Cour administrative d'appel de Douai, 10 juillet 2012, n° 12DA00037

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 10 juill. 2012, n° 12DA00037
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 12DA00037
Décision précédente : Tribunal administratif de Lille, 20 octobre 2011, N° 1001559

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE DOUAI

N°12DA00037

____________

M. Y Z X

____________

M. Dominique Naves

Rapporteur

____________

M. Xavier Larue

Rapporteur public

____________

Audience du 27 juin 2012

Lecture du 10 juillet 2012

____________

49-04-01-04

D dd

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Douai

(1re chambre)

Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2012 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, présentée pour M. Y Z X, demeurant XXX à Pont-à-Vendin (62880), par Me B. Ramas Muhlbach, avocat ; M. X demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1001559 du 21 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que soit constatée l’inconstitutionnalité de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, subsidiairement, à surseoir à statuer dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel relative à l’inconstitutionnalité de la loi « instituant le permis à points », et à l’annulation de la décision du 15 janvier 2010 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales retirant six points de son permis de conduire à la suite de l’infraction du 20 décembre 2004, récapitulant les précédents retraits de points, invalidant son permis de conduire pour solde de points nul et lui enjoignant de le restituer ;

2°) de constater l’inconstitutionnalité de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 ;

3°) subsidiairement, de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel relative à l’inconstitutionnalité de la loi « instituant le permis à points » ;

4°) d’annuler la décision du 15 janvier 2010 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales retirant six points de son permis de conduire à la suite de l’infraction du 20 décembre 2004, récapitulant les précédents retraits de points, invalidant son permis de conduire pour solde de points nul et lui enjoignant de le restituer ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que le jugement attaqué n’a pas répondu à l’exception d’inconstitutionnalité de la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 instituant le permis à points qu’il avait soulevée devant les premiers juges en application de l’article 61-1 de la Constitution ; que la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 méconnaît le principe constitutionnel d’égalité ; que l’automaticité des peines prononcées en matière de permis à points méconnaît le principe d’individualisation des sanctions ; qu’au regard du caractère nouveau et sérieux de cette question, il convient de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de cette loi, au Conseil d’Etat ; que, concernant les infractions constatées les 20 décembre 2004 et 5 avril 2009, il n’a pas été destinataire de l’information préalable obligatoire prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que la loi du 5 mars 2007 sur le permis à points opère une discrimination entre les titulaires du permis de conduire délivré par les autorités françaises et les titulaires d’un permis de conduire étrangers et plus précisément européens ; que le retrait de 6 points est une peine accessoire à sa condamnation par le juge pénal à une suspension de son permis pour une durée de quatre mois, une peine automatique, insusceptible d’être individualisée, en méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 20 juin 2012 et confirmé par la production de l’original le 25 juin 2012, présenté par le ministre de l’intérieur ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que le requérant n’apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport au litige porté devant les premiers juges ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution notamment son Préambule ;

Vu la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 relative à diverses dispositions en matière de sécurité routière et en matière de contravention ;

Vu la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ;

Vu la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 ;

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Dominique Naves, président-assesseur ;

Considérant que M. X relève appel du jugement n° 1001559 du 21 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que soit constatée l’inconstitutionnalité de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, subsidiairement, à surseoir à statuer dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel relative à l’inconstitutionnalité de la loi « instituant le permis à points », et à l’annulation de la décision du 15 janvier 2010, du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales retirant six points de son permis de conduire à la suite de l’infraction du 20 décembre 2004, récapitulant les précédents retraits de points, invalidant son permis de conduire pour solde de points nul et lui enjoignant de le restituer ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu’aux termes de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat (…) dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la constitution : « Devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel. Il ne peut être relevé d’office » ; qu’aux termes de l’article R. 771-3 du code de justice administrative : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d’irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé (…) » ; que l’article R. 771-4 du même code dispose que : « L’irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l’article précédent peut être opposée sans qu’il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 » ;

Considérant que, devant les premiers juges, M. X a soulevé, en application de l’article 61-1 de la Constitution, l’exception d’inconstitutionnalité de la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 instituant le permis à points ; qu’il ressort des pièces du dossier que ce moyen, qui a été présenté dans le mémoire introductif d’instance et le mémoire en réplique, n’a pas été présenté dans un écrit distinct ; qu’ainsi, les premiers juges ont pu, à bon droit, juger ce moyen irrecevable ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d’omission à statuer doit être écarté ;

Sur la demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant que, pour les motifs susénoncés, la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité de la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 doit, en tout état de cause, être rejetée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que la délivrance, au titulaire du permis de conduire à l’encontre duquel est relevée une infraction donnant lieu à retrait de points, de l’information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route constitue une garantie essentielle donnée à l’auteur de l’infraction pour lui permettre, avant d’en reconnaître la réalité par le paiement d’une amende forfaitaire ou l’exécution d’une composition pénale, d’en mesurer les conséquences sur la validité de son permis et, éventuellement, d’en contester la réalité devant le juge pénal ; qu’elle revêt le caractère d’une formalité substantielle et conditionne la régularité de la procédure au terme de laquelle le retrait de points est décidé ; que, toutefois, lorsque la réalité de l’infraction a été établie par une condamnation devenue définitive prononcée par le juge pénal qui a statué sur tous les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance et que l’auteur de l’infraction a ainsi pu la contester, l’omission de cette formalité est sans influence sur la régularité du retrait de points résultant de la condamnation ; que la réalité des infractions constatées les 20 décembre 2004 et 5 avril 2009 a été établie par deux condamnations prononcées respectivement les 8 janvier 2010 par la cour d’appel de Douai, et le 6 août 2009 par le tribunal de grande instance de Lille, et devenues définitives ; que, dès lors, M. X n’est pas fondé à soutenir que les deux décisions de retrait de points prises à la suite des infractions constatées les 20 décembre 2004 et 5 avril 2009 sont intervenues au terme d’une procédure irrégulière ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de leur objet que les articles L. 223-1 et suivants du code de la route relatifs au permis à points ne sont applicables qu’à des personnes titulaires d’un permis de conduire délivré par les autorités françaises ; qu’il s’ensuit que M. X ne saurait utilement soutenir que la loi du 5 mars 2007 sur le permis à points introduirait une discrimination injustifiée entre titulaires du permis de conduire délivrés par les autorités françaises et étrangères, plus précisément européennes ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier la constitutionnalité de l’article L. 223-1 du code de la route ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le retrait de six points serait, en méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, une peine accessoire à la condamnation de M. X par le juge pénal à une suspension de son permis pour une durée de quatre mois et automatique, insusceptible d’être individualisée est inopérant ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 741-12 du code de justice administrative : « Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros » ; qu’en l’espèce, la requête de M. X présente un caractère abusif ; qu’il y a lieu de condamner M. X à payer une amende de 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X est condamné à payer une amende de 500 euros (cinq cents euros).

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y Z X et au ministre de l’intérieur.

Copie sera adressée au directeur régional des finances publiques du Nord-Pas-de-Calais et du département du Nord.

Délibéré après l’audience publique du 27 juin 2012 à laquelle siégeaient :

— M. Dominique Naves, président-assesseur,

— Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

— M. David Moreau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 juillet 2012.

Le premier conseiller le plus ancien, Le président-assesseur,

En application de l’article R. 222-26

du code de justice administrative,

Signé : A. ELIOT Signé : D. NAVES

Le greffier,

Signé : M.-G. MEURANT

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour le greffier en chef,

Le greffier,

Marie-Georges Meurant

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Cour administrative d'appel de Douai, 10 juillet 2012, n° 12DA00037