Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 9 janvier 2020, n° 17/03457

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 031

CONTRADICTOIRE

DU 09 JANVIER 2020

N° RG 17/03457

N° Portalis : DBV3-V-B7B-RV3F

AFFAIRE :

SA SCHINDLER

C/

Syndicat CGT SCHINDLER [Localité 2]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mai 2017 par le conseil de prud’hommes – Formation paritaire de Versailles

Section : Industrie

N° RG : 16/00946

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 10 Janvier 2020 à :

— Me Patricia MINAULT

— Me Jean-Michel DUDEFFANT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 19 décembre 2019 puis prorogé au 9 janvier 2020, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

La SA SCHINDLER

N° SIRET : 383 711 678

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Thomas KABORÉ, plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et par Me Patricia MINAULT de la SELARL Minault Patricia, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619

APPELANTE

****************

Le Syndicat CGT SCHINDLER [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Jean-Michel DUDEFFANT, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0549

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Novembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Hubert DE BECDELIEVRE, Magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Monsieur Hubert DE BECDELIEVRE, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Schindler a pour activité l’installation, l’entretien et la réparation d’ascenseurs et escaliers mécaniques dans toute la France.

L’effectif de la société est environ de 2 500 salariés et applique la convention collective de la métallurgie.

M. [X] a été engagé par la société Schindler France par un premier contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période du 15 février 2013 au 15 mai 2013, en qualité de technicien de maintenance, niveau 3, échelon 1.

Ce contrat a été renouvelé à plusieurs reprises.

A l’issue du dernier contrat le 1er mars 2015, les relations contractuelles entre M. [X] et la société Schindler France ont pris fin.

Par requête en date du 12 juillet 2016, le syndicat CGT Schindler a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles, en substitution de M. [X], aux fins de voir requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ainsi que de demandes indemnitaires.

Par jugement contradictoire en date du 30 mai 2017, la section industrie du conseil de prud’hommes a jugé que l’action du syndicat était recevable et a renvoyé l’affaire pour être plaidée au fond.

La société Schindler France a interjeté appel de ce jugement le 10 juillet 2017, en ce qu’il a déclaré recevable l’action du syndicat.

A l’issue de l’audience du 6 février 2018, le bureau de jugement s’est déclaré en partage de voix par décision rendue le 27 mars 2018.

L’audience du conseil en sa formation de départage s’est tenue le 12 juin suivant. Le conseil a décidé de surseoir à statuer sur les demandes du syndicat dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel, statuant sur le recours formé par la société à l’encontre du jugement du 30 mai 2017.

Par conclusions adressées par voie électronique le 7 novembre 2018, la société Schindler France demande à la cour de :

Vu les dispositions du code du travail,

Vu les pièces versées au débat,

Vu la jurisprudence,

— dire et juger recevable et bien fondée la société Schindler dans son appel et y faire droit,

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en date du 30 mai 2017 en ce qu’il a déclaré recevable l’action intentée par le syndicat Schindler [Localité 2],

— juger que l’authenticité de la pièce adverse n° 8 n’est pas établie,

En conséquence,

— écarter la pièce adverse n° 8 des débats,

— dire et juger que le syndicat CGT [Localité 2] est irrecevable à défaut de capacité, de pouvoir ainsi que d’intérêt emportant qualité à agir,

— débouter le syndicat de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

— condamner le syndicat CGT [Localité 2] à verser à la société Schindler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le syndicat CGT [Localité 2] aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Patricia Minault agissant par Maître Patricia Minault avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 13 novembre 2018, le syndicat CGT [Localité 2] demande à la cour de :

— dire et juger la société Schindler mal fondée en son appel,

— dire et juger la société Schindler mal fondée en sa demande tendant à voir rejeter le compte rendu intégral de la réunion du bureau exécutif du syndicat CGT Schindler du 1er juin 2016 (pièce n° 8),

— En conséquence la débouter de l’ensemble de ses demandes fin et conclusions,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le syndicat CGT Schindler a la capacité et est recevable à agir en substitution de M. [X],

— condamner la société Schindler à payer au syndicat CGT Schindler la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner également la société Schindler aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Michel Dudeffant, avocat au Barreau de Paris, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 15 novembre 2018, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 22 février 2019. L’affaire a été renvoyée à une autre audience des plaidoiries fixée au 19 novembre 2019.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de ses demandes, la SA Schindler fait valoir que :

La capacité et le pouvoir d’agir s’apprécient à la date de l’introduction de l’action en justice.

