Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 4 novembre 2021, n° 20/01676
Chronologie de l’affaire
Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 12e ch., 4 nov. 2021, n° 20/01676 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 20/01676 |
Décision précédente : | Tribunal de commerce de Nanterre, 29 octobre 2019, N° 2018F01368 |
Dispositif : | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : François THOMAS, président
- Avocat(s) :
- Parties :
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 55B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 NOVEMBRE 2021
N° RG 20/01676 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T2AD
AFFAIRE :
C/
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 30 Octobre 2019 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2018F01368
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Pierre-antoine CALS,
Me Claire RICARD,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
N° SIRET : 820 073 666
[…]
[…]
Représentant : Me Pierre-antoine CALS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 719 – Représentant : Me Frédéric ZERBIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2125
APPELANTE
****************
N° SIRET : 383 960 135
[…]
[…]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2200983 – Représentant : Me Anne-sophie CANTREL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1505
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Septembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Y Z, Magistrat honoraire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Y Z, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Patricia GERARD,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Business Web Market exerce une activité de vente de gros ordinateurs et d’équipements divers. Elle
utilise les services de la société Chronopost pour l’acheminement de ses colis auprès de ses différents clients.
À compter du mois de novembre 2017, la société Business Web Market a cessé de payer les factures de
transport émises par la société Chronopost au motif que de graves dysfonctionnements – pertes et vols – lui
causaient un important préjudice matériel et d’image.
Par courriel du 14 février 2018, la société Chronopost a demandé à sa cliente la régularisation de son solde
débiteur, et lui a adressé par lettre recommandée AR du 1er mars 2018 une mise en demeure de régler la
somme de 22 093,28 '.
Faute de règlement, la société Chronopost a procédé à la fermeture du compte de la société Business Web
Market par lettre recommandée AR du 6 mars 2018.
Le 26 mars 2018, une nouvelle lettre de mise en demeure a été adressée par la société Chronopost à la société
Business Web Market, à laquelle il aurait été répondu par courrier du 11 mai 2018, ce que conteste la société
Le 2 août 2018, la société Chronopost a assigné la société Business Web Market devant le tribunal de
commerce de Nanterre.
Par jugement du 30 octobre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :
— condamné SAS Business Web Market à payer à SAS Chronopost la somme de 28 080,12 ' augmentée des
intérêts égaux au taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points, ainsi
que la somme de 240 ' (40 '*6) pour frais de recouvrement ;
— ordonné la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343 alinéa 2 du code civil ;
— débouté SAS Business Web Market de l’ensemble de ses demandes;
— condamné SAS Business Web Market à payer à SAS Chronopost la somme de 1.000 ' sur le fondement de
l’article 700 du code de procédure civile ;
— ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
— condamné SAS Business Web Market aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 13 mars 2020 par la société Business Web Market
Vu les conclusions notifiées le 12 juin 2020 par lesquelles la société Business Web Market demande à la
cour :
— d’infirmer le jugement du tribunal de Nanterre du 30 octobre 2019,
Puis statuant à nouveau :
Avant dire droit, de :
— redonner à Business Web Market l’accès au gestionnaire de litiges sur le site Chronopost pour lui permettre
de présenter au tribunal (sic) les justificatifs des colis perdus ou volés, et parfaire le préjudice allégué,
Au fond,
— Débouter purement et simplement la société Chronopost de toutes ses demandes fins et conclusions,
— Condamner la société Chronopost à payer à la société Business Web Market la somme de 80.000' au titre des
différents préjudices,
Subsidiairement,
— opérer une compensation entre les sommes dues à la société Business Web Market et les sommes
éventuellement dues à la société Chronopost,
— ordonner à la société Chronopost de remettre les attestations de pertes pour les colis déclarés perdus ou
volés,
— condamner la société Chronopost à payer à la société Business Web Market la somme de
3.000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux dépens,
Vu les conclusions notifiées le 9 septembre 2020 par lesquelles la société Chronopost demande à la cour
de :
— dire et juger que la société Business Web Market ne rapporte pas la preuve des faits qu’elle allègue ;
— débouter la société Business Web Market de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
En conséquence,
— confirmer le jugement rendu le 30 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses
dispositions, sauf en ce qu’il condamné la société Business Web Market à verser à la société Chronopost la
somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— infirmer le jugement en ce qu’il n’accorde que la somme de 1.000 euros en vertu de l’article
700 code de procédure civile au titre des frais engagées devant le tribunal de commerce de Nanterre ;
Statuant à nouveau,
— condamner la société Business Web Market à verser à la société Chronopost la somme de 3.000 euros au
titre des frais de l’article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
— condamner la société Business Web Market à payer à la société Chronopost la somme de 3.000 euros au titre
de l’article 700 du code de procédure civile ;
— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
et la condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 juin 2021.
