Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 6 mai 2021, n° 19/02049

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 MAI 2021

N° RG 19/02049 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TFQX

AFFAIRE :

T Y

C/

SA AJ AC-FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mars 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 15/00719

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL CABINET A-P

la SCP BIGNON LEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX MAI DEUX MILLE VINGT ET UN, après prorogation du QUINZE AVRIL DEUX MILLE VINGT ET UN , les parties en ayant été avisées.

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur T Y

né le […] à […]

de nationalité Française

7 à 9 rue AU Baptiste Charcot

[…]

Représentant : Me Alina PARAGYIOS de la SELEURL CABINET A-P, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374

APPELANT

****************

SA AJ AC-FRANCE

N° SIRET : 572 093 243

[…]

[…]

Représentant : Me Marie-charlotte DIRIART de la SCP BIGNON LEBRAY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0299

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Mars 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie AMAND, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Valérie AMAND, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCEDURE

M. T Y, né le […], a été engagé à compter du 17 mars 2014 en qualité de

Responsable financier, par la société AJ AC France, selon contrat de travail à durée indéterminée

moyennant un salaire mensuel de 6 416,67 euros. Il était rattaché hiérarchiquement au Directeur

Financier de la région AFOS (Afrique Dom-Tom et Surinam).

L’entreprise, qui est spécialisée dans la production et la commercialisation de peintures, vernis et

produits d’étanchéité industriels, emploie plus de dix salariés, et relève de la convention collective

des industries chimiques.

Selon avenant en date du 15 avril 2014 et ordre de mutation du 29 avril 2014, il a été expatrié le 1er

mai 2014 pour une durée de trois ans pour exercer auprès de la société Compagnie Equatoriale de

Peintures située au Cameroun à Douala, laquelle est une filiale de la société AJ AC France, les

fonctions de Directeur financier zone Afrique de l’Ouest, coefficient 550 de la convention collective

nationale des industries chimiques. Il devait s’occuper à ce titre de trois pays de la sous-région, à

savoir le Cameroun, le Gabon et le Congo Brazzaville et était rattaché hiérarchiquement au Directeur

Financier de la région AFOS (Afrique Dom-Tom et Surinam).

L’article 8 de l’avenant prévoyait que le contrat d’origine était maintenu, de même que le lien de

subordination avec l’employeur d’origine et la rémunération réglée par la société AJ AC France,

laquelle répondait aux modalités prévues à l’article 1.

Dans le cadre de l’expatriation, le salarié a également bénéficié d’un contrat de droit camerounais

conclu avec la société CEP dirigée par M. X.

Par courrier remis en main propre le 12 novembre 2014, la société a informé à M. Y qu’il

serait dispensé d’activité le temps que son rapatriement du Cameroun puisse être organisé, dispense

qui lui serait intégralement rémunérée.

M. Z, Directeur général de la région AFOS, a demandé à M. Y, par courriel doublé d’une

lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 décembre 2014, qu’il fournisse des

explications sur les manquements qui lui étaient reprochés, à savoir un comportement et des propos

inadaptés lors de ses missions dans les filiales et ce, au plus tard le 31 décembre 2014.

Le 4 janvier 2015, M. Y a réfuté ces allégations et contesté tout manquement de sa part.

La société CEP a, par courrier en date du 13 janvier 2015, licencié M. Y pour faute lourde.

Le 16 janvier 2015, M. Y a été convoqué par la société mère AJ AC à un entretien préalable

à un éventuel licenciement, fixé au 9 février 2015 et le 13 février 2015, il a été licencié pour faute

grave.

Le 12 mars 2015, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre d’une contestation de la

rupture de son contrat de travail et lui a demandé de constater à titre principal la nullité de son

licenciement et d’ordonner sa réintégration au sein de la société AJ AC et à titre subsidiaire de

juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui

verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s’est opposée aux demandes, et a sollicité une somme de 2000 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 21 mars 2019, notifié le 12 avril 2019, le conseil (section encadrement) a:

— rejeté la demande de nullité du licenciement de M. Y,

— dit que le licenciement repose sur une faute grave,

— débouté M. Y de l’ensemble de ses demandes,

— condamné M. Y à verser à la société la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du

code de procédure civile,

— débouté la société du surplus de ses demandes,

— condamné M. Y aux éventuels dépens.

Le 2 mai 2019, M. Y a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 10 février 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture

de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 9 mars 2021.

Par dernières conclusions écrites du 1er août 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé

de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. Y

demande à la cour :

— d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre ;

et par conséquent,

à titre principal, de :

— juger que le licenciement est nul ;

— ordonner sa réintégration au sein de la société AJ AC France sous astreinte de 200 euros par jour

de retard à compter de la date de la décision à intervenir ;

en conséquence, de :

— condamner la société AJ AC France à lui verser les sommes suivantes :

29 127,99 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

2 912,79 euros à titre de congés payés afférents ;

97 093,30 euros (10 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

407 791,86 (42 mois) à titre de rappel de salaire pour la période allant de la date de rupture du

contrat de travail à la date de la réintégration ;

40 779, 18 euros à titre de congés payés afférents ;

à titre subsidiaire, de :

— juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

en conséquence, de :

— condamner la société AJ AC France à lui verser les sommes suivantes :

97 093,30 euros (10 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause

réelle et sérieuse ;

29 127,99 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

2 912,79 euros à titre de congés payés afférents ;

et, en tout état de cause :

— juger que la société AJ AC France a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

— juger que la société AJ AC France a exécuté le contrat de travail de mauvaise foi ;

— condamner la société AJ AC France à lui verser les sommes suivantes :

58 255,98 euros (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

77 674,64 (8 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité

de résultat ;

77 674,64 euros (8 mois) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de

travail ;

20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel ;

30 000 euros en réparation du préjudice Pôle emploi ;

— ordonner la production du procès-verbal du comité d’entreprise, signé par le premier salarié

expatrié envoyé par la société, qui dispenserait la société AJ AC France de soumettre les primes

d’expatriation aux cotisations sociales ;

— ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés et conformes des mois de mai à décembre 2014

;

— ordonner la remise des documents sociaux conformes notamment l’attestation Pôle emploi

conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

— condamner la société AJ AC France à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700

du code de procédure civile ;

— condamner la société AJ AC FRANCE aux entiers dépens.

Par dernières conclusions écrites du 24 octobre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample

exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la

société AJ AC France demande à la cour de :

— la recevoir en ses fins et conclusions et, y faisant droit,

— fixer la rémunération mensuelle moyenne de M. Y à 6 416,67 euros bruts,

— dire et juger que le licenciement de M. Y n’encourt pas la nullité,

— dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. Y est justifié,

— dire et juger que AJ AC-France n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité de

résultat,

— dire et juger que AJ AC-France n’a pas manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du

contrat de travail,

— en conséquence, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre en toutes

ses dispositions,

— débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes,

— condamner M. Y à verser à AJ AC-France la somme de 3 000 euros au titre de l’instance

d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. Y aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement

Le salarié plaide qu’il a été licencié en fait pour avoir dénoncé l’existence de fumées toxiques sur son

lieu de travail au Cameroun, ce dont il déduit que son contrat de travail a été rompu pour avoir usé de

sa liberté d’expression pour dénoncer des faits délictueux portant atteinte à sa santé personnelle et à

celle de ses collègues. Affirmant avoir eu connaissance en octobre 2014 de l’existence de fumées

toxiques provenant d’un site voisin en récupérant un courriel daté du 1er avril 2014 adressé à

différents directeurs de la filiale camerounaise, avoir alors interrogé et alerté sa supérieure

hiérarchique chez AJ AC France, Mme A (directrice financière AFOS) sur les risques

auxquels il était exposé et avoir reçu pour toute réponse que la société connaissait ces risques et que

diverses mesures de préventions étaient déjà prises, il souligne la concomitance de son alerte

d’octobre 2014 et du courriel du 7 novembre 2014 aux termes duquel Mme A lui a demandé

de cesser sa mission en cours au Gabon et de rentrer au siège en vue d’ un entretien fixé au 12

novembre 2014 pour faire un point finance en face à face. Il soutient qu’au cours de l’entretien du 12

novembre 2014 tenu en présence de Mme A et de M. B, responsable des ressources

humaines chez AJ AC, il lui a été indiqué que sa sécurité n’était plus assurée en Afrique, que

l’intention du groupe était de lui proposer une nouvelle affectation, qu’il lui a été demandé de

restituer son ordinateur professionnel et qu’ il lui a été remis en mains propres un courrier l’informant

qu’il ne devrait plus retourner au Cameroun et qu’il était dispensé d’activité afin d’organiser son

rapatriement ; il ajoute avoir été mis au placard pendant plusieurs mois pendant lesquels il a dénoncé

auprès de différents départements du groupe AJ le management sur la gestion de diverses filiales,

la présence de fumées toxiques et sa mise à l’écart, ce qui a entraîné, alors qu’il n’avait jamais fait

l’objet de la moindre sanction, son licenciement brutal par la société CEP deux mois après son

interdiction de retourner au Cameroun, fondé sur des griefs qu’il conteste formellement et prétend

que ce licenciement est un montage et a pour objet, tout comme la décision du 7 novembre de la

société mère, de l’empêcher de propager l’information concernant les fumées toxiques auprès des

autres salariés afin d’éviter tout scandale compte tenu de précédentes accusations portées contre la

société AJ AC France de vendre en Afrique des peintures contenant du plomb.

Il soutient que le licenciement précipité par la société française, l’absence de reclassement sur un

poste au sein de la société mère, l’imprécision des motifs invoqués et la reprise des griefs évoqués

par la filiale, ainsi que la chronologie des faits dont le 7 novembre est le point de départ sont autant

d’éléments rendant évident que son licenciement par la société mère fait suite à l’alerte qu’il a donnée

et à ses différentes dénonciations des irrégularités commises dans la gestion des filiales. Il ajoute

qu’il ne peut lui être fait grief d’avoir reproché à la société mère de ne pas vouloir assurer sa sécurité

s’il devait retourner en Afrique, et de persister à refuser son retour au Cameroun pour l’empêcher de

parler aux salariés des fumées toxiques, des lors qu’il s’agissait de simples constats qu’il opérait dans

le cadre de l’usage normal de sa liberté d’expression et donc non susceptibles de justifier son

licenciement.

La société s’oppose à la nullité sollicitée en objectant que le licenciement du salarié n’a pas été décidé au motif de sa ' découverte fortuite et la dénonciation de l’existence de fumées toxiques au

Cameroun', mais en raison, d’une part, de son comportement inacceptable adopté lors de sa mission

au sein de sa filiale CEP, lequel a indéniablement porté atteinte à l’image de la société mère, d’autre

part, de son insubordination par la multiplication des reproches infondés à son encontre et enfin, de

la remise en cause de ses décisions prises dans le cadre de sa réintégration après son licenciement

pour faute lourde par sa filiale, tous griefs dont elle estime rapporter la preuve. Elle fait observer

qu’elle n’a pas reproché des propos sciemment exagérés concernant les soit-disant manquements de

la société à la protection de santé de ses salariés, ce reproche ayant été fait par la société CEP, alors

qu’au surplus les allégations de manquements à son obligation de sécurité sont mensongères. Elle fait

valoir que le salarié ne peut sérieusement prétendre être ' devenu gênant en raison de sa dénonciation

de fraudes dans la gestion des filiales africaines et de sa découverte de fumées toxiques' et avoir été

licencié en représailles, dans la mesure où en fait les fumées toxiques provenant de l’aciérie voisine

avaient depuis longtemps éveillé la vigilance de la société CEP, laquelle avait pris dès avril 2014 des

mesures concrètes et adaptées pour protéger les salariés, en sorte que M. Y n’était pas 'gênant';

de même, les irrégularités en matière comptable et financière relevées par le salarié n’ont pas été

découvertes par ce dernier car elles étaient préétablies et M. Y avait été engagé précisément

pour remettre de l’ordre dans la comptabilité des filiales africaines de son périmètre. Au demeurant,

les irrégularités ayant été rapportées dès avril 2014, la société aurait pu mettre fin à la période d’essai

de son salarié s’il avait été gênant, ce qu’elle n’a pas fait.

