Infirmation 25 juin 2020
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Sur la décision
| Référence : | CA Versailles, 11e ch., 25 juin 2020, n° 18/02419 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
| Numéro(s) : | 18/02419 |
| Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Pontoise, 19 mars 2018, N° 16/00123 |
| Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
| Président : | Hélène PRUDHOMME, président |
|---|---|
| Avocat(s) : | |
| Cabinet(s) : | |
| Parties : |
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 JUIN 2020
N° RG 18/02419 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SM7L
AFFAIRE :
C/
G X
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section : I
N° RG : 16/00123
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES
la AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
N° SIRET : 703 780 247
[…]
[…]
[…]
Représentant : Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 – N° du dossier J183556 – Représentant : Me Julia PETTEX-SABAROT, Déposant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 657
APPELANTE
****************
Monsieur G X
né le […] à PETIT-BOURG
de nationalité Française
Centre communal d’action sociale (CCAS) -
[…]
95170 DEUIL-LA-BARRE
Représentant : Me Valérie LANES de l’AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, Déposant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2185
INTIME
****************
Composition de la cour :
L’affaire était fixée à l’audience publique du 27 mai 2020 pour être débattue devant la cour composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire,
En application de l’article 8 de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le président que la procédure susvisée se déroulerait sans audience. Les parties en ont été avisées par le greffe le 12 mai 2020 et ces dernières ne s’y sont pas opposées dans le délai de quinze jours.
Greffier: Madame Sophie RIVIERE,
Le 5 juin 1990, M. G X était embauché par la SA CTPU en qualité de canalisateur par contrat à durée indéterminée. A partir du 1er juillet 1998, son contrat de travail était transféré à la
SAS Sobeca. En dernier lieu, le salarié exerçait les fonctions de chef d’équipe.
Le 5 septembre 2013, le salarié était victime d’un accident du travail.
A l’issue de son arrêt de travail, le 7 décembre 2014, le caractère professionnel de cet accident était reconnu par la CPAM.
Le salarié subissait deux autres arrêts pour cause de maladie du 13 au 18 janvier 2015, puis du 13 mars au 30 mai 2015. Le 1er juin 2015, il était en congés payés.
A l’issue de deux visites de reprise des 2 et 16 juillet 2015, le médecin du travail le déclarait inapte au poste de chef d’équipe canalisateur précisant que le salarié ne pouvait pas porter de charges de plus de 10 kg, faire des mouvements répétés de flexion ou de torsion du tronc (type utilisation de pelle, pioche…) ni faire de tirage de câbles, utiliser de marteau-piqueur, faire des travaux en position accroupie ou agenouillée prolongée.
Par lettre recommandée du 22 juillet 2015, M. G X contestait auprès de la SAS Sobeca l’avis définitif d’inaptitude dans la mesure où les tâches pour lesquelles il était déclaré inapte ne correspondaient nullement à ses fonctions de chef d’équipe.
Le 24 août 2015, l’employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. Le 31 août 2015, il lui notifiait son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 29 février 2016, M. G X saisissait le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise.
Vu le jugement du 20 mars 2018 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise qui a :
— dit que le licenciement de M. G X est intervenu en violation des dispositions des
articles L 1226-10 et suivants du code du travail ;
— condamné a SAS Sobeca à verser à M. G X les sommes de :
-51 200,00 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l’article L 1226-15 du code du travail ;
-1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision s’agissant de créances de nature indemnitaire ;
— dit y avoir lieu à capitalisation en application des dispositions de l’article 1342-2 du code civil ;
— condamné la SAS Sobeca à délivrer à M. G X une attestation Pôle emploi conforme et un bulletin de paie récapitulatif conforme sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard pour l’ensemble des documents à compter du huitième jour suivant la notification de la présente décision
limitée à 30 jours ;
— s’est réservé le droit de liquider l’astreinte ;
— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
— débouté la SAS Sobeca de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’artic1e 700 du code de procédure civile ;
— mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de la SAS Sobeca y compris les frais d’exécution forcée.
Vu la notification de ce jugement le 16 mai 2018.
