Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 19 novembre 2019, n° 18/08181

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Chronologie de l’affaire

Commentaires13

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Au sommaire : MUSIQUE …

 

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 19 nov. 2019, n° 18/08181
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/08181
Sur renvoi de : Cour de cassation, 20 mars 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 79A

DU 19 NOVEMBRE 2019

N° RG 18/08181

N° Portalis DBV3-V-B7C-SZ7G

AFFAIRE :

X, E Y

SARL PRODUCTIONS G

C/

SAS ECRITURE COMMUNICATION

H A

J B

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 3

N° Section : 1

N° RG : 14/06841

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me Franck LAFON,

— Me AI AJ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEURS devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2018 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS le 16 décembre 2016

Monsieur X, E Y

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

SARL PRODUCTIONS G

agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentés par Me Franck LAFON, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20180476,

Me Christine AUBERT- MAGUERO, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : C2241

****************

DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SAS ECRITURE COMMUNICATION

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 382 204 089

[…]

[…]

représentée par Me AI AJ, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2190481,

Me Dominique DE LEUSSE substituant Me Anne VEIL, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : E1147

****************

Monsieur H A

né le […] à ENSIVAL

de nationalité Française

[…]

[…]

Monsieur J B

ès qualités d’héritier et exécuteur testamentaire de L M

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentés par Me Franck LAFON, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618,

Me Christine AUBERT- MAGUERO, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : C2241

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Septembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport et Mme Nathalie LAUER, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 17 décembre 2015 qui a statué ainsi':

Dit monsieur X Y irrecevable dans ses demandes en contrefaçon de droit d’auteur envers la société Ecriture Communication concernant les chansons «'Son dernier rêve » et les chansons dont

les textes ont été écrits par L M, O P, H A, Q R, S T, U V, W AA, AB AC, AD AE et H C,

Dit la société Productions G recevable dans ses demandes en contrefaçon de droit d’auteur envers la société Ecriture Communication concernant toutes les chansons objets du litige, à l’exception de la chanson « Paris Gavroche »,

Dit que la société Ecriture Communication a usé de son droit de courte citation,

Dit que toutes les demandes en contrefaçon de monsieur X Y et de la société Les productions G à l’égard de la société Ecriture Communication pour les oeuvres sur lesquelles ils étaient recevables à agir sont déboutées,

Déboute la société Ecriture Communication de sa demande en procédure abusive,

Condamne in solidum monsieur X Y et la société Les Productions G à payer à la société Ecriture Communication la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

Condamne in solidum monsieur X Y et la société Les Productions G aux dépens.

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 6 décembre 2016 qui a statué ainsi':

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré monsieur Y irrecevable à agir en son action en contrefaçon de droits d’auteur portant sur les extraits de chansons suivantes : « Les nomades », « C’est beau la vie », « Deux enfants au soleil, « D’où que vienne l’accordéon », « La fête aux copains'» « La jeunesse », « La commune'», « Un jour futur », « Rien à voir », «'La matinée'», « Ariane, « Je meurs », « Betty de Manchester, « Les yeux d’Elsa'», « J’entends, j’entends » et, statuant à nouveau ;

Déclare monsieur Y, agissant en qualité d’exécuteur testamentaire de J AF dit J AG en charge de l’exercice de son droit moral, recevable à agir en ce que son action porte sur les trente-deux chansons dont J AG est le parolier et le compositeur et sur les dix chansons suivantes : « La leçon buissonnière'», «Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite » et « Les cerisiers », « Les mercenaires », « Que serais-je sans toi'», « Au bout de mon âge », « Les poètes'», «J’arrive où je suis étranger », « Les feux de Paris »,

Rejette l’exception de courte citation opposée par la société Ecriture Communication SAS à l’action de la société Production G SARL et de monsieur X Y ;

Dit qu’en reproduisant sans l’autorisation de la société Production G SARL et de monsieur X Y, dans l’ouvrage intitulé « J AG Le charme rebelle » dont monsieur AH Z est l’auteur, des extraits des chansons précitées la société Ecriture Communication SAS a commis des actes de contrefaçon en portant atteinte aux droits patrimoniaux de reproduction dont la société Production G SARL est cessionnaire ainsi qu’au droit moral d’auteur de J AG ;

Condamne la société Ecriture Communication SAS à verser à la société Productions G SARL une somme de 6.000 euros en réparation du préjudice patrimonial subi et à monsieur Y la somme de 5.000 euros réparant l’atteinte portée au droit moral de J AG ;

Déboute la société Production G SARL et monsieur X Y de leurs demandes aux fins de publication du dispositif de la présente décision et d’interdiction de poursuivre la commercialisation de l’ouvrage dont monsieur Z est l’auteur ;

Condamne la société Ecriture Communication SAS à verser à la société Productions G SARL et à monsieur X Y la somme globale de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et supporter les dépens de première instance et d’appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 21 mars 2018 qui a statué ainsi':

Casse et annule, mais seulement en ce qu’il déclare M. Y, en qualité d’exécuteur testamentaire de J AG en charge de l’exercice de son droit moral, recevable à agir en contrefaçon des chansons suivantes « La leçon buissonnière », « Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite », « Les cerisiers », « Les mercenaires », « Que serais-je sans toi », « Au bout de mon âge », « Les poètes », « J’arrive où je suis étranger » et « Les feux de Paris », et en ce qu’il condamne la société Ecriture communication à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 1 6 décembre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris'; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne M. Y aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Ecriture communication la somme de 3 500 euros et rejette les autres demandes.

La Cour de cassation a rappelé que, si le coauteur d’une oeuvre de collaboration peut agir seul pour la défense de son droit moral, c’est à la condition que sa contribution puisse être individualisée et que, dans le cas contraire, il doit, à peine d’irrecevabilité, mettre en cause les autres auteurs de l’oeuvre ou de la partie de l’oeuvre à laquelle il a contribué.

Elle a relevé que, pour condamner la société Ecriture communication à verser une certaine somme en réparation de l’atteinte portée au droit moral de J AG, l’arrêt retient que M. Y, en qualité d’exécuteur testamentaire en charge de l’exercice de ce droit est recevable à agir en contrefaçon.

Elle a jugé qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que les paroles des chansons considérées avaient été écrites à partir de poèmes préexistants, en collaboration étroite avec leurs auteurs, et que la contribution de J AG était indivisible de la leur, de sorte que M. A et les ayants droit de L M et de H C devaient être appelés en la cause, la cour d’appel a violé l’article L 113-3 du code de la propriété intellectuelle.

Vu la déclaration de saisine de cette cour, le 4 décembre 2018, par M. Y et la Sarl Productions G.

Vu les dernières conclusions en date du 14 mai 2019 de M. Y, de la Sarl Productions G, de M. A et de M. B ès qualités d’héritier et exécuteur testamentaire de L M- ces derniers intervenants volontaires- qui demandent à la cour de':

Infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré M. Y irrecevable à agir au titre du droit moral de J AG sur les oeuvres intitulées « La leçon buissonnière », « Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite », Les cerisiers », « Que serais-je sans toi », « Au bout de mon âge », « Les poètes », « J’arrive où je suis étranger », « Les feux de Paris » et « Les mercenaires » ;

Et, statuant à nouveau

Déclarer M. Y recevable à agir au titre du droit moral de J AG sur les oeuvres intitulées « La leçon buissonnière », « Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite », « Les cerisiers », « Que serais-je sans toi », « Au bout de mon âge », « Les poètes », « J’arrive où je suis étranger », «

Les feux de Paris » et « Les mercenaires » ,

Dire qu’en reproduisant, sans autorisation de M. Y dans l’ouvrage intitulé « J AG – Le Charme rebelle » de M. AH Z, des extraits des chansons précitées, la société Ecriture Communication a commis des actes de contrefaçon par violation du droit moral d’auteur de J AG ,

Condamner la société Ecriture Communication à payer à M. Y, en réparation des préjudices découlant de la violation du droit moral de J AG, la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts

Ordonner la publication par extrait du dispositif de l’arrêt dans cinq revues ou journaux au choix de M. Y et de la société Production G et aux frais de la société Ecriture Communication à raison de 5.000 euros HT par insertion

Interdire à la société Ecriture Communication de poursuivre la commercialisation de l’ouvrage litigieux tant que seront maintenus les extraits d’oeuvres de J AG, et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de l’arrêt à intervenir ;

Condamner la société Ecriture Communication à régler à M. Y et à la société Production G la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile'; Condamner la société Ecriture Communication aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions ne date du 3 juin 2019 de la société Ecriture Communication qui demande à la cour de':

Dire et Juger que les 'uvres suivantes constituent des 'uvres composites :

« La leçon buissonnière »

« Berceuse pour un petit loupiot''

« La porte à droite »

« Les cerisiers »

« Les mercenaires »

« Que serais-je sans toi »

« Au bout de mon âge »

« Les poètes »

« J’arrive où je suis étranger »

« Les feux de Paris »

En conséquence, débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes fondées sur ces dix chansons.

