CAA de DOUAI, 14 janvier 2020, 19DA00497, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Castalie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Liévin à lui verser une provision d’un montant de 87 329,40 euros correspondant à des factures non réglées émises entre février 2017 et décembre 2017.

Par une ordonnance n° 1807419 du 13 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Liévin à verser la provision demandée et mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 février et 2 septembre 2019, la commune de Liévin, représentée par Me A… B…, demande à la cour :

1°) d’annuler cette ordonnance du 13 février 2019 ;

2°) de rejeter la demande de la société Castalie ;

3°) de mettre à la charge de la société Castalie une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat de délégation de service public conclu le 14 décembre 2007, la commune de Liévin a confié à la société Financière Sport et Loisir la gestion et l’exploitation du centre aquatique Nauticaa de Liévin, pour une durée de dix ans. La société Castalie, créée par la société Financière Sport et Loisir pour assurer l’exécution de ce contrat d’affermage, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille la condamnation de la commune de Liévin à lui verser une provision d’un montant de 87 329,40 euros correspondant à des factures non réglées émises pour la fréquentation du centre nautique par les scolaires et les associations, entre le 28 février 2017 et le 31 décembre 2017. La commune de Liévin relève appel de l’ordonnance du 13 février 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de la société Castalie en la condamnant à verser la provision demandée.

Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :

2. Dans son mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal le 18 septembre 2018, la commune de Liévin soutenait que les conditions posées par l’article R. 541-1 du code de justice administrative n’étaient pas remplies, l’obligation étant sérieusement contestable au motif qu’elle détenait elle-même sur la société Castalie une créance, d’un montant supérieur à la provision demandée, au titre du solde « Gros Entretien et Réparation », et que dans l’hypothèse où il serait fait droit à la demande, une compensation devait être opérée. Le juge des référés du tribunal administratif de Lille n’a pas visé ce moyen et n’y a pas davantage répondu dans la motivation. L’ordonnance est ainsi entachée d’une insuffisance de motifs et doit être annulée.

3. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Castalie devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Liévin :

4. En vertu des stipulations de l’article 49 du cahier des charges du contrat de délégation de service public conclu le 14 décembre 2007 par la commune de Liévin et relatif aux procédures de règlement des différends et des litiges, la saisine d’une commission d’arbitrage composée de trois membres est un préalable indispensable avant toute saisine du tribunal administratif.

5. Il résulte de l’instruction que la commune de Liévin et la société Castalie sont en désaccord depuis l’année 2011 sur l’interprétation de l’article 26 de la convention de délégation de service public relatif aux subventions versées par la collectivité au délégataire. La commune ayant refusé de verser la subvention prévue par le A de l’article 26 destinée à compenser des sujétions de service public tenant à la fréquentation du centre nautique par les usagers scolaires et les associations en estimant qu’elle n’était plus tenue qu’au paiement de la subvention d’exploitation prévue au B du même article, une première commission de conciliation a rendu un avis le 12 septembre 2012 portant notamment sur ce différend. La commune, qui n’a pas suivi l’avis favorable à l’interprétation de la société Castalie rendu par la commission, a ensuite été condamnée en 2013 par le juge des référés du tribunal administratif de Lille à verser des provisions en raison du non-paiement des subventions dues au titre du A de l’article 26. Toutefois, le tribunal administratif de Lille ayant rejeté, par un jugement du 27 décembre 2016, une demande d’annulation d’une délibération du conseil municipal de Liévin du 19 octobre 2011 modifiant les tarifs du centre nautique pour les écoles et associations, la commune a estimé qu’elle n’était plus redevable de la subvention prévue par le A de l’article 26 et a prévenu son délégataire, par courrier du 20 mars 2017, qu’elle entendait émettre un titre exécutoire d’un montant de 452 172 euros aux fins de remboursement des subventions versées, et qu’à défaut d’accord, elle saisirait la commission amiable. Suite à cette saisine, la commission de conciliation, a par un avis du 10 novembre 2017 estimé, d’une part, que le jugement du 27 décembre 2016 n’emportait par lui-même aucune conséquence juridique quant à la demande de la commune de se voir rembourser les sommes versées à la société et, d’autre part, que l’analyse de l’article 26 du contrat impliquait que la commune était redevable envers la société Castalie des sommes facturées au titre de la subvention prévue à l’article 26 A de la convention. Le présent litige, qui porte sur le refus de payer des factures émises en application de l’article 26 A, a été introduit devant le juge après que la commune a refusé de suivre l’avis de la commission portant sur la question de l’interprétation de l’article 26 de la convention. La demande de référé provision en litige n’a été présentée qu’après cet avis. Les circonstances que l’avis fasse suite à une saisine de la commune, non du délégataire, pour des subventions antérieures à l’année 2017 et que certaines de ces factures aient été émises en novembre et décembre 2017 postérieurement à l’avis de la commission sont sans incidence dès lors que la commission s’est bien prononcée, d’ailleurs pour la deuxième fois, sur le différend tenant à l’interprétation contraire entre les cocontractants de l’article 26. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la commission d’arbitrage n’aurait pas été préalablement consultée à la saisine du juge, manque en fait et doit donc être écartée.

