CAA de DOUAI, 2ème chambre - formation à 3, 20 juin 2017, 15DA00416, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 2e ch. - formation à 3, 20 juin 2017, n° 15DA00416
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 15DA00416
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Rouen, 12 janvier 2015, N° 1202027
Identifiant Légifrance : CETATEXT000035000410

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C… D… a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l’Etat à lui verser une somme de 218 011,61 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi en raison du défaut d’affiliation par l’Etat au régime général de sécurité sociale et au régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) pour les missions qu’il a effectuées au titre d’un mandat sanitaire antérieurement au 31 décembre 1989.

Par un jugement n° 1202027 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2015, M. D…, représenté par Me A… E…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

 – le code civil ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

 – la loi n° 2008-651 du 17 juin 2008 ;

 – le décret n° 98-81 du 11 février 1998 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

 – et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que M. C… D… qui a exercé la profession de vétérinaire à titre libéral jusqu’au 1er avril 2002, date de son admission à la retraite, a accompli antérieurement au 31 décembre 1989 des actes de prophylaxie collective des maladies des animaux en vertu d’un mandat sanitaire ; que par demande reçue par l’administration le 23 mars 2012, il a souhaité obtenir le versement de la somme de 218 011,61 euros, en réparation du préjudice que lui aurait causé le défaut de versement par l’Etat des cotisations dues par l’employeur au régime général d’assurance vieillesse et au régime de retraite complémentaire auxquels il devait être affilié en raison de cette activité ; que, par une décision du 26 avril 2012, le directeur départemental en charge de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d’indemnisation ; qu’il relève appel du jugement du 13 janvier 2015, par lequel le tribunal administratif de Rouen a refusé de condamner l’Etat à lui verser la somme qu’il réclame en réparation du préjudice allégué ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu’en s’abstenant de répondre au moyen soulevé devant lui par M. D…, tiré de ce que le préfet de la Seine-Maritime ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, opposer à sa demande la prescription quadriennale, dès lors que sa créance, portant sur des annuités de retraite non échues, n’était pas exigible, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ; que celui-ci doit, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, être annulé ;

3. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D… devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur la prescription :

4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 11 février 1998 modifiant la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics et relatif aux décisions prises par l’Etat en matière de prescription quadriennale : « Les ordonnateurs principaux ou secondaires sont compétents pour opposer la prescription quadriennale aux créances sur l’Etat intéressant les dépenses dont ils sont ordonnateurs » ; qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : « L’Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d’une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l’invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond » ;

5. Considérant que, par un arrêté n° 2012065-0007 du 5 mars 2012, publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation de signature en matière d’ordonnancement secondaire à M. B… F…, directeur départemental de la protection des populations de Seine-Maritime, en ce qui concerne, notamment, l’engagement, la liquidation et le mandatement des dépenses du budget opérationnel de programme « sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation » ; que celui-ci était donc compétent pour opposer la prescription quadriennale prévue par les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 à la demande de M. D… ; qu’en outre, le préfet de la Seine-Maritime a opposé la prescription dans son mémoire en défense, produit le 16 juillet 2013 devant le tribunal administratif et signé par M. Eric Maire, secrétaire général de la préfecture, à qui il avait donné délégation de signature, notamment en matière contentieuse, par un arrêté du 25 avril 2013, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du mois de mai 2013 ; que, dès lors, la prescription a été opposée par une autorité compétente ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la décision du 26 avril 2012 cite l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, la date à laquelle l’intéressé a été admis à la retraite et précise celle à laquelle la prescription quadriennale était acquise ; qu’ainsi, le moyen tiré de son insuffisante motivation manque en fait ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : « Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (…) » ; qu’aux termes de l’article 3 de cette même loi : « La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l’intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ou de la créance de celui qu’il représente légalement » ;