Vu l’appel régulièrement interjeté par la SAS Sobeca le 29 mai 2018.
Vu les conclusions de l’appelante, la SAS Sobeca, notifiées le 19 février 2019, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
A titre principal
— réformer le jugement dont appel ;
Statuant à nouveau :
— dire et juger que la société Sobeca a, de sa propre initiative alors qu’elle n’y était pas obligée, régulièrement consulté les délégués du personnel ;
— dire et juger que la société Sobeca a respecté son obligation de recherche de reclassement ;
— dire et juger en conséquence le licenciement de M. G X parfaitement fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu’il a été intégralement réglé des sommes dues au titre de son licenciement ;
En conséquence,
— débouter M. G X de l’ensemble de ses demandes comme de son appel incident ;
— le condamner à 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’instance ;
Subsidiairement,
— réduire à de plus justes proportions les dommages et intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse soit la somme de 12 000 euros.
Vu les écritures de l’intimé, M. G X, notifiées le 19 novembre 2018 auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
— dire et juger la société Sobeca mal fondée en son appel et l’en débouter intégralement.
— dire et juger M. G X bien fondé en son appel incident.
A titre principal :
— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement de M. G X est intervenu en violation de l’article L. 1226-10 du code du travail.
— confirmer le jugement entrepris du chef de dommages et intérêts alloués sur le fondement des dispositions de l’article L.1226-15 du code du travail, sauf à porter le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués de ce chef à la somme de 75 000 euros.
— Le confirmer du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où, par extraordinaire, la cour devait considérer que l’inaptitude de M. G X n’aurait pas eu, au moins partiellement, une origine professionnelle, nonobstant le fait que la société Sobeca elle-même a expressément retenu, dans la lettre de licenciement, une origine professionnelle à son inaptitude et à appliquer à celui-ci la législation propre aux salariés victimes d’accident du travail,
— condamner la société Sobeca à payer à M. G X la somme de 75 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
— confirmer le jugement entrepris du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
En tout état de cause :
— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Sobeca de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du CPC.
— condamner la société Sobeca à payer à M. G X la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.
— condamner la société Sobeca aux entiers dépens, lesquels comprendront, outre le droit de plaidoirie, l’intégralité des éventuels frais de signification et d’exécution que pourrait avoir à engager M. G X.
— dire que les intérêts légaux courront à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.
— ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.
— déclarer mal fondée la demande reconventionnelle formée par la société Sobeca au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et, en conséquence, la rejeter.
Vu l’acceptation écrite de Me Watrelot, avocat de la SAS Sobeca, en date du 19 mai 2020 pour que l’audience soit prise en dehors de sa présence à la date initialement prévue avant l’état d’urgence sanitaire, joint au dossier et la transmission des pièces au soutien de son accord.
Vu l’acceptation écrite de Me Lanes, avocate de M. X, en date du 18 mai 2020 pour que l’audience soit prise en dehors de sa présence à la date initialement prévue avant l’état d’urgence sanitaire, joint au dossier et la transmission des pièces au soutien de son accord.
Vu l’ordonnance de clôture du 27 mai 2020.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail :
M. X fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où l’employeur n’a pas consulté les délégués du personnel, en violation des dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail et qu’il a manqué à son obligation de reclassement au sein du groupe Firalp auquel elle appartient.
La SAS Sobeca conteste l’origine professionnelle de l’inaptitude, dès lors que le médecin du travail et la CPAM en ont confirmé le caractère non professionnel. Il indique qu’en tout état de cause, la procédure de l’article L. 1226-10 précité a été respectée et que les recherches de reclassement ont été loyales et complètes.
— Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude
Les règles protectrices relatives aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
M. X a été victime d’un accident du travail le 5 septembre 2013, l’amenant à être placé en arrêt maladie jusqu’au 7 décembre 2014. Si l’employeur soutient que le salarié a repris le travail du 12 au 20 novembre 2014, la cour constate que les relevés d’attestation de paiement des indemnités journalières confirment l’arrêt de travail au cours de la période litigieuse en raison de l’accident du travail du 5 septembre 2013.