Sur la provision :

6. Aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie ». Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s’assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l’existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n’a d’autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de la seule obligation invoquée devant lui par la partie qui demande une provision, sans tenir compte d’une éventuelle créance distincte que le défendeur détiendrait sur le demandeur.

7. Il est prévu à l’article 26 du contrat de délégation de service public que « l’ensemble des charges pesant sur le délégataire ne pouvant être financé sur les recettes perçues auprès des usagers sans une augmentation excessive des tarifs, le délégant a décidé de participer au financement du service. Cette prise en charge partielle est destinée à compenser les sujétions de service public qui pèsent sur le délégataire et notamment la politique tarifaire permettant au plus grand nombre d’avoir accès à l’équipement. ».

8. Le paragraphe A de l’article 26, consacré aux subventions pour sujétions de service public, traite exclusivement des usagers scolaires et des associations, pour lesquelles il est stipulé que le délégataire adresse chaque mois un état des lieux de la fréquentation par ces deux catégories d’usagers, ainsi que le montant à payer par le délégant en fonction du nombre de créneaux effectifs.

9. Le paragraphe B du même article traite quant à lui de la subvention d’exploitation, destinée à compenser les sujétions imposées par le contrat. Il résulte clairement de ces stipulations que la subvention d’exploitation, distincte de celle visée au A, n’est pas prévue pour compenser les conditions tarifaires accordées aux usagers scolaires et associatifs.

10. La société Castalie soutient que sa créance, constituée par des factures émises pour la fréquentation effective du centre nautique par des usagers scolaires et associatifs entre les mois de février et décembre 2017, correspond à la subvention pour sujétions de service public prévu à l’article 26 A du contrat de délégation de service public. Ainsi qu’il a été exposé au point précédent, la subvention d’exploitation du B n’est pas prévue pour compenser les conditions tarifaires accordées aux usagers scolaires et associatifs. Pour se soustraire au paiement de la créance résultant de l’application du contrat, la commune se prévaut de sa délibération prise le 19 octobre 2011 par laquelle elle a abrogé les tarifs préférentiels accordés aux écoles, aux centres aérés et clubs sportifs de la commune rendant l’accès totalement gratuit à ces publics, au motif que cette subvention d’exploitation recouvre la gratuité d’accès à ces catégories d’usagers. Toutefois, elle ne pouvait, sans l’accord de son cocontractant, donner une portée différente aux clauses du contrat alors que l’article 26 instaure sans ambigüité deux catégories de subvention. Contrairement à ce que soutient aussi la commune, la demande de provision ne présente pas de question de droit présentant une difficulté sérieuse, notamment au regard de la décision n° 414583 du Conseil d’Etat du 18 mai 2018, relative à l’absence d’incidence de certains moyens soulevés par voie d’exception dans le cadre d’un recours présenté à l’encontre d’une décision administrative prise pour l’application d’un acte règlementaire et donc sans rapport avec les faits de l’espèce. La commune ne peut donc utilement se prévaloir de la délibération du 19 octobre 2011 qui n’a pas modifié les stipulations du contrat la liant à son délégataire lui imposant le versement d’une subvention au titre du A de l’article 26. Ainsi, la créance que détient la société Castalie à l’encontre de la commune de Liévin doit être regardée, en l’état de l’instruction, comme non sérieusement contestable.

11. Pour les motifs exposés au point 5, la commune de Liévin n’est pas fondée à demander la compensation avec la somme qui serait due par ailleurs par la société Castalie, au titre du solde du compte Gros Entretien Renouvellement.

12. Il résulte de ce qui précède que l’obligation de payer les factures dont se prévaut la société Castalie doit être regardée, en l’état de l’instruction, comme non sérieusement contestable pour un montant de 87 329,40 euros toutes taxes comprises.

Sur les dépens :

13. La présente instance n’ayant pas entraîné de dépens, les conclusions présentées par la commune de Liévin au titre de l’article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Castalie, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Liévin demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Liévin une somme de 2 000 euros à verser à la société Castalie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : L’ordonnance du 13 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : La commune de Liévin est condamnée à verser à la société Castalie une provision de 87 329,40 euros.

Article 3 : La commune de Liévin versera à la société Castalie une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Liévin et à la société Castalie.

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N°19DA00497

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