8. Considérant, d’une part, que pour l’application de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, une créance telle que celle dont se prévaut M. D… ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues, non plus qu’à chaque année au cours de laquelle les pensions correspondantes auraient dû être versées, mais à l’année au cours de laquelle le préjudice peut être connu dans toute son étendue, c’est-à-dire celle au cours de laquelle l’intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite ;

9. Considérant, d’autre part, que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d’un mandat sanitaire avait été clairement établie, compte tenu notamment de la reconnaissance aux intéressés de la qualité d’agent public de l’Etat par des décisions du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, des 12 juillet 1969 et 12 juin 1974, ayant donné lieu à diffusion et dont la teneur a été retranscrite les années suivantes dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts ; que c’est seulement à compter du 1er janvier 1990, date d’entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre d’un mandat sanitaire, pour l’application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, ont été « assimilées » à des revenus tirés de l’exercice d’une profession libérale ; qu’il ne ressort pas des documents produits par M. D…, attestant que de nombreux services administratifs ont néanmoins traité ces rémunérations, avant 1990, comme des honoraires, qu’il n’aurait pas été en mesure, à la date de sa cessation d’activité, de disposer d’indications suffisantes quant au caractère salarial des rémunérations qu’il avait perçues et à l’obligation de cotisation qui en découlait pour l’Etat jusqu’en 1989 ; qu’ainsi, M. D… ne pouvait, au moment où ses droits à la retraite ont été liquidés, être légitimement regardé, au sens de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1968, comme ignorant l’existence de sa créance ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents, que M. D… n’est pas fondé à soutenir qu’au regard des dispositions, citées au point 7, de la loi du 31 décembre 1968, c’est à tort que l’administration a opposé à sa demande la prescription de sa créance ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes » ; que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a substitué aux dispositions de l’article 2262 du code civil, aux termes duquel : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (…) », celles du nouvel article 2224 du même code, aux termes duquel : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » ;

12. Considérant qu’au soutien du moyen tiré de ce que l’administration n’avait pu lui opposer la prescription quadriennale sans méconnaître les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, M. D… invoque la différence qui existait en 2002, date à laquelle il a pris sa retraite, entre le délai de prescription des créances détenues sur l’Etat et celui des créances détenues par celui-ci ; que, toutefois, les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 citées au point 7 ont été édictées dans un but d’intérêt général, en vue notamment de garantir la sécurité juridique des collectivités publiques en fixant un terme aux actions dirigées contre elles ; que le délai de prescription, de quatre ans au minimum, prévu par les dispositions de l’article 1er de cette loi, ne présente pas en tant que tel un caractère exagérément court ; qu’à la date à laquelle l’administration s’est prévalue des dispositions de la loi du 31 décembre 1968, le législateur était intervenu, par la loi du 17 juin 2008, pour ramener à cinq ans la prescription de droit commun en matière civile, dans le but d’adapter les règles de cette prescription à l’évolution de la société, dans un souci de sécurité juridique, et de les rapprocher de celles prévues par de nombreux autres Etats européens, ce dont il résultait que l’Etat disposait désormais d’un délai de cinq ans pour faire valoir ses propres créances à l’égard d’un administré ; qu’au surplus, il résulte de l’article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, reprenant des dispositions issues de la loi du 17 juillet 1978, que le délai de prescription des demandes de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse est de deux ans à compter de leur paiement ; qu’ainsi, le moyen doit être écarté ;

13. Considérant, en dernier lieu, qu’eu égard à ce qui a été dit au point 8, le requérant ne saurait utilement soutenir que la prescription de la créance relative au paiement des arrérages de pension non encore échus lui aurait été opposée en méconnaissance des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 13, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Seine-Maritime devant le tribunal administratif de Rouen, que la demande de M. D… doit être rejetée ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D… demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1202027 du tribunal administratif de Rouen du 13 janvier 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D… devant le tribunal administratif de Rouen et le surplus des conclusions de la requête d’appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C… D… et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

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N°15DA00416

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