Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 3 septembre 2020, n° 17/06126

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 3 sept. 2020, n° 17/06126
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/06126
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Rambouillet, 26 novembre 2017, N° 16/00299
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N° 249

CONTRADICTOIRE

DU 03 SEPTEMBRE 2020

N° RG 17/06126

N° Portalis : DBV3-V-B7B-SBHL

AFFAIRE :

X-H Y

C/

SAS CASSIDIAN CYBERSECURITY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Novembre 2017 par le conseil de prud’hommes – Formation paritaire de Rambouillet

Section : Encadrement

N° RG : 16/00299

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 04 Septembre 2020 à :

- Me C SANFELLE

- Me Blandine DAVID

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur X-H Y

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par Me Ivana COURSEAU, avocate au barreau de VERSAILLES, substituant Me C SANFELLE, constitué/plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 445

APPELANT

****************

La SAS CASSIDIAN CYBERSECURITY

N° SIRET : 523 941 037

ZAC de la Clef de Saint-Pierre

1 Boulevard X Moulin

[…]

Représentée par Me Martin PERRINEL, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, substituant Me Thierry ROMAND, plaidant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE ; et par Me Blandine DAVID de la SELARL Balavoine et David Avocats – BMP & Associés, constituée, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : L0165

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Juin 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mame NDIAYE,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Cassidian Cybersecurity a pour activité la sécurité des réseaux informatiques.

Par contrat à durée indéterminée du 25 mai 2012, M. X-H Y, né le […], a été engagé par la société Cassidian Cybersecurity, à compter du 14 septembre 2012, en qualité de cadre technique, position II, indice 100 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres des industries métallurgiques.

Par avenant du 14 janvier 2016, il est passé à temps partiel, ne travaillant plus le mardi.

Il occupait en dernier lieu les fonctions d’architecte SSI, statut cadre, position II, indice 108 et percevait une rémunération composée d’un salaire mensuel brut forfaitaire, base temps partiel, de 3 287,36 euros sur 12 mois et d’une part variable.

Le 9 juin 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 16 juin 2016. Le 10 juin 2016, il a été mis à pied à titre conservatoire. Il s’est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre du 21 juin 2016 ainsi rédigée :

« (…) Nous vous avons reçu le jeudi 16 juin 2016 à 11h00 pour un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement en présence de Monsieur X D qui vous assistait.

Madame E A, conduisait cet entretien en sa qualité de Responsable des Ressources Humaines de l’entreprise.

Les explications que vous avez fait valoir au cours de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des griefs qui vous sont reprochés et nous sommes au regret de poursuivre cette procédure en vous notifiant par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs rappelés ci-après.

Nous sommes contraints de déplorer depuis le 27 mai 2016 une très nette dégradation de votre engagement se traduisant par un non-respect brutal de vos obligations liées à votre contrat de travail et votre refus de répondre aux instructions et directives de votre hiérarchie.

En effet, le 27 mai 2016, vous avez quitté précipitamment votre poste de travail sans prévenir préalablement votre hiérarchie de votre absence à venir. Nous notons que personne n’a été informé de votre absence, y compris au sein du département des Ressources Humaines.

Par un courrier daté du 27 mai 2016 (reçu en nos services le 31 mai 2016), vous nous avez alors informés, d’un certain nombre de réclamations liées à votre situation professionnelle et d’une volonté unilatérale d’engagement d’une rupture conventionnelle. Vous avez indiqué « que vous refusiez d’exécuter de nouvelles tâches qui vous seront confiées ».

Votre absence courant jusqu’au 2 juin 2016, vous n’avez pas fourni avant votre départ les informations nécessaires au bon déroulement du projet de réponse à appel d’offres Descartes STCA alors que vous étiez le seul à les détenir. Cela même alors que vous étiez informé de la date butoir du 31 mai pour rendre cette réponse à appel d’offres. Votre absence s’est donc matérialisée par de réelles difficultés dans la gestion de ce dossier sensible vis-à-vis du prospect.

Ce départ constitue un manquement à l’article 15 de notre règlement intérieur qui stipule que toute absence prévisible doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable auprès de votre hiérarchie.