Subsidiairement, si la Cour jugeait que la chanson « Les mercenaires » devait être qualifiée d''uvre de collaboration, constater que faute de mise en cause de l’ensemble des coauteurs de cette chanson,

l’action de M. Y est irrecevable.

Subsidiairement :

Dire et juger que la reproduction des extraits des 10 chansons ci-dessus listées, au sein de l’ouvrage « J AG ' Le Charme Rebelle », relève de l’exception de courte citation.

En conséquence, débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes fondées sur ces dix chansons.

En tout état de cause :

Dire et juger que la reproduction, au sein de l’ouvrage « J AG’ Le Charme Rebelle » de 47 citations de chansons de J AG ne cause à X Y, exécuteur testamentaire de ce dernier, aucun préjudice moral.

Subsidiairement

Fixer à la somme de 1 euro la réparation du préjudice moral que M. Y a subi en sa qualité d’exécuteur testamentaire.

Condamner M. Y et les Productions G aux dépens dont distraction au profit de Maître AI AJ sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Condamner M. Y et les Productions G à lui payer la somme de 15'000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 6 juin 2019.

****************************

Faits et moyens

M. X Y est l’exécuteur testamentaire de J AG, décédé en mars 2010, chargé de I 'exercice de son droit moral par testament du 27 janvier 2003, et donc chargé de l’exercice de l’ensemble du droit moral de J AG, auteur et artiste interprète.

La Sarl Productions G est l’éditeur de musique, titulaire du droit de reproduction de la plupart des 'uvres de J AG.

La Sas Ecriture Communication, ayant pour enseigne commerciale « Les Editions de l’Archipel», a publié en mars 2013 un ouvrage de M .AH Z consacré à J AG, intitulé « J AG – Le charme rebelle ».

Lui reprochant la reproduction sans autorisation de 60 extraits des textes de chansons de J AG, M. Y a, par I 'intermédiaire de son conseil, adressé deux courriers recommandés en date des 5 mars et 5 juin 2013 à la société Ecriture Communication restés sans réponse, la mettant en demeure de régulariser la situation.

Lui reprochant ensuite d’avoir également mis à la disposition du public, à titre payant sur internet, l’ouvrage de M. Y sous forme d’e-book sous le nouveau titre «'Heureux celui qui meurt d’aimer », M. Y a, par l 'intermédiaire de son conseil, adressé un courrier recommandé en date du 21 juin 2013 à la Sas Ecriture Communication pour une solution amiable.

Par courrier du 26 juin 2013, la société a fait valoir le droit de courte citation et le soutien à l’ouvrage

des proches de J AG.

Par lettre recommandée du 2 juillet 2013, M. Y a, par l’intermédiaire de son conseil, fait part de son désaccord.

Par acte du 25 avril 2014, M. Y et la société Productions G ont fait assigner la société Ecriture Communication devant le tribunal de grande instance de Paris qui a prononcé le jugement dont appel.

Aux termes de leurs écritures précitées, M. Y, la Sarl Productions G, M. A et M. B rappellent les faits, les échanges intervenus et la procédure.

Ils soulignent que M. Y et la Sarl Productions G ont, peu après la délivrance de l’assignation, donné leur accord à la société Ecriture Communication pour la reproduction de 31 extraits de texte d’un auteur compositeur «'peu connu mais qui gagnait à l’être'» au prix modique de 1.000 euros ce qui démontre que la société Ecriture Communication considère que la reproduction d’extraits de chanson dans une biographie ne relève pas de l’exception de courte citation et que M. Y n’est pas intéressé.

Ils soutiennent que M. Y est recevable à agir au titre de son droit moral sur les oeuvres « La leçon buissonnière'», « Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite », « Les cerisiers'», « Que serais-je sans toi'», « Au bout de mon âge », « Les poètes » « J’arrive où je suis étranger », « Les feux de Paris » et « Les mercenaires ».

Ils rappellent que M. Y est l’exécuteur testamentaire de J AG ainsi qu’il résulte du testament authentique de celui-ci en date du 27 janvier 2013 qu’ils citent.

Ils en infèrent que M. Y est investi des pouvoirs les plus larges dans l’exercice du droit moral sur les droits d’auteur et les droits voisins, y compris le droit de divulgation, relèvent que l’artiste l’a désigné de préférence à sa famille proche compte tenu de sa confiance totale en M. Y avec lequel il a collaboré depuis sa première chanson et observent que M. Z évoque son rôle important.

Ils rappellent que MM. A et B, celui-ci héritier et exécuteur testamentaire de L M, sont intervenus volontairement, par conclusions du 4 février 2019, à titre accessoire à la présente instance, sur le fondement des dispositions des articles 330 et 554 du code de procédure civile et en application de l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 21 mars 2018.

Ils affirment que les dix oeuvres musicales en litige constituent des oeuvres de collaboration et non des oeuvres composites.

Ils font valoir que la Cour de cassation a jugé, rejetant la deuxième branche du moyen développé par la société Ecriture Communication, que la cour d’appel «'a souverainement estimé que'» ces «'chansons étaient des 'uvres de collaboration'».

Ils en concluent que les paroles des 10 chansons susvisées ne pouvaient être reproduites dans l’ouvrage sans l’autorisation de M. Y.

Ils sollicitent donc l’infirmation du jugement en ce qu’il a jugé que M. Y était irrecevable à agir au titre de ces chansons.

Les appelants invoquent une violation du droit moral de J AG sur les dix 'uvres précitées soit « La leçon buissonnière'», « Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite », « Les cerisiers'», « Que serais-je sans toi'», « Au bout de mon âge », « Les poètes » « J’arrive où je suis étranger », « Les feux de Paris » et « Les mercenaires ».

Ils excipent de l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle et rappellent que le droit au respect de l''uvre comporte deux aspects : le respect de l’intégrité de l’oeuvre et le respect de son esprit.

S’agissant de l’atteinte à l’intégrité des 'uvres, ils déclarent que le respect dû à l''uvre passe par le maintien de son intégrité, les tiers comme le cessionnaire ou le propriétaire de l’objet matériel dans lequel s’incorpore l’oeuvre devant s’interdire toute suppression, adjonction ou modification.

Ils se prévalent d’arrêts de la Cour de cassation aux termes desquels « toute modification quelle qu’en soit l’importance, apportée à une 'uvre de l’esprit, porte atteinte au droit de son auteur au respect de celle-ci » et d’un auteur considérant « qu’une reprise partielle porte atteinte en même temps au droit moral en dénaturant l''uvre contrefaite ».

Ils font valoir que le texte ne peut être dégagé de la chanson sans l’accord de J AG.

Ils indiquent, citant un jugement, que le respect est dû à l''uvre telle que l’auteur a voulu qu’elle soit et affirment que l’atteinte au droit moral de J AG est constituée tout d’abord par le fait que les textes de ses chansons ont été dissociés des musiques créées spécifiquement par lui pour ces textes, sans la moindre autorisation.

