CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 8 juin 2021, 19BX01496, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’EURL l’Atelier d’Alexandre a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été réclamés sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1700545 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé l’EURL l’Atelier d’Alexandre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à hauteur de 39 528 euros en droits et pénalités.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 17 avril 2019, et un mémoire enregistré le 14 décembre 2020, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2018 ;

2°) de rétablir à la charge de l’EURL l’Atelier d’Alexandre les impositions supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été prononcée à tort en première instance.

Il soutient :

- que sa requête est recevable ;

 – qu’en recherchant dans l’article 279-0 bis du code général des impôts qui concerne uniquement les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans, les conditions de mise en oeuvre du taux réduit de TVA pour des opérations de création de véranda qui correspondent par définition à des travaux de construction étrangers au champ d’application de ces dispositions, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

 – qu’en estimant que la doctrine opposable à l’administration ne subordonnait pas la mise en oeuvre du taux réduit de 7 % et 10 % à la condition que la nouvelle surface de plancher n’excède pas 9 m², le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; dans l’hypothèse où les opérations litigieuses auraient été soumises aux dispositions de l’article 279-0 bis du code général des impôts, la doctrine administrative n’aurait en tout état de cause pas pu régulièrement ajouter à la loi, en instaurant une condition tenant à la surface maximale de plancher créée, non prévue par le législateur ;

 – les éléments du contrôle sont suffisants pour caractériser une augmentation de surface de plus de 9 m² ;

 – la société n’est pas recevable à formuler directement devant la Cour une demande de dommages-intérêts à raison de la mise en cause de la responsabilité de l’Etat, faute de décision préalable de l’administration rejetant la demande d’indemnité du contribuable.

Par un mémoire en défense, et des pièces nouvelles enregistrés le 5 juin 2019 l’EURL l’Atelier d’Alexandre, représentée par Me D…, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, en cas d’infirmation du jugement, à ce que l’administration soit condamnée à lui payer la somme de 43 783 euros à titre de dommages-intérêts et demande le versement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête du ministre est irrecevable comme tardive et que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 décembre 2020, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 22 janvier 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. B… C…,

 – et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L’EURL l’Atelier d’Alexandre, qui exerce une activité de fabrication, vente et installation de vérandas et de façades en acier a fait l’objet d’une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 à l’issue de laquelle le service l’a informée, par proposition de rectification du 4 août 2016, de son intention de soumettre au taux normal de TVA de 19,6 % (2013) ou 20 % (2014 et 2015), les travaux d’installation de vérandas facturés ayant conduit à une augmentation de la surface de plancher supérieure à 9 m2 et initialement imposées au taux réduit de 7 % (2013) et de 10 % (2014 et 2015). Le service a ainsi procédé au rappel de la TVA collectée correspondant à l’insuffisance de taux relevée. Le ministre de l’action et des comptes publics relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2018 qui a déchargé l’EURL l’Atelier d’Alexandre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à hauteur de 39 528 euros en droits et pénalités.

Sur la fin de non-recevoir opposée au recours du ministre :

2. Aux termes de l’article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : « A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l’administration des impôts qui a suivi l’affaire, celui-ci dispose d’un délai de deux mois pour transmettre, s’il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d’appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l’alinéa précédent… ». Ces dispositions tiennent compte des nécessités particulières du fonctionnement de l’administration fiscale qui la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables, et justifient le délai complémentaire de deux mois accordé au ministre.

3. Le jugement attaqué a été notifié au directeur régional des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine le 21 décembre 2018. A la date d’enregistrement de la requête, le 17 avril 2019, le délai d’appel de quatre mois imparti au ministre de l’action et des comptes publics n’était donc pas expiré. En outre, en application de l’article 1er du décret du 6 mars 1961, modifié en dernier lieu par l’article 1er du décret 2013-577 du 2 juillet 2013, le directeur général des finances publiques a délégué la signature du Ministre chargé de l’économie et des finances à M. A… E…, administrateur des finances publiques, signataire du recours. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par l’intimé tirée de la tardiveté du recours ne peut qu’être écartée.

Sur le bien-fondé du motif de décharge retenu par le tribunal administratif :

4. Pour décharger, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l’EURL l’Atelier d’Alexandre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, le tribunal a estimé que dès lors qu’il ne résulte pas des dispositions de l’article 279-0 bis du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur que lors de la fourniture et pose d’une véranda, le taux intermédiaire de TVA s’appliquerait sous la double condition que la surface du plancher n’augmente pas la surface totale de l’habitation de plus de 10 % et que cette augmentation de surface [ne] soit [pas] supérieure à 9 m², la requérante est fondée à se prévaloir de l’imprimé CERFA 1301-SD, de sa notice et du commentaire administratif publié au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-TVA-LIQ-30-20-90 qui n’indiquent pas davantage l’exigence d’une seconde condition et à soutenir que, par suite, les rappels de TVA en litige méconnaissent l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le terrain de la loi :

5. En vertu des dispositions du 1 de l’article 279-0 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux périodes d’impositions en cause, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % ou 10 % sur les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des locaux à usage d’habitation, achevés depuis plus de deux ans. Toutefois, par dérogation, le taux prévu à l’article 278 s’applique aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus à l’issue desquels la surface de plancher des locaux existants est augmentée de plus de 10 %. Il appartient au juge de l’impôt d’apprécier, au vu de l’instruction, si les recettes réalisées par le contribuable relèvent du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou de son taux normal, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées les opérations taxables.

6. D’une part, les travaux qui ont eu pour objet l’installation de vérandas et eu pour conséquence d’accroître la surface habitable des immeubles concernés n’entrent pas dans le champ des dispositions précitées de l’article 279-0 bis du code général des impôts.

