CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 25 octobre 2022, 20BX00995, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) SVM a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des pénalités auxquelles elle a été soumise au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701627 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mars, 28 juillet et 6 octobre 2020, la société civile immobilière (SCI) SVM, représentée par Me Charpentier-Stoloff, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler le jugement n° 1701627 du tribunal administratif de Pau du 16 janvier 2020 ;

2°) de prononcer la décharge de la totalité des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

— la requête d’appel qui n’est pas strictement identique à celle de première instance, contrairement aux allégations de l’administration fiscale est recevable ;

— la réponse aux observations de la contribuable datée du 23 octobre 2015 n’est pas signée par l’inspectrice des finances publiques ; elle s’est trouvée dans l’impossibilité de s’assurer que ses observations avaient été examinées par l’inspectrice des finances publiques dont le nom était dactylographié ; la réponse aux observations du contribuable du 23 octobre 2015 est entachée d’un vice de nature à affecter la régularité de la procédure d’imposition ;

— le bénéficiaire des sommes litigieuses, M. D n’est pas dissimulé ; l’identité est clairement précisée dans sa comptabilité ; l’administration ne démontre pas la dissimulation de recettes ou la prise en charge de dépenses qui ne lui incombent pas ;

— l’administration ne démontre aucune faveur spéciale accordée par elle au profit de M. D, en se contentant d’énumérer des faits sans établir un quelconque profit ou une utilisation de ces sommes dans un intérêt personnel ; M. D a expliqué à l’administration l’utilisation non-personnelle des sommes figurant au débit du compte courant d’associé de la société ; en qualité de gérant des sociétés SCI SVM et SMTP, il a effectué par ce biais un « prêt » entre deux sociétés formant un groupe informel, sans avoir conscience de l’obligation de l’acter comme on procède pour des opérations entre des tiers ; il a adressé les justificatifs du remboursement des sommes prélevées sur le compte courant d’associé dans la réclamation en date du 12 février 2016 ; même s’il exerce les fonctions de gérants des sociétés SVM et SMTP, rien n’établit que les sommes litigieuses lui ont profité ; il s’est comporté en bon gestionnaire des comptes sociaux des sociétés SVM et SMTP ;

— les sommes prélevées étaient destinées à renflouer la trésorerie de la société SMTP et les flux de trésorerie ont été utilisés dans cet objectif ; étant à la tête de plusieurs sociétés, M. D a opéré ces mouvements de trésorerie en considérant qu’il gérait un groupe ; si les sommes ont transité par son compte personnel, elles auraient aussi pu être virées directement sur le compte de l’autre société, constituant ainsi un prêt direct entre deux structures appartenant à « un groupe informel » ; les sommes prélevées ont simplement transité pendant un court laps de temps sur son compte personnel ; la trésorerie de la société SMTP présentait des difficultés et nécessitait un apport rapide de fonds ;

— l’article L. 223-21 du code de commerce ne concerne que les SARL et ne vaut pas pour les sociétés en nom collectif et les sociétés civiles pour lesquelles l’associé est responsable du passif social ;

— les transferts n’étaient pas destinés à réaliser un profit, aussi bien pour la société SMTP que pour M. D et constituaient une avance qui a, par la suite, été remboursée intégralement à la SCI SVM ; l’administration ne saurait imposer les sommes portées au débit de son compte courant au titre de l’article 111, a du code général des impôts ;

— sur le prêt à la SCI Hugo Musées, les versements ainsi effectués pour un montant final au 31 décembre 2013 de 30 697,99 euros, ne l’ont pas pénalisée ; au contraire, la comptabilisation d’un intérêt a procuré un revenu ; le taux utilisé pour le calcul de ces intérêts est un taux qui n’est pas inférieur à celui du marché ; ce prêt ne constitue pas un acte anormal de gestion ; les intérêts ont par ailleurs été payés mais n’ont pas encore été versés ;

— les sommes versées à M. C D, soit un solde total au 31 décembre 2013 de 11 808,99 euros ont aussi fait l’objet d’un intérêt constituant un produit pour la société ; ces intérêts ont été calculés selon un taux qui n’est pas inférieur à celui que la société aurait pu obtenir avec un placement bancaire ; il s’agissait du remboursement d’une dette personnelle que M. D avait contracté à l’encontre de son frère et qui a été remboursée par erreur avec le compte de la société SVM ; par négligence, il n’a jamais régularisé cette erreur ; le prêt a été justifié auprès de l’administration.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 septembre 2020 et 24 novembre 2021, ce dernier mémoire n’ayant pas été communiqué, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— la contestation devant la cour porte non pas sur les rehaussements notifiés à la SCI SVM mais sur le bien-fondé des distributions notifiées au nom de M. D, gérant de la SCI, et sur l’existence d’un acte anormal de gestion résultant du versement par la SCI SVM de sommes au profit de la SCI Hugo Musée et de M. C D, frère du gérant ; toutefois, l’appelante ne conteste plus l’existence d’un acte anormal de gestion résultant de l’inscription d’une somme de 15 000 euros au débit du compte ouvert au nom de Mme B dans les écritures de la SCI SVM ;