Ils affirment, citant un arrêt, qu’une chanson dont la musique a été écrite sous des paroles originales conçues pour la circonstance représente un ensemble non séparable, le texte et la musique ne peuvent être utilisés séparément sans l’accord des deux auteurs ou de l’éditeur.

Ils estiment donc que scinder paroles et musiques d’une chanson représente déjà une mutilation de celle-ci et en concluent que la société intimée ne pouvait dissocier les paroles et la musique des chansons de J AG sans l’autorisation expresse de M. Y, en charge de son droit moral.

En réponse à la société, ils déclarent que les textes des chansons de J AG sont, en l’espèce, dissociés de leurs musiques et inclus dans un livre qui ne reproduit pas ces musiques et ne restitue donc pas l’intégralité des chansons.

Ils déclarent également, concernant les manuels scolaires, qu’il n’est pas démontré que J AG a donné son accord et qu’il s’agit de publications à but pédagogique.

Ils font en outre valoir que les textes coupés supposent un accord de l’auteur ou de ses ayants-droit au titre du droit moral.

Ils affirment qu’il a également été porté atteinte au droit moral de J AG en coupant les textes de ses chansons et en les reproduisant par extraits, et non intégralement, dans l’ouvrage litigieux.

Ils font état d’un «'véritable patchwork d’extraits de toutes sortes'» et estiment que la partie extraite ne rend pas compte de l’intégralité et de la qualité artistique de l''uvre citée, qui est donc déformée et dénaturée.

Ils indiquent que l’extrait est tiré de son contexte et, donc, qu’il ne représente qu’un aspect de la pensée de l’auteur, découpé de l''uvre et constituant un reflet incomplet de celle-ci.

Ils estiment que toute coupure et a fortiori les citations des chansons sont autant d’atteintes au droit au respect de l’intégrité des 'uvres et relèvent que l’intimée ne répond pas sur ce point.

S’agissant de l’atteinte à l’esprit des 'uvres, ils invoquent leur incorporation à un ouvrage biographique, principe au surplus refusé par J AG.

Ils rappellent que le droit moral confère à l’auteur et à ses ayants droit la faculté de contrôler les destinations de l’oeuvre lorsque celle-ci est présentée dans un contexte qui la déprécie ou en affecte le sens.

Ils affirment, citant un arrêt, que le seul fait de donner à l’oeuvre une destination que l’auteur n’a pas expressément agréée porte atteinte au droit au respect.

Ils ajoutent que cette atteinte au droit moral est également constituée par le fait d’avoir détourné ses chansons de leur destination originelle -musicale- en les incorporant à un ouvrage biographique par nature commerciale.

Ils considèrent que M. Z a, ainsi, détruit le charme des oeuvres de J AG en associant leurs textes à un livre biographique sans rapport avec la destination musicale desdites 'uvres.

Ils estiment ces agissements d’autant plus graves qu’il était notoire que J AG détestait les biographies, ayant refusé de collaborer avec des auteurs de biographie et souhaitant que seule son oeuvre soit publique et étudiée.

Ils citent les propos publics d’un biographe, non autorisé, de J AG, des interviews de celui-ci et une lettre de J AG à M. Y du 12 mai 2006.

Ils contestent donc que M. Y AL sans se référer aux volontés de J AG.

Ils concluent que M. Y, chargé de l’exercice du droit moral de l’auteur, aurait dû être à tout le moins consulté sur l’incorporation dans le livre litigieux d’extraits de chansons de J AG.

Ils observent, citant un autre artiste, que l’opinion de J AG sur les biographies n’est pas isolée.

Ils se prévalent des termes de l’arrêt de la cour d’appel de Paris dans la présente procédure.

Ils réitèrent en réponse à l’intimée, que l’atteinte au droit moral et plus précisément à l’esprit des oeuvres de J AG provient du fait que leur incorporation dans un livre biographique à but commercial modifie leur destination originelle (musicale) sans l’accord de l’auteur.

Ils estiment que son refus de toute biographie confirme que la biographie litigieuse n’aurait jamais dû exister a fortiori avec un contenu incorporant des extraits de textes de ses chansons.

Ils affirment que, lorsque M. Z a interviewé J AG et publié à cette occasion une courte biographie de lui en 1994 dans la revue «'Je chante'», le contexte était différent, s’agissant d’une interview donnée dans une revue alors que J AG était en pleine promotion, pour la sortie de son second album consacré à L M, et l’important pour lui étant d’évoquer ses nouvelles chansons créées avec L M.

Ils ajoutent que le support et la diffusion étaient sans commune mesure, s’agissant d’une revue destinée à n’être diffusée que durant la période de l’interview et à peu d’exemplaires alors que le livre litigieux est voué à une diffusion pérenne par un éditeur d’envergure.

Ils en concluent que l’entretien donné à cette revue, accepté exceptionnellement dans des conditions bien particulières, ne peut constituer un blanc-seing offert à tous les biographes depuis 1994.

Ils soulignent qu’après 1994, J AG a réitéré expressément son refus de voir publier des biographies de lui.

Les appelants étaient leurs demandes au titre du droit moral.

Ils rappellent, concernant les dommages et intérêts, l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle et sollicitent la somme forfaitaire de 10.000 euros.

Ils estiment nécessaire d’informer le public que la publication de l’ouvrage litigieux a été réalisée en fraude de leurs droits.

Ils sollicitent l’interdiction, pour l’avenir, de publier l’ouvrage litigieux tant que seront maintenus les extraits d’oeuvres de J AG.

En réponse à l’intimée, ils lui reprochent de remettre en cause des points définitivement tranchés par la cour d’appel.

Ils affirment qu’elle rouvre ainsi les débats sur la qualification d’oeuvres de collaboration des oeuvres en litige et l’exception de courte citation alors que ces questions ont été définitivement tranchées par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 16 décembre 2016.

Ils font valoir que la Cour de cassation n’a pas cassé l’arrêt sur la qualification d''uvre de collaboration et sur l’exception de courte citation.

Ils en concluent que l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 16 décembre 2016 bénéficie de l’autorité de la chose jugée relativement aux questions de la qualification d’oeuvre de collaboration et de l’exception de courte citation.

Ils invoquent, en tout état de cause, l’inapplicabilité de l’exception de courte citation au respect du droit moral de l’auteur.

Ils affirment que cette exception de courte citation a été prévue en tant qu’exception aux droits patrimoniaux exclusifs dont l’auteur est titulaire sur ses oeuvres, et non en tant qu’exception au respect du droit moral de l’auteur, celle-ci n’étant pas insérée dans le chapitre intitulé «'Droits moraux'».

Ils soulignent que la Cour de cassation n’a remis en cause que la recevabilité à agir de M. Y au titre du droit moral dont il est titulaire sur dix chansons de J AG.

Ils ajoutent que le droit d’auteur est d’interprétation stricte et, donc, que les exceptions apportées au monopole de l’auteur doivent être interprétées strictement et ne sauraient a fortiori s’appliquer sans texte.

Ils considèrent que la question des droits patrimoniaux sur les dix oeuvres en cause est définitivement tranchée, et notamment celle relative à l’exception de courte citation dont l’argument invoquée par l’intimée a été rejeté par la cour d’appel de Paris et par la Cour de cassation.

A titre subsidiaire, s’il est jugé que le débat sur l’exception de courte citation doit être ouvert à propos du respect du droit moral de l’auteur sur les dix 'uvres précitées, ils réitèrent que la cour d’appel et la Cour de cassation ont, dans la présente procédure, «'confirmé'» que l’exception de courte citation ne pouvait s’appliquer à la reproduction des oeuvres de J AG dans l’ouvrage litigieux.

Ils se prévalent des motifs de ces arrêts.

Ils ajoutent que l’intimée n’a pas, contrairement aux prescriptions posées par l’article L 122-5 3 ° du code de la propriété intellectuelle, mentionné la source de l''uvre'«'Les Mercenaires'»- ce qui l’empêche de se prévaloir de l’exception- et que la finalité des emprunts prescrite par cet article n’a pas été respectée.

