Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 2 décembre 2021, n° 20/00116

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 3e ch., 2 déc. 2021, n° 20/00116
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/00116
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 16 décembre 2019, N° 17/08287
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 64B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 DECEMBRE 2021

N° RG 20/00116

— N° Portalis DBV3-V-B7E-TV34

AFFAIRE :

X, B Y

C/

SARL KAP SEPT DEVELOPPEMENT Sous enseigne CENTURY 21 ' LD RAMBOUILLET, SARL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 02

N° RG : 17/08287

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON,

Me Pascal KOERFER

Me B-christophe BIERLING,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur X, B Y

né le […] à […]

[…]

[…]

2 / Madame C D épouse Y

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentant : Me Marc-Robert HOFFMANN NABOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1364

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C. 618
- N° du dossier 20200007

APPELANTS

****************

SARL KAP SEPT DEVELOPPEMENT Sous enseigne CENTURY 21 ' LD RAMBOUILLET,

N° SIRET : 447 767 633

[…]

[…]

Représentant : Me Pascal KOERFER de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT & ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.31 – N° du dossier 17153945

SCI ROMAIN

N° SIRET : 381 09 1 2 06

[…]

[…]

Représentant : Me B-christophe BIERLING, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de

VERSAILLES, vestiaire : 433

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Octobre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Romain était propriétaire d’un appartement situé […] à Rambouillet.

Le 7 septembre 2016, elle a conclu avec la société Kap Sept Developpement (la société KSD) exerçant sous l’enseigne Century 21-Ld Rambouillet un mandat de vente sans exclusivité de ce bien. Ce mandat prévoyait que le bien devait être offert à la vente au prix de 374 000 euros, incluant la rémunération du mandataire à hauteur de 24 000 euros.

Le 17 septembre 2016, la société KSD a fait visiter le bien à M. et Mme Y qui n’ont pas donné suite à cette visite.

Par acte du 20 octobre 2016, les époux Y se sont portés acquéreurs de ce bien par l’intermédiaire de l’agence A Immobilier au prix de 364 000 euros, commission d’agence incluse.

Estimant que cette vente avait été conclue en fraude de ses droits, la société KSD, par lettres recommandées du 10 février 2017, a informé tant l’agence A que les époux Y de son intention d’obtenir réparation du préjudice lié à son éviction.

Par acte du 15 décembre 2017, elle a assigné la société Romain et M. et Mme Y devant le tribunal de grande instance de Versailles.

Par jugement du 17 décembre 2019, le tribunal a :

— condamné in solidum M. X Y, Mme E Y et la société Romain à verser à la société KSD la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamné in solidum M. X Y, Mme E Y et la société Romain aux dépens avec recouvrement direct

— débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 8 janvier 2020, M. et Mme Y ont interjeté appel.

Ils demandent à la cour, par dernières conclusions du 27 septembre 2021, de :

— les recevoir en leurs demandes, fins et prétentions et les y déclarer bien fondés,

— juger que le bon de visite signé par M. Y le 17 septembre 2016 n’a aucune efficacité juridique, et ne créait aucune obligation pour M. et Mme Y 'à l’encontre’ de la société KSD

— juger que la société Romain, le 20 octobre 2016, lors de la signature du compromis de vente dans les locaux de la société A, a été informée par M. et Mme Y et par A qu’ils avaient précédemment visité le bien par l’intermédiaire de la société KSD, exerçant sous l’enseigne Century 21,

— juger que la société Romain a volontairement conclu la vente de l’appartement avec M. et Mme Y alors même qu’elle savait que ceux-ci avaient visité ledit appartement précédemment avec la société KSD, exerçant sous l’enseigne Century 21,

— juger que la société KSD, exerçant sous l’enseigne Century 21, ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une faute délictuelle commise par M. et Mme Y.

En conséquence :

— infirmer le jugement uniquement en ce qu’il a condamné in solidum M. et Mme Y ainsi que la société Romain à verser à la société KSD, exerçant sous l’enseigne Century 21- Ld Rambouillet, la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts en sus des dépens et en ce qu’il a débouté M. et Mme Y de toutes leurs demandes reconventionnelles.

