l’augmentation de capital de la SAS Alfred de Musset du 30 juin 2014 et les délibérations prises par les assemblées générales des 30 juin 2014, 31 juillet 2014 et 4 août 2014,

* les a déboutés de leur demande de nullité des actes ultérieurs se rapportant à l’augmentation de capital du 30 juin 2014,

* les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts relatives aux conditions de l’augmentation de capital à l’encontre de C, de M. F Y, Mme R-AC Y, M. E Y, Mme G H épouse Y, Mme I D née Y, M. K D Mme L A née Y et de M. N A,

* a sous-évalué le montant des dommages intérêts leur revenant relativement à la tentative de les exclure de C, exclusion annulée par le tribunal,

* les a dit mal fondés en leurs demandes plus amples et contraires et les en a déboutés,

* a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et les déboutés à ce titre,

* les a condamné aux dépens,

— 'dire et juger’ que l’augmentation de capital votée le 30 juin 2014 sera annulée pour abus de droit et fraude à leur préjudice,

— 'dire et juger’ que l’objet de l’augmentation de capital votée le 30 juin est illicite et contraire à des dispositions d’ordre public,

— 'dire et juger’ que les délibérations prises aux termes des assemblées du 31 juillet et 4 août 2014 seront annulées également,

— 'dire et juger’ que tous les actes ultérieurs se rapportant à l’augmentation de capital votée le 30 juin seront nuls et non avenus,

— 'dire et juger’ qu’en vertu de la règle du retour au statu quo ante l’annulation de l’augmentation de capital se traduira par une restitution en numéraire des sommes reçues en numéraire par C,

— condamner les intimés in solidum à verser à chacun des appelants la somme de 75 000 euros au titre du préjudice résultant de l’abus de majorité et de la fraude,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a annulé l’exclusion mise en place par le président de C,

— par substitution de motifs, 'dire et juger’ que les dispositions statutaires de C régissant l’exclusion ou le retrait forcé applicables au moment des faits litigieux sont réputés non écrites,

— condamner les intimés in solidum à verser à chacun des appelants la somme de 25 000 euros au titre des préjudices résultant de la tentative d’exclusion annulée par le tribunal,

Subsidiairement, pour le cas où la cour viendrait à considérer que l’exclusion entreprise était valable:

— 'dire et juger’ qu’à défaut d’accord amiable sur la valeur des droits sociaux de C cette valeur sera déterminée dans les conditions et selon les dispositions de l’article 1843-4 du code civil,

— condamner les intimés in solidum à verser à chacun des appelants la somme de 75 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance,

— condamner les intimés in solidum à régler à chacun des appelants la somme de 60 000 euros en application de l’article 700 relativement à la procédure d’appel,

— débouter les intimés et appelants incidents de l’intégralité de leurs demandes, moyens et prétention tant du chef de l’annulation de l’augmentation de capital qu’au titre de l’exclusion,

— condamner les intimés aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la selarl U-V-Charbonnier en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2019, la société par actions simplifiées Alfred de Musset ( société C) sollicite de la cour de:

— confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a jugé que l’augmentation de capital de C votée le 30 juin 2014 n’est pas frauduleuse et ne résulte pas d’un abus de majorité et a ainsi débouté les époux X de leur demande en nullité de l’augmentation de capital litigieuse,

— infirmer le jugement attaqué pour le surplus,

Y faisant droit et statuant à nouveau:

— débouter les époux X de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de C,

— 'dire et juger’ que la procédure d’exclusion engagée à l’encontre des époux X conformément aux statuts de C est valide,

— ''dire et juger'' que les époux X ont abusé de leur droit d’agir à l’encontre de C,

— condamner les époux X in solidum à verser à la société C la somme de

181 500 euros à titre de dommages et intérêts, à raison de l’abus du droit d’agir dont ils se sont rendus coupables,

— condamner les époux X in solidum à verser à la société C la somme de 272 795,49 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître P Q, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 21 novembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. F Y, Mme R-AC Y , M. E Y, Mme G H épouse Y, Mme I Y épouse D, M. K D, Mme L Y épouse A et M. N A et la société par actions simplifiée Embregour demandent à la cour de:

— confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a constaté l’absence de fautes commises par M. F Y, Mme R-AC Y, M. E Y, Madame G Y, Mme I D, M. K D, Mme L A, M. N A au préjudice des époux X et a ainsi débouté ces derniers de leur demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts formée à l’encontre des associés de C,

— écarter en ce qu’elle est nouvelle la demande visant la société Embregour alors que celle-ci n’était même pas

encore associée de C en juin 2014.

— infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Y faisant droit et statuant à nouveau,

— débouter les époux X de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre des intimés.

— condamner les époux X in solidum à verser à chacun des intimés la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de Maître P Q, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux conclusions des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « dire et juger » qui ne sont, en l’espèce, pas des prétentions mais des moyens.

La cour relève que l’objet de l’appel de M. et Mme X et des appels incidents des intimés ne porte pas sur la compétence du tribunal de commerce. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

Sur les demandes de M. et Mme X à l’encontre de la société Embregour:

L’article 564 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. En vertu de l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les consorts Y et la société Embregour demandent d’écarter la demande nouvelle de M. et Mme X en cause d’appel à l’encontre de la société Embregour, qui n’était pas associée à la société C en juin 2014.

M. et Mme X font remarquer que la société Embregour est intervenue volontairement devant le tribunal de commerce de Nanterre en tant qu’associée de la société C, que leur demande devant le tribunal de commerce de Nanterre visait tous les associés de la société C et par conséquent la société Embregour, même si son nom n’était pas cité.

L’intervention volontaire en première instance par conclusions du 27 janvier 2017 de la société Embregour, propriétaire de 76,42 %des actions de la société C et présidée par M. E Y, a été déclarée recevable par le tribunal de commerce de Nanterre, qui a relevé que devenue actionnaire majoritaire de la société C en 2016 et représentant dès lors tous les actionnaires familiaux de la société C à part les époux X, elle a intérêt à agir aux cotés de la société C pour soutenir sa position sur l’augmentation de capital de la société C du 30 juin 2014.

Cette intervention volontaire de la société Embregour dans la procédure n’a pas été remise en cause devant la cour par M. et Mme X.

La cour relève que dans leurs dernières conclusions régularisées devant le tribunal de commerce de Nanterre pour l’audience du 14 avril 2017, M. et Mme X ont formé des demandes à l’encontre de tous les associés

de la société C, et par conséquent nécessairement à l’encontre de la société Embregour, devenue actionnaire de la société C et étant intervenue volontairement à l’instance par conclusions antérieures du 27 janvier 2017.

Dès lors, la prétention de M. et Mme X à l’encontre de la société Embregour n’est pas nouvelle en cause d’appel et la demande des intimés d’écarter à ce titre les demandes des appelants la concernant sera rejetée comme étant non fondée.

Sur l’augmentation de capital de la société C:

M. et Mme X contestent l’augmentation de capital de la société C et les délibérations prises par les assemblées générales de la société les 30 juin, 31 juillet et 4 août 2014, se fondant sur la fraude et l’abus de droit en exposant qu’ils ont été placés dans l’impossibilité de participer à l’augmentation de capital, au regard de la brutalité de l’opération, de la rupture d’égalité entre les associés, du refus d’agréer les deux sociétés qu’ils avaient proposées, et des manoeuvres entreprises pour les priver d’acquérir à titre personnel des actions.

Ils ajoutent que l’augmentation de capital retenue repose sur une très forte sous-évaluation des titres de la société C, ce qui a permis de proposer une prime d’émission totalement faussée, constituant ainsi une fraude justifiant la nullité de l’augmentation de capital.

Enfin, ils considèrent que l’augmentation de capital a un objet illicite comme reposant sur l’acquisition des actions de l’autocontrôle de la société Cife réputés annulées en vertu des dispositions de l’article L.225-214 du code de commerce, qu’elle n’est pas fondée sur les besoins de la société C mais qu’elle a été réalisée au contraire dans l’intérêt de favoriser frauduleusement M. E Y au détriment de la société Cife et des autres associés de la société C, pour répondre à une motivation fiscale de ce dernier et à la volonté de M. F Y d’augmenter la participation de son fils E dans la société C à leur détriment.