Ils estiment à cet égard, citant des arrêts, que les citations doivent servir à étayer, éclairer une discussion, un développement, une argumentation formant la matière principale de l''uvre citante, la citation devant venir en renfort d’un propos.

Ils qualifient de leurre la présentation par l’intimée de l’ouvrage et affirment qu’aucun des extraits cités ne s’inscrit dans des propos critiques, pédagogiques ou d’information du biographe et, donc, que rien ne justifie l’exemption de toute responsabilité au titre du droit d’auteur.

Ils estiment que les citations ne font l’objet ni d’un débat critique ni de la moindre controverse – la critique du biographe ne les justifiant donc pas- , qu’il n’existe aucun caractère pédagogique ou d’information et que les textes cités ne font l’objet d’aucune analyse approfondie.

Ils en infèrent que la justification donnée n’a pas de lien avec le contenu du livre.

Ils affirment qu’il ne s’agit que d’une biographie axée sur la vie privée et la carrière musicale de l’artiste et se prévalent de sa présentation sur le site internet de la société.

Ils soutiennent qu’il ne suffit donc pas d’indiquer que l’ouvrage relève du genre des « biographies » pour que celui-ci ait le caractère critique, pédagogique ou d’information requis par la loi, l’analyse devant s’effectuer in concreto.

Ils ajoutent que la biographie ne peut envisagée globalement, l’exception de courte citation étant d’interprétation étroite et, donc, la finalité prévue par la loi devant être démontrée à l’occasion de chaque citation par rapport au propos du biographe la concernant.

Ils reprochent à l’intimée de ne pas avoir entrepris une telle démarche et donc de ne pas avoir justifié chacune des citations.

Ils font également grief au tribunal de ne pas avoir expliqué en quoi chaque citation a pour finalité l’information de l’ouvrage biographie litigieux et ajoutent qu’il semble avoir confondu le caractère d’information des citations et le caractère d’information de l’ouvrage litigieux.

Ils illustrent leur argumentation par des extraits tirés des 'uvres «'Au bout de mon âge'» et «'Que serais-je sans toi'» qui, selon eux, ne viennent pas en renfort d’un propos critique, pédagogique ou d’information, mais uniquement pour donner une certaine consistance littéraire à un chapitre de la biographie.

Aux termes de ses écritures précitées, la société Ecriture Communication expose que M. Z est l’un des plus grands spécialistes de la chanson française, qu’il dirige depuis 1991 le magazine «'Je chante'», qui est une revue de référence dans le monde de la chanson et qu’en cette qualité il a interviewé J AG à plusieurs reprises et lui a consacré des numéros spéciaux qui avaient été très appréciés par l’artiste.

Elle précise qu’en 1994, la revue avait consacré un numéro spécial- réédité plusieurs fois- à J AG et que M. Z avait publié, dans le magazine, une «'très longue biographie de l’artiste'» illustrée notamment de photographies, dont l’une, représentant J AG enfant, lui avait été confiée par le chanteur lui-même et souligne qu’elle était illustrée par de nombreuses citations extraites des chansons écrites, composées ou interprétées par J AG avec l’ accord de celui-ci qui lui avait même accordé un long entretien.

Elle indique que M. Z a, dans ces conditions, décidé de consacrer une biographie au chanteur et a bénéficié du soutien du frère et de l’épouse de J AG qui a publié elle-même un livre de souvenirs.

Elle relate les échanges et la procédure.

Elle déclare que seule reste soumise la question de l’éventuelle atteinte aux droits moraux sur dix chansons soit quatre constituées de la mise en musique par J AG de poèmes préexistants de Monsieur H A à savoir « La leçon buissonnière » ,« Berceuse pour un petit loupiot''' »La porte à droite« et » Les cerisiers« , une chanson dont le texte a été écrit par M. H C à savoir »Les mercenaires« et cinq chansons constituées de la mise en musique par J AG de poèmes préexistants de L M à savoir »Que serais-je sans toi«   »Au bout de mon âge«   »Les poètes«   »J’arrive où je suis étranger« et »Les feux de Paris".

Elle indique que le litige portant sur les demandes formées par la société Productions G a été définitivement tranché et demande, donc, que ses demandes soient déclarées irrecevables.

A titre principal, elle soutient que les demandes de M. Y sont irrecevables.

Elle indique que, dans son arrêt du 21 mars 2018, la Cour de cassation a rappelé que la qualification des 'uvres litigieuses d''uvres composites ou de collaboration relevait de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Elle estime que le renvoi ordonné saisit à nouveau la présente cour de la question de la qualification de ces 'uvres.

Elle soutient que, s’agissant des demandes relatives aux dix chansons encore en cause, la Cour de cassation ayant annulé les considérants de l’arrêt relatifs à la recevabilité de M. Y, l’ensemble des moyens tendant à faire déclarer ce dernier irrecevable à agir sont, à nouveau, soumis à l’examen de la présente formation.

Elle considère, dès lors, qu’aucun des considérants de l’arrêt de la cour d’appel de Paris relatifs auxdites chansons n’a acquis l’autorité de la chose jugée du fait de la cassation intervenue.

Elle rappelle qu’elle précise que, s’agissant des demandes relatives aux dix chansons dont l’appréciation est aujourd’hui soumise à la cour d’appel, l’arrêt « remet’la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient » avant l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris en date du 16 décembre 2016.

Elle en conclut que les débats concernant ces dix chansons ne sont pas limités.

Sur le fond, elle soutient que ces 'uvres sont de oeuvres composites et non des oeuvres de collaboration.

Elle rappelle qu’en matière de contrefaçon, l’action est ouverte au titulaire des droits sur l''uvre arguée de contrefaçon, que la qualité d’auteur est présumée appartenir à la personne sous le nom de laquelle l''uvre est divulguée et qu’en cas de divulgation de l''uvre sous le nom de plusieurs auteurs, il appartient au demandeur à l’action en contrefaçon de rapporter la preuve des droits qu’il détient sur l''uvre, ces droits étant déterminés par la nature de celle-ci.

Elle rappelle également que l''uvre divulguée sous le nom de plusieurs auteurs peut revêtir deux qualifications distinctes en fonction de sa nature et constituer une 'uvre de collaboration telle que définie par L. 113-2 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle ou une 'uvre composite définie par le deuxième alinéa de l’article précité.

Elle déclare que, pour qu’une 'uvre reçoive la qualification d''uvre de collaboration, trois conditions doivent être réunies soit que les participants soient des personnes physiques, que leur contribution soit de nature à leur donner la qualité d’auteur et que leur participation soit concertée.

Elle fait valoir, citant des arrêts rendus en matière de chanson, que la participation concertée des auteurs implique dès lors une étroite collaboration entre les auteurs, laquelle se manifeste par une communauté d’inspiration et un mutuel contrôle.

Elle estime, citant un auteur, que le caractère successif des participations peut être un indice en faveur de l’absence de concertation et donc en faveur de la qualification d''uvre composite et souligne que l’arrêt prononcé le 31 mars 2010 par la cour d’appel de Paris ne peut être transposé, s’agissant alors d’une oeuvre audiovisuelle pour laquelle une disposition spécifique existe.

Elle rappelle le régime applicable prévu par l’article L 113-3 du code de la propriété intellectuelle et souligne que des contributions relevant de genres différents peuvent être exploitées séparément.

Elle soutient qu’en l’espèce, s’agissant de textes préexistants, et faute de la démonstration d’une quelconque concertation entre les auteurs des textes et musique en vue d’aboutir à des 'uvres indivisibles, les textes mis en musique par J AG peuvent faire et font l’objet d’une exploitation séparée par leurs auteurs ou leurs ayant droits.