À la date de saisine du conseil de prud’hommes, la possibilité pour le syndicat CGT Schindler d’agir en justice était conditionnée par une décision de la commission exécutive du syndicat prise à majorité simple.

L’article 12 des statuts du syndicat, dans leur rédaction applicable au litige, dispose en effet que « sur décision de la Commission exécutive prise par un vote à majorité simple des présents, le syndicat peut ester en justice en demande comme en défense d’une part pour la défense de ses intérêts propres, d’autre part au nom de l’intérêt collectif de la profession qu’il représente devant toutes les juridictions conformément aux dispositions de l’article L. 2132-3 du code du travail ».

Ces dispositions subordonnent l’engagement de toute action en justice du syndicat à un vote de la Commission exécutive et en outre, la personne représentant le syndicat en justice doit également être désignée pour chaque affaire par une délibération.

La violation de ces formalités substantielles entraîne l’irrecevabilité voire la nullité de la procédure en raison du défaut de capacité et de l’absence de pouvoir du syndicat à agir s’agissant d’irrégularités de fond au sens de l’article 117 du code de procédure civile.

Le syndicat se contente de verser un compte-rendu de réunion dans lequel est indiqué "il est proposé de confirmer le mandat permanent (de M. [B]) de représentation du syndicat devant tout conseil de prud’hommes, cour d’appel (…)" alors même qu’un mandat général est insuffisant pour permettre la représentation en justice d’une partie dans un litige précis et que l’article 12 de ses statuts prévoit que la Commission exécutive devait désigner le représentant du syndicat pour chaque affaire.

La pièce n° 3 intitulée "extrait du compte-rendu de la commission exécutive CGT Schindler [Localité 2]" datée du 2 juin 2016, produite en première instance, ne démontre pas la réalité d’un vote de la commission permettant d’engager l’action en faveur de M. [T] puisque les salariés mentionnés dans cet extrait n’étaient pas ceux qui font l’objet de la présente procédure.

La pièce n° 8 dite « compte rendu intégral de la réunion du 1er juin 2016 » qui seule vise les salariés concernés devra être écartée des débats en raison des doutes pesant sur son authenticité qui résultent d’un faisceau d’indices précis et concordants :

— elle a été produite en appel, pour les besoins de la cause, plus de 2 ans après l’extrait en pièce n° 3,

— le syndicat CGT justifie son erreur de première instance par le fait que l’irrecevabilité de son action n’aurait été soulevée par son adversaire qu’à l’audience de jugement du 4 avril 2017 et qu’il aurait produit dans la précipitation un extrait de délibération qui ne concernait pas les salariés en cause. Or, la pièce 3 avait été communiquée à son initiative dès le 26 septembre 2016 et les conclusions mettant en doute la pertinence de cet extrait lui ont été communiquées 5 jours avant l’audience ce qui lui laissait le temps de produire le compte-rendu intégral de la commission du 1er juin 2016 devant le conseil de prud’hommes,

— les attestations produites par le syndicat pour tenter d’établir que la commission exécutive avait bien voté en faveur de son intervention dans les dossiers en cause n’émanent que de 5 personnes sur les 26 membres présents à la réunion du 1er juin 2016 (sur les 9 attestations produites 3 sont rédigés par Mme [L], 2 par Mme [V], 2 par Mme [H]),

— le compte rendu intégral est partiellement flouté notamment sur les pages relatives aux actions du syndicat en justice en méconnaissance du principe contradictoire qui exige que soient versés aux débats des documents en leur intégralité. Cette pièce ne rend pas compte des échanges concernant l’intervention du syndicat,