La société C demande la confirmation du jugement entrepris portant sur l’augmentation de capital, faisant valoir tout d’abord l’absence de fraude aux droits de M. et Mme X, qui étaient au courant du problème des actions de l’autocontrôle et avaient la possibilité de souscrire à l’augmentation de capital, celle-ci s’étant réalisée par le maintien des droits préférentiels de souscription des actionnaires, nonobstant leur volonté de racheter tous les titres de la société C, d’autant que l’augmentation de capital était motivée par les circonstances, que la revente des actions de l’autocontrôle de la société Cife n’était pas enfermée dans un délai impératif et n’était pas illicite, que le montant de la prime d’émission a été déterminé par la société C sur des éléments objectifs,

Elle soutient également l’absence d’abus de majorité au détriment de M. et Mme X, puisque l’augmentation de capital n’est pas contraire à l’intérêt social de la société C, qu’elle n’a pas été réalisée pour favoriser les membres de la majorité, qu’en effet à l’époque tous les associés étaient minoritaires y compris M. Oliiver Y, M. et Mme X ayant au demeurant le plus grand nombre d’actions ( 560), que tous les associés ont été traités de la même façon.

Les consorts Y et la société Embregour s’opposent aux demandes de M. et Mme X dans les mêmes termes que la société C.

La cour examinera successivement les conditions de l’augmentation de capital et son objet.

1. Les conditions de l’augmentation de capital:

M. et Mme X mettent en avant le caractère frauduleux de l’augmentation de capital de la société C et un abus de droit commis à leur détriment.

Il s’avère des pièces produites aux débats par les parties:

— que l’assemblée générale de la société C du 23 décembre 2013 a porté notamment sur les actions détenues en autocontrôle par la société Cife et sur l’étude du cabinet Jeantet du 5 décembre 2013,

— que dans cette note, le cabinet Jeantet indique au président de la société Cife qu’au regard des règles sur les actions auto-détenues et 'compte tenu de la date d’acquisition dont la dernière est de janvier 2012 et en l’absence de manifestation concrète d’une volonté de mettre en place un plan d’actionnariat salarié au sein de son groupe, l’analyse conduit à considérer que la société Cife se serait retrouvée en janvier 2013 dans l’obligation soit de procéder à leur réallocation notamment en vue de leur annulation dans le cadre d’une réduction de capital, soit à leur revente conformément à l’article L.225-214 du code de commerce', que le délai d’un an est sur le point d’expirer en janvier 2014, ' sachant qu’à défaut d’avoir été revendus d’ici-là, ces titres devront en principe être annulés', et il conseille à la société Cife de se rapprocher de ses actionnaires de référence aux fins de racheter eux-mêmes ces actions selon les modalités que ces derniers préciseraient ( pièce 14 appelants),

— que le 24 décembre 2013, la société C a adressé un courrier à Mme X aux fins de connaître sa position avant le conseil d’administration du 9 janvier 2014 sur une éventuelle acquisition de sa part des titres détenus en autocontrôle par la société Cife, 'pour quel volume et quel prix’ ( pièce 10-3 appelants),

— que le 7 janvier 2014, M. X a indiqué à la société Cife ne pas être favorable à la cession des parts, expliquant que l’annulation des actions autodétenues était la seule solution pouvant être retenue ( pièce 10-2 apppelants),

— que lors du conseil d’administration du 9 janvier 2014 de la société Cife, son président a attiré l’attention des membres du conseil, dont fait partie M. X, par la note du 5 décembre 2013 du cabinet Jeantet, conseil juridique, sur le niveau particulièrement élevé de l’autocontrôle et la nécessité d’une éventuelle réallocation d’une partie de ces actions Cife autodétenues en fonction des objectifs du programme de rachat, et que le conseil, après avoir examiné les trois options dont celle de la cession de tout ou partie pour renforcer la trésorerie de la société, a autorisé le président à approfondir le scénario de la cession,