Elle cite l’article L 113-2 du code précité définissant les 'uvres composites et fait valoir qu’ une 'uvre incorporant une 'uvre préexistante, sans qu’il existe entre les auteurs de l''uvre première et de l''uvre seconde, « une intimité spirituelle », une étroite collaboration, une communauté d’inspiration et un mutuel contrôle doit être qualifiée d''uvre composite.

Elle fait valoir, citant l’article L 113-4, que l’auteur de l''uvre seconde n’acquiert aucun droit de propriété intellectuelle sur l''uvre première et ne peut se prévaloir de droits que sur l’ensemble constituant l''uvre composite.

Elle souligne qu’ainsi, l’auteur de l''uvre composite est irrecevable à agir en contrefaçon, sur le fondement de la seule reproduction de l''uvre première.

Elle considère que M. Y ne rapporte pas la preuve que les dix chansons précitées peuvent recevoir la qualification d''uvres de collaboration.

Elle fait valoir que les paroles des chanson litigieuses ont été dans un premier temps écrites par L M, H A ou H C, puis mises en musiques par J AG, sans que puisse être caractérisée, entre J AG et les auteurs précités, une étroite collaboration et/ou une quelconque communauté d’inspiration.

Elle souligne qu’il appartient à M. Y de démontrer que ces 'uvres sont des 'uvres de collaboration et que cette preuve doit être rapportée pour chacune des chansons en cause, prises isolément.

Elle affirme qu’il ne rapporte pas cette preuve et qu’au contraire, les pièces produites par lui démontrent que J AG composait des musiques à partir de textes préexistants qu’il avait choisis ou qui lui étaient remis par leurs auteurs «'ce qui constitue un indice sérieux en faveur de la qualification d''uvres composites'».

Elle ajoute que ces pièces ne prouvent aucune collaboration étroite ou communauté d’inspiration.

Elle estime que le fait qu’il soumette aux auteurs des textes les maquettes de ses chansons est sans incidence, cette démarche répondant à l’obligation à laquelle est soumis tout auteur d’une 'uvre composite soit de permettre à l’auteur de l''uvre première l’exercice de son droit moral.

Elle en infère que M. Y ne peut se prévaloir des seuls échanges relatifs à l’exercice du droit moral des auteurs des textes afin de démontrer cette collaboration.

Elle soutient que lorsque J AG met en musique des poèmes de L M, décédé le […], publiés dans des recueils antérieurs à la composition des chansons, il n’existe, d’évidence, aucune communauté de création entre l’auteur et le compositeur.

Elle détaille ces chansons et considère que celles-ci ne résultent nullement d’un travail créatif conduit en commun par J AG et L M.

Elle observe que J AG a, dans un entretien, tenu des propos attestant de l’absence totale de concertation avec L M aux fins de création de la chanson. « Que serais-je sans toi » et affirme qu’aucune preuve de collaboration n’est rapportée concernant les quatre autres chansons.

Elle expose que, de façon générale, il semble que J AG travaillait à partir de poèmes de L M, ne les retenant pas toujours en intégralité et se servant à l’occasion de strophes pour en faire des refrains, mais sans jamais associer le poète à cette phase d’élaboration puis lui présentait la chanson une fois achevée sans qu’il n’y ait, d’aucune façon, de travail créatif concerté, L M donnant son accord lorsque le travail était terminé.

Elle se prévaut d’un entretien donné par J AG et d’un courrier adressé le 1 er février à J AG par L M dont elle infère qu’il avait toute latitude pour adapter seul les poèmes préexistants d’M.

Elle excipe des termes du jugement.

Elle soutient que tel est également le cas des chanson adaptées de poèmes de H A qui a publié plusieurs recueils de poésies dont certaines ont été postérieurement mises en musique par J AG.

Elle affirme que les appelants ne produisent aux débats, au soutien de la qualification demandée qu’une unique attestation émanant de M. A lui-même partie à la présente procédure.

Elle estime que cette pièce démontre que J AG s’appropriait des poèmes préexistants afin de les mettre en musique, créant ainsi des 'uvres composites.

Elle déclare que M. A ne reconnaît l’existence de légères modifications que pour « Le châtaignier », « Les cerisiers », « Le bruit des bottes » ou « Le c’ur fragile » mais qu’il ressort de son témoignage que ces modifications n’étaient jamais imposées par J AG et qu’elles étaient parfois insignifiantes.

Elle en infère qu’à aucun moment le texte des paroles et la musique n’ont été conçus l’un par rapport à l’autre, dans une communauté d’inspiration qui en scellerait l’indivisibilité et que J AG s’appropriait des poèmes préexistants afin de les mettre en musique, créant ainsi des 'uvres composites.

Elle réitère que les échanges produits ne traduisent que le respect par J AG des droits moraux de M. A sur ses 'uvres.

Elle cite chacune des chansons et relate certains propos de M. A.

Elle conclut que M. Y ne démontre pas une quelconque concertation lors de la mise en musique de chacun de poèmes précités et sollicite la confirmation du jugement.

Elle affirme qu’il en est de même de la chanson «'Les mercenaires'» qui aurait été adaptée d’un texte de H C, M. Y n’apportant aucun élément de preuve relatif à la participation concertée de tous les auteurs à l’élaboration de la chanson.

Subsidiairement, si elle est qualifiée d''uvre de collaboration, elle conclut à l’irrecevabilité de la demande concernant cette chanson faute de mise en cause de ses co-auteurs, M. C et Mme D.

Elle conclut que les appelants et intervenants volontaires ne produisent aux débats aucun élément de preuve d’une quelconque collaboration entre J AG et les auteurs des textes qu’il a mis en musique et que, l’ouvrage ne citant que les 'uvres premières (à savoir des extraits des poèmes de L M, et H A) et M. Y ne disposant d’aucun droit moral sur ces 'uvres préexistantes, il n’est pas recevable à agir en sa qualité de titulaire des attributs du droit moral sur les seules 'uvres secondes.

Sur le fond, elle invoque l’exception de courte citation.

Elle soutient que, dans la mesure où la cassation est intervenue au stade de la recevabilité, il ne peut être considéré que l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 16 décembre 2016 ait autorité de la chose jugée à ce titre.

Elle rappelle que la Cour de cassation a renvoyé les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt.

Elle en conclut qu’elle est fondée à solliciter l’application, en l’espèce, de l’exception de courte citation.

L’intimée rappelle l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle et estime que les trois conditions posées sont réunies ce qui lui permet d’exciper de l’exception de courte citation.

Elle déclare que, pour chacune des chansons litigieuses, elle a fait clairement figurer le nom de l’auteur et la source et cite ces références.

Concernant la chanson «'Les mercenaires'», pour laquelle la société Productions G n’a pas été mentionnée, elle fait valoir que l’obligation de citer le nom de l’auteur et la source a pour objet de permettre aux lecteurs de se référer à l''uvre citée et, donc, que la source doit être entendue comme le nom de l''uvre dont est extraite la citation.

Elle déclare que l’obligation de mentionner la source de la citation, ne peut être interprétée comme l’obligation de mentionner le nom de l’ensemble des titulaires effectifs des droits patrimoniaux sur l''uvre.

Elle ajoute que, dans le cas de l’édition musicale, la mention du nom de cessionnaire des droits d’édition musicaux n’est, en pratique, d’aucune utilité pour permettre aux lecteurs d’un ouvrage citant les paroles d’une chanson de se procurer l’intégralité de la chanson, voire de l’album sur laquelle celle-ci est parue.

Elle affirme que le vocable « source », employé par le législateur renvoie, dans le seul domaine de la littérature, à l’ouvrage dans lequel l’extrait cité a été publié in extenso pour la première fois afin de permettre au lecteur de la citation dans l’ouvrage incriminé de se référer à l’intégralité de l''uvre citée et éventuellement de replacer la citation dans son contexte.

Elle considère que l’indication du nom de l''uvre dont la citation est extraite et de l’auteur de celle-ci suffit mais que l’usage en matière d’édition littéraire est d’ajouter, en sus, le nom de l’éditeur, susceptible de faciliter la recherche de l''uvre citée.

