CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 2 novembre 2021, 19BX01120, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 mars 2019, 4 mai 2019 et 10 décembre 2019, l’association Nature Environnement 17, représentée par Me Le Briero, demande à la cour :

1°) d’annuler l’arrêté du 23 octobre 2018 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la société d’exploitation du parc éolien de Saint-Loup-de-Saintonge à exploiter une installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Saint-Loup-de-Saintonge ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société d’exploitation du parc éolien de Saint-Loup-de-Saintonge la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – sa requête est recevable ;

 – l’étude d’impact est insuffisante au regard de l’article R. 122-5 du code de l’environnement ; l’état initial concernant les chiroptères et l’avifaune est gravement lacunaire ; les prospections nocturnes des chiroptères se sont limitées aux mois de juillet et août 2005 alors que les études préconisent de mener des suivis acoustiques nocturnes au cours des 3 périodes clés de leur cycle biologique ; l’étude d’impact omet la présence de la pipistrelle de Nathusius et de la noctule de Leisler dont la présence dans la zone d’étude est avérée ; les données existantes permettent d’attester la présence de 4 espèces supplémentaires dont 2 présentes dans le périmètre proche, 7 espèces sont particulièrement sensibles à l’éolien dont 3 n’ont pas été mentionnées dans l’étude ; l’absence de prospections concernant l’avifaune en période hivernale/automnale ne permet pas de dresser un état initial satisfaisant ; l’insuffisance de l’état initial conduit à une analyse erronée des impacts du projet sur l’environnement ; l’étude d’impact ne précise ni les effectifs des populations locales ni la quantification de la mortalité prévisible due à l’implantation du projet litigieux ; les impacts tels que la perte d’habitats et de territoires de chasse pour certaines espèces sont peu étudiés ; l’impact de la destruction de la haie située le long des éoliennes E4 et E5 et utilisée comme corridor de déplacement et de chasse pour les chauves-souris n’est pas étudié dans l’étude d’impact ;

 – l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 181-13 du code l’environnement ; le préfet n’a pas pris en compte les changements intervenus dans les circonstances de fait notamment la réalisation d’un plan de gestion durable du site de la Trézence ; les mesures prévues à l’article 6 de l’arrêté litigieux ne permettent pas de prévenir les impacts de l’exploitation du parc éolien ; l’obligation de planter 500 mètres de haies ne comporte aucune précision sur la localisation de ces haies ni les attendus de cette mesure en termes de fonctionnalités écologiques ; la mesure de « régulation » de l’éolienne E4 entre le 1er mars et le 15 novembre dans l’objectif de préserver les chiroptères ne précise pas pourquoi cette éolienne en particulier devrait être régulée ou en quoi les autres éoliennes présenteraient moins d’enjeux vis-à-vis des chiroptères ; la réalisation d’un suivi de mortalité pendant les 3 premières années de mise en service n’est pas une mesure visant à limiter les impacts de l’installation sur l’environnement ; les impacts sur les chiroptères et les oiseaux causés par le projet ne pouvaient être prévenus par l’arrêté préfectoral ;

 – l’arrêté attaqué méconnaît les articles L. 181-3 et L. 411-2 du code de l’environnement ; le pétitionnaire aurait dû solliciter une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées ; l’autorisation accordée aurait dû tenir lieu de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées et n’aurait dû être accordée que le si le préfet s’était assuré du respect des conditions posées au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ; les conditions cumulatives exigées par cet article ne sont pas réunies.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 avril 2019, 16 mai 2019 et 17 septembre 2019, la société d’exploitation du parc éolien de Saint-Loup-de-Saintonge, représentée par LPA-CGR Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’association requérante la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la requête est irrecevable car tardive ;

 – les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

 – la requête est irrecevable car tardive ;

 – les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.


Vu :

 – le code de l’environnement ;

 – l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale ;

 – le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme A…,

 – les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

 – et les observations de Me Cambus pour la société d’exploitation du parc éolien de Saint-Loup-de-Saintonge.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 octobre 2018, le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la société d’exploitation du parc éolien (SEPE) de Saint-Loup-de-Saintonge à exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Saint-Loup-de-Saintonge (Charente-Maritime). Par la présente requête, l’association Nature Environnement 17 demande à la cour d’annuler cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d’installation d’éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l’article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d’autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement, ou de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; (…) ".