— l’extrait du compte rendu produit en pièce 3 ne se retrouve pas intégralement dans le compte rendu intégral : le premier fait état du vote de la commission dans les dossiers [Z], [K] et [C] alors que le second, produit en pièce 8, mentionne seulement que « pour les 3 dossiers déjà introduits aux prud’hommes, les dates sont connues » et que « les camarades sont invités à assister aux audiences du CPH »,

— l’extrait du compte rendu produit en pièce 3 indique qu’il a été établi à [Localité 5] le 02 juin 2016 alors que le compte rendu intégral de la réunion du 1er juin 2016 a été "fait à [Localité 4] le 27 juin 2016",

— les copies de factures de la poste produites pour justifier de la diffusion postale de ce compte rendu le 6 juin sont inexploitables et ne démontrent pas que l’envoi qu’elles prétendent justifier concerne bien le compte rendu de la réunion versé aux débats.

Il ressort de ces éléments que l’extrait des délibérations de la réunion de la commission exécutive du 1er juin 2016 établi le 2 juin 2016 et produit en première instance, versé en pièce 3, se rapporte à 3 salariés ayant fait l’objet d’autres procédures et ne peut être utilement invoqué dans l’intérêt de M. [T]. Le compte rendu intégral de cette réunion, produit en cause d’appel 2 ans plus tard, évoque bien la procédure concernant M. [T] mais il ne peut être pris en compte en raison des doutes pesant sur son authenticité.

Il n’est donc justifié ni de la décision d’engager l’action de substitution en faveur de M. [T] ni d’un mandat spécial désignant M. [B] pour représenter le syndicat à cette fin.

Les statuts du syndicat CGT "Schindler DR [Localité 2] DR [Localité 1] et filiales RCS" n’autorisaient celui-ci à agir qu’au profit des salariés travaillant dans ces régions et non au profit de M. [T] qui exerçait son activité à [Localité 3] et relevait d’une autre Direction.

L’objet d’un syndicat est en effet exclusif et lui interdit de défendre des salariés qui ne sont pas mentionnés dans ses statuts.

La Cour de cassation a déjà jugé, en ce qui concerne les actions en défense des intérêts individuels des salariés dans le cadre d’actions en substitution, que « la demande d’un syndicat concernant des salariés non expressément visés dans les statuts peut être rejetée sans que les juges soient tenus de rechercher d’office si ces statuts ne lui donnaient pas, en fait, vocation à défendre ces salariés ».

Elle a également jugé que « la dénomination faisant partie intégrante des statuts du syndicat, le tribunal peut se déterminer sur la compétence du syndicat sans procéder aux recherches qui lui étaient demandées portant sur son champ professionnel ».

A contrario, lorsque les statuts ne donnent pas compétence au syndicat pour agir dans le champ professionnel ou géographique considéré, le juge doit déclarer le syndicat irrecevable.

En l’espèce, la seule dénomination statutaire du syndicat montre qu’il s’est fixé pour mission de représenter exclusivement les salariés de l'[Localité 2] et de l'[Localité 1] de sorte que la défense des intérêts de M. [T] n’entrait manifestement pas dans son champ de compétence géographique.

La meilleure preuve de cette incapacité réside dans la modification de ses statuts intervenue en catastrophe quelques jours avant l’audience de première instance.

En effet, le syndicat CGT, conscient de l’irrégularité de son action, à tenté de manière grossière de la régulariser en cours d’instance en déposant des statuts modifiés au nom d’un nouveau syndicat dénommé « CGT Schindler » qui ne limite plus son action à une région donnée et ne subordonne plus son action à un vote de la Commission exécutive.

Toutefois, ces modifications sont intervenues 8 mois après la date de saisine du conseil de prud’hommes, à laquelle il convient de se référer pour apprécier la capacité ou le pouvoir d’agir. Elles n’ont donc pas d’effet sur la recevabilité de l’action concernant M. [T].