Elle estime qu’il en va autrement en matière musicale, le nom de l’éditeur de la musique et des paroles n’étant d’aucune utilité puisque c’est le producteur du phonogramme qui diffuse la ou les

chanson(s) et non l’éditeur de celle(s)-ci.

Elle en infère que la seule mention qui devrait être ajoutée serait celle non de l’éditeur de la musique mais celle du producteur du phonogramme, qui pourrait éventuellement permettre de faciliter les recherches de la chanson dont les paroles sont citées.

Elle affirme donc qu’en l’espèce, le lecteur de l’ouvrage est parfaitement en mesure de se procurer l’ensemble des albums sur lesquels figurent les chansons dont les extraits sont cités au sein de l’ouvrage litigieux.

Elle en conclut que l’absence de mention du nom des Productions G ne peut être de nature à écarter en l’espèce l’exception de courte citation et que la reproduction de ces extraits ne porte pas atteinte au droit à la paternité de J AG sur ses 'uvres.

Elle déclare que l’emprunt a été bref.

Elle indique que la brièveté des emprunts doit s’apprécier à la fois par rapport à l''uvre première et par rapport à l''uvre seconde.

Elle affirme que ces emprunts sont de deux à cinq vers sur des chansons qui en font de 20 à 62.

Elle conclut que, dans cet ouvrage de 622 pages, le nombre total de vers cités est de 38 sur les 482 qui représentent les dix chansons, les citations représentant moins de deux pages.

Elle invoque enfin la finalité de l’emprunt.

Elle estime que la présente cour n’est pas tenue par l’appréciation portée par la cour d’appel de Paris sur les autres citations figurant dans l’ouvrage, la portée de la citation relevant d'« une appréciation souveraine » de la juridiction.

Elle rappelle que l’ouvrage publié se présente comme une très longue biographie de l’artiste, de 622 pages.

Elle affirme qu’il s’agit d’un ouvrage sérieux et très richement documenté, nourri de témoignages inédits, que l’auteur a fait un travail considérable, qu’il a rencontré de nombreux proches de l’artiste ou de membres de sa famille, que l’ouvrage a nécessité près de deux années de travail à l’auteur et qu’il est doublé d’une présentation des chansons interprétées par J AG.

Elle en infère que cette biographie est ainsi destinée à informer le public sur la vie et sur la carrière de J AG.

Elle fait valoir que l’insertion d’extraits de chansons de J AG au sein d’une biographie qui lui est consacrée a nécessairement une finalité illustrative au même titre que la reproduction d’extraits de texte d’un philosophe au sein d’une biographie consacrée à ce dernier.

Elle considère que les extraits des chansons litigieuses citées au sein de l’ouvrage ont vocation à informer les lecteurs sur le contenu des 'uvres réalisées par l’artiste au cours des diverses périodes de sa vie et que les lecteurs peuvent ainsi appréhender le contenu des 'uvres de J AG au travers du contexte au sein duquel elles ont été créées.

Elle souligne que J AG a déclaré que «'tout ce qu’il y a à retenir de moi, on le trouve dans mes textes »

Elle ajoute que M. Z avait procédé ainsi en 1994 sans que J AG ne s’émeuve.

Elle conclut donc que s’agissant d’un homme emblématique d’une époque, dont l''uvre est en prise directe avec l’histoire, la biographie exhaustive que lui a consacrée M. Z présentait un caractère critique, pédagogique et d’information.

Elle se prévaut des motifs du jugement.

Elle soutient, critiquant l’arrêt de la cour d’appel de Paris, qu’il n’appartient pas aux juridictions d’apprécier, dans le cadre de cette exception, la pertinence du passage au sein duquel l''uvre est citée, mais bien, conformément à l’article L122-5 du code de la propriété intellectuelle, « le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l''uvre à laquelle elles sont incorporées ».

Elle déclare que l''uvre à laquelle les citations sont incorporée est composée de l’ensemble de l’ouvrage et ne peut être réduite aux paragraphes précédant ou suivant immédiatement les citation litigieuses.

Elle estime que se livrer à l’analyse de chaque passage entourant chacune des citations litigieuses reviendrait à se livrer à une appréciation du mérite de l’analyse ou de l’information livrée au public.

Elle considère que, dès lors que la protection accordée par les droits conférés aux auteurs est indépendante du mérite et de la destination des 'uvres, l’appréciation des exceptions à ces droits ne peut qu’être également indépendante des deux considérations précitées.

Elle en conclut qu’il convient de s’attacher au caractère informatif de l’ouvrage en son ensemble, sans apprécier, au sein de cet ouvrage la pertinence de chacune des citations.

Concernant la citation de l’extrait des paroles de «'Que serais-je sans toi'», visée par M. Y, elle fait valoir que celle-ci est ainsi non seulement replacée dans le contexte de l’époque, notamment s’agissant de la consommation de disque, mais également critiquée (de manière élogieuse), l’auteur soulignant les divers éléments ayant fait de cette chanson un « tube ».

Elle réitère que l’ouvrage litigieux, en son ensemble, et indépendamment de son appartenance au genre biographique, revêt une caractère informatif incontestable tant sur la vie que sur l''uvre de J AG.

Elle conclut du bénéfice de cette exception de courte citation que doivent être écartés deux des griefs formulés par M. Y soit que la citation du seul texte d’une chanson serait, en elle -même attentatoire aux droits des auteurs de celle-ci et que le fait de ne citer qu’une partie d’un texte, et non le texte dans son intégralité, serait également attentatoire au droit moral des auteurs.

Elle soutient que par le biais de ces griefs, M. Y entend, sur le fondement de son droit moral, interdire toute citation de textes extraits de chansons de J AG et considère qu’une telle interdiction, qui se heurte aux dispositions de l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle, porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’expression consacrée par l’article 10 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Elle souligne que l’article L 122-5 a pour objet de ménager un juste équilibre entre le monopole instauré par les droits d’auteur et la liberté d’expression et estime que tenter de contourner cet équilibre par l’invocation du droit moral est nécessairement attentatoire à la liberté d’expression.

En tout état de cause, l’intimée invoque l’absence d’atteinte au droit moral de J AG du fait de la citation d’extraits de ses textes.

Elle affirme, s’agissant de la publication de textes indépendamment de la musique, qu’une chanson

est une 'uvre composée à la fois d’un texte et d’une musique (mélodie, harmonie et rythme), qui relèvent l’un et l’autre de genre différent.

Elle estime que le texte et la musique restent détachables, et ce, d’autant plus en l’espèce qu’ils ont été créés de manière indépendante, s’agissant de la mise en musique, par J AG, de textes préexistants ce qui démontre que, pour J AG, paroles et musiques étaient parfaitement dissociables.

Elle en infère que les paroles de J AG peuvent être lues indépendamment de leur musique.

Elle rappelle qu’il est connu et apprécié pour la qualité d’écriture, la poésie et l’engagement de ses propres textes qui sont lus et étudiés en tant que tels, notamment dans les écoles.

Elle ajoute que M. Y a publié l’intégrale des chansons de J AG a accompagnée d’un livret contenant leur texte.

Elle en conclut que les paroles des chansons écrites par lui peuvent être reproduites, intégralement ou par extraits et dissociées de la musique, sans que cela ne porte atteinte de quelque manière que ce soit à son droit moral, lui-même ne s’y étant jamais opposé de son vivant et ayant même accordé à la société Productions G le droit de reproduire son oeuvre par tous procédés y compris l’imprimerie.

Elle souligne qu’à l’occasion des contrats qu’il a signés, J AG a témoigné de son souhait de voir son 'uvre reproduite la plus largement possible et quel que soit le procédé de reproduction, même indirect, et n’a jamais exigé la reproduction simultanée des paroles et de la musique.

Elle ajoute enfin qu’il a collaboré au numéro de la revue «'Je chante'» de 1994 dans laquelle une biographie lui a été consacrée et est agrémentée de nombreux extraits des seules paroles de ses chansons.