Statuant à nouveau :

— débouter la société KSD de toutes ses demandes, fins et prétentions formées contre M. et Mme Y,

— condamner la société KSD à verser à M. et à Mme Y la somme de 3 000 euros à titre de compensation pour le caractère abusif de la procédure engagée,

— condamner la société KSD à verser à M. et Mme Y la somme de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société KSD aux entiers dépens avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 24 septembre 2021, la société KSD demande à la cour de:

— la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes.

Sur l’appel interjeté par les époux Y :

— débouter les époux Y de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

— juger que M. et Mme Y ont commis une faute délictuelle vis-à-vis de la société KSD

— juger que cette faute délictuelle a causé un préjudice à la société KSD

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. et Mme Y in solidum avec la société Romain à lui payer la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. et Mme Y de leur demande reconventionnelle de condamnation au paiement de dommages et intérêts dirigées à l’encontre de la société KSD pour procédure abusive,

— confirmer en toutes ces dispositions le jugement.

Sur l’appel incident formulé par la société Romain :

— débouter la société Romain de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— juger que la société Romain a commis une faute contractuelle vis-à-vis de la société KSD,

— confirmer la validité de la clause pénale insérée dans le mandat de vente signé entre

les parties le 7 septembre 2016,

— juger que cette faute contractuelle a causé un préjudice à la société KSD

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Romain in solidum avec les époux Y à payer à la société KSD la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Romain de sa demande reconventionnelle de condamnation au paiement de dommages et intérêts dirigée à l’encontre de la société KSD pour procédure abusive,

— confirmer en toutes ces dispositions le jugement

A titre subsidiaire, si la cour devait entrer en voie de réformation à l’encontre du jugement entrepris et 'ne retenir la responsabilité de l’une ou l’autre des parties, l’origine du préjudice subi par la société KSD'

— condamner la SCI Romain à payer à la société KSD la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts en application de la clause pénale insérée dans le mandat de vente,

Ou

— condamner M. et Mme Y à payer à la société KSD la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts

En tout état de cause :

— débouter M. et Mme Y de leurs demandes reconventionnelles de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile dirigées à l’encontre de la société KSD,

— condamner solidairement M. et Mme Y à payer à la société KSD la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner solidairement M. et Mme Y en tous les dépens avec recouvrement direct ,

— débouter la société Romain de ses demandes reconventionnelles de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile dirigées à l’encontre de la société KSD

— condamner la société Romain à payer à la société KSD la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Romain en tous les dépens avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 17 décembre 2020, la société Romain demande à la cour de :

— infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— débouter la société KSD de l’ensemble de ses demandes.

Statuant à nouveau :

— condamner la société KSD à payer à la société Romain la somme de 3 000 euros pour procédure abusive,

— subsidiairement, condamner les consorts Y à garantir la société Romain de toutes sommes auxquelles elle serait condamnée dans la présente procédure,

— condamner la société KSD à payer à la société Romain la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner en tous les dépens avec recouvrement direct.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2021.

SUR QUOI LA COUR

La société Romain a fait valoir devant le tribunal que son gérant était M. F B, de sorte que le mandat de vente consenti par Mme E B, qui n’avait pas le pouvoir de l’engager, était nul et de nul effet.

Le tribunal a rejeté ce moyen au motif que Mme B s’était présentée à l’agence immobilière en qualité de représentante de la société Romain au nom de laquelle elle a consenti un mandat de vente. Le tribunal a observé que Mme B était en relations d’affaires avec l’agence qu’elle avait précédemment chargée de la mise en location d’autres biens comme en attestaient les mandats de location des 2 octobre 2015, 30 novembre 2015 et 9 février 2017, produits aux débats. Il en a déduit que la société KSD avait pu croire légitimement que Mme B était régulièrement investie du mandat de représentation dont elle se prévalait.