7. D’autre part, il résulte de l’instruction et notamment de la proposition de rectification du 4 août 2016 que la vérificatrice, après avoir indiqué que les travaux de construction et/ou d’extension de balcon, loggia, terrasse ou véranda ne bénéficient pas du taux intermédiaire sauf, par tolérance administrative, lorsque la surface créée n’excède pas 9 m2, a constaté que l’EURL l’Atelier d’Alexandre a présenté au service tous les dossiers comprenant les échanges entre les clients et la société, les devis et les plans et précise pour chacun des clients identifiés le descriptif des travaux effectués. Pour chaque période vérifiée et chacune des opérations concernées, un tableau mentionne le numéro d’écriture, la date de comptabilisation, l’identité du client ainsi que le montant du rappel résultant de la taxation au taux normal. La vérificatrice a, par voie de conséquence, remis en cause l’application du taux réduit aux poses de verrière dont la surface de plancher excède 9 m2 au vu des documents consultés sur place. Si l’EURL l’Atelier Alexandre conteste, pour la première fois en appel, toute augmentation de surface par création ex nihilo de vérandas au motif que rien ne permet de vérifier si la surface d’assise des vérandas édifiées n’était pas déjà existante et bétonnée ou carrelée, elle n’apporte toutefois aucun élément de nature à étayer une telle affirmation.

8. Il résulte de ce qui précède que les dispositions du 1 de l’article 279-0 bis du code général des impôts ne sont pas applicables à la situation de fait en litige. En outre, aucune disposition légale ne prévoit l’application d’un taux réduit de TVA à la création d’une véranda.

Sur le terrain de la doctrine fiscale :

9. Aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. ».

10. D’une part, il ressort de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-TVA-LIQ-30-20-90-30, dans sa version en vigueur le 12 septembre 2012, n° 380 applicable aux travaux d’installation d’une véranda que « Le taux réduit s’applique si les travaux conduisent, d’une part, à une augmentation de la surface de plancher n’excédant pas 9 m² et, d’autre part, à une augmentation de la surface de plancher de la construction inférieure ou égale à 10 %. ». Dès lors que le service a procédé aux rappels de TVA pour les travaux ayant conduit à une augmentation de la surface de plancher d’immeubles d’habitation supérieure à 9 m², l’EURL l’Atelier Alexandre ne peut utilement se prévaloir de cette doctrine fiscale pour revendiquer le bénéfice du taux réduit.

11. D’autre part, les imprimés et autres notices utilisés pour les déclarations de revenus ne contiennent pas d’interprétation administrative au sens de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Au demeurant, l’imprimé CERFA 1301-SD intitulé « attestation simplifiée », comprend dans la partie « nature des travaux » la mention « J’atteste que sur la période de deux ans précédant ou suivant la réalisation des travaux décrits dans la présente attestation, les travaux… ne consistent pas en une surélévation ou une addition de construction. ». La notice jointe à cet imprimé mentionne également que les travaux réalisés ne doivent pas constituer une addition de construction. Par suite, dès lors qu’ainsi qu’il a été précédemment indiqué, le redressement fiscal a pour origine le constat de la réalisation de travaux de création de vérandas correspondant à une addition de construction, l’EURL l’Atelier Alexandre ne peut utilement se prévaloir de ce que l’imprimé CERFA 1301 et sa notice n’excluent pas l’application du taux réduit en cas d’augmentation de la surface de plancher de plus de 9 m2 pour revendiquer, le bénéfice du taux réduit. Pour les mêmes motifs, l’imprimé remis par l’administration fiscale au contribuable n’a pas pour conséquence une méconnaissance des principes de la sécurité juridique et de loyauté.

12. Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que pour décharger l’EURL l’Atelier d’Alexandre des suppléments de TVA mis à sa charge, le tribunal a fait droit au moyen tiré de ce que le requérant pouvait bénéficier, pour les travaux réalisés, du régime de tolérance prévu par la doctrine fiscale.

13. Il y a lieu pour la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par l’EURL l’Atelier Alexandre tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

14. Il résulte de l’instruction que l’EURL l’Atelier Alexandre n’a pas présenté d’autres moyens.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé l’EURL l’Atelier d’Alexandre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à hauteur de 39 528 euros en droits et pénalités.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat :

16. Une faute commise par l’administration lors de l’exécution d’opérations se rattachant aux procédures d’établissement et de recouvrement de l’impôt est de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l’impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l’administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d’existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l’administration si celle-ci établit soit qu’elle aurait pris la même décision d’imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu’elle avait omis de prendre en compte, soit qu’une autre base légale que celle initialement retenue justifie l’imposition. Enfin l’administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s’il n’est pas le contribuable, du demandeur d’indemnité comme cause d’atténuation ou d’exonération de sa responsabilité.

17. La société n’a pas formulé auprès de l’autorité compétente une demande préalable tendant à l’octroi d’une indemnité en raison de l’activité des services d’assiette. La fin de non-recevoir soulevée par le Ministre à l’encontre des conclusions indemnitaires de l’EURL l’Atelier Alexandre doit donc être accueillie.

Sur les frais liés à l’instance :

18. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance partie perdante, la somme que demande l’EURL l’Atelier Alexandre au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 21 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à hauteur de 39 528 euros en droits et pénalités à l’EURL l’Atelier Alexandre sont remis à sa charge.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l’EURL l’Atelier Alexandre est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la relance, et à l’EURL l’Atelier d’Alexandre.

Copie en sera adressée à la direction spécialisé du contrôle fiscal Sud-Ouest.


Délibéré après l’audience du 11 mai 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. B… C…, premier conseiller,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.

Le rapporteur

Nicolas C… La présidente

Evelyne Balzamo Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 19BX01496

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