Elle en conclut que M. Y ne peut arguer que la seule reproduction de citations de l''uvre de J AG serait, en elle-même, de nature à lui causer un préjudice moral en sa qualité d’exécuteur testamentaire de celui-ci.

Elle réitère ses développements sur les caractéristiques des citations, affirme que M. Y ne démontre pas que les citations choisies seraient de nature à dénaturer l''uvre de J AG et en conclut qu’il ne peut dès lors se prévaloir d’aucun préjudice résultant de la reproduction des citations litigieuses.

La société conteste enfin l’existence d’une atteinte au droit moral de l’auteur du seul fait du genre de l’ouvrage dans lequel les citations sont insérées.

Elle rappelle que le droit moral de l’auteur cesse à sa mort d’être absolu et qu’il est alors soumis, en application de l’article L.121-3 du code de la propriété Intellectuelle, à un contrôle judiciaire afin d’éviter l’usage abusif par un ayant droit du droit moral de son de cujus.

Elle en infère qu’il ne peut être invoqué qu’aux fins de respect de l''uvre de l’auteur à l’exclusion de toute autre considération.

Elle affirme que ce sont des considérations étrangères au respect de l''uvre de J AG qui sous-tendent les demandes de M. Y.

Elle lui reproche de prétendre faire échec à l’exception de courte citation au prétexte d’un jugement défavorable exprimé par J AG à l’égard des biographies.

Elle fait valoir que l’opinion que pouvait se faire J AG des biographies est indépendante du respect dû à son 'uvre.

Elle considère qu’il convient de dissocier l’exercice du droit moral par des ayants droits de la poursuite de la personnalité d’un auteur.

Elle rappelle que le droit moral a été institué aux seules fins de protéger l''uvre d’un auteur et que les droits attachés à la seule personnalité d’un auteur s’éteignent à sa mort, ses ayants droits ne peuvent en aucun cas, sur le fondement du droit moral faire sanctionner des atteintes à l’honneur ou à la considération d’un auteur décédé ou une quelconque atteinte à sa vie privée.

Elle estime que les opinions d’un auteur ne peuvent lui survivre et servir de fondement à l’exercice du droit moral sur son 'uvre que si elles ont un lien direct avec cette dernière.

Elle soutient que l’opposition de J AG à l’écriture d’une biographie le concernant est liée à sa personnalité et n’a pas de lien direct avec son 'uvre.

Elle relève que M. Y affirme dans ses écritures que cette opposition reposait sur une volonté de protection de sa vie privée et personnelle.

Elle affirme que cette protection ne peut être invoquée judiciairement que sur le fondement de l’article 9 du code civil et rappelle que toute action sur ce fondement s’éteint au décès de la personne.

Elle déclare donc que le droit moral ne peut servir à faire artificiellement renaître une action éteinte par le décès de son titulaire.

Elle souligne qu’une biographie, dont la publication relève de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, n’est pas subordonnée à l’autorisation de son sujet ou de ses ayants droit.

Elle estime que l’auteur et l’éditeur ne sont pas davantage tenus de solliciter une quelconque autorisation pour l’inclusion au sein d’une biographie de courtes citations, exceptions légales au monopole du droit d’auteur.

Elle conclut que M. Y ne peut dès lors invoquer le droit moral dont il est titulaire pour prétendre contrôler la publication ou le contenu de biographies consacrées à cet auteur.

Elle considère qu’il ne pourrait donc invoquer qu’une dénaturation des oeuvres de J AG et relève que tel n’est pas le cas.

Elle estime ainsi que M. Y ne peut se prévaloir d’aucun préjudice du fait de la prétendue atteinte au droit moral dont il est titulaire.

Elle s’oppose donc aux demandes indemnitaires.

Elle conclut à l’irrecevabilité des demandes de publication et d’interdiction compte tenu de la portée de la cassation et du rejet de celles-ci par la cour d’appel de Paris.

********************************

Sur la portée de l’arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2018

Considérant que la cour d’appel de Paris a, notamment, déclaré M. Y recevable à agir, rejeté l’exception de courte citation opposée par la société Ecriture Communication aux demandes de la

société Production G et de M. Y et condamné celle-ci à payer des dommages et intérêts à la société Productions G en réparation de son préjudice patrimonial et à M. Y en réparation de l’atteinte portée au droit moral de J AG';

Considérant que la société Ecriture Communication a formé un pourvoi contre cette décision';

Considérant qu’aux termes des trois premières branches de son premier moyen, elle a reproché à la cour d’appel d’avoir déclaré recevable l’action de M. Y alors que les chansons visées constituaient une oeuvre composite';

Considérant que la Cour de cassation a écarté ce moyen au motif que la cour d’appel avait souverainement estimé que les chansons litigieuses étaient des 'uvres de collaboration';

Considérant que la Cour de cassation a fait droit à la quatrième branche de ce moyen et au deuxième moyen en jugeant que, s’agissant d''uvres de collaboration, M. Y aurait dû mettre en cause les autres auteurs';

Considérant qu’ainsi, la Cour de cassation a rejeté le moyen prétendant que les 'uvres litigieuses étaient composites et a cassé l’arrêt de la cour d’appel aux motifs que les conditions de recevabilité d’une action portant sur une 'uvre de collaboration n’étaient pas remplies';

Considérant que c’est donc parce que M. Y n’a pas agi conformément aux dispositions régissant les oeuvres de collaboration que l’arrêt a été cassé';

Considérant que la société Ecriture Communication ne peut dès lors utilement soutenir devant la cour de renvoi que les 'uvres concernées sont des oeuvres composites, reprenant ainsi les premières branches de son moyen, rejetées';

Considérant que sa prétention fondée sur le caractère composite des oeuvres est donc irrecevable';

Considérant qu’aux termes de son troisième moyen, la société Ecriture Communication a reproché à la cour d’appel d’avoir rejeté son exception de courte citation et d’avoir ainsi retenu des actes de contrefaçon portant atteinte aux droits patrimoniaux de la société Productions G';

Considérant que la Cour de cassation a rejeté ce moyen';

Mais considérant que ce rejet n’est intervenu que dans le cadre des demandes formées par la société Productions G';

Considérant que, compte tenu de la cassation intervenue et de ses conséquences, la société Ecriture Communication est donc recevable à opposer l’exception de courte citation aux demandes de M. Y';

Considérant, concernant la publication et l’interdiction, que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur le rejet par la cour d’appel des demandes formées par M. Y, l’arrêt ayant été cassé en ce qu’il a déclaré sa demande recevable';

Considérant que M. Y peut donc former de nouveau ces demandes';

Sur la recevabilité des demandes de M. Y

Considérant que, conformément à l’arrêt du 21 mars 2018, MM. A, coauteur de certaines chansons, et B, héritier et exécuteur testamentaire de L M coauteur d’autres chansons, sont intervenus volontairement'; que les demandes de M. Y au titre de ces 'uvres de collaboration

sont donc recevables';

Considérant, toutefois, que la chanson «'Les mercenaires'» est une oeuvre de collaboration avec M. C et Mme D';

Considérant que ceux-ci ne sont pas dans la cause';

Considérant que la demande d’indemnisation d’une atteinte au droit moral au titre de cette chanson est irrecevable';

Considérant qu’au regard de la cassation intervenue, l’arrêt de la cour d’appel de Paris est définitif en ce qu’il a statué sur les demandes de la société Productions G';

Considérant que la demande formée par elle dans la présente instance est donc irrecevable';

Sur l’atteinte au droit moral

Considérant que l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose':

« L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son 'uvre.

Ce droit est attaché à sa personne.

Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.