— que lors du conseil d’administration du 10 avril 2014, le président, après avoir informé ses membres des éléments de réponse de la CM-CIC Securities, a proposé de soumettre à l’assemblée générale des actionnaires du 13 juin 2014 une résolution n°5 portant notamment sur la cession des actions détenues en autocontrôle ,

— que l’avis de convocation à l’assemblée générale des actionnaires de la société Cife a été publié au BALO le 5 mai 2014 et il n’est pas contesté que l’assemblée générale de la société Cife a approuvé le 13 juin 2014 la vente des titres détenus en autocontrôle.

Il s’ensuit de ces éléments que M. et Mme X étaient parfaitement informés dès décembre 2013 des problèmes concernant le sort des actions détenues en autocontrôle par la société Cife et de la possibilité d’une acquisition par les actionnaires de la société C, qu’ils ne peuvent pas dès lors soulever le caractère brutal de la convocation de l’assemblée générale de la société C pour le 30 juin 2014 qui n’en était que la suite logique aux fins de statuer sur l’augmentation de capital permettant de procéder à l’achat de ces titres.

Ils ne peuvent pas plus utilement soulever le fait que le vote de cette augmentation de capital avait pour objet essentiel de faire échec à leur projet de rachat des actions de la société C. En effet, si certes ils avaient exprimé l’intention de procéder au rachat de titres de la société, favorisée en cela par la demande de M. F Y de faire une proposition pour le rachat de tous les titres, ils n’apportent pas d’élément caractérisant une proposition concrète avant l’assemblée générale du 30 juin 2014, qu’au surplus l’augmentation de capital n’était pas en soi exclusive du rachat de la société.

M. et Mme X ne caractérisent pas non plus une rupture de l’égalité entre les associés en raison de l’absence de distribution de dividendes de la société C, alors qu’une telle prérogative relève de la décision souveraine de l’assemblée générale, que M. E Y a indiqué le 18 avril 2014 à M. X que ' la majorité des associés pense cependant utile de constituer des réserves afin de permettre le jour venu de

proposer une sortie aux associés souhaitant céder leurs parts sans déstabiliser le groupe’ ( pièce 5-9 appelants), qu’il n’est pas avéré que cette non distribution de dividendes avait pour objet de le favoriser.

M. et Mme X n’établissent pas non plus l’existence de manoeuvres destinées à les empêcher de participer à l’augmentation de capital, la cour relevant à cet égard qu’ils ne produisent aucun élément permettant de conclure qu’ils ont été empêchés à titre personnel de souscrire aux droits préférentiels de souscription qui leur étaient ouverts en leur qualité d’actionnaires de la société C.

En ce qui concerne les deux sociétés tierces HTB et EIBTP détenues la première par Mme X et la seconde par les époux X, il n’est pas contesté que leur première demande d’agrément pourtant adressée le 9 juillet 2014 au siège social de la société C n’a pas été reçue, que M. et Mme X ont donc été obligés de renouveler leurs demandes par courrier du 18 juillet 2014 pour inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 25 juillet 2014, que M. F Y leur a écrit le 23 juillet 2014 qu’il n’était pas possible de modifier l’ordre du jour de l’assemblée générale du 25 juillet 2014 avec un préavis aussi court mais leur a indiqué 'prévoir la tenue d’une assemblée générale extraordinaire additionnelle le 31 juillet prochain à 10 h du matin afin de solliciter de manière formelle l’avis des associés sur ces demandes d’agrément dans le cadre de l’augmentation de capital de C’ et les avisant du fait qu’en cas d’agrément les fonds devront être versés le jour même car l’augmentation de capital se termine le 31 juillet (pièce 11-5 appelants).

Il sera relevé en effet que les courriers de chacun des deux appelants du 9 juillet 2014 adressés au siège social de la société C à Nanterre sont revenus le 17 juillet 2014 avec la mention ' destinataire inconnu', que dès lors, même si l’adresse mentionnée sur les courriers correspondait bien à celle du siège social de la société, le caractère frauduleux de la non remise n’est pas démontré.

