Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 23 juillet 2021, n° 19/05758
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 12e ch., 23 juill. 2021, n° 19/05758 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 19/05758 |
Décision précédente : | Tribunal de commerce de Versailles, 25 juin 2019, N° 2017F00888 |
Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : François THOMAS, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties : SAS TELEREP FRANCE c/ S.A.S. SOCIETE D'EXPLOITATION ET DE DISTRIBUTION D'ENERGIE PARISIENNE SEDEP
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 62A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 JUILLET 2021
N° RG 19/05758 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TMKC
AFFAIRE :
C/
S.A.S. SOCIETE D’EXPLOITATION ET DE DISTRIBUTION D’ENERGIE PARISIENNE SEDEP
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Juin 2019 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2017F00888
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS JUILLET DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
N° SIRET : 351 32 0 6 50
[…]
[…]
Représentant : Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26 – N° du dossier 17118336 – Représentant : Me Julien LAMPE de l’AARPI FRECHE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
S.A.S. SOCIETE D’EXPLOITATION ET DE DISTRIBUTION D’ENERGIE PARISIENNE SEDEP
N° SIRET : 351 481 080
[…]
7800 VERSAILLES
Représentant : Me Frédérique FARGUES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 138
Représentant : Me Julien SERVADIO de la SELARL S & L, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J129 -
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Avril 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Bruno NUT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
La société SEDEP (Société d’Exploitation et de Distribution d’Energie Parisienne) est spécialisée dans
l’exploitation et la distribution de combustibles et de fiouls domestiques en région parisienne.
La société TELEREP indique exercer une activité de réhabilitation de réseaux d’assainissement.
Le 23 mars 2009, le syndic de copropriété de l’immeuble […] a accepté un devis
pour la fourniture et l’installation de 2 chaudières pour un montant de 50.497,57 ' TTC, présenté par la SEDEP
le 3 octobre 2008.
Le 9 juin 2009, ces chaudières ont été livrées, sous la forme de 16 colis pour un poids de 722kg, dans la
chaufferie de l’immeuble.
Le 11 juin 2009, un dégât des eaux est intervenu, la chaufferie de l’immeuble a été inondée et les chaudières,
alors en cours d’installation, ont été endommagées.
Selon la société SEDEP, cette inondation a été causée par la société Telerep France, qui menait des travaux de
réhabilitation d’une partie du réseau d’assainissement de la ville située […] à Viroflay.
Le 29 juin 2009, la société SEDEP a adressé au syndic de copropriété un devis d’un montant de 31.039,70 '
pour le remplacement des deux chaudières sinistrées.
Le 10 septembre 2009, la copropriété a informé la société SEDEP de son refus de prendre à sa charge le coût
de remplacement des 2 chaudières, et lui a demandé de procéder au remplacement du matériel livré désormais
endommagé.
Le 4 janvier 2010, la copropriété a accepté le devis pour le remplacement des 2 chaudières pour un montant de
31.039,70 ' qui a fait l’objet de la facture n°10/01/02484 du 6 janvier 2010.
Cette facture étant restée impayée, la société SEDEP a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble
[…] devant le tribunal de grande instance de Versailles, aux fins d’obtenir sa
condamnation au paiement de la somme de 31.039,70 '.
Par jugement du 22 janvier 2013, la société SEDEP a été déboutée de toutes ses demandes.
La société SEDEP ayant interjeté appel, la cour d’appel de Versailles, par arrêt du 17 novembre 2014, a
confirmé le jugement.
Par acte extrajudiciaire du 23 novembre 2017, la société SEDEP a assigné la société TELEREP devant le
tribunal de commerce de Versailles aux fins de la voir condamner à lui verser des dommages et intérêts en
réparation du préjudice matériel subi.
Par jugement du 26 juin 2019, le tribunal de commerce de Versailles a :
— Débouté la société Telerep de sa demande au titre de la prescription ;
— Condamné la société Telerep à payer à la société SEDEP la somme de 26 832 ' à titre de dommages et
intérêts ;
— Condamné la société Telerep à payer à la société SEDEP la somme de 2 000 ' au titre des dispositions de
l’article 700 du code de procédure civile ;
— Ordonné l’exécution provisoire ;
— Condamné la société TELEREP aux dépens.