Il reste que cette tentative est un aveu de l’irrégularité de son action en ce qui concerne le présent dossier.

Il sera précisé au surplus que le nouveau syndicat n’a pas demandé en son nom propre l’autorisation du salarié pour se substituer à lui et que l’action pendante devant la cour a été engagée par le syndicat CGT DR [Localité 2] et [Localité 1] et ne peut être poursuivie par un autre syndicat qui n’était pas constitué au moment de la saisine du conseil de prud’hommes.

Le comportement du syndicat CGT caractérise par ailleurs un usage abusif de ses droits d’agir en justice, de se substituer à un salarié ou de modifier ses statuts qui a causé un préjudice à la société Schindler contrainte d’engager des frais de justice pour s’opposer à une action manifestement irrecevable. Il génère en outre une insécurité juridique qui prive l’employeur de la possibilité d’identifier les personnes susceptibles de contester ses agissements et permet aux syndicats de donner un effet rétroactif à leurs statuts au détriment des tiers.

Le syndicat CGT Schindler fait valoir quant à lui que :

— lors de sa réunion du 1er juin 2016, la Commission exécutive a décidé d’engager l’action en substitution au bénéfice de M. [T].

— le procès-verbal de cette réunion indique que "pour les dossiers sur lesquels il est proposé d’intervenir en requalification en CDI, et qui pourraient être introduits aux prud’hommes, il y a 4 dossiers déjà ciblés dont les infos disponibles permettent d’avancer rapidement :

— Mmes [E] et [I], assistantes agence service,

— MM. [N] et [X], techniciens de maintenance".

— cette décision a fait l’objet d’un vote et a été adoptée à l’unanimité des présents,

— en première instance, le représentant du syndicat n’avait produit qu’un extrait de cette délibération, la recevabilité de cette action ne lui ayant été contestée qu’au seuil de l’audience devant le bureau de jugement,

— il est produit devant la cour la délibération intégrale étayée d’attestations de membres de la Commission,

— il est toujours possible au secrétaire d’une instance collégiale d’établir un simple extrait des décisions prises par celle-ci en particulier lorsqu’il doit agir dans l’urgence, comme en l’espèce,

— le compte rendu intégral de la réunion comporte des informations sans rapport avec la présente procédure qui ne doivent pas être divulguées à l’entreprise, ce qui justifie l’occultation de certains passages de ce document. Le syndicat propose, en tant que de besoin, de communiquer à la cour ce compte rendu sans floutage dès lors que la confidentialité du document sera préservée,

— la différence de dates entre l’extrait et le compte rendu intégral ne doit pas faire douter de l’authenticité de ce dernier qui n’était pas encore finalisé lorsque l’extrait à été établi par le secrétaire du Bureau, ce qui est une situation des plus fréquentes dans les instances collégiales,

— la comparaison entre cet extrait et le compte rendu intégral fait apparaître que l’on retrouve bien dans ce dernier tous les éléments figurant dans l’extrait,

— il est établi par ces pièces ainsi que par les attestations produites au dossier que le syndicat a valablement décidé d’engager la procédure en substitution de M. [T] et a valablement désigné M. [B], membre de ladite Commission et du bureau du syndicat, pour mener les actions décidées,

— par ailleurs, l’accord du salarié a été régulièrement recueilli pour engager cette action.

Contrairement aux allégations de la SA Schindler, la dénomination du syndicat "syndicat CGT des personnels Schindler de la Direction Régional [Localité 2], Direction Régionale [Localité 1] et filiales de RCS" ne suffit pas à exclure qu’il puisse engager l’action en substitution d’un salarié exerçant son activité à [Localité 3] hors de l'[Localité 2] et de la région [Localité 1].

Cette action est un droit propre du syndicat qu’il exerce avant tout dans l’intérêt collectif des salariés de la profession et qui n’est conditionné que par l’absence d’opposition du salarié concerné.

Le siège social de la SA Schindler est situé à [Localité 5] dans le ressort du conseil de prud’hommes de Versailles et dans la région [Localité 2] où le syndicat est territorialement compétent, bien que le salarié soit employé au sein de l’agence de Montpellier.