Le 3 juin, votre manager a à nouveau constaté votre refus de respecter votre lien de subordination et de répondre à ses directives. Vous vous êtes borné à renvoyer votre manager vers le département des Ressources Humaines, au courant de votre « position » reçue en LRAR.

Par courrier remis en main propre le 6 juin 2016, nous avons répondu que nous confirmions notre souhait de continuer à bénéficier de vos compétences et nous vous mettions en demeure de bien vouloir reprendre vos activités, missions et tâches habituelles qui vous étaient affectées par votre hiérarchie et de vous conformer à leurs instructions quotidiennes.

Néanmoins, vous n’avez pas répondu aux sollicitations écrites de votre manager, nous soulignons également qu’il a tenté, à plusieurs reprises, de venir vous voir sur votre poste de travail et ne vous y a jamais trouvé. Vous mentionniez votre présence en nos locaux mais votre absence était constatée par votre supérieur hiérarchique.

Du 3 au 6 juin 2016, votre messagerie indiquait le message d’absence suivant « Si vous avez des questions ou si vous voulez me joindre, adressez-vous à F Z ».

Le 7 juin, vous réitériez votre refus de vous conformer aux instructions de votre hiérarchie, en précisant à nouveau que vous refusiez d’exécuter les tâches qui vous seraient confiées.

Le 9 juin, constatant que vous continuiez à ne pas vous soumettre aux instructions de votre manager et ainsi de ne pas honorer les obligations de votre contrat de travail nous vous avons convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement le 16 juin 2016.

A la suite de cette convocation, nous avons eu à déplorer de votre part une attitude particulièrement agressive mettant en cause votre hiérarchie et vos collègues directs de travail, au travers un email envoyé au Président de notre société.

Nous déplorons également, que vous ne vous soyez pas assuré de la confidentialité de cet écrit, notamment en mettant en copie son assistante mais aussi sans faire mention du caractère confidentiel des informations qu’il contenait.

Cet email contenait en effet des informations particulièrement diffamatoires, allant jusqu’à reporter des faits et dires dont vous n’avez pas été le témoin direct. Vous avez notamment accusé votre hiérarchie dans des termes difficilement acceptables comme « le copinage est de rigueur pour rentrer dans cette bande d’incompétents. »

Cette attitude constituant une violation de l’article 8.3 de notre règlement intérieur ainsi qu’à la discipline et au bon fonctionnement de notre entreprise, vous avez été mis à pied de manière conservatoire le 10 juin 2016.

Lors de notre entretien du 16 juin 2016, vous n’avez fourni aucune explication permettant d’envisager un quelconque changement de comportement professionnel et de vous conformer aux directives de votre hiérarchie.

Votre refus délibéré et continu depuis le 27 mai 2016, malgré nos injonctions, d’exécuter vos missions et de répondre aux directives de votre hiérarchie, caractérise un refus manifeste de respecter votre lien de subordination, fondement de la relation contractuelle et votre conduite portant lourdement atteinte au bon fonctionnement du service auquel vous appartenez ainsi qu’au travail de vos collègues, nous nous voyons contraints de mettre un terme à notre collaboration et vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Nous vous confirmons, pour les mêmes raisons, la mise à pied conservatoire dont vous faites l’objet depuis le 16 juin 2016. Les jours de mise à pied à titre conservatoire que vous avez effectués ne vous seront donc pas rémunérés. (…) »

Le 7 juillet 2016, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Rambouillet aux fins de contester son licenciement.

