CAA de DOUAI, 2ème chambre, 7 décembre 2021, 20DA01932, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 2e ch., 7 déc. 2021, n° 20DA01932
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 20DA01932
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Lille, 2 juillet 2020, N° 1900827
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044468673

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C… A… a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler la décision du 9 août 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé le maintien de son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés.

Par un jugement n° 1900827 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 décembre 2020 et le 5 novembre 2021, M. C… A…, représenté par Me Benoît David, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler la décision du 9 août 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé le maintien de son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à l’aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de procédure pénale ;

 – le code des relations entre le public et l’administration ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

 – la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

 – l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

 – le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère ;

 – et es conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C… A…, incarcéré depuis le 7 novembre 2007, a été condamné notamment à une peine de six ans d’emprisonnement délictuel pour des faits d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime, par un arrêt de la cour d’appel de Douai du 28 mai 2011, et à une peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle pour des faits de violences avec usage ou menace d’une arme, assassinat et destruction du bien d’autrui par moyen dangereux pour les personnes par un arrêt de la cour d’assises du Pas-de-Calais du 22 mai 2014. Il a été détenu, à compter du 4 avril 2016, au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) puis au centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure (Allier), avec une date de libération prévue au 5 mars 2034. Depuis le 8 février 2011, il est inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés. Par un jugement du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 9 août 2018, notifiée le 13 août suivant, par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé du maintien de son inscription à ce répertoire. M. A… relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 741-7 du code de justice administrative : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience ». Aux termes de l’article 12 de l’ordonnance du 25 mars 2020, applicable en vertu de son article 2 durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire qui est intervenue le 10 juillet 2020 par l’effet de l’article 1er de la loi du 11 mai 2020 : « Par dérogation aux articles R. 741-7 à R. 741-9 du code de justice administrative, la minute de la décision peut être signée uniquement par le président de la formation de jugement ».

3. Il résulte de la minute du jugement attaqué du 3 juillet 2020 que celle-ci est revêtue de la signature du président de la formation de jugement, et qu’elle satisfait ainsi aux exigences des dispositions combinées des articles R. 741-7 du code de justice administrative et 12 de l’ordonnance du 25 mars 2020. Le moyen tiré du défaut de signature doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

4. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l’article R. 711-3 du code de justice administrative : « Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne. » La communication aux parties du sens des conclusions du rapporteur public, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mises en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

5. Par ailleurs, pour l’application de ces dispositions et eu égard à leurs objectifs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir. La communication de ces informations n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision.

6. Il est constant que le sens des conclusions du rapporteur public devant le tribunal administratif de Lille tendant au « rejet au fond » de la demande de M. A… a été porté à la connaissance des parties dans l’application « sagace » le 16 juin 2020 à 16h00, en vue de l’audience se tenant le 19 juin 2020 à 11 heures 30. Il résulte des principes rappelés ci-dessus que le rapporteur public n’était pas tenu, à peine d’irrégularité du jugement rendu par le tribunal administratif, d’indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer le rejet de la demande. M. A… ne peut, dès lors, utilement se prévaloir, au soutien de ses conclusions aux fins d’annulation du jugement attaqué, de l’imprécision des informations communiquées aux parties relatives aux raisons qui ont déterminé la solution du litige proposée par le rapporteur public. Ce moyen d’irrégularité ne peut donc qu’être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Aux termes de l’article 2 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : « Le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions pénales. Il contribue à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation et l’aménagement des peines des personnes condamnées. ». Aux termes de l’article 22 de la même loi : « L’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L’exercice de ceux-ci ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l’intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l’âge, de l’état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue ». L’article D. 276-1 du code de procédure pénale prévoit qu'« en vue de la mise en œuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l’inscription et de la radiation des détenus au répertoire des détenus particulièrement signalés dans des conditions déterminées par instruction ministérielle. ». Enfin, la circulaire NOR JUSD1236970C du 15 octobre 2012 de la garde des sceaux, ministre de la justice relative au répertoire des détenus particulièrement signalés précise que les détenus particulièrement surveillés font l’objet d’une vigilance accrue des personnels pénitentiaires lors des appels, des opérations de fouille et de contrôle des locaux ainsi que dans leurs relations avec l’extérieur notamment et sont affectés en priorité en maison centrale ou quartier maison centrale.