À la date où le conseil de prud’hommes a statué, le syndicat avait modifié ses statuts et sa dénomination ne comportait plus de référence géographique.

La procédure n’avait nullement besoin d’être régularisée et tel n’était pas le but de la modification des statuts décidée à l’issue d’un congrès extraordinaire ayant débuté le 1er décembre 2016, où ses adhérents ont changé la dénomination du syndicat et fait disparaître toute sectorisation géographique.

Le syndicat CGT Schindler n’est pas, comme prétendu, un nouveau syndicat totalement distinct du syndicat CGT Schindler DR [Localité 2] [Localité 1]. La société Schindler n’a formulé aucune critique lorsqu’il a présenté des listes de candidats aux élections professionnelles de septembre 2017, 6 mois après son changement de nom, alors qu’une telle démarche n’est légalement possible qu’en justifiant d’une existence de 2 ans, et n’a pas davantage mis en cause sa représentativité dans l’entreprise lors de la conclusion d’accords. Il dispose toujours du même compte en banque comme le confirme la publicité légale de ses comptes effectuée sur son site. Il suffit d’ailleurs, pour vérifier la réalité de cette continuité, de se reporter à l’en-tête des statuts du syndicat CGT Schindler où il est rappelé que lesdits statuts ont été « déclarés au registre départemental sous le numéro 1160 et modifiés lors de congrès tenus en 2011, 2013, 2014 et lors de la réunion extraordinaire du 21 février 2017 ».

Sur ce,

La société Schindler soutient que l’action engagée par le syndicat CGT DR [Localité 2] et [Localité 1], ne peut être valablement poursuivie par le syndicat CGT Schindler qui n’était pas constitué au moment de la saisine du conseil de prud’hommes et que le nouveau syndicat n’a pas sollicité en son nom l’accord de la salariée auquel il s’est substitué.

Les statuts du syndicat CGT Schindler dans leur dernière version du 21 février 2017 reprennent ceux du "syndicat CGT Schindler Direction Régionale [Localité 2] Direction Régionale [Localité 1] et filiales« désignés au répertoire départemental des syndicats ouvriers sous le n° 1160 et modifiés lors des congrès des 12 et 13 octobre 2011, des 16 et 17 octobre 2012 et lors du congrès du 7 novembre 2014 en y ajoutant les modifications issues de la réunion extraordinaire du congrès du 21 février 2017 qui concernent le périmètre d’intervention du syndicat qui désormais »se donne comme objectif de rassembler et d’unifier les salariés employés au sein de l’entreprise Schindler et de ses différentes filiales, (sans désormais de sectorisation)" et les pouvoirs d’action et de représentation en justice désormais confiés aux membres du bureau. La nouvelle dénomination du syndicat résulte de l’extension de son périmètre d’action.

Par ailleurs, les membres du bureau et de la Commission exécutive du Syndicat CGT Schindler sont ceux du Syndicat CGT Schindler [Localité 2] et [Localité 1], le compte bancaire n’a pas été soldé et continue d’être utilisé par le syndicat CGT Schindler, et l’ancienneté et la représentativité de ce dernier n’ont pas été remises en cause lors des élections professionnelles ni à l’occasion de la conclusion d’accords d’entreprise.

Il n’y a pas eu de dissolution du premier syndicat et de création d’un second. Il s’agit toujours de la même personne morale dont la modification des statuts n’a pas fait disparaître les droits et obligations.

La capacité du Syndicat CGT Schindler à poursuivre l’action engagée sous la dénomination de "syndicat CGT Schindler DR [Localité 2] DR [Localité 1] et filiales" n’est pas affectée par ces modifications statutaires et l’autorisation implicite donnée par M. [T] à l’action en substitution menée pour son compte a survécu à la modification des statuts.

Il reste à déterminer si ledit syndicat a été régulièrement habilité par un vote de sa Commission exécutive pour engager l’action en substitution de M. [T] et si son représentant à cette instance a été valablement désigné par un vote de la même Commission.