Le 17 novembre 2014, le médecin du travail a rendu un avis d’aptitude au titre de la « maladie professionnelle ». Il a toutefois émis la réserve suivante : « Apte sauf utilisation de BRH et marteau piqueur, sauf conduite d’engins prolongée plus de 30 minutes, sauf port de charges de plus de 25 kg. Peut conduire un VL pour l’entreprise. Prochaine visite courant février 2015 ».
M. X a à nouveau été placé en arrêt maladie du 13 au 18 janvier 2015.
Le 19 février 2015, le médecin du travail confirmait l’aptitude du salarié « sauf utilisation de BRH et marteau piqueur, sauf tirage de câbles de gros diamètre, sauf port de charges de plus de 25 kg ». Il ajoutait « A revoir : 2 ans ».
A la suite d’un nouvel arrêt maladie du 13 mars au 30 mai 2015, suivi de ses congés d’été à partir du 1er juin 2015, le salarié a bénéficié d’une visite de reprise.
Le 2 juillet 2015, le médecin du travail a rendu l’avis suivant :
« Première visite dans le cadre de l’article R4624-31 du Code du travail : inapte.
A revoir dans 15 jours pour second examen.
Inaptitude au poste à prévoir.
Ne peut pas : porter de charges de plus de 10 kilos, faire de mouvements répétés, de flexion ou de torsion du tronc (type utilisation de pelle, pioche') ni faire de tirages de câbles, utiliser de marteau-piqueur, faire des travaux en position accroupie ou agenouillée prolongée. Ne peut pas conduire d’engins de chantier. »
Lors de la seconde visite du 16 juillet 2015, le médecin du travail confirmait l’inaptitude de M. X dans les termes suivants :
« Est inapte au poste de chef d’équipe canalisateur.
Ne peut pas: porter de charges de plus de 10 kilos, faire de mouvements répétés, de flexion ou de torsion du tronc (type utilisation de pelle, pioche') ni faire de tirages de câbles, utilisé de marteau-piqueur, faire de travaux en position accroupie ou agenouillée prolongée. »
Si le médecin du travail a coché sur l’avis du 2 juillet 2015 la case « accident ou maladie non professionnelle », sans toutefois le confirmer dans l’avis définitif du 16 juillet suivant, et si la CPAM a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la rechute, il n’en demeure pas moins que les restrictions émises par le médecin du travail sont similaires à celles figurant sur les avis des 17 novembre 2014 et 19 février 2015 qui sont directement en lien avec l’accident du travail du 5 septembre 2013.
Dans ces conditions, l’inaptitude de M. X doit être considérée comme étant, au moins partiellement, consécutive à l’accident du travail dont il a été victime le 5 septembre 2013.
L’employeur ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisqu’il a suivi la procédure applicable en cas d’inaptitude professionnelle en sollicitant l’avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié et en mentionnant clairement dans la lettre de licenciement : « Votre inaptitude, d’origine professionnelle, rendant impossible la réalisation de votre préavis ' ».
La procédure visée à l’article L 1226-10 du code du travail et notamment la consultation des délégués du personnel s’imposait donc à l’employeur.
— Sur la méconnaissance de l’article L. 1226-10 du code du travail
En application de l’article L 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige, « Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté.
L’emploi est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ».
— Sur l’irrégularité de la consultation des délégués du personnel :M. X considère que la consultation des délégués du personnel est irrégulière dès lors que l’employeur ne justifie pas de la convocation de tous les délégués du personnel, que les convocations produites comportent des incohérences de date, que tous les documents nécessaires à la consultation n’ont pas été remis et que la page du procès-verbal du compte rendu de la réunion des délégués du personnel concernant son inaptitude n’est pas signée, remettant en cause l’authenticité du document qui, au surplus, évoque la situation de M. Y alors que cette question n’était pas portée à l’ordre du jour de la réunion.