— aucun argument n’est développé afin de contester l’existence d’un passif injustifié et par suite le rehaussement du bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés mis en recouvrement pour un montant de 27 759 au titre de l’année 2013 et de 696 euros au titre de l’année 2014 ; d’une part, les moyens tirés de ce que les sommes portées au débit du compte courant de M. E D ne constituaient pas des distributions occultes et de ce que les prêts consentis à la SCI Musées Hugo ainsi qu’à M. C D ne constituaient pas des actes anormaux de gestion sont inopérants et doivent être écartés ;

— d’autre part, conformément à l’article R. 411-1 du code de justice administrative et à la jurisprudence applicable, une requête est irrecevable dès lors qu’aucun moyen n’est présenté à l’appui des conclusions aux fins de rétractation ; devant la cour, la SCI SVM ne développe aucun moyen visant à contester le bien-fondé des rehaussements qui lui ont été notifiés suite à la constatation d’un passif injustifié qui correspondrait à une dette contractée à l’égard de Mme B ;

— conformément à la réglementation applicable et à la jurisprudence précitée, dès lors que la société ne permet pas au juge d’appel de se prononcer sur les erreurs qu’aurait pu commettre le tribunal administratif, la requête doit être considérée comme irrecevable ; les arguments développés devant le tribunal, et à l’identique devant la cour, se limitent à la contestation des distributions occultes au profit de M. D, gérant de la SCI, et des actes anormaux de gestion réalisés au profit de la SCI Hugo Musées et de M. C D ;

— comme le relève le tribunal dans son jugement, les suppléments d’impôt sur les sociétés mis à la charge de la société requérante procèdent uniquement de la réintégration dans le bénéfice imposable de la société au titre des exercices vérifiés d’un passif injustifié porté au crédit du compte ouvert au nom de Mme B, mère du gérant de la SCI ; ces rehaussements n’ayant fait l’objet d’aucune contestation devant la cour, la requête est également irrecevable pour ce motif ;

— la simple production d’une copie non signée ne saurait permettre de conclure à l’insuffisance de motivation dès lors de surcroît que l’administration dispose de copies signées au titre des procédures menées tant à l’encontre de la requérante que de son dirigeant, M. D ;

— sur le bien-fondé de l’impôt, pour les motifs exposés dans les paragraphes consacrés à la délimitation du litige et à la recevabilité de la requête, les moyens relatifs au bien-fondé de l’impôt sont irrecevables et ne peuvent par conséquent qu’être rejetés ;

— les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 octobre 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 13 décembre 2021, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme F A,

— et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) SVM, qui a pour objet social la location de terrains et autres biens immobiliers, est soumise au régime de l’impôt sur les sociétés. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012 et 2013. Par une proposition de rectification en date du 7 août 2015, la société requérante s’est vue notifier des suppléments d’impôt sur les sociétés au titre des deux années vérifiées pour un montant total, en droits et pénalités, de 28 455 euros, ces suppléments étant la conséquence de la réintégration dans le bénéfice imposable de la société d’un passif injustifié. M. D, gérant de la société SVM, a contesté ces rehaussements, mis en recouvrement le 15 décembre 2015, par une réclamation en date du 2 février 2016, laquelle a fait l’objet d’un rejet implicite. Par un jugement n° 1701627 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la société SVM. Cette dernière relève appel de ce jugement.

Sur les fins de non-recevoir :

2. Aux termes de l’article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. () Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. / L’auteur d’une requête ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours. ».

3. D’une part, il résulte de l’instruction que la société SVM a présenté, dans le délai de recours, devant la cour administrative d’appel, une requête qui ne constituait pas une reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonçait à nouveau, de manière partiellement différente, les moyens justifiant la décharge des impositions en litige. Une telle motivation répond aux conditions posées par l’article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir ainsi opposée doit être écartée.

4. D’autre part, la société requérante soutient que la procédure d’imposition est irrégulière. Le moyen ainsi invoqué n’est pas inopérant. Dès lors, contrairement à ce que fait valoir l’administration fiscale, la requête ne comporte pas seulement des moyens inopérants. Dès lors, cette fin de non-recevoir doit être également écartée.

Sur les conclusions à fin de décharge :

5. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. () Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ». L’absence de signature manuscrite de la réponse aux observations du contribuable constitue un vice de nature à entacher d’irrégularité la procédure d’imposition.

6. Il résulte de l’instruction que la lettre, modèle 3926-SD, par laquelle l’administration a, en date du 23 octobre 2015, notifié sa réponse aux observations du contribuable et confirmé les rehaussements notifiés, portait la seule mention dactylographiée du nom d’une inspectrice des impôts, sans aucune signature manuscrite. Si l’administration fiscale produit une copie de ce document, laquelle comporte une signature peu visible, la société SVM, ainsi que l’avait déjà invitée à le faire, en vain, le tribunal administratif, a communiqué à la cour, par lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 23 juillet 2020, l’exemplaire original de ce document, ne comportant aucune signature manuscrite de l’inspectrice en charge de la procédure. Dès lors, la réponse de l’administration adressée à la société SVM est sans valeur dans la mesure où elle est dépourvue de signature manuscrite. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que l’imposition en litige a été établie à la suite d’une procédure irrégulière.

7. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que la société SVM est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l’instance :

8. En application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros que demande la société SVM en remboursement des frais qu’elle a exposés, non compris dans les dépens.

DECID E :

Article 1er : Le jugement n° 1701627 en date du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La société SVM est déchargée des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013

Article 3 : L’Etat versera à la société SVM la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société SVM et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l’audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte ALa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.



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