Aux termes de l’article 563 du code de procédure civile, « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».

La cour peut donc examiner le compte rendu intégral de la réunion de la Commission exécutive de la CGT, produit en cause d’appel, pour statuer sur la recevabilité de l’intervention de la CGT.

Cette pièce indique que la Commission exécutive a voté à l’unanimité de ses membres présents "pour valider les 4 propositions d’actions en substitution ( [E], [I], [A], [X]) et mandater [R] [B] pour mener les actions".

Cette délibération habilite sans ambiguïté le syndicat CGT Schindler [Localité 2] [Localité 1] à engager l’action en substitution de M. [T] et désigne M. [B] pour représenter ledit syndicat dans cette action devant la juridiction devant être saisie.

Contrairement au soutien de la société Schindler, M. [B] a bien reçu par ce vote un mandat spécial en vue de représenter le syndicat dans le litige concernant M. [T], conformément aux dispositions de l’article 12 des statuts.

Les attestations concordantes de 5 membres de la Commission exécutive produites par le syndicat confirment que lors de la réunion du 1er juin, les dossiers concernant les actions en substitution du syndicat en vue de la requalification de contrats précaires de plusieurs salariés ont été évoqués et que les membres de la commission ont décidé à l’unanimité de mandater M. [B] pour agir en justice, en substitution de Mme [E], Mme [I], M. [A], M. [X] et représenter les intérêts du syndicat.

Il importe peu que 5 membres seulement de la Commission exécutive sur les 26 membres présents à la réunion du 1er juin 2016 aient attesté de la validité de l’action en substitution.

La société Schindler conteste toutefois l’authenticité du compte rendu intégral de la réunion pour les motifs exposés ci-avant.

Il convient de considérer à cet égard que :

Il n’est pas contesté que l’élaboration d’un compte rendu de Commission exécutive pouvait prendre plusieurs semaines et qu’il était de pratique courante d’en délivrer des extraits en cas de nécessité avant même que ce document soit disponible et il est plausible qu’un extrait des décisions prises lors de la réunion du 1er juin 2016 ait été établi dès le lendemain en vue de sa production dans les instances en cours avant l’établissement du compte rendu des délibérations.

La comparaison de l’extrait de délibération daté du 2 juin 2016, produit en pièce 3 et du compte rendu intégral établi le 27 juin 2016 ne fait pas apparaître de différences significatives : toutes les mentions de l’extrait se retrouvent dans le compte rendu contrairement aux allégations de la société Schindler.

L’absence, dans cet extrait, de toute référence aux dossiers [E], [I], [X] et [A] montre que sa production ne peut résulter que d’une erreur et non d’une fraude.

Ainsi, l’extrait de délibération du 2 juin 2016 qui a été établi pour les besoins des audiences des 7 juin et 21 juin concernant MM. [Z] et [K] d’une part M. [C] d’autre part, avant que le compte rendu intégral établi le 27 juin ne soit disponible, a pu être versé par erreur dans le dossier de M. [T], et il n’est pas à exclure que son représentant n’ait pris connaissance des conclusions adverses dénonçant le caractère inopérant de cette pièce que le jour même de l’audience, sans avoir la possibilité de remédier à sa négligence nonobstant le fait qu’elles lui auraient été communiquées 5 jours avant le 4 juin 2017.

L’absence de mention de M. [T], Mme. [E], Mme [I] et M. [A] dans cet extrait se justifie si l’on considère que la finalité de cette pièce était sa production aux dossiers concernant MM. [Z], [K] et [C] et qu’à la date à laquelle a été établi l’extrait, M. [T] n’était pas officiellement avisé de l’intention du syndicat d’agir en substitution pour son compte (il ne recevra le courrier l’en avisant que le 9 juin). Une telle absence ne démontre pas que les mentions concernant les 4 salariés en cause et validant l’action menée dans leur intérêt auraient été rajoutées a posteriori à une date indéterminée et non pas retranchées de l’extrait.