La société Romain fait valoir que la société KSD est un professionnel de l’immobilier et que la jurisprudence fondée sur la théorie du mandat apparent n’a pas pour objet de dispenser un professionnel de vérifier la réalité du pouvoir allégué. Il reproche au tribunal de ne pas avoir motivé les circonstances qui auraient autorisé la société KSD à ne pas vérifier les pouvoirs de Mme B.

La société KSD réplique que les relations contractuelles entre elle et Mme B étaient anciennes puisque cette dernière avait signé trois mandats exclusifs de location pour un bien immobilier situé à Rambouillet appartenant à la société Romain. Elle observe que si le mandat de vente du 7 septembre

2016 devait être tenu pour nul pour défaut de qualité de Mme B, le compromis de vente conclu le 20 octobre 2016 entre la société Romain représentée par Mme B et les époux Y serait lui aussi nul. Enfin, elle rappelle que depuis un arrêt de la Cour de cassation du 24 février 2017 l’irrégularité d’un mandat de vente n’est plus sanctionnée par la nullité absolue et que l’erreur commise dans la désignation du gérant n’induit aucun grief pour la société Romain qui ne saurait donc s’en prévaloir.

* * *

Il est désormais de principe que le formalisme du mandat de gestion immobilière, tel que prescrit par les articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dans leur rédaction issue de la loi du 24 juillet 1994, et 64, alinéa 2, du décret du 20 juillet 1972, qui sont d’ordre public, a pour objet, dans les rapports entre les parties, la sauvegarde des intérêts privés du mandant. Il s’ensuit que son non-respect entraîne une nullité relative, laquelle peut être soulevée par celui dont les intérêts sont protégés, soit ici la société Romain, sans qu’il soit nécessaire pour elle d’établir l’existence d’un grief.

Il est de principe que si le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, c’est à la condition que la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances aient autorisé le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

Au cas présent il importe de relever que la société KSD est un professionnel et qu’elle ne peut être dispensée de vérifier la réalité et l’étendue du pouvoir de celui qui lui donne mandat de vendre un bien au seul motif non établi qu’elle entretiendrait de longue date des relations de confiance avec la personne qui se présente devant elle pour conclure le mandat.

Le mandat de vendre le bien situé […] à Rambouillet a été conclu le 7 septembre 2016 par la société Romain représentée par Mme B. Il est constant que celle-ci n’a pas qualité pour représenter la société, dont le gérant est M. F B.

Pour étayer son affirmation selon laquelle elle avait déjà par le passé conclu des mandats de location avec la société Romain signés par Mme B, la société KSD verse aux débats trois mandats des 2 octobre 2015, 30 novembre 2015 et 9 février 2017. Ces mandats portent sur des biens situés […] à Rambouillet. Ils sont conclus par Mme B à titre personnel et non par la société Romain représentée par Mme B et il n’est versé aux débats aucune pièce de nature à établir que la société Romain est bien propriétaire des biens concernés par les mandats.

Il y a lieu de juger en conséquence que la société KSD n’est pas fondée à soutenir que les circonstances l’autorisaient à ne pas vérifier la réalité du pouvoir de Mme B à représenter la société Romain.

Le mandat délivré le 7 septembre 2016 doit donc être déclaré nul.

Cette nullité interdit à la société KSD de se prévaloir de ce mandat pour invoquer une faute contractuelle de la société Romain et une faute délictuelle de M. et Mme Y. Le préjudice dont elle se plaint trouve son origine dans l’absence de régularité du mandat qui lui est imputable. Ses demandes seront donc rejetées.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Les appelants et la société Romain ne démontrent pas que la société KSD ait abusé de son droit d’agir en justice en saisissant le tribunal – qui lui avait au demeurant donné raison – et seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts.

La société KSD, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel avec recouvrement direct.

L’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire

Infirme le jugement en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau

Rejette les demandes formées par la société Kap Sept Developpement à l’encontre de M. et Mme Y et de la société Romain.

Rejette les demandes en dommages et intérêts formées par M. et Mme Y et la société Romain.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Kap Sept Developpement aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de

procédure civile.

— signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la

minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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