La liberté d’expression est consacrée par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme

et du citoyen ainsi que par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de

l’homme. S’agissant des droits et libertés dans l’entreprise, le code du travail a adopté une disposition

spécifique, issue de la loi du 31 décembre 1992 qui dispose sous l’article L 1121-1:

''Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de

restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but

recherché.'

Il en ressort que, sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté

d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et

proportionnées au but recherché peuvent être apportées et que le licenciement intervenu en raison de

l’exercice non abusif de la liberté d’expression est nul.

Par ailleurs, selon l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°

2013-1117 du 6 décembre 2013, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté ou témoigné, de

bonne foi, de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit et d’un crime dont il aurait eu

connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

En cas de litige relatif à l’application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des

éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi, de faits

constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de

prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au

témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes

les mesures d’instruction.

En l’espèce, il ressort des explications et pièces produites par les parties les faits constants suivants :

— avant son départ en expatriation à compter du 1er mai 2014, le salarié a effectué en mars/avril 2014

un premier voyage-découverte en Afrique Centrale ;

- le salarié produit un échange de courriels du 1er avril 2014 entre M. X, directeur général de

CEP Cameroun, M. C, directeur technique, M. Z, directeur général AFOS) et M.

D directeur environnement/santé/ sécurité, à la suite de la réception d’un rapport d’analyses de

cendres prélevées sur le sol de CEP, mettant en évidence une forte teneur de métaux lourds toxiques

pour la santé humaine ; au vu de ces résultats, le référent santé M. D préconisait de : 1/

informer le personnel sur les analyses sans rentrer dans le détail

des résultats et définir qu’au vu des premiers résultats et dans le cadre du « principe de précaution »,

lors du constat de l’apparition des fumées le personnel doit se munir de masque FFP3 afin de limiter

l’absorption des particules dans les poumons (…). Il faut bien sensibiliser les employés sur

l’obligation de prendre une douche avant de rentrer chez eux afin d’ éviter le transfert de particules

des cendres à leur domicile et ainsi contaminer leurs familles …

2/Faire réaliser des prélèvements selon les protocoles IH sur les personnes lors de la présence des

fumées. À ce prélèvement, nous devons anticiper l’aspect légal dont nous pourrions avoir besoin en

cas d’actions juridiques futures. Ces prélèvements devront être réalisés par un consultant local

accrédité d’État ou avec un consultant local accrédité Cofrac si pas d’accréditation localement. Les

prélèvements devront être réalisés en présence d’un huissier de justice durant toute la période de

prélèvement afin de garantir leur intégrité'

3/A réception des résultats, nous pourrons mieux appréhender les protocoles d’analyse médicale à

mettre en place avec la médecine du travail. Néanmoins en fonction des contaminations (exemple

plomb, chrome etc.) nous devons avoir à notre niveau un excellent historique médical des employés

afin de pouvoir démontrer un accroissement significatif de la contamination dans le corps (sang,

urine etc.) suite à l’implantation de cette nouvelle usine à proximité de la nôtre si nous voulons être

crédibles auprès du tribunal où il faudra démontrer la non-utilisation des substances incriminées dans

la formulation de nos peintures. La confusion sera facile à générer car les résultats ressemblent

beaucoup à celles des fumées de soudage ou de par le manque d’hygiène dans les lieux

d’habitation…;

- le salarié a adressé un courriel à sa supérieure hiérarchique Mme A en France le 25 octobre

2014 aux termes duquel il l’informait ' je suis tombé par hasard sur un mémo émanant du groupe

disant que les fumées en provenance de nos voisins (usine de retraitement métallique) contenaient

des particules très toxiques composées de plomb et de cadmium et qu’il fallait prendre des mesures

urgentes afin de protéger la santé des salariés (douches, port d’équipement…).

Ces fumées sont aujourd’hui à une cadence infernale et il ne se passe pas une journée sans que nous

soyons totalement asphyxiés à un moment ou à un autre.

A mon niveau, je n’ai jamais été informé ni des risques ni des résultats d’analyses. Je crois que les

autres employés ne le sont pas non plus. Personnellement je souffre d’une toux chronique depuis des

mois qui m’oblige aujourd’hui à prendre une journée de repos lundi .

J’aimerais discuter avec toi de ce sujet délicat et voir si l’on ne peut pas me transférer le cas échéant

sur un autre site de la région étant donné mes fonctions qui m’imposent de fréquents voyages tant au

Gabon qu’au Congo, même si j’apprécie beaucoup de travailler avec mes collègues du Cameroun.

Tu m’avais aussi parlé il y a quelques mois de reprendre le Nigéria dans mon périmètre en plus des

3 pays dont j’ai déjà la charge.

- Mme A a répondu au courriel de M. Y le 4 novembre 2014 en ces termes :

'Je reviens vers toi sur ce sujet qui est en effet délicat et qui a bien été pris en compte par notre

filiale. Les employés de CEP ont été informés par le directeur ou la personne en charge de l’EHS de

cette situation. Plusieurs niveaux d’action ont été engagés par la filiale :

- mesures conservatoires : mise à disposition de tous les employés le demandant de masque avec les

cartouches filtrantes,

- encouragements d’utilisation des douches, pour éviter de revenir au domicile des contaminants,

- des mesures des poussières résiduelles se trouvant sur le toit des ateliers et des mesures de fumée

ont été effectuées ou sont actuellement en cours. En fonction des résultats, d’autres mesures de

précaution plus ciblées seront alors envisagées ;

- des démarches officielles ont été effectués à l’encontre de la société « voisine », puis aux autorités

compétentes suite au mutisme de la société.

CEP a pris les mesures d’urgence nécessaires et en temps opportun pour protéger la santé des

employés du site. Je te laisse te rapprocher des personnes sur place pour avoir plus d’informations.'

— le salarié le 6 novembre 2014 a remercié son interlocutrice de sa réponse et a indiqué ' je vais me

renseigner ';

— le 7 novembre 2014, Mme A a proposé à son salarié de remplacer le point téléphonique

initialement convenu entre eux le 12 novembre 2014, par un point général de la zone en 'face à face'

avec M. E, responsable des ressources humaines, ce qui a été accepté par M. Y qui a

quitté sa mission en cours auprès de la société GPL au Gabon débutée le 29 octobre et devait se

poursuivre jusqu’au 21 novembre 2014 pour se rendre à l’entretien du 12 novembre 2014 ;

— le salarié a, par courriel du 10 novembre 2014 ayant pour objet 'Mémo GPL’ (pièce 10), rendu

compte à Mme A avec en copie M. Z et M. E, de son début de mission au

Gabon, rapportant qu’il n’avait pu 'mener [ma] mission dans des conditions optimales et de manière

indépendante', expliquant qu’il 'n’avait pu faire le moindre ajustement, ces derniers ayant été refusés

par le Directeur général de GPL', qu’il lui avait ' été difficile par exemple de poser la moindre

question au Finance manager local sur les clients (taux de TVA applicable ou règle de

provisionnement) sans que le directeur général de cette filiale ne m’en fasse le reproche

publiquement'; il faisait état de ses premiers constats (notamment un écart de 100 M sur le montant

des immobilisations brutes sur la comptabilité et le tableau des immobilisations lequel n’a pas été

alimenté depuis 2014 des nouvelles immobilisations, différents écarts entre les comptes généraux

clients et les comptes individuels client, une provision sur clients diminuée artificiellement …) et des

premières actions entreprises pour les régulariser ; il indiquait ne pas pouvoir traiter d’autres points

prévus du fait de la cessation de sa mission ; il concluait son courriel ainsi ' je te laisse le soin de

reporter tous ces éléments à AB V ( Suisse) et AL AM ( AT).

- aucune des parties ne produit de compte-rendu objectif et contradictoire de l’entretien tenu le 12

novembre 2014, mais il est constant que la société mère a remis au salarié un document indiquant ' je

vous confirme que nous vous dispensons d’activité le temps que vous puissiez organiser votre

rapatriement du Cameroun, cette période vous sera rémunérée.'

— les parties, contraires en fait sur la teneur de l’entretien, ont échangé entre le 12 et le 15 novembre

2014 différents courriels et courriers fixant la position de chacune, laquelle peut se résumer ainsi :

— le 13 novembre 2014, par plusieurs courriels ayant pour objet ' retour Cameroun et divers’ le salarié

indique au responsable des ressources humaines que 'sa ligne a été coupée volontairement … mais ce

n’est pas bien grave, je crois que je vais contacter AC AD pour mon billet car il est

préférable que je règle moi-même toutes ces formalités même si cela ne m’enchante guère', puis lui

précise qu’il a 'contacté AC AD pour qu’elle lui réserve un billet d’avion. Il faudra aussi

que le Cameroun me réserve une chambre d’hôtel et me dire comment je vais me déplacer sur

Douala en toute sécurité pour aller à l’entrepôt, à la banque, à l’usine; je n’aimerais pas revivre

l’expérience du Gabon la semaine dernière où j’ai été arrêté par la gendarmerie dans un taxi et

obligé de payer une amende.'

— le même jour, le responsable des ressources humaines a répondu au salarié ' j’attends de connaître

ta date d’arrivée et de départ pour toute réservation d’hôtel, transport, etc… Concernant la sécurité,

comme expliqué hier, tu t’es mis en situation d’insécurité tout seul au Gabon en ne respectant pas les

règles du groupe. Nos collègues du marketing et du refinish n’ont à aucun moment été dans une

situation d’insécurité (pourtant présent en même temps que toi). De plus nous ne saurions tolérer

d’envoyer nos salariés dans une zone où l’insécurité règne.', tandis que le salarié rétorquait avoir

suivi les règles du groupe mais déplorer le fait que personne n’ait été le chercher à l’hôtel, ( à la

différence des deux personnes évoquées) et qu’il n’ait été mis aucune voiture ni convoyeur à sa

disposition, précisant avoir été seul pendant 10 jours avec tous les risques inhérents au pays… Le

patron de la filiale au Gabon a mis ma situation en danger;

— par nouveau courriel, le responsable des ressources humaines (pièce 13) précise alors à son

salarié'je souhaite faire un point sur la situation afin d’éviter tout malentendu compte tenu des

nombreux mails que tu m’adresses ce matin et qui sont sujets à interprétation ; ' nous t’avons invité à

venir à Rueil afin d’échanger sur la situation au sein de la zone sur laquelle tu interviens afin de

t’aider à résoudre les difficultés que tu sembles rencontrer. Lors de notre entretien qui s’est déroulé

hier matin, nous avons effectivement pu échanger sur les difficultés que tu as rencontrées sur place.

Tu nous as alors informé que tu ne souhaitais plus travailler au sein de la zone

Cameroun/Gabon/Congo. Tu nous as également remis ton équipement informatique et ton téléphone,

ce que nous avons refusé dans un premier temps. Désireux de prendre en compte ta demande de

stopper ta mission te liant à la société CEP, nous avons alors échangé sur l’organisation de ton

rapatriement en France. C’est alors que nous avons finalement accepté de conserver le matériel

informatique que tu nous as remis car, dans la mesure où ce matériel a été remis en France par AJ

AC France, il nous semble logique de le conserver pour t’éviter de faire l’aller retour en Afrique

avec ce matériel.

Concernant ta ligne téléphonique, il semblerait que CEP ait de manière prématurée pris en compte

ta demande de ne plus travailler en Afrique. Nous allons leur demander de remédier à cette situation

pour te permettre sereinement d’organiser ton retour.

Comme nous l’avons évoqué, nous devons prendre contact avec un avocat au Cameroun pour savoir

comment il nous serait possible de rompre d’un commun accord ton contrat avec CEP conformément

à ta demande. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous t’avons proposé de te dispenser d’activité à

compter d’aujourd’hui pour te permettre également d’organiser ton retour matériel en France.