Par jugement du 27 novembre 2017, le conseil de prud’hommes de Rambouillet a :

— dit que la moyenne des rémunérations de M. Y est de 5 267,49 euros,

— dit et jugé le licenciement de M. Y fondé sur une faute grave,

— dit et jugé M. Y non fondé sur l’intégralité de ses demandes,

— débouté par conséquent M. Y de toutes ses demandes,

— débouté M. Y de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société Cassidian Cybersecurity de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

M. Y a interjeté appel de ce jugement le 22 décembre 2017.

Par conclusions adressées par voie électronique le 7 septembre 2018, il demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a fixé la moyenne de ses rémunérations à la somme de 5 267,49 euros,

— dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

— condamner la société Cassidian Cybersecurity à lui verser les sommes suivantes :

' 15 802,47 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

' 1 580,25 euros de congés payés afférents,

' 4 213,99 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

' 40 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2 000 euros à titre d’indemnité pour avertissement abusif,

' 1 122 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

' 112,20 euros de congés payés afférents,

' 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 16 juin 2020, la société Airbus CyberSecurity, anciennement dénommée Cassidian Cybersecurity, demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a fixé la moyenne de salaire de M. Y à la somme de 5 267,49 euros et a rejeté la demande reconventionnelle de la SAS Cassidian Cybersecurity au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite,

— condamner M. Y au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

— débouter M. Y de toutes ses demandes, fins et prétentions,

— fixer la moyenne de salaire de M. Y à la somme de 3 841,74 euros.

Par ordonnance rendue le 24 juin 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 26 juin 2020.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La faute grave s’entend d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l’espèce, la société Airbus CyberSecurity reproche au salarié une très nette dégradation de son engagement depuis le 27 mai 2016, se traduisant par un non-respect de ses obligations contractuelles et par son refus de répondre aux instructions et directives de sa hiérarchie, et en particulier :

— d’avoir quitté précipitamment son poste de travail le 27 mai 2016 et de s’être absenté jusqu’au 2 juin 2016, sans prévenir sa hiérarchie ni la direction des ressources humaines,

— de ne pas avoir fourni avant son départ les informations nécessaires au bon déroulement de la réponse à l’appel d’offres Descartes STCA,

— de s’absenter de son poste de travail à plusieurs reprises, de ne pas répondre aux sollicitations de son manager et de refuser de se conformer aux instructions de sa hiérarchie,

— d’avoir adressé le 9 juin 2016 au président de la société un courriel agressif mettant en cause de manière diffamatoire sa hiérarchie et ses collègues de travail.

L’employeur expose qu’en novembre 2015, M. Y lui a fait part de son souhait personnel de création d’entreprise et de sa volonté de quitter ses fonctions au sein de la société Cassidian Cybersecurity afin de se consacrer pleinement à ce projet ; qu’ainsi, le salarié a dans un premier temps essayé de se prévaloir d’un plan de départ volontaire, qui n’était cependant ouvert que sur le périmètre d’une autre société du groupe ; qu’il a ensuite demandé à bénéficier d’une rupture conventionnelle , ce qui lui a été refusé dans la mesure où le salarié occupait un poste pour lequel le recrutement s’avère difficile du fait de la rareté de sa compétence sur le marché du travail ; que face à son insistance, la solution d’un congé à temps partiel d’une année pour création d’entreprise a été étudiée puis mise en place par la signature d’un avenant le 14 janvier 2016 ; que cependant cet aménagement du temps de travail s’est révélé insuffisant pour M. Y qui a indiqué par courrier du 27 mai 2016 adressé à son employeur qu’il souhaitait se consacrer entièrement à son nouveau projet professionnel ; qu’il a alors fait en sorte de détériorer la relation de travail pour contraindre la société Cassidian Cybersecurity à accepter sa nouvelle demande de rupture conventionnelle de son contrat de travail.

M. Y conteste l’ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement. Il prétend que la société Cassidian Cybersecurity, refusant de rompre à l’amiable son contrat de travail et souhaitant néanmoins le voir quitter l’entreprise, s’est appuyée sur des motifs infondés pour le licencier.

Il ajoute que les faits qui lui sont reprochés ont déjà été sanctionnés par un avertissement suivant courrier du 6 juin 2016 et ne peuvent donc justifier un licenciement pour faute grave.

— Sur le départ précipité du salarié le 27 mai et son absence sans autorisation jusqu’au 2 juin 2016

M. Y explique que le 27 mai 2016, il a eu un empêchement soudain et a averti par mail son employeur qu’il devait quitter son poste de travail ; qu’il était ensuite en congés payés le 30 mai et le 1er juin 2016, le mardi 31 mai étant sa journée habituelle de repos ; que ces congés, validés par sa hiérarchie, ont été décomptés comme congés payés comme le démontre son solde de tout compte ; qu’en outre il avait averti ses collègues qu’il ne serait présent à son poste que deux jours la semaine du 30 mai 2016.