Cependant, il ressort du procès-verbal de consultation des délégués du personnel que M. K L M, délégué suppléant, était absent, ce que M. X ne conteste d’ailleurs pas. Les délégués du personnel n’ont pas davantage discuté ce point puisque, aucune remarque ne s’y rapporte dans le procès-verbal. En outre, la SAS Sobeca verse aux débats les convocations signées des quatre autres délégués du personnel. Deux d’entre elles mentionnent le nom de leur signataire, M. Z et M. A. Si les deux autres convocations ne portent pas le nom de leur destinataire, elles sont néanmoins signées et correspondent nécessairement à M. B et M. N L M. L’incohérence de date figurant sur les convocations de ces derniers (signature apposé le 17 juillet alors que la convocation est datée du 20 juillet) relève de l’erreur matérielle, étant précisé en tout état de cause, que le procès-verbal de consultation des délégués du personnel établit que deux délégués titulaires, MM. C et B et un délégué suppléant, M. A, ont régulièrement participé à la réunion au cours de laquelle le reclassement de M. X a été évoqué, sans émettre la moindre remarque concernant leur convocation.
Le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel établit que ces derniers ont été informés des deux avis du médecin du travail des 2 et 16 juillet 2015 qui sont rappelés in extenso. Ils ont régulièrement eu accès au constat d’inaptitude et aux conclusions du médecin du travail : « M I J [directeur des ressources humaines] rappelle, documents à l’appui, que suite à la visite de reprise du 02/07/2015, le médecin du travail, le docteur D a rendu un avis d’inaptitude ' ». Le salarié ne peut reprocher à l’employeur une absence de remise de l’ensemble des documents nécessaires à la consultation des délégués du personnel, dans la mesure où, n’ayant pu dégager la moindre proposition de poste, aucun autre document ne pouvait leur être utilement transmis. En outre, le procès-verbal précise que le directeur des ressources humaines a évoqué les recherches de reclassement auxquelles il a procédé : « M. I J explique qu’une recherche de reclassement a été faite au sein de l’ensemble des agences Sobeca et filiales du groupe Firalp'. Après avoir pris connaissance de l’ensemble des éléments du dossier apporté par Monsieur I J, les délégués du personnel ont pu étudier les possibilités de reclassement de M. G X '». C’est donc de manière éclairée que les délégués du personnel ont conclu à l’unanimité à l’impossibilité de reclassement du salarié.
L’absence de signature de la page du procès-verbal évoquant l’inaptitude du salarié n’est pas davantage de nature à entacher l’authenticité du document, alors qu’il est démontré que les délégués du personnel ont été convoqués à la réunion du 24 juillet 2015, dont l’ordre du jour comportait explicitement leur « consultation sur les possibilités de reclassement de M. G X ». En outre, le procès-verbal est régulièrement signé en dernière page par les trois délégués du personnel. Si l’examen de la situation de M. Y, figurant en dernière page du procès-verbal sur laquelle sont apposées les signatures, n’était pas prévue à l’ordre du jour de la réunion, il apparaît néanmoins que cet ordre du jour ne comportait que deux points, le reclassement de M. X et les questions diverses. Or, seuls deux points ont effectivement été évoqués. Au surplus, la contestation concernant la situation de M. Y a été émise « par mail du 10 juillet 2015 » par M. B, concordant ainsi parfaitement avec la date de la réunion des délégués du personnel du 24 juillet 2015, alors qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que le sujet a été abordé à l’occasion d’une autre réunion de ces derniers.
Enfin, il ne peut être considéré que la consultation des délégués du personnel est irrégulière car intervenue avant que l’employeur n’ait reçu l’ensemble des réponses aux demandes de reclassements adressées au groupe. En effet, il apparaît que les courriels, comportant les informations relatives aux compétences du salarié et à l’avis du médecin du travail, ont été envoyés le 17 juillet 2015, soit le lendemain de l’avis définitif d’inaptitude, avec un délai de 8 jours pour répondre, de sorte que les réponses auraient dû parvenir à la SAS Sobeca au plus tard le jour de la réunion des délégués du personnel. Or, seules 2 des 43 réponses sont parvenues après cette date, après relance de l’employeur. Elles n’ont, au surplus, proposé aucun poste de reclassement et ce n’est qu’après réception de ces deux derniers courriels le 27 juillet 2015 que la SAS Sobeca a convoqué M. X à l’entretien préalable au licenciement le lendemain 28 juillet 2015.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la régularité de la procédure, telle que ressortant des convocations des délégués du personnel et du procès-verbal de leur réunion produits par l’employeur, n’est pas sérieusement remise en cause par les contestations injustifiées du salarié.