Par déclaration du 1er août 2019, la société Telerep France a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2019, la société Telerep demande à la cour de :
— Infirmer le jugement rendu le 26 juin 2019 par le tribunal de commerce de Versailles en ce qu’il a déclaré
recevables et fondées les demandes formées par la société SEDEP et condamné la société Telerep France
comme suit :
/ « Déboute la société Telerep France de sa demande au titre de la prescription ;
/ Condamne la société Telerep France à payer à la société SEDEP la somme de 26 832 ' à titre de dommages
et intérêts ;
/ Condamne la société Telerep France à payer à la société SEDEP la somme de 2 000 ' au titre des
dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
/ Ordonné l’exécution provisoire ;
/ Condamné la société Telerep France aux dépens dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de 141.79 '. »
Statuant à nouveau,
I. A titre principal : sur la prescription de la demande formulée par la société SEDEP
— Constater que le sinistre allégué est survenu le 11 juin 2009 ;
— Constater que la société SEDEP ne démontre pas un empêchement la mettant dans l’incapacité d’agir ;
En conséquence,
— Dire et juger que le point de départ du délai de prescription de l’action engagée par la société SEDEP est le
12 juin 2009 ;
— Dire et juger que l’action engagée par la société SEDEP à l’encontre de la société Telerep France est prescrite
depuis le 12 juin 2014 ;
— Déclarer irrecevable la demande formulée par la société SEDEP à l’encontre de la société Telerep France ;
II. A titre subsidiaire : sur l’absence de responsabilité de la société Telerep France
— Dire et juger que la société SEDEP n’apporte pas la preuve de l’existence du dommage allégué, du lien de
causalité et de la faute de la société Telerep France ;
— Dire et juger que la société SEDEP n’apporte pas la preuve de la nécessité de remplacer les deux chaudières ;
— Dire et juger que le procès-verbal de constats d’huissier de justice du 12 juin 2009 excède les pouvoirs
reconnus aux huissiers de justice ;
En conséquence,
— Dire et juger que les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité civile délictuelle de la société Telerep
France ne sont pas réunies ;
— Ecarter le procès-verbal de constats d’huissier du 12 juin 2009 ;
— Rejeter la demande formulée par la société SEDEP à l’encontre de la société Telerep France;
III. A titre infiniment subsidiaire : sur le quantum sollicité
— Constater que la société SEDEP ne produit que ses propres devis et factures pour justifier du quantum
sollicité ;
En conséquence,
— Ecarter les devis et factures émanant de la société SEDEP ;
— Dire et juger que la société SEDEP ne justifie pas du quantum demandé à titre de dommages-intérêts en
réparation du préjudice allégué ;
— Rejeter la demande formulée par la société SEDEP à l’encontre de la société Telerep France;
En tout état de cause :
— Débouter la société SEDEP dans ses autres demandes, fins et conclusions;
— Condamner la société SEDEP à verser à la société Telerep France la somme de 5.000 ' au titre de l’article
700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction
au profit de Maître Michèle de Kerckhove conformément aux dispositions de l’article 699 du code de
procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2020, la société SEDEP demande à la cour de :
— Recevoir la société SEDEP en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’y déclarer bien fondée ;
Ce faisant
— Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Y ajoutant
— Condamner la société Telerep France à verser à la société SEDEP la somme de 4.500 ' au titre de l’article
700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance qui pourront être recouvrés directement
par Maître Fargues en vertu de l’article 699 du même code.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2021.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux
écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
sur la prescription
Pour écarter la prescription soulevée par la société TELEREP, le jugement a retenu que la société SEDEP ne
s’estimait plus propriétaire des chaudières endommagées pour les avoir livrées le 9 juin 2009, et que ce n’est
qu’à partir de l’arrêt de la cour d’appel du 17 novembre 2014 qui a indiqué que le matériel endommagé était
sous sa garde lors du sinistre de sorte que c’était à elle d’en supporter la perte, que la société SEDEP s’est
aperçue qu’elle était propriétaire des chaudières en question et pouvait rechercher la responsabilité de la
société TELEREP. L’assignation ayant été délivrée le 23 novembre 2017 et l’arrêt ayant été notifié le 20
novembre 2014, le premier juge a estimé que la demande n’était pas prescrite.