Le salarié produit le courriel adressé le 27 mai 2016 à son collègue M. C B, copie à M. F Z, son supérieur hiérarchique : « J’ai un empêchement, je ne peux pas assister à la réunion ». Toutefois, la raison invoquée par son épouse dans l’attestation qu’il verse aux débats pour justifier de son départ précipité n’explique pas pourquoi il a dû à 13h30, soit en tout début d’après-midi, et alors que son enfant était confié aux soins d’une assistante maternelle au moins encore quelques heures, quitter à la hâte son poste et ne pas se rendre ne serait-ce qu’à la première partie de la réunion programmée à 14h pour discuter de la mise à jour du devis relatif à la réponse à appel d’offres du projet Descartes SCTA, dont l’employeur précise qu’il était crucial pour l’entreprise pour représenter un chiffre d’affaires potentiel de 6 millions d’euros (plus globalement 15 millions d’euros pour la division).

En outre, ce départ précipité intervient peu après que M. Y a indiqué à son supérieur hiérarchique, M. Z, « qu’il ne souhaitait plus accepter la moindre tâche à réaliser », ainsi que ce dernier en a rendu compte dans un courriel adressé à la responsable des ressources humaines le même jour.

S’agissant de ses congés, M. Y justifie par la production de son reçu pour solde de tout compte de ce qu’il était en congés payés les 30 mai et 1er juin 2016, la journée du mardi 31 mai 2016 n’étant en effet pas travaillée conformément à l’avenant au contrat de travail formalisant son passage à temps partiel. La cour relève néanmoins qu’après avoir précisé le 25 mai 2016 à M. Z qu’il serait sur le projet Descartes SCTA durant les dix prochains jours, il s’est abstenu de répondre à la demande légitime de son supérieur hiérarchique de lui communiquer une visibilité sur ses prochains congés, et ce alors qu’il indiquait le même jour à un collègue qu’il ne serait présent que deux jours la semaine du 30 mai 2016.

— Sur le désengagement de M. Y

L’employeur reproche à M. Y d’avoir persisté à adopter un comportement fautif les jours suivant son absence du 27 mai au 2 juin 2016, en s’absentant de son poste de travail à plusieurs reprises et en refusant de travailler sur les sujets confiés malgré les directives de son supérieur hiérarchique.

Le salarié affirme que lorsqu’il a été amené à s’absenter de son poste pour les besoins de ses fonctions, il se trouvait en réunion ou dans les locaux de la société Airbus DS, sous-traitant de la société Cassidian Cybersecurity. Il ajoute qu’il était éligible au télétravail, qu’il avait été tacitement autorisé par sa hiérarchie à user du télétravail, tout le matériel nécessaire (ordinateur et accès à distance aux logiciels et bases de données) lui ayant été fourni, et qu’il lui arrivait de travailler depuis son domicile, ce qui pouvait exceptionnellement expliquer son absence à son poste.

Il conteste le désengagement qui lui est reproché. Il prétend qu’il travaillait ardument, y compris le dimanche, pour avancer sur les projets, qu’il n’a jamais refusé d’exécuter ses tâches afin de bénéficier d’une rupture conventionnelle, que la signature en 2015 d’une convention d’essaimage d’entreprise en

vue du développement d’une nouvelle activité et le passage à temps partiel sont révélateurs d’une volonté de la société Cassidian Cybersecurity de l’encourager à quitter l’entreprise, que d’ailleurs ses conditions de travail n’ont cessé de se dégrader à compter de cette date, l’employeur ne tenant pas compte de son temps partiel dans la charge de travail qu’il lui fournissait, qu’il a avisé à plusieurs reprises son employeur, notamment dans un courrier du 27 mai 2016, de sa surcharge de travail par rapport aux autres salariés, sans qu’il en soit tenu compte.