Néanmoins compte tenu de la teneur des échanges de ce matin par courriel je te remercie de bien

vouloir me confirmer que tu souhaites toujours mettre un terme à ta mission chez CEP' .

— le salarié (cf notamment ses pièces 14,16) a clairement exprimé par courriels et courrier des 14 et

15 novembre 2014 sa position :

— d’une part, au responsable des ressources humaines dans les termes suivants : ' je suis très surpris

par ton mail en date du 13/11..qui semble faire croire que j’ai démissionné de mon poste de directeur

financier de la zone Afrique centrale'. Il rappelait qu’il était prévu un point téléphonique le 7

novembre 2014, qu’il lui avait été demandé à sa grande surprise de venir au siège pour faire un point

plus général sur la zone en face-à-face ce qui l’a obligé à interrompre précipitamment sa mission au

Gabon. Il avait constaté quelques heures après l’entretien du 12 novembre 2014 la coupure de sa

ligne téléphonique camerounaise et s’était étonné d’apprendre que la société CEP Cameroun avait

annoncé son départ de l’entreprise à quelques membres du personnel et qu’il était envisagé le

rapatriement de ses affaires en France. Il soulignait 'je me suis rendu en France à une réunion

finance à la demande du siège cette semaine. En aucun cas je n’ai mis un terme à mon contrat CEP

Cameroun ni à celui qui me lie à AJ AC France. … je suis toujours salarié des 2 entités et je n’ai

aucune intention de démissionner'. Il rappelait avoir identifié des ' faits troublants’ dans les comptes

de CEP Congo qui avaient conduit au licenciement de M. F et son remplacement par M. G

qu’il avait recommandé et appouvé par la société qui venait de signer le contrat d’expatriation.

Il demandait expressément à ce qu’il ne soit procédé à aucun déménagement, souhaitait récupérer son

ordinateur avant de regagner sa zone, remerciait son interlocuteur d’être intervenu pour faire rétablir

sa ligne téléphonique et restait dans l’attente de l’envoi d’un billet d’avion pour revenir en Afrique.

Il ajoutait que le 12 novembre 2014, il n’avait jamais été envisagé de rupture conventionnelle mais

que la société lui avait indiqué ' que ma sécurité n’était plus assurée dans cette zone, vous alliez me

trouver une nouvelle affectation au sein du groupe.' Rappelant n’avoir jamais reçu d’instructions au

Cameroun sur les fumées toxiques, ce qui était particulièrement grave, compte tenu des

conséquences irréversibles sur la santé des employés, et indiquant que les conditions sanitaires

n’étaient pas réunies au Cameroun, il proposait d’être basé au Nigéria.

— d’autre part, à M. X, auquel il demandait d’informer le personnel de CEP

Cameroun de la fausse rumeur circulant sur son départ de CEP, et l’informant

n’avoir en aucun cas l’intention de démissionner de son poste et se disait rassuré

que sa ligne téléphonique coupée sans préavis, sans doute par erreur, ait été rétablie sur intervention

du responsable des ressources humaines ;

— la société intimée le 14 novembre 2014 a tenté de clarifier la situation en indiquant : 'cet email …

pour écarter tout malentendu. AJ n’a jamais tenté de faire croire que tu t’es rendu à Paris de ta

propre initiative pour démissionner. Tu as été convoqué … pour faire un point sur la région Afrique

Centrale et j’en en ai profité pour comprendre le contexte de certains événements qui ont mis en

lumière des problèmes liés à ton comportement dans cette région ( et plus particulièrement au

Gabon) qui m’avaient été rapportés par les responsables locaux. A ce titre, tu reproches à CEP de

ne pas assurer ta sécurité. Nous te confirmons que le Groupe AJ ne peut assumer ta sécurité si tu

ne respectes pas les consignes de sécurité du Groupe en Afrique (trajets en présence du personnel

d’une entreprise de sécurité, d’un directeur local, etc…). A contrario, le groupe AJ ne peut assurer

ta sécurité de manière effective lorsque tu ne respectes ces règles et décides, par exemple, de quitter

prématurément une réunion et partir seul en taxi, te mettant ainsi en péril.

Il n’a jamais été question de ta démission du groupe AJ, ni au cours de notre discussion de

mercredi dernier - le 12 novembre 2014- ni dans le contenu de notre email. Quand bien même tu as

pris l’initiative au cours de la réunion de discuter d’un arrêt de ta mission pour CEP, nous avons

parlé de rupture amiable d’un commun accord avec CEP. Nous étions tombés d’accord concernant

la fin de ta mission au CEP lors de notre entretien de mercredi. Ton comportement ultérieur et les

propos que tu tiens dans tes emails démontrent que tu reviens sur cet accord. Nous en prenons note

tout en déplorant l’agressivité employée pour le faire.

La qualité de ton travail n’a jamais été remise en cause. Il est absurde de prétendre que tes rapports

et mémos peuvent gêner le groupe car, comme tu le rappelles, toi-même, c’est justement pour faire

remonter les éventuels problèmes financiers dans la région et ainsi éviter de nouvelles fraudes que nous avons créé ton poste.

— par courrier en date du 19 novembre 2014, le salarié a fait part au département Conformité et

éthique de la société AJ AC France, des divers manquements en matière de gestions dans certaines

filiales qu’il disait avait découverts ( à savoir au Congo, des carences graves au niveau du contrôle

interne, au Gabon chez GPL, absence de rapprochements faits depuis janvier 2014, tableau des

immobilisations non actualisé, ce qui lui avait valu, selon lui, des mesures vexatoires du directeur de

GPL qui n’avais pas mis de moyen transport à sa disposition en octobre, au Cameroun, découverte du

rapport inquiétant sur les fumées toxiques et le manque d’information sur les dangers de lapart du

directeur général ).

Il se plaignait des 'manoeuvres s’apparentant à du harcèlement moral' ( entretien du 12 novembre

avec remise d’un courrier déjà rédigé de dispense d’activité, ligne téléphonique CEP coupée et

annonce à CEP de ce qu’il ne faisait plus partie des effectifs, demande du responsable des ressources

humaines de confirmer sa démission , ou de son accord pour une rupture conventionnelle, qu’il

n’avait jamais sollicitées). Il demandait à être reçu par le département, pour connaître la voie à suivre

pour en informer le management américain ;

— par échange de courriels du 14 novembre 2014 le salarié sollicitait un rendez-vous médical avec le

médecin du travail en France qui était organisé le 27 novembre 2014 ;

— par courrier électronique doublé d’un courrier en recommandé en date du 18 décembre 2014, M.

Z, directeur général région AFOS, faisant état de plusieurs plaintes de collaborateurs, a demandé

au salarié de s’expliquer sur les différents reproches suivants :

—  des propos délibérément erronés concernant le soit-disant manquement de la société à la sécurité

des salariés : il est reproché au salarié d’avoir affirmé dans divers courriers électroniques adressés à

des responsables du groupe que la société ne respecterait pas les règles de sécurité et mettrait en péril

sa sécurité, alors que ces accusations sont fausses, le salarié ayant délibérément violé les règles de

sécurité édictées par la société (refus d’attendre le chauffeur de taxi réservé le 31 octobre dernier, et

plainte portée le 6 octobre contre un membre de la brigade d’intervention rapide faisant partie de

l’armée camerounaise pour menace avec arme alors qu’il a lui-même reconnu qu’il ne portait pas

d’arme mais voulait ' en ajouter pour faire chier le gars du BIR') nuisant à sa sécurité sur place,

—  des propos sciemment exagérés concernant de soi-disant manquements de la

société à la protection de la santé de ses salariés : se référant au courriel du salarié du 25 octobre

2014, il est reproché à ce dernier d’exagérer, dès lors que les fumées interviennent surtout la nuit,

sont éloignées des bureaux administratifs qu’il occupe, et pour lesquels les analyses menées ont

démontré que la quantité des fumées était inférieure à la normale ; il lui est reproché d’avoir interrogé

M. H pour savoir s’il était au courant des mesures prises pour assurer la sécurité des salariés et

de feindre ignorer la situation, la réponse et les mesures de prévention déjà prises par la CEP,

—  une attitude raciste et des propos dénigrants tenus dans le cadre de votre mission :

refus de saluer le personnel africain en leur serrant la main, remarques à connotation raciste (' va

d’abord apprendre à écrire et à parler français avant de m’adresser la parole', personnel traité de

'manchot' ou 'singe' ), propos dénigrants et abus de son statut de directeur en se vantant d’avoir

'viré’des salariés travaillant au sein d’autres filiales (propos du 29 octobre 2014), de multiples

emportements colériques, voire violents pour déstabiliser les collaborateurs ( colère non-contrôlée

devant toute l’équipe mi-juin 2014 suivie du départ brutal des locaux en début d’après-midi),

énervement le 31 octobre 2014

—  comportement capricieux lorsque vous représentez notre société et le groupe

auquel elle appartient :

votre refus déplacé de prendre l’ appartement prévu malgré votre feu vert donné en mai 2014, votre

exigence en juillet 2014 de faire remplacer les WC flambants neufs de votre appartement haut de

gamme au motif qu’ils avaient été utilisés par les ouvriers, votre altercation du 4 novembre dernier

auprès du réceptionniste d’un hôtel au Gabon qui hébergeait tous les collaborateurs et qui n’était pas

assez luxueux pour vous, votre modification unilatérale de votre bon de réservation de l’hôtel pour

vous installer, seul, dans un hôtel 4 étoiles au mépris des règles internes que vous devez pourtant

respecter…

— par courrier du 26 décembre 2014, le salarié a adressé un courrier en anglais au département

Compliance and Ethics AJ AT reprenant en substance celui adressé le 19 novembre 2014 au

département Conformité et éthique de la société AJ AC France

— par courrier du 4 janvier 2015, le salarié a réfuté les griefs formulés à son encontre par la filiale

camerounaise :

s’agissant des fumées toxiques, il indique ne pas avoir reçu de communication appropriée avant le

mail de novembre 2014 de Mme A sur les précautions à prendre, et estime n’avoir commis

aucune faute en cherchant à s’informer et à soulever le principe de précaution, d’autant qu’il souffre

actuellement de troubles respiratoires ;

sur le refus d’attendre un taxi réservé à son attention au Gabon, il explique qu’arrivé pour sa mission

le 29 octobre 2014, son transfert entre son hôtel et l’usine de GPL n’a été organisé que pendant les

trois premiers jours, ce qui l’a obligé à prendre des taxis collectifs entre le 1er et le 10 novembre,

l’exposant à des risques évidents en termes de sécurité et en impute la responsabilité au directeur

général de GPL dont il rappelle qu’il collaborait difficilement lors des contrôles financiers et

comptables ;

il explique qu’il a été agressé un samedi matin par un soldat de la BIR alors qu’il venait récupérer sa

voiture et n’avoir finalement pas déposé plainte à son encontre ;

il dément toute attitude raciste, incohérente avec son parcours professionnel passé à l’étranger et

explique avoir effectivement évité de serrer des mains 'autant des blancs que des noirs' compte tenu

de l’épidémie d’Ebola. Il réfute avoir cherché à licencier des collaborateurs des filiales et explique le

bien-fondé de son changement d’appartement et de toilettes.

- par courrier du 13 janvier 2015 la société CEP a licencié le salarié pour faute lourde en lui

reprochant 'des propos délibérément erronés concernant le soit-disant manquement de la société à la

sécurité des salariés, des propos sciemment exagérés concernant de soi-disant manquements de la

société à la protection de la santé de ses salariés, une attitude raciste et des propos dénigrants tenus

dans le cadre de votre mission, un comportement capricieux lorsque vous représentez notre société

et le groupe auquel elle appartient', lettre qui reprend en substance les griefs et leurs illustrations

mentionnées dans le courrier du 18 décembre 2014,

— par lettre datée du 13 février 2015, qui fixe les limites du litige, la société AJ AC France a

licencié M. Y dans les termes suivants :

'Vous avez été engagé par notre société, AJ AC-France, en qualité de Responsable Financier par

contrat à durée indéterminée à compter du 17 avril 2014.