Au surplus, alors qu’une deuxième assemblée générale a été immédiatement convoquée pour statuer sur les demandes d’agrément des deux sociétés de M. et Mme X, ces derniers, qui leur avaient cédé leurs droits préférentiels de souscription, n’ont pas estimé utile de venir à cette assemblée générale sans se faire représenter.

Le procès-verbal de l’assemblée générale du 31 juillet 2014, qui a rejeté l’agrément de ces deux sociétés, mentionne en outre que Mme A explique que la société EIBTP est positionnée sur des activités similaires à celles d’ETPO dans la même zone géographique, que l’agrément de sociétés concurrentes ou potentiellement concurrentes n’est pas souhaitable et qu’ 'il ne semble pas judicieux aujourd’hui de faire courir le risque aux associés de C de voir un concurrent entrer dans le capital par le biais des sociétés EIBTP et /ou HTB', sans que les appelants ne contredisent ces assertions.

Enfin, M.et Mme X considèrent que l’augmentation de capital repose sur une sous-évaluation la prime d’émission, qui a été fixée à la somme de 14 140 euros, ce qui montre son caractère frauduleux.

Le fait qu’il y ait une décote de l’action dans la prime d’émission est normal pour inciter les actionnaires à acquérir de nouveaux titres et M. et Mme X ne peuvent utilement tirer argument d’un rapport de BM&A établi à leur demande le 4 février 2015 ' dans le cadre d’un contentieux entre les associés de la société C', lequel est postérieur de plusieurs mois à l’augmentation de capital et à l’achat des actions pour contester le montant du prix de souscription des actions nouvelles, qui a été fixé par l’assemblée générale des actionnaires dans le cadre de son pouvoir souverain.

En tout état de cause, M. et Mme X ne démontrent, au regard du montant de la prime d’émission ni une rupture d’égalité entre les associés dans le but de favoriser M. E Y qui voulait réinvestir ses plus-values en sursis d’imposition, ni une volonté d’avantager la société Embregour, les époux A ayant également souscrit dans le cadre de leurs droits préférentiels de souscription.

2. L’objet et l’intérêt de l’augmentation de capital:

Il est constant que l’augmentation de capital décidée par l’assemblée générale de la société C le 30 juin

2014 a pour objet l’achat des actions détenues en autocontrôle par la société Cife.

M. et Mme X soutiennent l’illicéité de l’objet de l’augmentation de capital qui portait sur l’achat d’actions réputées annulées tandis que la société C fait valoir que la cession de l’autocontrôle de la société Cife n’était pas illégale, que son montant de 9,46% du capital se trouvait dans la limite légale des 10% et que son annulation n’était pas inéluctable.

A la suite de sa note du 5 décembre 2013, le cabinet Jeantet a écrit le 4 février 2014 à M. E Y, président de la société Cife, en indiquant que s’il y avait une incertitude sur le sort des actions détenues qui dépasseraient le seuil des 5% après avoir été achetées conformément à l’objectif n°3 ( plan d’options d’achat) ou n° 4 ( attribution gratuite d’actions), il y avait par analogie avec l’article L225-208 du code de commerce une éventuelle possibilité de réallouer ces titres à la poursuite d’un autre objectif et lui a précisé : ' nous vous confirmons que le texte de la 5e résolution approuvée par l’assemblée générale des actionnaires de la société Cife le 14 juin 2013 s’est contenté de fixer 4 principaux objectifs pour le programme de rachat, si bien que rien n’interdit- selon nous- au conseil d’administration de Cife d’y ajouter un 5e objectif, tel que la constitution d’un portefeuille d’actions propres destinés à être remises aux porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital par exemple'.

Au vu de cette note, il n’est pas établi, comme le soutiennent M. et Mme X, que les actions détenues en autocontrôle par la société Cife devaient être annulées.

En tout état de cause, certes l’article L.225-214 du code de commerce dispose : ' les actions possédées en violation des articles L. 225-206 à L. 225-210 doivent être cédées dans un délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition. A l’expiration de ce délai, elles doivent être annulées'. Mais il n’en demeure pas moins qu’aucune sanction de nullité automatique n’est prévue et que le vote de l’assemblée générale des actionnaires est nécessaire pour prononcer l’annulation de telles actions.