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision du 9 août 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé le maintien de l’inscription de M. A… au répertoire des détenus particulièrement signalés a été signée par délégation, par M. D… B…, adjoint à la cheffe du bureau de gestion de la détention et des missions extérieures. Par un décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, le directeur de l’administration pénitentiaire a reçu délégation à l’effet de signer, au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, dans la limite de ses attributions, tous actes, arrêtés et décisions à l’exclusion des décrets. Par un arrêté du 6 juillet 2018 régulièrement publié au Journal officiel de la République française, le directeur de l’administration pénitentiaire a subdélégué sa signature au sein de la sous-direction de la sécurité pénitentiaire à M. D… B…, adjoint à la cheffe du bureau de gestion de la détention et des missions extérieures, signataire de la décision contestée. Eu égard à l’objet d’une délégation de signature qui, quoique constituant un acte réglementaire, n’a pas la même portée à l’égard des tiers qu’un acte modifiant le droit destiné à leur être appliqué, la publication de cet arrêté au Journal officiel de la République française, qui permet de lui donner date certaine, a constitué une mesure de publicité suffisante pour la rendre opposable aux tiers, notamment à l’égard des détenus du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil où était incarcéré M. A… à la date de la décision contestée. En outre, il résulte de la copie de l’original de cet arrêté, produite par le garde des sceaux, ministre de la justice, qu’il a été signé par le directeur de l’administration pénitentiaire. Le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision contestée doit donc être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de la circulaire du 15 octobre 2012 et en particulier de son point 1.1.2.2, les membres de la commission des détenus particulièrement signalés, qui se réunit au sein de tout établissement dans lequel sont écrouées des personnes détenues inscrites au répertoire des détenus particulièrement signalés ou faisant l’objet de demandes d’inscription, sont : « / – le chef d’établissement pénitentiaire ou son représentant, qui préside, / – le procureur de la République, ou son représentant, /- le préfet ou son représentant, en cas de nécessité (…) ». Dès lors, M. A…, qui n’établit pas, ni même n’allègue, que la présence du préfet ou de son représentant était nécessaire, n’est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la commission des détenus particulièrement signalés qui s’est réunie le 24 mars 2018 aurait été irrégulièrement composée.

10. En troisième lieu, M. A… reprend en appel, sans l’assortir d’arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision contestée. Il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus aux points 5 à 7 du jugement attaqué.

11. En quatrième lieu, il résulte de l’instruction ministérielle du 15 octobre 2012 prise pour la mise en œuvre des dispositions citées au point 7 que l’inscription d’un détenu au répertoire des détenus particulièrement signalés a pour seul effet d’appeler l’attention des personnels pénitentiaires, et des autorités amenées à le prendre en charge, sur ce détenu, en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l’ensemble des détenus par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Dans ce cadre, seules peuvent être apportées aux droits des détenus les restrictions résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l’intérêt des victimes, dans les conditions rappelées par les articles 22 et suivants de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

12. Le pouvoir réglementaire est compétent pour édicter le régime applicable aux détenus particulièrement signalés, qui, ainsi qu’il a été dit au point précédent, a pour seul effet de prescrire aux personnels et autorités pénitentiaires de faire preuve d’une vigilance particulière s’agissant de certains individus. Les limites éventuellement portées aux droits des détenus par le régime ainsi défini ne peuvent cependant légalement intervenir que dans le respect des conditions définies par le législateur. Il s’ensuit que le pouvoir réglementaire était compétent pour édicter les dispositions de l’article D. 276-1 du code de procédure pénale sur le fondement desquelles la décision contestée a été prise. Dès lors, M. A… n’est pas fondé à soutenir que l’article D. 276-1 du code de procédure pénale était dépourvu de base légale du fait de la décision n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014 du Conseil constitutionnel qui a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l’article 728 du code de procédure pénale dans leur rédaction antérieure à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

13. En dernier lieu, pour maintenir l’inscription de M. A… au répertoire des détenus particulièrement signalés, la garde des sceaux, ministre de la justice, s’est fondée sur son appartenance à la criminalité organisée, attestée notamment par les condamnations dont l’intéressé a fait l’objet pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime et pour des faits de violence avec usage ou menace d’une arme, assassinat et destruction du bien d’autrui par moyen dangereux pour les personnes mais également sur son comportement violent et dangereux et sur l’impact important que serait susceptible d’engendrer son évasion sur l’ordre public. La nature des faits pour lesquels M. A… a été condamné démontre son appartenance à la criminalité organisée, nonobstant le caractère relativement ancien desdites condamnations. Par ailleurs, si M. A… fait valoir qu’il s’est inscrit dans un parcours de réinsertion et de travail, les comptes rendus d’incident produits par le garde des sceaux, ministre de la justice, relatant des réactions violentes en détention, notamment à l’égard du personnel pénitentiaire, et la détention d’objets prohibés et dangereux, révèlent au contraire une dégradation du comportement de l’intéressé au cours de l’année 2017 et au début de l’année 2018. Dans ces conditions, M. A… n’est pas fondé à soutenir que la garde des sceaux, ministre de la justice aurait, en prenant la décision contestée, commis une erreur manifeste d’appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête, ensemble les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dont elle est assortie.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C… A…, au garde des sceaux, ministre de la justice et à Me Benoît David.

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N°20DA01932

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