L 'exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaire »';

Considérant que M. Y est exécuteur testamentaire de J AF dit J AG, chargé de l’exercice de son droit moral';

Considérant que le droit au respect de l’oeuvre comporte deux aspects soit le respect de l’intégrité de l’oeuvre et le respect de son esprit';

Considérant, s’agissant de l’atteinte à l’intégrité de l’oeuvre, que toute modification, quelle qu’en soit l’importance, apportée à une 'uvre de l’esprit porte atteinte au droit de son auteur au respect de celle-ci';

Considérant que ce respect est dû à l’oeuvre telle que l’auteur l’a voulue';

Considérant qu’une chanson dont la musique a été écrite sous des paroles originales conçues spécifiquement pour elle représente un ensemble non séparable'; que les paroles et la musique ne relèvent pas alors d’un genre distinct';

Considérant, en l’espèce, que J AG a créé une composition musicale spécifique au regard de chacun des textes concernés';

Considérant que le texte et la musique constituent la chanson elle-même et ne sont pas dissociables en ce que la mélodie, l’harmonie et le rythme ont été créés spécialement en fonction du texte';

Considérant que la dissociation des textes des chansons de leurs musiques créées spécifiquement par J AG porte donc atteinte à son droit moral';

Considérant que la cession par J AG à la société Productions G de ses droits de reproduction de son 'uvre par tous moyens, y compris l’imprimerie, ne peut autoriser la société intimée à s’affranchir du respect de ce droit';

Considérant également que seuls des extraits des chansons ont été publiés'; que ces extraits ne rendent pas compte de l’intégralité de l''uvre dont ils sont tirés'; qu’ils portent donc atteinte à son intégrité';

Considérant, s’agissant de l’atteinte à l’esprit de l’oeuvre, que le droit moral permet d’empêcher que l’oeuvre soit présentée dans un contexte qui la déprécie ou en affecte le sens';

Considérant qu’il en est ainsi lorsqu’est donnée à l’oeuvre une destination non expressément agréée par l’auteur';

Considérant que la société a, en l’espèce, détourné les chansons de leur destination originelle musicale en les incorporant, partiellement, à un ouvrage biographique'; qu’elle a, ainsi, porté atteinte au droit moral de J AG';

Considérant que cette atteinte au droit moral – qui résulte de cette seule incorporation – est accrue par le fait que J AG avait exprimé ses plus expresses réserves voire son hostilité au principe des biographies ainsi qu’il résulte d’entretiens et d’une lettre de 2006';

Considérant qu’à cet égard, la société ne peut exciper utilement de l’entretien et de l’accord donné par J AG à la revue «'Je chante'» de nombreuses années avant la parution de l’ouvrage litigieux, compte tenu de son caractère exceptionnel, de l’hostilité manifestée ultérieurement et de la différence de support et de communication, une revue périodique au public modeste et un livre pérenne destiné au grand public';

Considérant que la société ne peut pas davantage comparer, compte tenu de leur nature différente, cet ouvrage biographique à des manuels scolaires ou exciper de l’existence d’un coffret de disques qui, précisément, contient les textes des chansons et les chansons elles-mêmes';

Considérant que ses réserves ou cette hostilité n’interdisent nullement la parution de biographies le concernant';

Considérant qu’elles n’empêchent pas la société d’invoquer son droit de courte citation';'

Considérant que celle-ci ne peut donc utilement soutenir que l’hostilité de J AG au genre biographique ne peut plus être prise en considération compte tenu de son décès étant rappelé que l’atteinte à l’esprit de l''uvre existe dès lors que les chansons ont été détournées de leur destination originelle non expressément agréée par l’auteur ce qui est le cas en l’espèce';

Sur l’exception de courte citation

Considérant que l’article L122-5 du code de la propriété intellectuelle disposait, dans sa version applicable':

«'Lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire’ :

3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source :

a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées '

Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur''»';

Considérant que, même insérée dans le chapitre du code de la propriété intellectuelle intitulé «'Droits patrimoniaux'», cette disposition est générale et réserve même «'les intérêts légitimes de l’auteur'» sans distinction';

Considérant qu’elle peut donc être opposée au titulaire du droit moral';

Considérant que, concernant les 'uvres au titre desquelles la demande de M. Y est recevable, le nom de l’auteur et de la source sont indiqués clairement'; que le caractère de brièveté des emprunts est établi';

Considérant qu’est en litige la finalité de l’emprunt';

Considérant que, s’agissant d’une exception, cette disposition doit être interprétée strictement';

Considérant qu’il résulte des termes mêmes de cet article que chaque citation doit être justifiée par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre dans laquelle elle est incorporée';

Considérant que la société ne peut donc invoquer, de manière générale, la qualité prétendue de l’ouvrage et son objet pour justifier les citations';

Considérant qu’elle doit démontrer, pour chaque citation, que celle-ci est justifiée par le «'caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information'» du propos du biographe la concernant';

Considérant que cette exigence ne confère pas à la cour un pouvoir d’appréciation sur la pertinence du passage au sein duquel l’oeuvre est citée mais lui permet de s’assurer que les conditions de l’exception sont, pour chaque citation, réunies ;

Considérant, en l’espèce, que ces citations ne font l’objet, dans l''uvre, d’aucune critique ou polémique ; qu’elles ne sont pas introduites afin d’éclairer un propos ou d’approfondir une analyse’à visée pédagogique ; que, tirées d''uvres publiées, elles n’apportent aucune information particulière';

Considérant qu’aucun des extraits cités ne s’inscrit, donc, dans des propos critiques, polémiques, pédagogiques, scientifiques ou d’information';

Considérant que la société elle-même ne démontre pas dans la présente procédure que chacune des citations répond à la finalité de l’exception posée par l’article précité';

Considérant que l’exception de courte citation ne peut dès lors être utilement invoquée';

Sur les conséquences

Considérant que M. Y justifie donc de la recevabilité de sa demande -à l’exception de celle portant sur le titre'«'Les mercenaires'» – et de l’existence d’une atteinte au droit moral de J AG’en l’absence d’autorisation de sa part ;

Considérant que la nécessité d’obtenir une telle autorisation n’est nullement attentatoire à la liberté d’expression ou disproportionnée dès lors que les conditions d’application de l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas réunies ;

Considérant que le jugement sera, en conséquence, infirmé dans la limite de la cassation intervenue';

Considérant que, compte tenu de l’importance de l’utilisation des extraits de chanson et de l’atteinte au droit moral en résultant, il sera alloué à M. Y, sur le fondement de l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle la somme de 4.500 euros à titre de dommages et intérêts';

Considérant que cette réparation est suffisante sans qu’il y ait lieu d’ajouter une mesure de publication';

Considérant que la demande d’interdiction sera, pour le même motif et en l’absence de l’auteur, rejetée';

Considérant que la société Ecriture Communication devra verser à M. Y la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles'; que, compte tenu du sens du présent arrêt, sa demande aux mêmes fins sera rejetée';

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

Statuant dans les limites de la cassation,

DÉCLARE irrecevable la demande de la société Productions G,

DÉCLARE irrecevables les demandes de la société Ecriture Communication fondées sur la nature composite des oeuvres,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de M. Y concernant l’oeuvre «'Les mercenaires'»,

INFIRME le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de M. Y portant sur les chansons': « La leçon buissonnière'», « Berceuse pour un petit loupiot », « La porte à droite », « Les cerisiers », « Que serais-je sans toi'», « Au bout de mon âge », « Les poètes'», « J’arrive où je suis étranger » et « Les feux de Paris », et en ce qu’il l’a condamné, in solidum avec la société Productions G au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens';

Statuant de nouveau de ces chefs et y ajoutant':

DIT qu’en reproduisant sans l’autorisation de M. X Y, dans l’ouvrage intitulé « J AG Le charme rebelle » dont M. AH Z est l’auteur, des extraits des chansons précitées la Sas Ecriture Communication a commis des actes de contrefaçon portant atteinte au droit moral d’auteur de J AG,

CONDAMNE la Sas Ecriture Communication à verser à M. Y la somme de 4.500 euros réparant l’atteinte portée au droit moral de J AG,

CONDAMNE la Sas Ecriture Communication à verser à M. Y la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la Sas Ecriture Communication aux dépens de première instance et d’appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

au profit de Maître Lafon';

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 19 novembre 2019, n° 18/08181