Tel n’étant pas le cas, les actions détenues en autocontrôle par la société Cife ne peuvent être ' réputées’ annulées, comme le soutiennent les appelants, les actions étant soit annulées soit ne l’étant pas, et dès lors que les actions litigieuses n’ont pas fait l’objet d’un vote aux fins d’annulation, elles pouvaient faire l’objet d’une cession, l’opération n’étant pas en soi illicite.

Le président de la société C présente dans son rapport pour l’assemblée générale du 30 juin 2014 l’augmentation de capital inscrite sur l’ordre du jour ainsi : ' afin de permettre à la société de renforcer sa capacité financière et ses marges de manoeuvres pour lui permettre de participer à d’éventuelles opérations capitalistiques sur la société Cife et notamment toutes opérations liées à la gestion de l’autocontrôle de Cife décrites dans la résolution n°5 de l’assemblée générale de Cife convoquée le 13 juin 2014.' (pièce 6-1 appelants).

M. et Mme X n’apportent pas d’élément contraire aux fins d’établir que le vote de l’augmentation de capital de la société C est contraire à son intérêt social, car d’une part cela renforce la participation de la société C dans l’actionnariat de la société Cife et dès lors son contrôle, et d’autre part, ainsi que l’a retenu le tribunal, cela permet de régulariser en tant que de besoin la situation d’autocontrôle de sa filiale.

En outre, alors qu’ils font valoir que l’utilité de l’augmentation de capital de la société C n’est pas démontrée puisque celle-ci avait les moyens directs et indirects de participer à toute opération capitalistique de la société Cife, en finançant le rachat des actions d’autocontrôle sur la seule trésorerie de la société Cife délivrée par le versement de ses dividendes, c’est à juste titre que le premier juge a retenu que la responsabilité de la distribution de dividendes relève de l’assemblée générale de la société, que la société Cife n’est pas dans la cause et qu’il n’est pas justifié d’une opposition de ses actionnaires à l’absence de distribution de ses dividendes.

Ils ne caractérisent pas plus que cette augmentation de capital a servi uniquement à favoriser les intérêts d’un des associés, en l’occurrence M. E Y, alors que cette augmentation de capital était ouverte dans les

mêmes conditions à tous les actionnaires, que d’ailleurs les époux A y ont souscrit. Au surplus, le seul fait que l’augmentation de capital a eu pour conséquence de modifier la participation de M. et Mme X dans le capital de la société C passant de 28 % à 23,58% ne saurait caractériser en tant que tel l’existence d’une volonté de leur nuire induite par cette opération capitalistique.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. et Mme X ne caractérisent ni la fraude ni l’abus de droit de l’augmentation de capital votée par la société C et dès lors c’est à bon droit que le tribunal a rejeté leurs demandes d’annulation de l’augmentation du capital de la société C, des délibérations des assemblées générales des 30 juin, 31 juillet et 4 août 2014, laquelle constate la réalisation effective de l’augmentation de capital décidée lors de l’assemblée générale du 30 juin 2014, et par voie de conséquence leurs demandes de dommages-intérêts relatives aux conditions et à l’objet de l’augmentation de capital.

Sur l’exclusion de M. et Mme X de la société C:

La société C critique le jugement déféré, estimant que la procédure d’exclusion entreprise à l’encontre de M. et Mme X est valide et exposant que les dispositions statutaires comprises dans l’article 11 visent indéniablement les droits préférentiels de souscription, que la cession a eu lieu puisque les cessionnaires ont voulu exercer leurs droits préférentiels de souscription. Elle ajoute que la mesure d’exclusion prévue à l’article 11 des statuts n’est pas subordonnée à une décision collective des associés.