Dans le cadre de vos fonctions, et après avoir passé mi-avril 2014 une semaine dite de « découverte

sur place », vous avez accepté une mission d’une durée de trois ans au Cameroun auprès l’une de

nos filiales, la société Compagnie Equatoriales des peintures (CEP), à compter du 1 er mai 2014 en

qualité de Directeur Financier zone Afrique de l’Ouest.

Votre mission consistait à apporter à l’ensemble des filiales situées au Cameroun (Compagnie

Equatoriale des Peintures ou « CEP »), au Gabon (Gabonaise des Peintures et Laques) et au Congo

(CEP Congo) une formation et une maîtrise des process, procédures et méthodologie spécifiques à

l’Activité AFOS de la société AJ AC-France ainsi qu’à veiller au contrôle des règles définies par le

groupe AJ.

Or, par un courrier en date du 13 janvier 2015, CEP a mis un terme à votre collaboration pour faute

lourde en raison d’agissements dont la réalité et la gravité ont été confirmées à la suite de plusieurs

plaintes des salariés de CEP et d’une enquête interne menée au sein des filiales.

En votre qualité de Directeur financier zone Afrique de l’Ouest, nous attendions de vous que vous

adoptiez un comportement exemplaire au sein de nos filiales. Or, les faits qui justifient votre

licenciement par notre filiale CEP (propos et comportements totalement inappropriés et

irrespectueux, attitude dénigrante et offensante à l’égard des salariés, abus de votre statut de

Directeur, salarié de la société mère, emportements colériques) constituent de graves violations aux

valeurs et à l’éthique du groupe AJ et un manquement à votre obligation de loyauté envers notre

société.

Plus encore, ils portent directement atteinte à l’image de AJ AC-France, que vous représentiez dans l’exercice de vos fonctions en votre qualité de Directeur Financier zone Afrique de l’Ouest,

vis-à-vis des salariés de ses trois filiales situées dans votre périmètre d’intervention. Votre niveau de

responsabilités et la nature de votre mission vous assimilaient à AJ AC-France à leurs yeux de

sorte que votre comportement a rejailli inévitablement sur notre société.

Nous ne pouvons pas tolérer votre comportement qui porte atteinte à l’image et au renom de notre

société et décrédibilise vos fonctions et les responsabilités qui y sont attachées vis-à-vis des

collaborateurs de nos trois filiales en Afrique.

Postérieurement à votre licenciement pour faute lourde par CEP, vous avez reproché de manière

ironique à notre société de ne pas vouloir assurer votre sécurité si vous deviez retourner en Afrique

alors même que nous vous avions expliqué que nous n’en aurions pas l’obligation s’agissant d’un

voyage pour convenance personnelle.

Lors de l’entretien préalable, vous avez persisté dans vos reproches en nous indiquant que vous

n’aviez jamais craint pour votre sécurité au Cameroun et que vous considérez que nous souhaitions

vous empêcher d’y retourner uniquement pour vous empêcher de discuter avec les salariés sur place.

Vous n’avez de cesse que de remettre en cause de manière injustifiée les décisions légitimes de AJ

à votre égard. Cette attitude n’est pas acceptable venant de la part d’un cadre de votre niveau dont

la société est en droit d’attendre du respect et de la loyauté, et non du dénigrement.

De même, lorsque notre département Ressources Humaines « AFOS » (Afrique France d’Outre-mer

Suriname), commun à AJ AC-France et à CEP a initié le rapatriement de vos effets personnels

conformément à la politique applicable au sein de notre groupe et à l’article 7 du contrat de travail

qui vous liait à CEP, vous vous êtes opposé avec force à l’application de ces règles internes en

cherchant à imposer votre présence sur place à nos frais alors que la procédure ne l’exige pas.

En l’absence de justifications valables, vos exigences inappropriées et le ton employé à l’égard du

Responsable Ressources Humaines de la société démontrent que le comportement déplacé qui vous

était reproché dans le cadre de vos relations contractuelles antérieures perdure dans vos relations

avec AJ AC-France.

Compte tenu de ces éléments, il n’apparaît pas possible de maintenir votre contrat de travail en

raison de votre comportement. Dans ces conditions, nous sommes au regret de vous informer de

notre décision de nous notifier votre licenciement pour faute grave, la poursuite de votre contrat de

travail étant manifestement impossible, fût-ce pour la durée du préavis'.

Au vu de l’ensemble des éléments ci-dessus rapportés, et notamment de la chronologie des faits

amenant à la cristallisation du litige entre les parties, la cour retient que :

— c’est à partir du moment où le salarié se plaint auprès de la société mère le 25 octobre 2014 des

fumées toxiques dont il est victime à son poste chez CEP Cameroun mettant sa santé en danger, et

qu’il dénonce l’absence d’informations reçues quant aux mesures de prévention de la part de la

direction de CEP, qu’il est convoqué le 7 novembre 2014, un entretien au siège le 12 novembre 2014,

l’obligeant à interrompre sa mission en cours au Gabon ;

— la société qui admet l’existence de fumées toxiques sur le site de CEP Cameroun, tout en en

minimisant l’impact sur la santé du salarié ( cf infra), a, dès le 12 novembre 2014, dispensé le salarié

de toute activité en Afrique, en envisageant une rupture amiable, ou une démission de la part du

salarié, alors que ce dernier demande légitimement à pouvoir exercer ses fonctions dans des

conditions de sécurité, et que la société ne démontre en rien une quelconque démission ou une

demande de rupture amiable de la part du salarié, expressément démenties dès le 13 novembre 2014 ;

— la société ne démontre pas avoir cherché à proposer à son salarié un autre poste d’expatriation

pendant le délai de dispense d’activité au Cameroun, après avoir considéré qu’il ne pouvait plus

exercer en toute sécurité à Douala, sans que cette impossibilité d’exercice ne puisse être imputée, à ce

stade, à M. Y qui n’a jamais fait l’objet du moindre rappel à l’ordre,

— la société CEP a attendu plus d’un mois après l’entretien du 12 novembre 2014, pour reprocher le 18

décembre 2014 au salarié d’avoir un comportement inadapté et des propos racistes, formellement

contestés par le salarié dans son courrier circonstancié du 4 janvier 2015,

— la société mère ne démontre pas que le salarié a commis la faute grave reprochée dans sa lettre de

licenciement.

A cet égard, la société se prévaut certes des témoignages suivants :

En ce qui concerne la mission au Gabon auprès de la société GPL, Mme L AE, responsable

administratif et financier, atteste pour l’avoir personnellement constaté : ' Mercredi 29 octobre 2014,

dès son arrivée, Monsieur Y se plaint de l’hôtel dans lequel nous l’avons logé. Il veut

absolument être logé au Méridien… Jeudi 30 octobre 2014, Monsieur I s’est vanté d’avoir

réussi à faire virer Monsieur F du Congo lors de notre déjeuner. Tout cela au mépris des règles

de confidentialité auxquelles il est tenu.Vendredi 31 octobre 2014 : en réunion avec l’équipe Bone,

Monsieur Y s’est brutalement énervé suite à une remarque faite par le DG sur sa manière de

travailler. Il a décidé de rentrer seul à l’hôtel malgré le fait que je lui propose un chauffeur pour le

déposer. Monsieur Y s’est comporté comme un adolescent, il ne sait pas maîtriser ses

réactions et se fiche des règles de sécurité. Lundi 3 novembre 2014, je demande à Monsieur Y

si il avait eu un retour de R A au sujet du changement de méthode de

provisionnement des créances clients qu’il voulait nous imposer , il me répond que ce n’est plus à

son niveau : les américains vont décider! Il manque totalement de respect à son supérieur

hiérarchique. Ce même jour, Monsieur Y traita Monsieur J (adjoint au responsable de

production) d’immature et d’irresponsable parce que ce dernier n’a pas pu lui fournir les documents

qu’il lui demandait, documents qui n’entrent pas dans ses tâches quotidiennes. Monsieur Y

nous traite comme des menteurs et voleurs, tout ce que nous lui disons est contrevérifié auprès des

autres employés de la filiale. C’est impossible de travailler sereinement dans une telle atmosphère.'

M. K, comptable au sein de la société GPL, indique que lors de sa mission, ' le 04/11/2014,

nous commençons à montrer le reporting , Monsieur Y avec le respect que je lui dois

commence à nous perturber en nous posant des questions du genre « à quel niveau vous en êtes », «

il vous reste combien de temps pour finir » et cela toutes les 2 minutes, et en plus il nous dit qu’il ne

sait pas monter un pacte. Le 04/11/2014, Monsieur Y m’appelle à la salle de réunion pour

tout simplement me dire que le reporting est difficile à remplir et que lui-même ne peut pas le

remplir, ce qui n’est pas normal pour une personne de sa trempe qui est là pour nous orienter en cas

de problème. Il serait souhaitable que notre directeur financer nous apporte un plus dans l’exercice

de nos fonctions pour nous permettre d’aller de l’avant.'

M. AU-AV N, directeur général de GPL, précise quant à lui : ' le jeudi 30 octobre,

M. Y a une séance de travail avec moi sur la balance clients ( ageing), il me pose des

questions d’usage. Le même jour, il envoie un email me demandant de formaliser mes réponses, ce

que je fais. Le lendemain, il demande à Madame L, ma RAF, une séance de travail sur le même

sujet sans la prévenir qu’il avait travaillé avec moi la veille, puis demande encore une fois à

recouper les informations pour une troisième fois avec l’assistante de Mme L.Le service

administratif me demande alors pourquoi une telle méfiance vis-à-vis du directeur.

Le 31 octobre, il a une réaction incontrôlable en pleine réunion suite à une remarque faite sur ses

méthodes de contrôles ; il ferme brutalement son PC, a une attitude hystérique, a demandé un taxi et

est parti de la salle devant plusieurs cadres de la GPL et un consultant externe. Son manque

d’auto-contrôle peut laisser penser qu’il pouvait être violent. Le 4 novembre, il demande à changer

d’hôtel, alors que tous ses collègues sont dans le même hôtel 4 *, hôtel situé près de la société,

Monsieur Y refusant de conduire au Gabon. Il a une altercation avec le réceptionniste,

modifie le bon de commande et quitte l’hôtel. Toujours le 4 novembre, Mme L, enceinte de 7 1/2

mois me demande de quitter l’entreprise et me dit ne plus supporter M. Y. Le même jour, le

comptable Mr K me demande de « faire partir » Monsieur Y pour problème

d’attitude envers le personnel. Après 4 jours passés en filiale, plus aucune personne du service

administratif souhaite travailler avec ce Monsieur.'

L’incident en pleine réunion du 31 octobre avait été immédiatement rapporté par courriel du 31

octobre 2014 par M. N à M. Z, directeur général de la région AFOS ' … il faut parler

du cas Y. Il vient d’avoir devant le personnel (en clôture réunion Bone) suite à une remarque

une attitude incontrôlée devant O, AF AG et AQ le consultant d’Atos. Tous

sont choqués par ces attitudes. Il est complètement incontrôlable', et le changement brusque d’hôtel

était également relaté par courriel du 4 novembre à Mme A et à M. Z, tandis que le

consultant externe, M. AQ-AR, présent lors de la réunion du 31 octobre, a adressé un

courriel le 5 novembre 2014 à Mme A libellé en ces termes : ' dans le cadre de

l’implémentation de SAP Business One j’étais au Gabon la semaine du 27-10 au 31-10-2014 à cette

occasion j’ai eu l’occasion de côtoyer Mr Y. En tant qu’externe, je vous prie de pardonner

cette intrusion dans l’organisation de AJ. Je voulais juste vous faire part de mon ressenti quant au

comportement de Mr Y. Au cours des quelques échanges où j’ai eu l’occasion d’être présent,

je me suis senti très mal à l’aise, les propos tenus mêlant humour sarcastique et cynisme ne m’ont pas paru très constructifs et fédérateurs et je pense que l’ambiance de travail doit s’en ressentir

fortement. Merci de considérer ce mail comme un simple ressenti extérieur. Vous priant encore

d’excuser ce mail inhabituel dans ce contexte.'