— Sur l’obligation de reclassement : M. X soutient que la SAS Sobeca n’établit pas avoir satisfait à son obligation de reclassement, dès lors qu’elle ne justifie pas de la structure du groupe auquel elle appartient et qu’elle ne démontre pas l’impossibilité de le reclasser, en l’absence de preuve d’une recherche réelle et sérieuse. Il ajoute que l’employeur n’a pas sollicité le médecin du travail en vue d’une solution de reclassement, qu’il n’a formulé aucune proposition de reclassement, ni de formation pour accroître son employabilité et qu’il n’a pas tenu compte de son statut de travailleur handicapé qui était en cours de reconnaissance.
Pour justifier du périmètre de l’obligation de reclassement, la SAS Sobeca verse aux débats l’organigramme du groupe Firalp auquel elle appartient. Si le salarié considère que cette « unique pièce », « extrait[e] on ne sait d’où, ' a manifestement été réalisée pour les besoins de la cause et ' présente de manière totalement biaisée le groupe Firalp », la cour constate que les parties s’accordent sur le fait que le groupe comporte 13 filiales et que la SAS Sobeca compte 32 agences.
En outre les 13 filiales invoquées par le salarié figurent sur l’organigramme produit par l’employeur.
La SAS Sobeca produit également 43 courriels adressés aux entités précitées, comportant des informations relatives au salarié (identité, ancienneté, âge, dernier emploi occupé, parcours professionnel au sein de l’entreprise, compétences, formations suivies au cours des trois dernières années et habilitation en cours), ainsi que les restrictions émises par le médecin du travail.
L’employeur justifie de la réponse apportée à toutes ses demandes, étant souligné que certains destinataires ont répondu pour deux entités à la fois, comme par exemple M. E qui a indiqué n’avoir aucun poste disponible au sein des agences de Selles sur Cher et du Val de Cher ou M. F, responsable de la société Serange et de l’agence de Clermont Ferrand de la SAS Sobeca.
La qualité des signataires de ces mails n’est pas sérieusement remise en cause par la simple contestation du salarié, dès lors qu’il ressort des messages que la quasi-totalité des rédacteurs sont les directeurs des agences de la SAS Sobeca et des filiales du groupe, les autres signataires occupant des postes de responsable (responsable des relations sociales, responsable d’exploitation '). L’identité de nombre de ces personnes apparaît d’ailleurs sur l’organigramme produit par l’employeur.
Si certaines réponses à la demande de reclassement ont été adressées très rapidement, le jour même de la demande de l’employeur, il ne peut être reproché aux directeurs et responsables des sociétés et agences consultées d’avoir une connaissance précise de l’état de leurs effectifs, de leurs besoins et des possibilités éventuelles d’adaptation de poste. Il doit également être souligné que le groupe développe son activité dans le domaine du bâtiment et des travaux publics et qu’au regard des fiches de poste produites par l’employeur relatives aux différents métiers exercés au sein de l’entreprise (terrassier, maçon, technicien de réseaux, mécanicien, magasinier '), les restrictions émises par le médecin du travail rendaient le reclassement de M. X très difficile.
Contrairement à ce que prétend le salarié, il n’était pas indispensable d’indiquer l’origine professionnelle de l’inaptitude qui est sans effet sur le reclassement, ni sa rémunération, puisque le reclassement doit être envisagé sur tous les postes possibles, y compris ceux assurant une rémunération moindre. La mention de ses charges de famille n’apparaissait pas davantage utile, cette information étant sans lien avec ses compétences. Toutes les indications fournies par l’employeur, telles que rappelées supra, n’imposaient pas davantage la communication d’un curriculum vitae à jour.