M. et Mme X s’opposent aux demandes de la société C en rappelant tant les conditions de leur exclusion prononcée à leur encontre le 16 avril 2015 par le président de la société C que les termes de l’ordonnance de référé entreprise le 17 juin 2015 qui a suspendu ladite mesure d’exclusion. Ils font valoir que l’exclusion a été prononcée sur la base d’une infraction statutaire imaginaire sur le fondement d’une clause d’agrément inopposable comme réputée non-écrite dans son intégralité, et par le seul président de la société C alors même que cette exclusion est de la seule compétence des associés.

Le tribunal a rappelé les dispositions de l’article 11 des statuts de la société C selon lesquelles ' toutes les cessions d’actions, sauf entre associés, sont soumises à la procédure d’agrément suivante […],que toute cession d’action intervenue en violation des dispositions ci-dessus est nulle', pour en déduire que cette disposition statutaire doit être interprétée strictement comme ne visant que les cessions d’actions et non les cessions de droits préférentiels de souscription et a prononcé de ce fait la nullité de l’exclusion prononcée de la nullité de la société C.

Si les parties n’ont pas estimé utile de verser aux débats dans leur intégralité les statuts de la société C au 23 juillet 2012 applicable au litige, il est produit cependant à la cour la deuxième partie de l’article 11 qui dispose que ' ces dispositions (relatives à l’agrément) sont également applicables en cas d’apport en société, d’apport partiel d’actif, de fusion ou de scission. Elles peuvent aussi s’appliquer à la cession des droits d’attribution en cas de cession en cas d’augmentation de capital par incorporation de réserves, primes d’émission ou bénéfices ainsi qu’en cas de cession de droits préférentiels de souscription à une augmentation de capital par voie d’apports en numéraire ou de renonciation individuelle à un droit de souscription en faveur des personnes dénommées'.

Il s’ensuit que, contrairement aux dires du tribunal, l’article 11 des statuts de la société C s’applique bien à la cession des droits préférentiels de souscription, la cour relevant d’ailleurs que M. et Mme X ont sollicité de la société C l’agrément pour la cession à leurs deux sociétés de leurs droits préférentiels de souscription.

Le 16 avril 2015, le président de la société C a adressé un courrier à M. et Mme X les informant que 'la cession de quatre droits préférentiels de souscription étant intervenue le 25 juillet 2014 au profit de la société HTB SARL pour un prix de 14 000 euros qui a été apparemment payée le jour même et ce en violation de l’article 11 des statuts', il n’a d’autre choix que de faire appliquer les statuts et leur rappelle qu’ils sont tenus de céder la totalité de leurs actions et ce dans un délai d’un mois à compter de ce courrier dans la mesure où il considère que l’existence de la cession litigieuse est avérée, leur indiquant qu’il leur appartient de trouver un

repreneur d’ici le 16 mai 2015, qui reçoive l’agrément des associés de la société C et que leurs droits pécuniaires sont désormais suspendus jusqu’à ce qu’il soit procédé à la cession des actions avant l’expiration de ce délai ( pièce 7 appelants).

En application de l’article L.227-16 du code de commerce, les statuts d’une société par actions simplifiée peuvent dans les conditions qu’ils déterminent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions.

L’article 11 des statuts de la société C mentionne que 'toute cession d’actions intervenue en violation des dispositions est nulle. En outre, l’associé cédant sera tenu de céder la totalité de ses actions dans un délai d’un mois à compter de la révélation à la société de l’infraction et ses droits non pécuniaires seront suspendus jusqu’à ce qu’elle ait procédé à ladite cession'.

Au vu des termes de cet article, M. et Mme X ne peuvent valablement soutenir que l’article 11 nécessite le vote des associés sur l’exclusion de l’un d’entre eux et que le président n’avait pas la possibilité de leur adresser la lettre du 16 avril 2015.

Ils ne peuvent pas plus invoquer utilement l’article 18 des statuts, lequel mentionne que les associés délibérant collectivement sont seuls compétents pour ' l’adoption ou modification des clauses relatives à l’inaliénabilité des actions, à l’agrément de toute cession d’actions, à l’exclusion d’un associé notamment en cas de changement de contrôle ou de fusion, scission ou dissolution d’une société associée', puisque cet article ne prévoit pas le cas de l’exclusion d’un associé du fait du non respect de la procédure d’agrément.