Mais la force probante de ces témoignages qui datent tous du début de mission au Gabon de M.

Y est sujette à caution, dès lors que de son côté le salarié avait expressément dénoncé au

même moment les difficultés qu’il avait à exercer sa mission d’audit auprès de la société GPL,

compte tenu notamment de la réticence de son directeur de fournir les éléments sollicités.

De fait, alors que la qualité professionnelle du salarié n’est nullement remise en cause, comme le

concède la société dans ses conclusions, et que les anomalies qu’il constatait dans les écritures

comptables et financières de la filiale gabonaise, ne sont pas contestées, les accusations de M.

N, dont la gestion était remise en cause par le salarié, doivent être regardées avec

circonspection, de même que celles émanant de deux salariés sous sa subordination.

S’agissant de la mission au Congo Brazzaville, M. P, directeur de succursale, atteste : 'Monsieur

Y parlant avec notre assistante : ' avec le travail que vous faites ici, c’est tout ce que vous

gagnez';

Monsieur Y parlant avec notre DAF : « va d’abord apprendre à écrire et parler français

avant de m’adresser la parole »; « vous êtes un gestionnaire de stock sur tableau Excel, pas un

financier » ;

Monsieur Y devant le staff administratif : « je me casse de toute manière je n’ai plus rien à

faire ici ». Il a quitté le bureau et est parti en taxi (il était 15 h00).'

Dans un courriel du 5 novembre 2014 adressé à M. X, M. Q collaborateur au sein de CEP

Congo, a indiqué : ' la première mauvaise impression que j’ai eu de lui était au Congo au mois

d’avril, il n’avait que quelques jours d’ancienneté dans la société et il traitait déjà le personnel de

voleur en particulier M. F. Lors d’une conversation téléphonique j’avais demandé à R

ce que le siège avait dit de mal sur nous à T pour que le soupçon de voleur pèse aussi

fortement sur nous. Heureusement j’avais été rassuré par R. Vous comprenez la peine que

nous avons à travailler avec un 'policier’ qui s’est donné pour mission de trouver à tout prix un

voleur. Au mois de mai ou juin, il a piqué une colère et m’a dit je cite : ' AH X veut me

construire un bureau de 17 MM S mais je me fiche des bureaux je peux travailler même en plein

air. Il ne faudrait pas que les gens se servent de ma présence pour faire passer leurs besoins

d’ailleurs je ne rapporte pas à AH X. Sur ma fiche de poste, il n’est écrit nulle part que

j’avais des comptes à rendre à AH X….

Le 29/10/2014, après avoir envoyé un mail à Cyrille P dans lequel il demandait à Cyrille à quoi

il jouait, il s’est mis en colère et me dit, je cite : ' le prochain à partir c’est Cyrille P. Je vais

maintenant m’occuper de lui jusqu’à ce qu’il parte aussi. Je vais commanditer un audit fraude au

Congo…'.

La question que je me pose est celle de savoir s’il faudra désormais travailler à CEP en se

demandant à quand mon tour. Je crois que l’ambiance au travail actuellement chez nous est très

mauvaise et comme j’avais l’impression que toutes les portes nous étaient fermées pour des plaintes

quelconques voilà pourquoi j’avais préféré me taire.'

Déjà dans son courriel du 25 juin 2014, M. X rapportait à AJ AC France, lors d’une mission

de l’appelant au Congo ' M. Y a passé 2 semaines au Congo pour effectuer sa mission et a

réalisé un état des comptes. Il en ressort beaucoup d’écarts. Mrs Q et F ont essayé de

justifier ces écarts suite notamment à la migration de sage à SAP.M. Y n’a pas voulu entendre

les explications données, et va s’en suivre un rapport catastrophique sur CEPC. M. Q se fait fort

de justifier beaucoup de points. Des écarts, il y en aura et je pensais que M. Y devait d’abord

essayer de comprendre, d’aider, de supporter, voire de former les gens en place à partir d’un état

des lieux sur un planning à définir. Si vraiment ils sont incompétents, nous changerons

l’organisation ou les personnes concernées. Le problème n’est pas tant dans le power point qui va

être présenté, même si c’est plus du flicage pour il me semble justifier son poste, mais dans les

rapports qu’a M. Y avec les gens en place. On ne se permet pas de traiter de nul une

personne, dire « qu’il faut virer au plus vite », de quitter CEPC en début d’après-midi en se

demandant ce qu’il fait ici vu l’état de comptes et ce, devant l’ensemble du personnel qui dépendent

de M. F. M. Q a déjà eu des explications virulentes avec lui et l’ambiance n’est pas des

plus cordiales.

J’ai commencé à lui faire la remarque que je n’étais pas satisfait de sa mission et que nous

parlerions en début de semaine. Depuis, Monsieur fait du boudin, ne me parle pas et reste dans son

coin. Il a 47 ans.

Lorsqu’il est arrivé, je me suis occupé de lui le we, lui ai trouvé un appart, lui ait présenté des amis

et nos relations étaient, me semble-t-il, amicales. Si je ne peux pas lui faire une réflexion sans qu’il

se bloque, qu’il change totalement d’attitude, je ne vais pas le supporter longtemps.'

Ces témoignages sont là encore à prendre avec précaution, dès lors qu’ils sont recueillis à un moment

où le salarié a déjà dénoncé les conditions sanitaires dégradées subies à CEP Cameroun.

Bien plus, il n’est pas contesté que les anomalies comptables signalées par M. Y dans les

comptes au Congo ont amené, sur ses recommandations, M. X à démettre de ses fonctions, le

Finance manager, M. F, ce qui n’est pas contesté par la société. Dans ce contexte, les

témoignages de M. Q et de M. P, nécessairement gênés par les anomalies signalées dans les

comptes du Congo par M. Y et qui mettaient en cause M. F, dont ils dépendaient, sont de

peu de pertinence.

Enfin, le salarié produit des attestations qui viennent contredire le portrait donné de lui ainsi que le

comportement prétendument adopté par ce dernier.

M. Ado, un ancien collègue d’étude, témoigne que ' je n’ai jamais entendu T proférer la moindre insulte ou tenir des propos xénophobes, … étant d’origine togolaise, je suis scandalisé des

accusations de racisme dont on l’accuse, d’autant que T est mon ami depuis le temps et le

restera toujours'.

M. Douala, comptable puis responsable administratif à CEP Congo entre le 1er novembre 2012 et le

23 février 2016 qui a travaillé avec M. Y, notamment au Cameroun, précise quant à lui ' alors

que j’étais au Cameroun dans son équipe, il m’a demandé de reprendre les finances du Congo car ils

avaient découvert des fraudes sur place. Ce que j’ai pu voir après. J’ai accepté tout de suite sans lui

je n’aurais pas progressé chez AJ. Il m’a fait confiance et je lui dis merci. Le groupe est AJ s’est

séparé de l’ancien finance manager du Congo (Gabin F) à cause des fraudes, pour se venger

celui-ci est parti avec la caisse, il a été obligé de rembourser la société après, avant son départ

définitif. Un jour nous avons appris à notre grande surprise le départ de notre directeur T

Y qui était parti faire une mission au Gabon. Il n’est jamais revenu au Cameroun et a laissé

toutes ses affaires sur place. On a trouvé ça bizarre. T Y faisait peur aux directeurs en

Afrique centrale qui redoutaient qu’il parle des problèmes dans leurs filiales. C’est le cas du

directeur du Congo (M. P). En novembre 2016, j’ai appris que la filière du Congo avait fermé.

T Y a toujours eu un comportement formidable, hyper respectueux avec tous les

salariés africains ; c’est un homme bien, il était proche de nous on parlait souvent football avec lui.

Il cherchait à nous aider et nous former. Je ne l’ai jamais entendu insulter quelqu’un ou crier ; on a

tous été surpris dans l’entreprise quand il est parti. Je sais qu’il avait découvert des choses à la CEP.

Il m’a parlé un jour des fumées toxiques de l’usine d’à côté qui venaient souvent chez nous, j’ai

découvert le problème avec lui, je ne savais rien, nous n’avons jamais été informés par nos patrons.

Il n’y a jamais eu aucune communication et n’avons jamais eu de masque, il n’y avait pas de sirène

dans l’usine en cas de fumée. La direction AJ ne nous a rien dit. T Y m’a dit qu’on

l’avait accusé d’être raciste c’est complètement faux. On s’est débarrassé de lui parce qu’il gênait

c’est sûr. Je suis noir et camerounais, et je n’aurais jamais écrit ce courrier pour lui si il avait été

raciste. Ces accusations sont un mensonge, ils sont prêts à inventer n’importe quoi pour licencier

quelqu’un. Il n’a jamais été remplacé à son poste. Ils voulaient peut-être faire des économies. AJ a

vendu des peintures au plomb au Cameroun pendant que j’y étais, ils ont été obligés d’arrêter à

cause du scandale. C’est vraiment la preuve qu’ils sont venus en Afrique pour faire de l’argent. J’ai

quitté le Congo en 2016, le groupe AJ a refusé de payer mon déménagement. Je serai heureux de

retravailler avec T Y un jour.'

Après analyse de ces différents éléments, la cour retient que la société mère ne rapporte pas la preuve

— et qu’il existe à tout le moins un doute qui doit profiter au salarié – que M. Y a adopté le

comportement déplacé qui lui a valu son éviction de la société CEP Cameroun, dans un contexte où

le salarié dénonçait sa mise en danger du fait des fumées toxiques, ainsi que la difficulté éprouvée à

exercer sa mission dans les filiales dont les dirigeants, mis en cause, n’étaient pas enclins à collaborer

avec lui, dès lors qu’il signalait à sa hiérarchie par l’envoi de mémos réguliers les anomalies

comptables et financières.

Au surplus, alors que conformément aux dispositions de l’article L. 1231- 5 du code du travail,

lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un

contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de

licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses

précédentes fonctions en son sein , que si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les

dispositions du présent titre sont applicables et que dans cette situation, l’employeur initial ne peut

alors prononcer un licenciement que pour un motif qui lui est propre et nécessairement distinct de

celui ayant provoqué le premier licenciement, force est de constater que les motifs distincts de ceux

déjà invoqués par la société CEP ne sont pas établis.

En premier lieu, dès lors que la cour a retenu que le comportement inapproprié avec les

collaborateurs des filiales n’était pas établi à l’encontre de M. Y, il ne peut être retenu qu’il a

commis 'de graves violations aux valeurs et à l’éthique du groupe AJ et un manquement à [votre]

obligation de loyauté envers notre société.'

En second lieu, la société ne démontre pas qu’à le supposer établi, le comportement déplacé du

salarié aurait eu des répercussions sur son image et notamment à l’égard de tiers. Si un consultant

externe a fait part à la société mère de son ressenti sur la personnalité de M. Y lors d’une

réunion tenue chez GPL au Gabon le 31 octobre 2014, il n’est pas démontré la moindre altération des

relations de la société et de ses filiales avec leurs interlocuteurs habituels du fait de l’attitude de M.

Y.

Par ailleurs, la société ne produit aucun élément précis à l’appui du grief selon lequel le salarié a, de

'manière ironique reproché [à cette dernière] de ne pas vouloir assurer [votre ] sécurité si [vous ]

deviez retourner en Afrique alors même qu’elle lui avait expliqué qu’elle n’en n’avait pas l’obligation

s’agissant d’un voyage pour convenance personnelle.

L’employeur n’explicite pas quels propos 'ironiques’ il reproche au salarié, qu’a fortiori il n’établit pas.

De même, la société intimée n’établit pas le grief visant à reprocher au salarié de 'ne cesser de

remettre en cause de manière injustifiée les décisions légitimes de AJ à [votre ]égard. Cette

attitude n’est pas acceptable venant de la part d’un cadre de votre niveau dont la société est en droit

d’attendre du respect et de la loyauté, et non du dénigrement.'