3. La demande d’autorisation en litige déposée le 22 décembre 2014 devait être instruite et délivrée selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 26 janvier 2017. En revanche, en application des dispositions précitées et compte tenu de la date à laquelle l’autorisation a été délivrée, le 23 octobre 2018, le régime juridique applicable à la décision est celui régissant les nouvelles autorisations environnementales, fixé par le chapitre unique du titre VIII du code de l’environnement, et en particulier le régime des recours contentieux défini par l’article R. 181-50 du code de l’environnement.

4. Le régime des délais de recours issu de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 et du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 a été fixé par l’article R. 181-50 du code de l’environnement qui dispose que : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : (…) 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : a) L’affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l’article R. 181-44 ; b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l’affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d’affichage de la décision. / Les décisions mentionnées au premier alinéa peuvent faire l’objet d’un recours gracieux ou hiérarchique dans le délai de deux mois. Ce recours administratif prolonge de deux mois les délais mentionnés aux 1° et 2° « . Aux termes de l’article R. 181-44 du même code : » En vue de l’information des tiers : / (…) 2° Un extrait de ces arrêtés est affiché à la mairie de la commune d’implantation du projet pendant une durée minimum d’un mois ; procès-verbal de l’accomplissement de cette formalité est dressé par les soins du maire ; / (…) 4° L’arrêté est publié sur le site internet des services de l’Etat dans le département où il a été délivré, pendant une durée minimale de quatre mois. (…) ".

5. Il résulte de l’instruction que l’arrêté contesté a été, d’une part, publié sur le site internet de la préfecture de la Charente-Maritime le 25 octobre 2018 et pendant une durée minimale de quatre mois et, d’autre part, affiché en mairie de Saint-Loup-de-Saintonge à compter du 26 octobre 2018 pendant une durée minimum d’un mois. Si l’association requérante se prévaut de ce que l’arrêté contesté a en outre été publié sur le site internet de la préfecture le 19 novembre 2018 dans la rubrique spécifique aux enquêtes publiques clôturées, cette seconde publication ne saurait constituer le point de départ du délai de recours contentieux dès lors que l’arrêté avait fait l’objet d’une publication sur le site internet de la préfecture dès le 25 octobre 2018 et que les dispositions précitées de l’article R. 181-50 du code de l’environnement ne conditionnent pas le délai de recours des tiers à une deuxième publication. Par ailleurs, l’arrêté attaqué comporte la mention exacte du délai de recours ouvert aux tiers prévu à l’article R. 181-50 du code de l’environnement et la circonstance qu’il mentionne qu’un recours pourra être exercé auprès du tribunal administratif de Poitiers alors que la compétence a été postérieurement transférée aux cours administratives d’appel par le décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 n’a pas été de nature à priver l’association requérante de son droit à un recours effectif. Dans ces conditions, en application des dispositions précitées de l’article R. 181-50, le délai de recours contentieux de quatre mois a commencé à courir à compter de la dernière formalité accomplie, à savoir l’affichage en mairie, soit en l’espèce le 26 octobre 2018. Ainsi, à la date d’enregistrement de la présente requête, le 20 mars 2019, le délai de recours était expiré. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être accueillie et la requête ne peut qu’être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat et de la SEPE de Saint-Loup-de-Saintonge, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que l’association requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l’association Nature Environnement 17 une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SEPE de Saint-Loup-de-Saintonge et non compris dans les dépens.

DECIDE :


Article 1er : La requête de l’association Nature Environnement 17 est rejetée.

Article 2 : L’association Nature Environnement 17 versera à la société d’exploitation du parc éolien de Saint-Loup-de-Saintonge une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Nature Environnement 17, à la ministre de la transition écologique et à la société d’exploitation du parc éolien de Saint-Loup-de-Saintonge.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l’audience du 28 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2021.

La rapporteure,

Laury A…

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 19BX01120

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