CAA de BORDEAUX, 2ème chambre (formation à 3), 30 juin 2015, 13BX02276, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 2e ch. (formation à 3), 30 juin 2015, n° 13BX02276
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 13BX02276
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de La Réunion, 17 avril 2013, N° 1000987
Identifiant Légifrance : CETATEXT000030832001

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 août 2013 et régularisée le 12 août 2013, présentée pour Mme A… C…, demeurant…, par Me B…;

Mme C… demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1000987 du 18 avril 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du groupe hospitalier sud Réunion (GHSR) à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité de la décision du 9 août 2010, par laquelle le directeur de l’établissement a mis fin à son stage en qualité d’adjoint administratif hospitalier de deuxième classe et l’a radiée des cadres ;

2°) de condamner le GHSR à lui verser des indemnités de 20 006,69 euros en réparation de son préjudice matériel et de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge du GHSR la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

— ----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 juin 2015 :

— le rapport de M. Bernard Leplat ;

 – les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

 – les observations de Me Yahia avocat du groupe hospitalier Sud-Réunion ;

1. Considérant que, par décision du 7 janvier 2009, le directeur du Groupe hospitalier Sud Réunion (GHSR) a mis fin, à compter du 19 janvier 2009, au stage de Mme C…, qui avait été recrutée en qualité d’adjoint administratif hospitalier de 2e classe et l’a radiée des cadres de l’établissement à compter de la même date ; que cette décision a été annulée par arrêt de la cour du 28 juin 2010 ; que, par décision du 9 août 2010, Mme C… a été de nouveau licenciée, à compter de la même date ; que Mme C… relève appel du jugement du 18 avril 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du GHSR à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité de cette décision ;

2. Considérant, en premier lieu, que les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l’avenir ; que, s’agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l’administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l’agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation ;

3. Considérant que Mme C… demande réparation des préjudices matériel, consistant en ses pertes de revenus entre le 19 janvier 2009 et le 9 août 2010, ainsi qu’en la perte de chance d’obtenir sa titularisation et moral, résultant de la situation de détresse dans laquelle elle a été maintenue pendant la période litigieuse ; qu’elle indique expressément à la cour qu’elle ne demande pas sa réintégration pour la période postérieure à la décision du 9 août 2010 mais seulement réparation des préjudices subis du fait du caractère illégal de la rétroactivité de la décision du 9 août 2010 la licenciant à compter du 19 janvier 2009 ;

4. Considérant que la circonstance que le recrutement de certains agents et notamment de stagiaires par le GHSR résulte de négligences s’étant traduites par le dépassement des crédits alloués pour les dépenses de personnel et ayant justifié la condamnation de dirigeants de l’établissement par la Cour de discipline budgétaire et financière, n’est pas de nature à faire regarder, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier universitaire (CHU) de la Réunion, qui vient aux droits du GHSR, les décisions relatives à ces recrutements comme obtenues par fraude et pouvant être retirées rétroactivement ;

5. Considérant que le CHU de la Réunion indique que la décision contestée a été prise en raison de déséquilibres affectant la situation financière du GHSR, révélés notamment par un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) établi au mois de mai 2008 et par une enquête de l’agence régionale d’hospitalisation (ARH) effectuée au mois de septembre 2007, qui ont, en particulier, relevé qu’il avait été procédé à des recrutements excédant les limites budgétaires et effectués, tels ceux de plusieurs stagiaires, dans des conditions ne correspondant pas aux orientations souhaitables ; que cette décision s’inscrit dans le cadre d’un plan de retour à l’équilibre, approuvé par le directeur de l’ARH et d’un « contrat de retour à l’équilibre » ; que le CHU de la Réunion peut, ainsi, être regardé comme soutenant que cette décision présente le caractère d’une mesure nécessaire à la régularisation de la situation de Mme C…, justifiant sa rétroactivité ;