Sur ce point, dans ses conclusions d’appel, la société intimée soutient que ' dans ces courriers,

(ceux adressés à divers membres de la direction du groupe AJ), M. Y n’a pas hésité à

dépasser le cadre d’un débat général avec ladite direction pour aller jusqu’à remettre en cause, par

écrit et à plusieurs reprises la probité et le sérieux du travail accompli par sa hiérarchie, ainsi que le

soutien qui avait pu être apporté par cette dernière.

La société cite les extraits suivants de courriers que le salarié a adressés :

- le 5 janvier 2015 à M. Z le directeur général de la région Afos : dans l’hypothèse où ces

informations ne vous auraient pas été transmises par la direction financière d’AFOS ( Thierry

E et R A ), je porte à votre connaissance les principaux points d’audit

relevés en Afrique centrale entre le 1er mai et le 10 novembre 2014.

- le 26 décembre 2014, à M. AS AJ AT , courrier en anglais dont le salarié ne fournit aucune

traduction mais dont la société traduit librement l’extrait dont elle se prévaut : 'lors de mes différentes

missions ces derniers mois, j’ai fait des découvertes que j’ai rapportées à ma direction française

mais je ne suis pas sûr que cela ait été porté à la connaissance de la direction américaine',

- le 6 janvier 2015 à M. U, AJ AK en Suisse : 'de mon côté je ne souhaite plus travailler

pour le département AFOS mais plutôt être transféré dans une autre division de AJ’ ; ' j’ai reporté

ces faits à de très nombreuses reprises à R A et même à Monsieur Z mais on a

refusé que je rencontre M. V ou AL AM’ ; 'malheureusement je n’ai reçu aucun

soutien de la Finance AFOS qui a créé ce poste sans l’accompagner.'

— le 2 février 2015, à M. V, AK AN courrier en anglais dont le salarié ne fournit aucune

traduction mais dont la société traduit librement les extraits suivants : 'tous ces points marquent un

manque de contrôle et de revue des entités locales, soit par le département financier d’AFOS au

moins au cours du premier semestre 2014.

J’ai demandé le soutien du département financier d’AFOS et la possibilité de partager les

problématiques régionales avec vous ou AL AO.'

Il ne ressort pas de ces extraits cités spécifiquement par la société intimée que le salarié ait dénigré

cette dernière ; en réalité, dans son courrier en date du 5 janvier 2015 adressé à M. Z, M.

Y fait état des principaux points d’audit (24 constats) relevés lors de ses missions entre le 1er

mai et le 10 novembre 2014 dont il avait par ailleurs tenu au courant Mme A lors de mémos

régulièrement envoyés. Il indique laisser la liberté à M. X de rapporter tous ces faits à Finance

AK (AB V) et à l’audit interne.

Le courrier du 26 décembre 2014 adressé à AJ AT est en anglais et la société qui n’en traduit que

quelques extraits ci-dessus reproduits ne montre pas en quoi, ce qu’il rapporte est répréhensible.

Dans son courrier du 2 février 2015 à AJ AT, le salarié ne fait que relater les conclusions de ses

audits dans les filiales africaines (les mêmes 24 constats déjà relatés dans son courrier du 5 janvier

2015 à M. X) et les difficultés notamment au Gabon pour accéder aux informations désirées. Ce

courrier ne contient aucun dénigrement de AJ AC.

Dans son courrier en date du 6 janvier 2015 adressé au département Juridique et conformité AJ

(Suisse), le salarié décrit les conditions dans lesquelles il a été amené à conduire ses missions dans

les trois filiales, relate les difficultés auxquelles il a été confronté pour les exercer, notamment au

Gabon, les constats de ses audits, sa convocation au siège le 12 novembre 2014, après l’envoi fin

octobre 2014 à Mme A d’un courriel l’informant de ses difficultés de santé imputables aux

fumées toxiques auxquelles il était exposé sur son lieu de travail, le retrait de son ordinateur et la

remise d’une lettre le dispensant d’activité lors de l’entretien du 12 novembre, la coupure puis le

rétablissement de sa ligne téléphonique chez CEP, sa demande d’examen médical par le médecin du

travail, et sa consultation personnelle d’un service hospitalier pour troubles respiratoires, le fait qu’il

avait demandé à Mme A de contacter AB V et AL AO et Ram pour leur

expliquer les pressions subies de la part des patrons de filiales pour l’empêcher de faire son travail, et

l’absence de réponse favorable, les échanges avec le responsable des ressources humaines lui

demandant de confirmer sa démission, ou son accord sur une rupture conventionnelle qu’il dément

avoir proposée, sa mise au placard depuis le 12 novembre 2014, étant sans travail et sans nouvelle de

AJ, hormis un courrier reçu le 24 décembre 2014 de M. Z lui demandant des explications sur

différents reproches, et sur lesquels il comptait répondre tout en dénonçant leur caractère

diffamatoire.

Si en fin de courrier, le salarié qui demandait à être reçu par le département Conformité et Ethique

expose, que ' toutes ces manoeuvres ainsi que le courrier reçu le 24 décembre dernier visent à

préparer mon licenciement parce que je gêne et sont une forme de harcèlement moral caractérisée

visant à me faire taire pour que je ne parle pas des points d’audit de la région Afrique centrale aux

américains ni des fumées du Cameroun, pour lesquelles AJ n’est d’ailleurs pas responsable. Je

suis convaincu qu’on m’a confisqué mon ordinateur pour toutes ces raisons', cette seule conclusion

ne saurait constituer une remise ' en cause de manière injustifiée les décisions légitimes de AJ à

votre égard et du dénigrement'.

Certes, contrairement à ce qu’il affirme, le salarié ne peut utilement se considérer comme un lanceur

d’alerte, et obtenir, en cette qualité, la nullité de son licenciement conformément à l’article L. 1132-3

du code du travail.

En effet, le salarié qui liste les anomalies comptables et financières relevées dans les différentes

filiales contrôlées, conclut à 'des manquements qui ne sont pas anodins et dénotent un manque

évident de révision des comptes au cours du 1er semestre 2014, voire même avant', sans pour autant

invoquer, et a fortiori, sans établir qu’ils seraient constitutifs d’un délit ou d’un crime au sens de

l’article L.1132-3-3 du code du travail.

En revanche, le salarié est fondé à retenir que ce faisant l’employeur a porté atteinte à sa liberté

d’expression, en lui reprochant des courriers adressés à AJ AT et AJ Suisse ( département

Conformité et éthique) qui ne comportaient pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs. A cet

égard, au vu de sa mission particulière d’audit des comptes de trois filiales, des difficultés

expressément dénoncées et non contestées par la société mère sur l’exercice de sa mission, dans des

conditions normales, et sa mise à l’écart de la société dès le 12 novembre 2014, le salarié n’ayant pas

pu retourner au Cameroun même pour prendre ses affaires laissées sur place, la saisine d’instances

pour exposer ses difficultés ne pouvait fonder son licenciement.

De même, il ne pouvait lui être reproché d’avoir lors de l’entretien préalable, '(…)persisté dans vos

reproches en nous indiquant que vous n’aviez jamais craint pour votre sécurité au Cameroun et que

vous considérez que nous souhaitions vous empêcher d’y retourner uniquement pour vous empêcher de discuter avec les salariés sur place' .

En effet, s’agissant pour le salarié d’exposer sa défense lors de l’entretien préalable à une sanction

pouvant aller jusqu’à son licenciement, il ne pouvait lui être reproché d’exposer sa version des faits

pour les besoins de sa défense, alors au surplus que la présentation de sa défense dans les termes

rapportés dans la lettre de licenciement ne comportent aucun terme injurieux, diffamatoire ou

excessif.

Dans la mesure où lorsqu’un seul des griefs reprochés au salarié viole une liberté fondamentale le

licenciement fondé sur ce grief encourt la nullité de plein droit, il convient de retenir la nullité du

licenciement de M. Y par la société intimée, à raison des deux griefs ci-dessus invoqués, alors

qu’au surplus, la chronologie des faits et la concomitance de sa dénonciation de fumées toxiques

portant atteinte à sa santé et de l’entretien du 12 novembre 2014 suivie d’une procédure de

licenciement pour des motifs non établis montrent que le licenciement est en fait fondé, comme le

soutient à juste titre le salarié, sur sa dénonciation de fumées toxiques au Cameroun dont il affirmait

n’avoir jamais été prévenu avant même son expatriation et visait à empêcher son retour sur le site de

CEP auquel il reprochait de ne pas avoir pris de mesures adéquates ni à son égard, ni envers les

autres collaborateurs de la société.

Par infirmation du jugement, le licenciement de M. Y sera annulé par la cour.

Sur les conséquences de la nullité du licenciement

Le licenciement de M. Y étant nul, le salarié, qui en fait la demande, doit être réintégré dans

l’entreprise, dans l’emploi qu’il occupait, ou, en cas d’impossibilité, dans un emploi équivalent à celui

qu’il occupait.

La société n’invoquant aucune impossibilité de réintégration, il convient de faire droit à la demande

principale du salarié, sans qu’il soit nécessaire de l’assortir d’une astreinte, non justifiée en l’espèce.

Outre sa réintégration, le salarié sollicite les indemnités consécutives à la nullité de son licenciement,

à savoir une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 29 127, 99 euros, les congés payés

afférents de 2 912,72 euros, 97 093,30 euros de dommages intérêts, 407 791,86 euros de rappel de

salaire et 40 779,18 euros de congés payés, soit une somme globale de 577 705, 05 euros.

La société s’oppose à cette demande.

La nullité ayant été prononcée en raison d’une atteinte à une liberté fondamentale

constitutionnellement garantie, en vertu de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27

octobre 1946 et de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789,

le salarié a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû

percevoir entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de

remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période, contrairement à ce qu’affirme à tort

l’employeur, qui met vainement en demeure le salarié de verser aux débats l’ensemble des pièces de

nature à l’informer de tous les revenus de remplacement dont il a bénéficié .

S’agissant du salaire à prendre en compte, le salarié considère que ses bulletins de paie émis entre

mai et décembre 2014 sont erronés et fixe son salaire à 9 709,33 euros par mois en retenant que sa

rémunération annuelle se décomposait d’un salaire de référence brut France de 77 000 euros, d’une

prime location premium (30% du salaire de référence brut) de 23 100 euros, d’une prime Good and

services de 7 782 euros, d’une prime de mobilité ou incentive premium de 7 700 euros net par an soit

8 630 euros brut payable en mai de chaque année, soit un brut annuel cumulé de 116 512 euros soit 9

709, 33 euros par mois.

La société estime que le salaire moyen de référence doit être fixé à 6 416,67 euros bruts (77 000

euros /12) en reprochant au salarié d’intégrer des primes qui ne sont pas liées à un travail effectif

mais indemnisent des sujétions liées à l’exécution de son détachement au Cameroun.

La cour observe que l’article1du contrat de travail conclu avec la société intimée prévoit les

conditions de rémunération suivantes pendant la durée du détachement :

'salaire de référence brut : 77 000

salaire de référence net ( fiscal et social) 60 074

location premium ( 30% du salaire de référence brut en France) 23 100

good& services 7 782

salaire total net garanti 79 751 €.

Tous les montants ci-dessus sont annualisés, votre rémunération vous sera versée par douzième.

Vous bénéficierez d’une prime de mobilité 'incentive premium’ de 7 700 €. Cette dernière vous sera

versée chaque année sur une durée de 3 ans. Au-dela des 3 ans, cette prime sera supprimée, si vous

ne changez pas d’affectation.

Nous insistons sur le fait qu’à l’exception de votre ' salaire brut de référence France', tous ces

éléments sont spécifiques à votre mission au Cameroun. Ils sont susceptibles d’être modifiés chaque

année, afin de tenir compte de l’évolution des conditions de travail et de vie dans ce pays.'

Au vu du dernier emploi occupé après son éviction de la société CEP, il convient de retenir, comme

base mensuelle de l’indemnité pour licenciement nul le salaire mensuel de référence de 77 000 euros,

seul dû après la fin de son détachement, soit la somme de 6 416, 67 euros.