EXPOSÉ DU LITIGE
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du
code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande avant dire droit
La société Business Web Market sollicite, avant dire droit, l’accès au « gestionnaire des litiges » afin de vérifier
l’effectivité des livraisons ainsi que l’état et l’étendue des réclamations lui permettant de parfaire le préjudice
qu’elle allègue.
La société Chronopost fait valoir que cette fonctionnalité d’accès a cessé dès la date de résiliation du contrat,
que les réclamations ont été traitées lorsqu’elles étaient justifiées, que l’article L.133-3 du code de commerce
prévoit un délai de trois jours pour formuler une réclamation suivant la date de réception des objets
transportés, délai que n’a pas respecté la société Business Web Market, que les réclamations alléguées portent
sur des factures émises à compter du mois d’octobre 2017 alors que la fermeture de cet accès est intervenue 4
mois plus tard le 6 mars 2018 ce qui laissait à cette société la possibilité de consulter le "gestionnaire des
litiges", de sorte que le rejet de cette demande avant dire droit doit être confirmé.
La société Business Web Market n’explique ni les fonctionnalités de ce « gestionnaire des litiges », ni en quoi
l’accès à celui-ci lui permettrait de « parfaire » son préjudice. Elle affirme que l’accès lui permettrait de vérifier
l’effectivité des livraisons ainsi que « l’état et l’étendue » des réclamations. Elle ne produit aucune pièce
permettant d’éclairer la cour sur ce point.
Le jugement qui a rejeté cette demande avant dire droit sera confirmé.
Sur le fond
Sur la créance de 28.080,12 '
Au visa des articles 1353 et 1363 du code civil, la société Business Web Market soutient que la seule
production du relevé de compte du 17 juillet 2018 et des factures non acquittées ne suffit pas à rendre exigible
cette créance alors qu’elle n’a cessé de porter réclamations sans que celles-ci soient satisfaites. Elle ajoute qu’il
conviendra de tenir compte, dans l’évaluation du montant de la créance, de suppléments appliqués indûment.
La société Chronopost conteste les manquements (vols ou pertes) qui lui sont imputés par l’appelante de sorte
que le principe de l’exception d’inexécution n’a pas vocation à s’appliquer et que le montant de 28.080,12 '
qu’elle réclame est dû. Elle sollicite également la somme de 240 ' au titre des frais de recouvrement.
Sur ce,
La somme de 28.080,12 ' correspond à la somme de 6 factures minorée de 5 avoirs totalisant la somme de
47.21 ', émises entre le 31 octobre 2017 et 31 janvier 2018, pour des prestations effectuées entre le 1er octobre
2017 et le 31 janvier 2018, chacune exigible un mois plus tard à l’exception de celle émise le 31 janvier 2018
exigible deux mois plus tard.