La surcharge de travail invoquée par le salarié est cependant contredite par le courriel qu’il a lui-même adressé le 14 avril 2016 à Mme E A, responsable des ressources humaines, pour réitérer sa demande de rupture conventionnelle compte tenu « des prévisions de résultats et de commandes désastreuses se traduisant par une baisse de l’activité et une baisse alarmante de charge sur le personnel du build center » ainsi que par l’attestation de Mme A confirmant que M. Y se plaignait d’une sous-charge de travail.

Il ressort en outre des pièces produites, et notamment du courrier adressé par M. Y le 27 mai 2016 à la responsable des ressources humaines, que le salarié a expressément signifié à son employeur qu’il refusait d’exécuter toutes nouvelles tâches qui lui seraient confiées, ce que l’intéressé a confirmé le jour même verbalement à son supérieur hiérarchique, M. Z, ainsi que ce dernier en a rendu compte dans un courriel adressé à cette date à Mme A : « G E, ce matin est passé dans mon bureau X H pour m’indiquer qu’il ne souhaitait plus accepter la moindre tâche à réaliser.

Jusqu’à me signifier un « chantage » sur la remise de l’appel d’offre Descartes STCA pour la fin du mois.

L’objectif étant que la société négocie avec lui un arrangement pour son départ de notre société (rupture conventionnelle).

Cela me pose un gros souci, car cette AO [Appel d’Offre] est vraiment majeur pour notre business et cela va nous mettre dans une situation critique vis-à-vis d’Airbus DS. »

Le 2 juin 2016, en début d’après-midi, M. Z lui adressait ce courriel : « Nous t’avons vu passer ce matin, et nous te cherchons partout. Je te rappelle l’urgence du dossier Descartes SCTA où nous avons absolument besoin [de] tes input pour continuer à avancer. N’ayant pas d’autre activité planifiée à ma connaissance, je ne sais pas où te trouver. Merci de voir en urgence F I et C B. » M. Y ne répondra à cette sollicitation, pourtant urgente, que le lendemain matin en indiquant « j’étais sur site ! » puis à la demande d’explications plus précises de M. Z : « Merci de t’adresser à E A qui a reçu ma position par LRAR », faisant ainsi référence à sa demande de rupture conventionnelle.

Mme A témoigne que le manager de M. Y lui a fait part à plusieurs reprises de ses absences à son poste de travail et de ce qu’il ne venait sur le site que pour quelques heures, ce qui n’était pas justifié au regard de son activité sur le projet Descartes SCTA.

M. Z atteste en effet que « du fait de ses missions d’architecte, [JM. Y] était le seul à détenir des informations techniques et certains documents techniques relatifs à cet appel d’offres », qu’il a pu constater « qu’à partir du moment où un refus définitif [de rupture conventionnelle] lui avait été adressé par la DRH, JM. Y s’est délibérément désengagé de ses responsabilités et de ses missions. » Il précise que ce désengagement a pris les formes suivantes : « arrêt de ses activités d’architecte, pas de remise des documents attendus aux autres collaborateurs travaillant sur le projet Descartes. Ces derniers ont dû compenser le manque de travail ou la qualité du travail fourni (notamment F I et J K) (…) [pour] permettre la remise de l’appel d’offres dans les temps » ; « pas de participation aux réunions importantes liées au projet » ; « JM Y n’était pas présent à son poste de travail et nous devions le chercher dans le bâtiment alors qu’il nous affirmait y être présent (jeu du chat et de la souris) ».

Au surplus, il ressort des pièces produites que M. Y a rédigé un message de réponse automatique, visible dès l’après-midi du 3 juin 2016, invitant ses interlocuteurs à s’adresser à son supérieur hiérarchique pour toute question, et ce alors qu’il prétend qu’il était à son poste de travail à partir du 2 juin.