Au vu de ce salaire à prendre en compte, le montant de l’indemnité due à M. Y est arrêté à la

somme de 479 646, 11 euros bruts au 6 mai 2021 ; l’indemnité allouée à ce titre, qui a le caractère de

dommages et intérêts, n’ouvre pas droit à une indemnité compensatrice de congés payés.

Le salarié est débouté du surplus de sa demande, la réparation, en cas d’annulation du licenciement

nul, étant limitée au montant des salaires dont il a été privé entre son licenciement et sa réintégration

effective, à l’exclusion de toute autre somme.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Le salarié réclame la somme de 77 674,64 euros de dommages-intérêts au visa de l’article L.4121-4

du code du travail et de l’article 24 de la convention collective applicable, en reprochant à la société

d’avoir manqué à son obligation de sécurité en ne le prévenant pas au moment de son expatriation du

risque de contamination par des fumées toxiques dont elle avait connaissance depuis au moins avril

2014, en ne lui fournissant pas les équipements de protection dès son arrivée mais en attendant qu’il

les demande, en n’organisant aucune visite avec le médecin du travail alors qu’il avait prévenu la

filiale de son état de santé qui s’est dégradé depuis août 2014 du fait des fumées toxiques auxquelles

il a été exposé. Il critique le jugement qui lui a reproché de n’avoir pas interrogé la société lorsqu’il a

remarqué les fumées, ni même sollicité l’infirmier présent sur place. Il remet en cause la force

probante de l’attestation établie par le directeur technique du site camerounais dans la mesure où il

est, selon lui, le responsable des contaminations des salariés, et estime inopérant l’avis médical

d’aptitude au regard notamment des éléments médicaux émanant de spécialistes faisant état d’une

altération de ses poumons.

La société demande la confirmation du jugement, et s’oppose à cette demande en soutenant avoir

rempli ses obligations en matière de sécurité en fournissant à son salarié deux masques adaptés à la

fabrication des peintures l’un fin mars 2014 et l’autre le 2 juin 2014, outre une combinaison en

propylène non tissé ; elle s’étonne que le salarié qui se plaint de fumées toxiques

visibles par tous et d’une bonne entente avec les collaborateurs de CEP ne se soit pas enquis avant le

24 octobre 2014 de la dangerosité des ces fumées et qu’il n’ait pas été averti de celle-ci par ses

collaborateurs compte tenu du lien de proximité dont il se prévaut. Elle rappelle que comme cela a

été indiqué au salarié le 4 novembre 2014, diverses mesures de prévention ont été adoptées. Elle

conteste le lien de causalité entre la dégradation de l’état de santé allégué par le salarié et son

exposition aux fumées toxiques en faisant observer que sur 139 jours ouvrés travaillés à compter de

son expatriation, il n’a passé que 76 jours au Cameroun , espacés entre eux, entre mai et novembre

2014, et dans des locaux administratifs plus distants de l’émission des fumées. Elle conteste la

gravité de l’état de santé alléguée par l’appelant en observant que les éléments médicaux produits

reprennent le contexte clinique que lui-même décrit aux médecins, qu’ils contiennent des

informations contradictoires entre eux et qu’ils sont contredits par l’avis d’aptitude du médecin du

travail en novembre 2014 et qu’aucune demande de reconnaissance de maladie professionnelle n’a

été formulée par le salarié.

Enfin, elle souligne la coïncidence de cet intérêt soudain pour les fumées toxiques avec le moment

où les collaborateurs internes et externes du groupe AJ AC France se sont plaints de du

comportement et des propos déplacés du salarié.

En vertu des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l’employeur est tenu à l’égard de son

salarié d’une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et

protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques

professionnels et de la pénibilité au travail, actions d’information et de formation, mise en place

d’une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention

suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à

la source, adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de

travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en

vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci

sur la santé, tenir compte de l’état d’évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce

qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant,

dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les

relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective

en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions

appropriées aux travailleurs.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la

sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris

toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

L’article 24 de la convention collective des industries chimiques relatif à la sécurité des salariés

prévoit que :

' 1. Les parties contractantes affirment leur volonté de tout mettre en 'uvre pour préserver la santé des

salariés occupés dans les différents établissements.[']

5. Les dispositifs de protection nécessaires à l’exécution des travaux dangereux seront fournis par

l’employeur. Il en sera de même pour les effets de protection nécessaires à l’exécution de certains

travaux exposant les vêtements des ouvriers à une détérioration prématurée.

'/'

Dans les deux cas, l’entretien des dispositifs ou des effets de protection est assuré par l’employeur qui

en conserve la propriété.

6. Les services médicaux du travail sont organisés conformément à la législation en vigueur.

Notamment, tout salarié fera obligatoirement l’objet d’un examen médical à l’occasion de son

embauchage. L’examen comportera une radioscopie. Cette visite médicale aura pour but de permettre

l’embauchage du candidat à un emploi qui ne porte pas préjudice à sa santé ou à celle de son

entourage. Les salariés travaillant à des postes comportant des risques de maladies professionnelles

seront l’objet d’une surveillance spéciale. [']. »

En l’espèce, l’employeur sur qui pèse la charge de démontrer qu’il a satisfait à son obligation de

sécurité produit :

— une attestation de M. AP, directeur technique chez CEP à Douala indiquant ' remis 2

masques Venitex à T Y (voir documentation ci-jointe). Remis le premier masque

semaine n°14 ; remis le second masque semaine 23", les semaines 14 et 23 correspondant

respectivement aux périodes du 31 mars au 6 avril et du 3 au 9 juin 2014 ;

— un courriel du 2 décembre 2014 aux termes duquel il confirme à M. X, la remise au salarié de

ces deux masques, ainsi qu’une combinaison de marque Ventilex en propylène non tissé ;

— un tableau récapitulant le nombre de jours effectivement passés sur le site de CEP au Cameroun,

soit au total 76 jours échelonnés sur six mois.

— une attestation de Mme W en date du 3 août 2018 qui témoigne 'avoir été installée chez AJ

Cameroun depuis octobre 2017 dans un bureau propre, sans fumée, ni poussières. Mon bureau est

installé en mezzanine avec une porte que je peux fermer. A ma connaissance, il n’y avait pas à mon

arrivée et antérieurement, de salarié tombé sérieusement malade du fait de ses conditions de travail

dans les locaux de AJ Cameroun. J’ajoute qu’un infirmier est présent sur le site et disponible en

cas de besoin. Des visites périodiques sont organisées pour les salariés.'

— l’avis d’aptitude du médecin du travail en date du 27 novembre 2014 à la suite de la visite organisée

à la demande de l’employeur.

Vainement le salarié remet-il en cause la force probante de l’attestation de M. AP du fait de

sa qualité de responsable du site ; en revanche, tout en concédant qu’il existait des masques à

disposition, il fait valoir à juste titre, ainsi que cela résulte du courriel de Mme A, qu’ils

n’étaient remis que sur demande du salarié, alors qu’à titre de prévention, il convenait de remettre des

masques dès son arrivée à la CEP compte tenu du risque d’exposition à ces fumées toxiques.

Bien plus, il ne ressort d’aucun élément objectif que le salarié, avant le courriel du 4 novembre 2014

de sa supérieure hiérarchique, a été effectivement averti de la nécessité de prendre notamment des

douches et de manière générale de suivre les préconisations énoncées dans son courriel, aucun

élément de preuve n’étant produit établissant que le salarié avait été mis au courant de l’existence de

ces fumées toxiques et des moyens mis en place pour en prévenir les effets.

Par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens surabondants, il convient de constater

que la société a manqué à son obligation de sécurité.

Ce manquement a causé un préjudice certain au salarié dont l’état de santé a connu certes une très

relative dégradation mais dont le lien de causalité, au moins partielle, avec l’exposition aux fumées

toxiques ne peut être totalement exclu ; en effet, le médecin du travail le 25 mars 2014 a constaté le

bon état général du salarié et sa radiographie thoracique était normale ; après s’être plaint auprès de

médecins spécialistes de toux régulières dont il situait le début à des dates différentes selon le

médecin consulté (le 22 septembre 2014 dans sa pièce 50, le 19 août 2014 dans sa pièce 42), le

salarié produit un compte-rendu de consultation à l’hôpital Bichat en date du 4 décembre 2014,

libellé en ces termes : 'historique de la maladie : les symptômes respiratoires bas semblent anciens,

sont présents essentiellement à l’occasion d’expositions à la fumée de cigarette et aux poussières, et

associent toux et dyspnée paroxystique. Depuis 3 mois, alors que le patient travaillait en Afrique,

dans un contexte de pollution atmosphérique avérée, est survenue une majoration franche de la

symptomatologie associant toux et dyspnée avec blocage respiratoire en particulier à l’occasion

d’expositions importantes à des fumées. Depuis le retour du patient en France le 10 novembre, la

symptomatologie régresse progressivement. Il persiste environ 3 à 4 épisodes de dyspnée

paroxystique par semaine.

Des EPR ont été pratiquées le 24 novembre 2014, retrouvant un trouble ventilatoire obstructif léger

réversible.

L’examen clinique ce jour est sans particularité…. L’auscultation pulmonaire est normale…

Au total : symptômes respiratoires bas et trouble obstructif réversible, définissant un asthme. Une

interrogation est de savoir si cet asthme préexistait à l’épisode d’exposition massive à la fumée

survenue il y a 3 mois…'.

En réparation de son préjudice, il sera alloué au salarié la somme de 7 000 euros de dommages

intérêts.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail

Le salarié réclame la somme de 77 674,64 euros de dommages-intérêts au visa de l’article L.1222-1

du code du travail en reprochant à la société d’avoir exécuté le contrat de travail de mauvaise foi en

ne l’informant pas de l’existence de fumées toxiques sur le lieu d’expatriation et des risques encourus,

en le rapatriant de façon précipitée du Gabon en France pour faire un point le 12 novembre 2014 et

en lui annonçant en fait qu’il ne retournerait plus travailler en Afrique avec coupure de sa ligne

téléphonique et retrait de son ordinateur portable, en ne lui fournissant aucun travail à son retour du

Gabon, et à la suite de son licenciement par sa filiale pour des griefs n’ayant jamais fait l’objet de

mises en garde, et en le licenciant pour les mêmes motifs que la filiale après l’avoir ' mis au placard'.

Il reproche également à la société de s’être opposée à son retour sur Douala pour récupérer ses

affaires qu’il n’a réceptionnées qu’en partie et tardivement le 12 avril 2016.

La société s’oppose à cette demande en observant que le salarié a déjà demandé une indemnité au

titre du manquement à l’obligation de sécurité, au demeurant non due, qu’il a déjà sollicité des

dommages intérêts pour licenciement injustifié et récupération tardive de ses effets personnels, en

sorte qu’il ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct de ceux déjà réclamés et au demeurant

non fondés.

Si le salarié ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui déjà réparé pour manquement à l’obligation

de sécurité, il établit en revanche qu’à l’issue de l’entretien du 12 novembre 2014 , il a été dispensé

d’activité et privé de la possibilité de retourner au Cameroun via un voyage financé par la société

mère. Alors que si les parties s’opposent sur la remise volontaire par le salarié ou la confiscation de

l’ordinateur par la société le 12 novembre 2014, il est clair que dès le 13 novembre 2014, le salarié

réclamait son ordinateur portable et le retour au Cameroun où il avait laissé toute ses affaires

personnelles, et que la société n’a pas accédé à ses demandes, se contentant d’intervenir pour que sa

ligne téléphonique professionnelle soit rétablie.

Ce faisant, la société ne pouvait, sans mauvaise foi, empêcher le salarié de retourner au sein de la

CEP Cameroun, au prétexte de certains incidents signalés lors de sa mission au Gabon alors que la

filiale a attendu plus d’un mois pour lui adresser le 18 décembre 2014 une lettre de griefs, et deux

mois pour le licencier pour faute lourde.