La société Business Web Market verse aux débats des courriels échangés avec la société Chronopost, pendant
la période d’émission des factures litigieuses qui font état de nombreuses difficultés rencontrées par celle-ci à
cause de colis perdus et de la tracasserie administrative imposée par la société Chronopost pour obtenir
réparation (courriel du 30 novembre 2017 de la société Business Web Market) sans contestation de la société
Chronopost (réponse du même jour : "Concernant vos litiges, la sûreté a été alertée et nous n’avons pas eu leur
retour… Concernant les documents , c’est le process, nous devons transmettre à l’assureur des dossiers
complets… Nous en saurons bientôt plus et mènerons les actions correctives , soyez-en assurée…"). Un nouvel
échange de courriels du 14 février 2018 a eu lieu à la suite de l’envoi d’une demande comminatoire de
règlement des factures litigieuses impayées avec menace, en l’absence de paiement au plus tard le lendemain à
midi, d’une suspension des prestations. La cour relève que la société Business Web Market répond
immédiatement s’être entretenue avec la responsable de son compte chez Chronopost (Mme A X) à
propos d’erreurs de facturation et d’une trentaine de colis perdus. Mme X écrit le même jour au responsable
de la société Business Web Market. "…. nous allons revoir les factures …. et vous faire un avoir s’il y avait eu
des suppléments appliqués à tort… Vous avez également des colis perdus…..".
Il s’en déduit que la société Business Web Market justifie de difficultés rencontrées (erreur de facturation ;
pertes de colis ; complexité des dossiers de réclamation) non contestées par la société Chronopost.
Il appartient toutefois à la société Business Web Market de justifier, facture par facture, de l’existence de
manquements permettant de vérifier la réalité de la mauvaise exécution de la prestation de la société
Chronopost correspondante à ces factures. Or les échanges de correspondances rappelés ci-dessus ne
permettent pas de procéder à cette vérification et d’établir l’existence de manquements correspondant aux
prestations facturées. Elle fait état d’un vol de marchandises à son préjudice mais le procès verbal d’audition
du 5 décembre 2017 du représentant d’une société dénommée AD Consult, entendue comme victime, ne
permet pas d’incriminer la société Chronopost à propos des prestations objet des factures litigieuses. Enfin, la
société Business Web Market ne justifie pas davantage de suppléments appliqués indûment.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la société Business Web Market ne peut se prévaloir de l’exception
d’inexécution et doit s’acquitter du montant réclamé.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le préjudice, la compensation et les attestations de pertes
La société Business Web Market soutient que la société Chronopost, débitrice de l’obligation d’acheminement,
a commis une faute lourde, des colis ayant été perdus ou volés, ce qui tient, par ailleurs, en échec la clause de
limitation de responsabilité prévue au contrat.
Elle fait valoir que la société Chronopost était tenue de l’indemniser de toutes les suites de l’inexécution et non
de se limiter à une indemnisation forfaitaire de sorte que les demandes de la société Chronopost doivent être
appréciées en fonction de l’obligation de celle-ci de réparer les préjudices qu’elle a subis. Elle estime ce
préjudice à 50.000 ' au titre des colis volés ou perdus. Elle allègue, en outre, d’un préjudice d’image de 30.000
'.
La société Chronopost soutient que les conditions d’indemnisation sont prévues aux conditions générales de
vente acceptées par la société Business Web Market, que celles-ci ont été respectées lorsqu’il y avait lieu à
indemnisation et qu’enfin elle n’a commis aucun manquement.
Sur ce,
La société Business Web Market succombe, ainsi qu’il a été constaté précédemment, à démontrer l’existence
de manquements de la société Chronopost commis à l’occasion des prestations que cette dernière a exécutées
entre le 1er octobre 2017 et le 31 janvier 2018. Sa demande de réparation d’un préjudice matériel et d’image
ne peut dès lors être accueillie, ni celle relative à une éventuelle compensation ou à une communication
d’attestations de pertes de colis prétendument volés ou perdus.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions relatives aux dépens et à l’indemnité de procédure prises par les premiers juges seront
confirmées.
La société Business Web Market sera condamnée aux dépens d’appel.
Il sera alloué, en appel, à la société Chronopost une indemnité de procédure de 2.000 '.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 30 octobre 2019,
Y ajoutant,
Déboute la société Business Web Market de l’ensemble de ses demandes,
Déboute la société Chronopost de sa demande de porter l’indemnité de procédure accordée par les premiers
juges à 3.000 ',
Condamne la société Business Web Market aux dépens d’appel,
Condamne la société Business Web Market à payer à la société Chronopost la somme de 2.000 ' en
application de l’article 700 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure
civile.
signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de
la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
Textes cités dans la décision