La société C reproche aux époux X d’avoir opéré la cession de leurs droits préférentiels de souscription aux sociétés EI BTP et HTB le 25 juillet 2014 sans qu’aucun agrément de ces deux sociétés en qualité de cessionnaires de droits préférentiels de souscription n’ait été accordé ni même sollicité au préalable.

Il sera cependant observé que dès le 9 juillet 2014 M. et Mme X ont sollicité l’agrément pour leurs deux sociétés auprès de la société C, que leur courrier n’ayant pas été reçu par la société C, ils ont à nouveau renouvelé leur demande par courrier du 18 juillet 2014, que le président leur a alors indiqué que si l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 25 juillet 2014 n’était pas possible, il convoquait à cette fin une assemblée générale extraordinaire pour le 31 juillet 2014, leur rappelant cependant que l’augmentation de capital se terminerait ce jour là et que les fonds devaient disponibles à cette date.

Par conséquent, le caractère concomitant de la demande d’agrément auprès de l’assemblée générale de la société C le jour même de la finalisation de la procédure d’augmentation du capital rendait nécessairement impossible une telle opération sans la cession des droits préférentiels de souscription.

D’ailleurs, la cession des droits préférentiels de souscription a été faite par Mme X à la société HTB et par M. X à la société EI BTP le 25 juillet 2014 avec la mention suivante : ' je reconnais que la présente cession devra être agréée par la collectivité des associés conformément à l’article 11 des statuts'.

Dès lors, en conditionnant ainsi la cession des droits préférentiels de souscription à l’agrément de la société C, le défaut d’agrément de l’assemblée générale de la société C du 31 juillet 2014 entraînait nécessairement la nullité de la cession et la société C n’a effectivement pas pris en compte la souscription opérée et a restitué les fonds dont elle avait été rendue destinataire à la société HTB.

Il en résulte que la violation de la clause statutaire d’agrément par M. et Mme X n’est pas démontrée et par voie de conséquence il n’y a pas lieu de faire application de l’article 11 des statuts et de prononcer l’exclusion de M. et Mme X de la société C. Il convient donc par substitution de motifs de confirmer sur ce point également le jugement entrepris.

Sur les demandes de dommages-intérêts:

* sur la demande de M. et Mme X:

C’est à juste titre que le tribunal a retenu qu’en tentant de les exclure de son capital social et en leur suspendant leurs droits d’associés non pécuniaires, la société C a causé un préjudice moral à M. et Mme X qui sera réparé par l’allocation de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

En cause d’appel, M. et Mme X n’apportent pas plus d’élément pouvant justifier de modifier le quantum de la réparation de leur préjudice moral et toute demande de condamnation plus ample en ce sens sera rejetée.

* sur la demande de la société C pour abus du droit d’agir de M. et Mme X:

La société C considère que M. et Mme X ont commis un abus du droit d’agir à son égard en demandant l’annulation de l’augmentation de son capital social et en lui réclamant des dommages-intérêts à raison de la procédure d’exclusion.

Au regard des développements précédents, la demande de la société C en dommages-intérêts au titre de la procédure d’exclusion n’est pas fondée.

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts que lorsqu’est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.

Dans ce contexte familial particulièrement difficile et tendu, la société C ne démontre pas le caractère abusif de la procédure initiée à son encontre et la volonté de nuire de M. et Mme X et elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts à leur égard.

Sur les autres demandes:

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.

En cause d’appel, il n’y a pas lieu au regard du contexte du dossier de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront à la charge de M. et Mme X.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire

Déboute M. F Y, Mme R-AC Y , M. E Y,Mme G H épouse Y, Mme I Y épouse D, M. K D, Mme L Y épouse A et M. N A et la société par actions simplifiée Embregour de leur demande de voir écarter les prétentions de M. et Mme X à l’encontre de la société Embregour sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Nanterre,

Y ajoutant,

Rejette les autres demandes des parties, en ce comprises celles au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. et Mme X aux dépens d’appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 2 avril 2019, n° 17/07552