La société TELEREP rappelle que la prescription de cinq années a pour point de départ la date de la
réalisation du dommage ou celle où le dommage a été révélé à la victime si elle n’en avait pas connaissance
plus tôt. Elle en déduit que le sinistre s’étant produit le 11 juin 2009, cette date est celle à laquelle la société
SEDEP a eu connaissance du sinistre, et le point de départ de la prescription, puisque cette société était
parfaitement informée de sa survenance. Elle souligne que depuis le mois de juin 2009 la société SEDEP
savait que le syndic de copropriété refusait toute responsabilité et que celle de la commune de Viroflay était
engagée, et ne peut solliciter un report de prescription du fait d’un empêchement d’agir plus tôt. Elle en déduit
que l’action engagée tardivement est prescrite.
La société SEDEP soutient que le point de départ de la prescription est à minima celui du transfert des risques
et de la propriété des chaufferies, et qu’elle n’a su être propriétaire des chaudières qu’à la suite de l’arrêt de la
cour d’appel de Versailles, ayant précédemment conclu que la copropriété était propriétaire du matériel dès sa
livraison. Elle ajoute que ce n’est qu’à la suite de cette décision qu’elle s’est vue reconnaître la propriété des
chaudières détruites, la cour d’appel ayant refusé d’opérer le transfert de garde, et qu’elle n’avait pas qualité ou
intérêt à agir sur le fondement délictuel avant d’être déclarée propriétaire des chaudières. Elle en conclut que
sa demande n’est pas prescrite.
***
L’article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à
compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à
laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Le point de départ de la prescription est le jour de connaissance du sinistre par le titulaire de droits.
En l’espèce, la société SEDEP a fait établir dès le 12 juin 2009 un procès-verbal de constat dans lequel
l’huissier a reçu les déclarations de cette société selon lesquelles le local chaufferie dans lequel étaient
stockées les deux nouvelles chaudières en attente d’être posées était inondé, que cette inondation était due à
une obturation de canalisation d’eaux usées suite à des travaux de gainage en cours de réalisation rue
Welschinger à Viroflay effectués par la société TELEREP, et que les chaudières étaient touchées par
l’inondation. L’huissier a relevé des traces d’humidité sur les deux chaudières présentées comme neuves sur 31
cm de haut pour l’une, jusqu’à 50 cm de haut pour l’autre.
Il s’en suit que dès le mois de juin 2009, la société SEDEP était informée de la survenance du dommage, du
fait de l’intervention de la société TELEREP. Le rapport Polyexpert du 22 septembre 2009 le confirme,
puisqu’il conclut à l’engagement de la responsabilité civile de la ville de Viroflay, en sa qualité de maître
d’oeuvre des travaux réalisés par la société TELEREP.
En l’espèce, la société SEDEP ne justifie pas d’une impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant
de la loi, de la convention ou de la force majeure, ainsi que le prévoit l’article 2234 du code civil.
L’engagement d’une action en paiement de la facture de 31.039,70 ' par la société SEDEP à l’encontre du
syndicat des copropriétaires ne saurait constituer un tel empêchement, et l’arrêt de la présente cour d’appel
indiquant que le matériel endommagé était sous la garde de la société SEDEP au moment du dommage et que
c’est à elle d’en supporter la perte n’a aucunement transféré la propriété des chaudières endommagées à la
société SEDEP, laquelle en est toujours restée propriétaire faute de les avoir installées.
Le refus par la cour d’appel dans son arrêt du 17 novembre 2014 du transfert de la garde et des risques sur la
copropriété ne saurait être considéré comme le point de départ de la prescription.
Il s’en suit que la société SEDEP n’a pas été empêchée, au sens de l’article 2234, d’agir contre la société
TELEREP, et que le point de départ de la prescription se situe au 12 juin 2009, de sorte qu’en engageant son
action par acte du 23 novembre 2017 à l’encontre de la société TELEREP, la société SEDEP a agi
tardivement.
La prescription étant alors acquise, la demande de la société SEDEP sera déclarée irrecevable, et le jugement
sera réformé sur ce point, ainsi qu’en toutes ses autres dispositions.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de frais irrépétibles et de ses dépens de 1re
instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable la demande formulée par la société SEDEP à l’encontre de la société Telerep France,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens de 1re instance et d’appel.
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure
civile.
signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Madame GERARD, Faisant fonction de greffier,
auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le faisant fonction greffier, Le président,
Textes cités dans la décision