La société qui invoque des problèmes de sécurité pour justifier cette dispense d’activité de son salarié

pendant deux mois avant son licenciement effectif par la filiale étrangère, ne précise pas de quelle

sécurité il s’agit ( la non exposition aux fumées toxiques ou le non respect des conditions de sécurité

par le salarié). Elle évoque également qu’il était de l’intérêt du salarié de ne pas se confronter à ses

collaborateurs heurtés par son attitude, mais en l’absence de sanction disciplinaire préalable, elle ne

pouvait mettre ainsi fin à sa mission d’expatriation.

Bien plus, alors que dans son courriel en date du 13 novembre 2014, la société évoque la possibilité

d’envisager à l’amiable la fin de sa mission au sein de la société CEP, force est de constater que la

société n’a aucunement fait de proposition de nouveau poste au salarié et l’a laissé sans activité

pendant deux mois avant son éviction de la filiale.

L’exécution déloyale du contrat de travail est patente et le préjudice du salarié sera réparé par

l’allocation de la somme de 8 000 euros de dommages intérêts.

La responsabilité de la société intimée dans réception tardive de ses affaires personnelles sera

examinée infra.

Sur la demande indemnitaire pour préjudice moral

L’appelant sollicite la somme de 58 255,98 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la

souffrance psychologique et du syndrome anxio-dépressif dont il a souffert, après le choc émotionnel

subi du fait, d’une part, des accusations soudaines de racisme et de mauvais comportement et, d’autre

part, de sa mise au placard et du caractère vexatoire et brutal du traitement qui lui a été infligé.

La société s’oppose à cette demande en soutenant que le salarié ne rapporte pas la preuve du lien

entre le trouble anxio-dépressif et ses conditions de travail, qu’il n’a pas demandé la reconnaissance

de son affection anxio-dépressive comme maladie professionnelle, qu’il ne l’a pas déclarée au

médecin du travail lequel l’a déclaré apte en novembre 2014.

Si le salarié produit un courrier en date du 8 janvier 2015 aux termes duquel un médecin hospitalier

constate qu’il présente un tableau anxio-dépressif réactionnel et le recommande à un confrère pour

une prise en charge, force est de constater que les annotations du médecin sont prudentes en prenant

le soin de rapporter les dires du patient.

Le salarié qui ne produit au demeurant pas d’éléments de prise en charge effective n’établit pas

que le trouble anxio-répressif allégué est en lien avec ses conditions de travail, sa 'mise au placard'

ou avec le traitement vexatoire et brutal qu’il allègue.

Il sera débouté de sa demande en réparation de son préjudice moral non établi.

Sur la demande indemnitaire pour préjudice matériel

Invoquant avoir été privé pendant plus d’un an de ses effets personnels, mobiliers inclus, par la faute

de la société qui n’avait pas payé les frais de stockage, de déménagement et de droits divers, le

salarié réclame la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts.

La société soutient que les difficultés rencontrées par le salarié dans la récupération de ses affaires

personnelles ne lui sont pas imputables, qu’elle n’a pas commis de faute en refusant de prendre en

charge son déplacement au Cameroun pour chercher ses affaires par lui-même, car elle n’était plus en

mesure d’assurer sa sécurité à partir du moment où il n’était plus en mission au sein de la société CEP

et que ce voyage était dès lors non professionnel. Elle ajoute qu’elle a organisé et pris en charge le

déménagement des effets personnels de son salarié, non pour l’empêcher d’évoquer la présence de

fumées toxiques sur le site de Douala, mais parce que sa présence n’était plus requise et l’aurait mis

en danger, ce dont le salarié avait pleinement conscience. Elle explique que le rapatriement des

affaires a été jalonné de difficultés du fait du prestataire auquel elle avait confié ce soin, sans aucune

défaillance ni malveillance de sa propre part, et observe que le salarié ne justifie aucunement de son

préjudice, faute de verser des éléments relatifs à la nature et à la valeur des biens manquants.

Mais contrairement à ce qu’affirme la société, elle devait, à tout le moins après l’éviction du salarié

de la société CEP, organiser le retour de son salarié qui avait droit à réintégration ; il est constant que

les affaires du salarié n’ont pu être rapatriées que le 12 avril 2016. La société ne saurait invoquer les

difficultés de son prestataire, qu’elle ne démontre pas, pour s’exonérer de sa responsabilité ; le salarié

est fondé à lui reprocher la livraison tardive de ses affaires personnelles dont par ailleurs le salarié ne

démontre pas qu’elle n’est pas complète, faute pour lui de produire des inventaires comparatifs

objectifs.

Son préjudice sera réparé, dans cette limite, par l’allocation de la somme de 2 000 euros de

dommages-intérêts.

Sur la demande au titre du préjudice Pôle Emploi

Soutenant que ses bulletins de paie pendant son détachement comportent des erreurs, par la mention

d’un salaire brut de 4 954 euros et d’une part locale à hauteur de 2 300 euros, alors qu’il n’a jamais

perçu de rémunération locale au Cameroun et par l’absence de cotisation sur la prime d’expatriation

sans justification d’une exonération autorisée par le comité d’entreprise, et d’autre part que

l’attestation Pôle Emploi est également erronée, voire tronquée, en faisant état d’un salaire mensuel

de 6 416,67 euros au lieu de 9 709,33 euros, il estime à 30 000 euros le préjudice subi du fait

d’allocations chômage calculées sur des bases minorées.

La société conteste les erreurs dénoncées par l’appelant en faisant valoir que le salaire de référence

n’est pas de 9 709,33 euros mais de 6 416,67 euros bruts et que c’est à tort et en contrevenant à

l’article 1 de son avenant de mission que le salarié ajoute au salaire de base des primes qui ne sont

pas liées à un travail effectif mais indemnisent des sujétions( prime location premium, prime good

and services, prime de mobilité). Elle ajoute que l’attestation Pôle Emploi n’est pas tronquée alors

qu’au surplus au visa de l’article 11 du règlement Assedic du 14 avril 2017 sont exclues toutes

sommes qui ne trouvent pas leur contrepartie dans l’exécution normale du contrat de travail.

Selon l’article R.1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits, l’employeur

délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et

justifications lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L.5421-2 et

transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.'

L’article1de l’avenant de mission au contrat de travail conclu avec la société intimée et daté du15

avril 2014 prévoit les conditions de rémunération suivantes pendant la durée du détachement :

'salaire de référence brut : 77 000

salaire de référence net ( fiscal et social) 60 074

location premium ( 30% du salaire de référence brut en France) 23 100

good& services 7 782

salaire total net garanti 79 751€.

Tous les montants ci-dessus sont annualisés, votre rémunération vous sera versée par douzième.

Vous bénéficierez d’une prime de mobilité 'incentive premium’ de 7 700 €. Cette dernière vous sera

versée chaque année sur une durée de 3 ans. Au-dela des 3 ans, cette prime sera supprimée, si vous

ne changez pas d’affectation.

Nous insistons sur le fait qu’à l’exception de votre ' salaire brut de référence France', tous ces

éléments sont spécifiques à votre mission au Cameroun. Ils sont susceptibles d’être modifiés chaque

année, afin de tenir compte de l’évolution des conditions de travail et de vie dans ce pays.'

Mais dans la mesure où le salarié n’établit nullement ni qu’il a sollicité des allocations de Pôle emploi

après son licenciement par la société intimée laquelle montre qu’il a retrouvé un nouvel emploi dès

février 2016 après avoir exercé une activité de consultant freelance de juin 2015 à février 2016, ni

sur quelles bases éventuelles auraient été calculées ses allocations journalières de chômage, il ne

démontre pas le préjudice effectif allégué.

Il doit être débouté de sa demande indemnitaire sur ce point.

Sur la délivrance de documents sociaux conformes sous astreinte, de bulletins de salaire

rectifiés du procès-verbal du comité d’entreprise dispensant la société de soumettre les primes

d’expatriation aux cotisations sociales

Le salarié sollicite la rectification de ses bulletins de paie pendant la période de mai à décembre 2014

en ce qu’ils portent mention d’un salaire brut de 4 954, 42 euros, d’une part locale nette de 2 300

euros non soumise à cotisations sociales, alors que selon l’appelant, il n’a perçu aucune rémunération

locale, et que l’employeur ne justifie pas des raisons le dispensant des cotisations sociales sur les

primes d’expatriation, la dispense devant être autorisée par le comité d’entreprise dont l’employeur ne

produit pas le procès-verbal actant cette dispense.

Même si la rémunération due à M. Y pendant son détachement est prévue dans le contrat local

produit (à hauteur de 1 508 701 F CFA net par mois, soit environ 2297, 15 euros) , il est admis par

les parties que la rémunération était en réalité opérée par la société AJ AC France en euros.

Au vu de ces deux contrats (local et français), les bulletins de paie qui mentionnent la part locale de

2 300 euros ne sont pas erronés en ces mentions spécifiques ; en revanche, au vu de la définition

contractuelle de la rémunération qui se décompose en salaire de référence plus primes, il convient

d’ordonner la rectification des bulletins de salaire entre le 1er mai et le 31 décembre 2014, de façon à

faire apparaître distinctement le salaire de référence brut, et les primes contractuelles prévues

pendant cette période.

Il sera enjoint à la société intimée de délivrer les bulletins de salaire ainsi rectifiés, sans qu’il soit

besoin d’assortir cette injonction d’une astreinte non justifiée en l’espèce.

S’agissant de l’attestation Pôle emploi, elle mentionne les salaires versés à hauteur de 6 416, 67

euros, sans tenir compte des primes contractuelles ci-dessus mentionnées.

Mais conformément à l’article 11 du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage

du 14 mai 2014 seule applicable au vu de la date du licenciement – et non celle du 14 avril 2017

invoquée à tort par la société intimée- , le salaire de référence pris en compte pour déterminer

l’allocation journalière due au salarié privé d’emploi est établi à partir des rémunérations des 12 mois

civils précédant le dernier jour de travail payé à l’intéressé et d’une manière générale, sont exclues

toutes sommes qui ne trouvent pas leur contrepartie dans l’exécution normale du contrat de travail.

Dès lors que le salarié ne conteste pas que les primes contractuelles susvisées avaient pour seul objet

de compenser les sujétions afférentes à la vie au Cameroun, à savoir le logement ( location

premium), le maintien du niveau de vie ( good and services), la mobilité (incentive premium), ce

dont il se déduit qu’elles ne sont pas versées en contrepartie de l’exécution normale du contrat de

travail, c’est à juste titre que la société ne les a pas mentionnées sur l’attestation Pôle emploi.

La demande de délivrance d’une attestation Pôle emploi rectifiée sera rejetée, de même que la

demande de production du procès-verbal du comité d’entreprise relatif à la prime d’expatriation.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’issue du litige conduit la cour à condamner la société AJ AC France qui succombe en ses

prétentions à supporter les dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande de condamner la société intimée à payer à M. Y la somme de 3 000 euros

au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter la société de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 21 mars 2019 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en toutes ses

dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la nullité du licenciement notifié le 13 février 2015 par la société AJ AC France,

Ordonne la réintégration de M. Y au sein de la société AJ AC France, sans astreinte, dans

l’emploi qu’il occupait avant son licenciement, ou en cas d’impossibilité, dans un emploi équivalent à

celui qu’il occupait,

Condamne la société AJ AC France à payer à M. Y une indemnité correspondant aux

salaires dus depuis son licenciement le 13 février 2015 jusqu’à sa réintégration sur la base du salaire

mensuel brut de 6 416, 67 euros,

Arrête cette somme à 479 646, 11 euros bruts au 6 mai 2021,

Condamne la société AJ AC France à payer à M. Y les sommes suivantes :

—  7 000 euros de dommages-intérêts en réparation au titre de l’obligation de sécurité,

—  8 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice pour exécution déloyale du contrat de

travail,

—  2 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel,

—  3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la société AJ AC France de délivrer des bulletins de paie de mai à décembre 2014

conformes à la présente décision, sans astreinte,

Condamne la société AJ AC France aux dépens de première instance et d’appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de

procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier,

auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,



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Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 6 mai 2021, n° 19/02049