Suite à la réception du courrier remis en mains propres le 6 juin 2016 dans lequel la société déclinait la demande de rupture conventionnelle formulée par le salarié, ce dernier a réitéré son refus exprès d’exécuter les tâches confiées. Les échanges de courriels produits par l’employeur confirment que tel a bien été le cas. Le 7 juin 2016, M. B indiquait à M. Z : « J’ai sollicité X-H pour la revue de devis BAFO hier, RAO dont il a la charge. Je n’ai pas eu de retour de sa part et il n’est pas venu en réunion. Je n’ai pas non plus de retour sur l’autre RAO dont il a la charge (Descartes STCA) depuis le 29/05. »

Le 7 juin 2016, M. Z L donc une nouvelle fois M. Y : « X-H, nous devons boucler cette RAO au plus vite et c’est ta priorité et je ne te trouve pas à ton bureau. C n’est pas très content de ta prestation ce que je peux comprendre. »

L’employeur démontre par ailleurs que le salarié ne bénéficiait pas de la possibilité de recourir au télétravail, étant observé que le projet sur lequel il travaillait nécessitait en tout état de cause sa présence dans les locaux de l’entreprise.

Le désengagement du salarié de ses fonctions est avéré, et ce sans qu’il soit besoin d’examiner le grief visé dans la lettre de licenciement relatif à la transmission des informations du projet Descartes STCA.

— Sur le courriel agressif du 9 juin 2016 mettant en cause de manière diffamatoire sa hiérarchie et ses collègues de travail

M. Y fait valoir que le courriel litigieux du 9 juin 2016 a été adressé seulement au président de la société Cassidian Cybersecurity, que ce courriel ne comportait aucune agressivité, qu’il formulait certes des critiques à l’encontre de la société mais ne tenait pas de propos injurieux, que l’envoi de ce courriel est compréhensible car il est intervenu quelques jours après qu’il ait alerté son employeur sur la dégradation de ses conditions de travail et qu’il ait reçu pour toute réponse un avertissement et alors en outre qu’il venait de recevoir le jour même une convocation à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.

Le courriel adressé par le salarié le 9 juin 2016 à M. M N, président de la société Cassidian Cybersecurity, est rédigé en ces termes :

« (…) j’appuie votre stratégie (…) ce qui n’est pas le cas de beaucoup de monde chez Cassidian Cybersecurity.

Je profite de cet email pour vous signaler un certain nombre de dysfonctionnements internes, des manigances, du népotisme mais aussi des faits qui ont provoqué des pertes directes et indirectes pour l’entreprise.

J’ai été prestataire externe sur le projet Moseo Infra jusqu’en 2012. Ce projet désastreux de l’ingénierie qui impliquait O P, Q R, X-M S et F T a commencé il y a plus de 7 ou 8 ans et s’est terminé l’année dernière d’une façon misérable. (…)

Il faut savoir aussi que X-M S a été financé en tant qu’employé fantôme pour créer sa propre entreprise pendant plusieurs années aux frais de la princesse (…).

(…) Cette couche de product manager que l’on pourrait appeler « fusibles » ou « postes fictifs » (Rémi de Debesombes, U V, J W etc) (…)

Ces beaux produits viennent tous de la tête de Q R et il a mis sa petite clique au contrôle. Le copinage est de rigueur pour rentrer dans cette bande d’incompétents.

D’ailleurs ils se moquent toutes les semaines de votre stratégie au « board » de Q.

C’est grâce aussi à la petite cour de Q (C W, AA AB etc) (…)

Quand on ne sait pas analyser les besoins, on ne peut pas répondre correctement.

(…) il y a eu 80 réunions sur l’architecture et plus de 27 versions pour enfin choisir d’être à côté de la plaque parce que Q R change d’avis tous les mois.

(…) Ces CI permettent aussi au program/project manager de ne rien faire en pointant des heures de management et de gestion d’équipes qui ne sont pas réelles, c’est une belle façade pour cacher l’ensemble de l’organisation interne des projets. On ne peut pas généraliser 1 ou 2 manager ne trichent pas, cela fait peu ' (…) »

Comme l’indique l’objet de ce courriel « à lire avant la Cyber Session d’information », M. Y attendait du président de la société qu’il en fasse la lecture lors de cette réunion qui, selon les explications de l’employeur, devait se tenir le 1er juillet 2016 et rassembler plusieurs membres du comité de direction et salariés de la société, dont certaines des personnes nommément visées.