L’envoi par le syndicat CGT d’un courrier à M. [T] daté du 6 juin 2016 pour aviser celui-ci de son intention d’agir en ses lieu et place pour la défense de ses intérêts suppose une décision préalable de la Commission exécutive d’engager une telle action sous réserve de son consentement et il est peu vraisemblable que ledit syndicat ait adressé ce courrier dans les formes prévues par l’article D. 1247-1 sans une délibération préalable de ladite Commission et en négligeant de prendre les dispositions requises par ses statuts pour que cette action soit recevable.

Le fait que le compte rendu dit intégral de la réunion du 1er juin 2016 n’ait été produit qu’en cause d’appel et non à l’audience prud’homale du 4 juin 2017 alors qu’il était disponible depuis le 27 juin 2016 s’explique par le refus du syndicat de faire partager aux dirigeants de l’entreprise des informations sensibles contenues dans ce document avant qu’il ne se résolve à en communiquer une version occultant lesdites informations suite aux deux sommations qui lui ont été adressées à cette fin en septembre 2018.

Le fait qu’aucun document justifiant la capacité du syndicat à agir en substitution de la salariée n’ait été produit avant la saisine du conseil de prud’hommes ne suffit pas à prouver l’absence d’établissement d’un tel document avant cette saisine.

Ainsi, la production en première instance de l’extrait de délibération concernant trois salariés étrangers à la procédure ne suffit pas à démontrer l’existence d’une fraude du syndicat caractérisée par la production d’un compte rendu fallacieux destinée à masquer l’absence d’un vote de la commission exécutive lui permettant valablement d’engager l’action au nom de la salariée et désignant à cette fin son représentant devant la juridiction prud’homale à la date de saisine de celle-ci.

Le défaut d’authenticité du compte rendu établi le 27 juin 2016 n’est pas démontré.

Il n’en demeure pas moins que M. [T] était employé dans un établissement situé à [Localité 3] hors du périmètre d’intervention du syndicat "CGT des personnels Schindler de la Direction Régionale [Localité 2], Direction Régionale [Localité 1] et filiales de RCS".

Selon une jurisprudence constante, « un syndicat ne peut désigner un délégué syndical que dans le champ d’application géographique et professionnel déterminé par ses statuts ».

Il a été également jugé que « la dénomination du syndicat fait partie intégrante de ses statuts ».

À défaut d’autre précision statutaire, il convient de considérer que ledit syndicat ne pouvait agir qu’au nom des salariés employés dans un établissement situé dans l’une de ces régions.

La compétence géographique statutaire du syndicat intimé s’apprécie à la date de saisine de la juridiction prud’homale soit le 12 juillet 2016. En l’espèce, la modification des statuts du syndicat CGT ayant aboli la sectorisation à compter du 23 février 2017 est donc sans effet.

Dès lors la cour ne peut que constater l’absence de capacité dudit syndicat pour mener l’action en substitution de M. [T].

Le jugement déféré qui a déclaré recevable l’action du syndicat CGT Schindler et renvoyé l’affaire au bureau de jugement du conseil des prud’hommes pour être jugée au fond sera en conséquence infirmé.

Il y a lieu de dédommager la SA Schindler de ses frais irrépétibles dans la limite de 250 euros.

Les dépens de la présente instance seront à la charge du syndicat CGT Schindler.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DIT que le syndicat CGT Schindler est dépourvu de capacité pour agir en substitution de M. [T] eu égard au fait que l’établissement dans lequel celui-ci était employé n’était pas situé dans le périmètre géographique délimité par la dénomination du syndicat au moment de la saisine du conseil de prud’hommes ;

DÉBOUTE en conséquence le syndicat CGT Schindler de ses demandes ;

Y ajoutant,

CONDAMNE le syndicat CGT Schindler à verser à la SA Schindler la somme de 250 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le syndicat CGT [Localité 2] aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Patricia Minault agissant par Maître Patricia Minault avocat et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 9 janvier 2020, n° 17/03457