6. Considérant que l’arrêt susmentionné de la cour a annulé la décision de licenciement au motif que le comité technique paritaire de l’établissement n’avait pas été régulièrement consulté sur la détermination des emplois devant être supprimés pour l’exécution du plan d’assainissement évoqué ci-dessus ; que si l’autorité administrative est tenue de placer les agents dépendant d’elle dans une situation légale et, lorsqu’il n’existe pas d’autre possibilité de régularisation, de procéder à leur licenciement, il n’en résulte pas que le licenciement d’un agent s’impose au seul motif que son recrutement aurait été fait sur un emploi ne correspondant pas aux préconisations d’une autorité de tutelle, telle, en l’espèce, l’ARH ; qu’alors même que, à la date de la décision du 9 août 2010, la détermination des emplois devant être supprimés aurait régulièrement fait l’objet des mesures nécessaires, ce changement de circonstances serait de nature à justifier le licenciement de Mme C… à compter de la date de la décision qui le prononce ; qu’en revanche, le caractère de mesure de régularisation nécessaire ne pouvant, lui-même, s’apprécier rétroactivement, ce changement est sans incidence sur le caractère illégal de la rétroactivité de la décision du 9 août 2010 ;

7. Considérant que, pour ce motif, Mme C… est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision du 9 août 2010 du directeur du GHSR prononçant son licenciement à compter du 19 janvier 2009 n’était entachée d’aucune illégalité ;

8. Considérant en second lieu, qu’en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions ; qu’enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l’agent a pu se procurer au cours de la période d’éviction ;

9. Considérant, qu’ainsi qu’il a été dit précédemment, la décision du 9 août 2010 du directeur du GHSR est entachée d’une rétroactivité illégale ; que cette illégalité est la cause directe des pertes de revenus de Mme C… pendant la période correspondant à cette rétroactivité ; que contrairement à ce que soutient le CHU de la Réunion, la circonstance que l’annulation du premier licenciement de l’intéressé a été motivée par la caractère irrégulier d’une consultation, est sans incidence sur l’importance de cette illégalité ; que s’il est vrai que le directeur du GHSR aurait pu procéder au licenciement, avec effet à compter de la date de notification de sa décision, dès que les emplois devant être supprimés dans son établissement ont été régulièrement déterminés, la circonstance qu’il l’aurait fait ultérieurement ne l’autorisait pas à lui faire prendre effet avant cette date ; que l’éviction de Mme C… n’a pas été motivée par une faute ou par son comportement mais uniquement, ainsi qu’il a été dit également ci-dessus, par la mise en oeuvre d’un plan de retour à l’équilibre de l’établissement qui l’employait ; que, par suite, Mme C… a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’elle a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ;

10. Considérant qu’il est constant que Mme C… n’a perçu aucune rémunération pendant la période s’étendant du 19 janvier 2009 au 9 août 2010, soit pendant 11 mois et 12 jours ; qu’elle réclame à ce titre, une somme de 20 006,69 euros ; qu’il résulte toutefois de l’instruction et notamment des documents joints à se demande de première instance par la requérante elle-même, que ce montant comprend celui correspondant à des indemnités, notamment la nouvelle bonification indiciaire (NBI), seulement destinées à compenser des contraintes liées à l’exercice effectif des fonctions ; que le montant de ses rémunérations, à l’exclusion de ces indemnités, s’élevait, pendant cette période et déduction faite du montant des sommes qu’elle a perçues au titre de l’aide au retour à l’emploi, à la somme de 14 826,69 euros ;

11. Considérant que Mme C… demande réparation du préjudice subi du fait de la perte d’une chance d’être titularisée ; que toutefois, elle n’apporte à l’appui de cette demande aucune précision permettant d’en apprécier le bien fondé ;

12. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu notamment de l’attitude de l’administration, de la nature de l’illégalité de la décision et de ses répercussions sur l’intéressée, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme C… en lui accordant une indemnité d’un montant de 3 000 euros en réparation de ce préjudice ;

13. Considérant, qu’il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme C… est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande et à demander la condamnation du CHU de la Réunion à lui verser une indemnité de 17 826,69 euros ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner, en application des dispositions de cet article, le CHU de la Réunion à verser à Mme C… la somme de 1500 euros, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions du CHU de la Réunion tendant à leur application ;


DECIDE

Article 1er : Le jugement du 18 avril 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis est annulé.

Article 2 : Le CHU de la Réunion est condamné à verser une indemnité de 17 826,69 euros à Mme C….

Article 3 : Le CHU de la Réunion versera à Mme C… une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C… et les conclusions du CHU de la Réunion tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… C… et au centre hospitalier universitaire (CHU) de la Réunion.

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N° 13BX02276

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