L’employeur communique également son registre d’entrée et sortie du personnel pour l’agence de Cergy au sein de laquelle travaillait M. X. Son informatisation ne suffit pas à porter atteinte à sa valeur probante, dès lors que le salarié ne justifie d’aucun élément permettant de remettre en cause sa sincérité. La période couverte par le document, du 17 juillet au 24 août 2015, n’apparaît pas restrictive, dès lors qu’elle correspond à celle de la recherche de reclassement. Il en ressort que l’agence de Cergy ne disposait pas de poste disponible compatible avec les restrictions médicales émises par le médecin du travail. Si le salarié reproche à l’employeur de ne pas produire les registres uniques du personnel de toutes les sociétés du groupe Firalp et de toutes les agences de la SAS Sobeca, la cour constate qu’il n’en sollicite pas la communication, étant en tout état de cause relevé que ces pièces n’apparaissent pas indispensables au regard des courriels que la SAS Sobeca justifie avoir adressé à toutes les entités du groupe et des réponses apportées par ces dernières, qui établissent l’impossibilité de reclassement.
S’agissant des postes de chef d’équipe électricien, de conducteur de travaux et d’aide conducteur de travaux, revendiqués par M. X, la SAS Sobeca produit les fiches de postes qui démontrent que ces fonctions étaient incompatibles avec les restrictions émises par le médecin du travail ou les compétences du salarié.
Ainsi, le poste de chef d’équipe électricien nécessitait le tirage de câble et ceux de conducteur de travaux et d’aide conducteur de travaux impliquaient des compétences managériales, commerciales, juridiques et financières dont M. X ne disposait manifestement pas puisqu’il indique qu’il était titulaire du BEPC, d’un CAP monteur câbleur en armoire électrique et d’une licence de cariste : « gère ses équipes », « anime les formations techniques sur son agence », « est chargé des relations commerciales », « chiffre les appels d’offre », « gère la réception du chantier », « réalise les PV de réception », « analyse le dossier de marché sous les aspects techniques financiers », « estime, répartit et gère les moyens en main d''uvre, matériels et matériaux en tenant compte des délais et des coûts », « propose des modifications financières nécessaires à l’avancement des chantiers », « gère le PPSPS », « applique les procédure d’urgence en cas d’accident environnemental ».
Il ne peut être fait grief à l’employeur de ne pas avoir consulté le médecin du travail au cours de la recherche de reclassement, dès lors qu’aucun poste ne s’est révélé disponible et aucun aménagement de poste ne s’est avéré envisageable.
Concernant l’absence de formation, il doit être rappelé que l’employeur a certes l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, cependant, il ne peut lui être imposé d’assurer la formation initiale qui leur fait défaut. Au surplus, M. X a manifestement bénéficié de formations puisqu’il a évolué au sein de l’entreprise. Il a été embauché en tant que canalisateur, avant d’occuper un poste de conducteur d’engin, puis de devenir chef d’équipe. Par ailleurs, le courriel adressé par l’employeur dans le cadre de la recherche de reclassement mentionne les « formations suivies par le salarié au cours des 3 dernières années : H0 B0 recyclage ; Recyclage Caces engins de chantier R 372 M Cat 4 ». Il ressort également de ce mail que ces formations ont permis au salarié d’acquérir des habilitations, puisqu’il indique :
« Habilitation en cours :
Domaine de tension : B0 ; H0 V non électricien
Caces : engins R 372 m Cat 1, Cat 4 ».
Il ne peut donc être sérieusement soutenu que l’employeur n’a assuré aucune formation permettant de garantir l’employabilité du salarié.
Enfin, le statut de travailleur handicapé de M. X n’est justifié par aucune pièce probante, de sorte qu’il ne saurait être fait grief à l’employeur de ne pas en avoir tenu compte.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur démontre avoir procédé à une recherche de reclassement loyale, sérieuse et complète, de sorte que le jugement qui a déclaré le licenciement de M. X sans cause réelle et sérieuse doit être infirmé ; le salarié sera débouté de l’ensemble de ses demandes.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile.
Toutefois, la situation économique des parties impose de débouter la SAS Sobeca de sa demande au titre des frais irrépétibles et de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. G X repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute M. G X de l’intégralité de ses demandes ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Déboute la SAS Sobeca de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER Le PRESIDENT
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