Ce courriel, transmis de surcroît en copie à l’assistante du président, qui utilise des propos dénigrants et contient de graves accusations à l’encontre de ses collègues de travail et de sa hiérarchie, témoigne d’un comportement inacceptable qui justifiait à lui seul la mise à pied du salarié.

La cour relève par ailleurs qu’aux termes d’un courrier remis en main propre le 6 juin 2016 à M. Y en réponse à son courriel du 27 mai 2016, la direction des ressources humaines, après avoir rappelé la chronologie des événements avec son projet de création d’entreprise et son passage à temps partiel, lui écrivait en ces termes :

« (…) Nous vous confirmons notre souhait de continuer à bénéficier de vos compétences. Nous concernant, il n’est nullement prévu de mettre fin à votre contrat par l’engagement d’une procédure de rupture conventionnelle, d’autant plus que nous sommes en phase de recrutements importants dernièrement et que nous comptons sur votre engagement au sein de nos équipes.

Pour autant, nous avons été au regret de constater votre départ précipité le 27 mai 2016, sans fournir aucune explication à votre hiérarchie ni transmettre à un potentiel remplaçant les informations requises que vous étiez le seul à détenir. Ce départ a mis en péril le bon déroulement de la réponse à appel d’offres Descartes STCA.

Conformément à notre règlement intérieur, nous vous rappelons que toute absence prévisible doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable auprès de votre hiérarchie. À défaut, nous pourrions être contraints d’envisager une sanction disciplinaire à votre égard.

Le vendredi 3 juin 2016, nous avons à nouveau constaté votre désengagement sur le dossier qui vous avait été confié. Votre manager vous a expressément demandé votre implication dans le projet en cours, faisant état :

- de votre absence à votre poste de travail,

- et à l’absence de réponse de votre part aux sollicitations de votre hiérarchie et collègues de travail.

Votre réponse aura été de le renvoyer vers votre HRBP, Mme A, au courant de votre position exprimée en LRAR et de ne pas fournir d’autre explication.

Dans le respect des obligations de votre contrat de travail, nous vous mettons en demeure de bien vouloir reprendre les activités, missions et tâches qui vous ont été affectées par votre hiérarchie et de vous conformer à leurs instructions quotidiennes.

À défaut nous nous verrions contraints d’en tirer toutes les conclusions qui s’imposent et nous nous réserverions le droit de mener toutes les procédures que nous jugerions utiles. (…) »

Le désengagement reproché à M. Y dans ce courrier a perduré sans que celui-ci ne modifie son comportement, comme cela a été établi précédemment. Le salarié écrivait ainsi à son employeur dès le 7 juin 2016 : « je refuse donc d’exécuter de nouvelles tâches qui me seront confiées » et son supérieur, M. Z, était effectivement contraint de le relancer les 7 et 8 juin, en vain, afin qu’il s’acquitte de ses missions.

Compte tenu de leur réitération, la société Cassidian Cybersecurity était donc fondée à se prévaloir de l’ensemble des faits reprochés à l’appui du licenciement du salarié, sans qu’il puisse lui être fait grief d’un cumul de sanctions.

Eu égard à la persistance de son comportement fautif en dépit d’une lettre de mise en demeure ainsi qu’à l’envoi du courriel du 9 juin 2016, la mise à pied du salarié et son départ immédiat de l’entreprise s’imposaient.

Dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a déclaré le licenciement fondé sur une faute grave et débouté M. Y de l’intégralité de ses demandes, en ce compris sa demande de dommages-intérêts pour avertissement abusif.

Sur les dépens de l’instance et les frais irrépétibles

M. Y, qui succombe, supportera les dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Il sera en outre condamné à payer à la société Airbus CyberSecurity une indemnité sur le fondement de l’article'700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. X-H Y à verser à la société Airbus CyberSecurity la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. X-H Y de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE M. X-H Y aux dépens ;

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES, Président, légitimement empêché, et par Monsieur C CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, P/Le PRÉSIDENT empêché,

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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 3 septembre 2020, n° 17/06126