Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4e chambre, 5 juillet 2019, n° 17BX01036

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme ACont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la réduction de la cotisation primitive d’impôt sur le revenu et la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 2012.

Par un jugement n° 1401087 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 15 mai 2018, M. et Mme AC, représentés par Me B, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 février 2017 ;

2°) de prononcer la réduction de la cotisation primitive d’impôt sur le revenu à hauteur de 5 771 euros et la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— ils se sont installés en Espagne où ils résident de manière durable et permanente depuis 2010 ;

— seuls leurs revenus fonciers en France sont imposables en France, à l’exception de leurs pensions de retraite, lesquelles ont été déclarés en Espagne ;

— s’ils possèdent un logement en France, celui-ci est occupé de façon continue par les parents de madame ;

— la doctrine issue de BOI-INT-DG-20-10-10 n° 20 et 40 fait prévaloir la notion de résident au sens de la convention sur celle de domicile fiscal résultant de l’article 4 B du code général des impôts ;

— la doctrine issue de BOI-INT-CVB-DZA-10 n° 90 précise que la permanence de l’habitation signifie que l’intéressé fait le nécessaire pour avoir le logement à sa disposition en tout temps ;

— la CSG et la CRDS sont inapplicables aux non-résidents.

Par deux mémoires, enregistrés respectivement le 24 octobre 2017 et le 28 mai 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention entre la République française et le Royaume d’Espagne en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune signée à Madrid le 10 octobre 1995 ;

— le code de l’action sociale et des familles ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de la sécurité sociale ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

— et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme Cont souscrit une déclaration de revenus en qualité de non résidents au titre de l’année 2012, mentionnant des pensions de retraite pour un montant de 15 641 euros et des revenus fonciers pour un montant de 199 136 euros. Ils ont à ce titre été assujettis à des cotisations d’impôts sur le revenu et de contributions sociales pour des montants respectifs de 60 702 euros et 30 866 euros. Ils relèvent appel du jugement du 7 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la réduction des cotisations d’impôt sur le revenu et à la décharge des cotisations de contributions sociales.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition. Par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer – en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office – si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale. Il en est ainsi à l’égard de toute convention ayant cet objet, telle que la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995, alors même qu’elle définirait directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application.

En ce qui concerne la domiciliation fiscale de M. et Mme Cau regard du droit interne :

3. Aux termes de l’article 4 A du code général des impôts : « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ». Aux termes de l’article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. () ".

4. L’administration fiscale ne conteste pas que M. et Mme Cont en Espagne le lieu de leur séjour principal. Il est constant que les intéressés sont à la retraite et n’ont plus d’activité professionnelle. Toutefois, il résulte de l’instruction qu’au cours de l’année en litige, M. et Mme Cont perçu des pensions de retraite de source française ainsi que des revenus fonciers provenant d’une société civile immobilière française dont ils détiennent la totalité des parts. Les requérants n’allèguent pas percevoir d’autres ressources, en particulier de source espagnole. Il en résulte que M. et Mme Cavaient le centre de leurs intérêts économiques en France et, ainsi, leur domicile fiscal en France au sens du c du 1 de l’article 4 B du code général des impôts au titre de l’année 2012.

En ce qui concerne la résidence fiscale de M. et Mme Cau regard de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 :

5. Aux termes de l’article 1er de la convention conclue entre la République française et le Royaume d’Espagne le 10 octobre 1995 en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscale en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune : « La présente Convention s’applique aux personnes qui sont des résidents d’un État contractant ou des deux États contractants ». L’article 4 de cette convention stipule : « 1. Au sens de la présente Convention, l’expression » résident d’un État contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l’impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet État que pour les revenus de sources situées dans cet État ou pour la fortune qui y est située. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : a) Cette personne est considérée comme un résident de l’État où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent ; si elle dispose d’un foyer d’habitation permanent dans les deux États, elle est considérée comme un résident de l’État avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b) Si l’État où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d’un foyer d’habitation permanent dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l’État où elle séjourne de façon habituelle ; c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d’eux, elle est considérée comme un résident de l’État dont elle possède la nationalité ; d) Si cette personne possède la nationalité des deux États ou si elle possède la nationalité d’aucun d’eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d’un commun accord. () « . Aux termes de l’article 18 de la même convention : » Sous réserve des dispositions de l’article 19 paragraphe 2, les pensions, et autres rémunérations similaires, payées à un résident d’un État contractant au titre d’un emploi antérieur, ne sont imposables que dans cet État ". Il résulte de ces stipulations que toute résidence dont une personne dispose de manière durable est pour elle, au sens de la convention, un foyer d’habitation permanent.

6. L’administration fiscale ne conteste pas que M. et Mme Cont un foyer d’habitation permanent à Rosas en Espagne. Il n’est pas non plus contesté que les intéressés sont propriétaires d’une maison à Muret, en France, qui est également le siège de la société civile immobilière dont ils détiennent l’intégralité des parts, et dont ils ont indiqué l’adresse sur leur déclaration de revenus. Même si la maison de Muret est occupée par les parents de Mme C, au demeurant à titre gratuit, il n’en demeure pas moins que les requérants ont conservé ce foyer d’habitation permanent en France. Par suite, M. et Mme Cétaient résidents des deux États au sens du 1 de l’article 4 de la convention fiscale franco-espagnole, de sorte qu’il y a lieu de régler leur situation par application des critères énoncés au 2 de l’article 4 de ladite convention.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le centre de leurs intérêts vitaux se situe en France. Dans ces conditions, la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 ne fait pas obstacle à l’application de la loi fiscale française. Par suite, les requérants ne peuvent utilement de prévaloir des stipulations, citées au point 5, de l’article 18 de cette convention.

En ce qui concerne la doctrine administrative :

8. Les requérants ne saurait se prévaloir utilement, ni de la doctrine exprimée dans BOI-INT-DG-20-10-10, dès lors que celle-ci ne donne pas de la loi fiscale applicable au litige une interprétation différente de celle dont il vient d’être fait application, ni de la doctrine exprimée dans BOI-INT-CVB-DZA-10, dès lors que celle-ci concerne l’application de la convention fiscale conclue entre la France et l’Algérie.

Sur les contributions sociales :

9. Il résulte de l’instruction que les revenus fonciers provenant de la société civile immobilière française dont M. et Mme Cdétiennent la totalité des parts ont été soumis à la contribution sociale généralisée prévue à l’article 1600-0 C du code général des impôts, renvoyant à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale prévue à l’article 1600-0 G du même code, au prélèvement social prévu par l’article 1600-0 F bis, alors en vigueur, du même code, renvoyant à l’article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et à la contribution additionnelle prévue au 2° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles. Dès lors que, ainsi qu’il a été dit précédemment, M. et Mme Csont résidents fiscaux français, c’est à bon droit que l’administration fiscale a soumis leurs revenus fonciers à ces contributions sociales.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme Cne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme Cau titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. et Mme Cest rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme ACet au ministre de l’action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l’audience du 7 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. David Katz, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 juillet 2019.

Le rapporteur,

Romain Roussel

Le président,

Philippe Pouzoulet

La greffière,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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