COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 3ème chambre - formation à 3, 8 janvier 2013, 11LY02198, Inédit au recueil Lebon

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 3e ch. - formation à 3, 8 janv. 2013, n° 11LY02198
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 11LY02198
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Dijon, 22 juin 2011, N° 0902270
Identifiant Légifrance : CETATEXT000027010221

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2011, présentée pour le syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre (SIEEEN), représenté par son président, qui demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0902270 du 23 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a déclaré que la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement des producteurs d’électricité au réseau concédé à Electricité Réseau Distribution France (ERDF) par le SIEEEN incombe à ERDF;

2°) de dire que le contrat de concession de distribution d’électricité doit s’interpréter comme confiant l’exercice de la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement des producteurs d’électricité au SIEEEN ;

3°) de condamner ERDF à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient avoir signé en 1993 un contrat de concession de distribution d’électricité avec l’établissement public Electricité De France (EDF), auquel s’est substituée ERDF ; que c’est en méconnaissance des articles 46 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 et 13 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, devenus articles L. 322-6 et L. 322-8 du code de l’énergie, et de l’article 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, que le Tribunal a considéré que la maîtrise d’ouvrage de raccordement des producteurs d’électricité au réseau concédé incombait à ERDF ; que le législateur a expressément réservé la faculté pour les autorités concédantes de conserver la maîtrise d’ouvrage, en l’absence d’ une clause expresse contraire au contrat ; que l’interprétation du Tribunal porte atteinte au droit de propriété du syndicat, et à la libre administration des collectivités territoriales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 octobre 2011, par lequel le requérant persiste dans ses écritures ;

Il soutient, en outre, que le Tribunal a estimé à tort, en se plaçant sous le régime juridique de droit commun des concessions de service public, sans tenir compte de la spécificité du contrat de distribution d’électricité, qu’à l’exception des droits expressément réservés à l’autorité concédante, la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement des producteurs incombait à ERDF, le contrat étant muet sur ce point ; que si la mission confiée à ERDF constitue une mission de service public, c’est à tort que le Tribunal a estimé qu’il s’agissait d’une concession de service public, eu égard à la rémunération du gestionnaire, au risque qu’il supporte et au fait que l’autorité concédante a la faculté d’exercer la maîtrise d’ouvrage de travaux liés au service public, dont la gestion a été confiée à un tiers opérateur ; qu’il s’agit d’un contrat sui generis d’organisation du service public ; que si on se place sur le terrain des concessions, un concessionnaire ne peut bénéficier d’une exclusivité sur la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement, dans le silence du texte, en l’occurrence l’article 29 du contrat, une stipulation contractuelle étant nécessaire ; que le Tribunal a commis sur ce point une erreur de droit ; que selon les articles L. 322-4 et L. 322-6 du code de l’énergie et l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (CGCT), contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, l’autorité organisatrice propriétaire du réseau, dispose par principe de la maîtrise d’ouvrage des travaux et peut intervenir discrétionnairement ; que les articles L. 322-8, L. 341-2 et L. 342-2 du code de l’énergie, la délibération du 11 juin 2009 de la commission de régulation de l’énergie et le nouveau cahier des charges de concession du service public d’électricité de 2007, confirment cette analyse ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2012, présenté pour ERDF, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui payer une somme de 3 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le requérant a dénaturé le jugement attaqué en estimant que le Tribunal s’est placé sur le droit commun des concessions de service public, alors qu’il s’est fondé sur les dispositions législatives applicables au service public de distribution d’électricité, et sur les stipulations du contrat, lesquelles confèrent à ERDF un droit d’exclusivité pour le raccordement des installations des producteurs d’électricité ; que l’article 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 confère à ERDF un droit d’exclusivité sur les zones de desserte qui lui sont confiées, confirmé par les articles L. 111-52 et L. 322-8 du code de l’énergie, et par les articles 1er et 3 du cahier des charges ; que ces articles lui confient le droit exclusif d’exploiter le service public et d’établir les ouvrages nécessaires ; que la propriété du réseau est indifférente à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage du raccordement au réseau des producteurs ; que celle-ci est confiée par principe au gestionnaire de réseau, en application de l’article 6 de la loi du 15 juin 1990, de l’article L. 322-1 du code de l’énergie, de l’article 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 et de l’article 13 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ; que si l’article 36 de la loi du 8 avril 1946 et l’article L. 2224-31 I 6 du CGCT, disposent que les collectivités concédantes peuvent réaliser certains travaux, ce droit d’option doit être expressément prévu par le cahier des charges de la concession, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; que le cahier des charges (version 2007) et la délibération de la commission de régulation de l’énergie du 11 juin 2009 ne confirment pas l’analyse du syndicat ; que dans le silence du contrat, c’est la loi qui s’applique ; que le ministère de l’écologie s’est prononcé en ce sens, ainsi qu’un jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 27 janvier 2011 ; que le principe de libre administration des collectivités territoriales n’est pas méconnu ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2012, par lequel le requérant demande le renvoi de l’audience ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 décembre 2012, par lequel le requérant maintient ses conclusions et moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 décembre 2012, par lequel ERDF demande le renvoi de l’audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l’énergie ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 décembre 2012 :

— le rapport de M. Rabaté, président ;

— les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

— les observations de Me Lauret pour le syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre et de Me Djebbar pour Electricité Réseau Distribution France ;

1. Considérant que le syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre (SIEEEN) relève appel du jugement du 23 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a déclaré que la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement des producteurs d’électricité au réseau qu’il a concédé à Electricité Réseau Distribution France (ERDF) incombait à cette dernière, en vertu de la convention de concession de distribution d’électricité conclue le 21 juin 1993 entre le SIEEN et EDF, devenue ERDF, et de son cahier des charges ;

Sur le bien fondé du jugement :

2. Considérant que le jugement attaqué, contrairement aux allégations du requérant, a constaté que le contrat litigieux dérogeait au régime de droit commun des concessions de service public, et ne l’a pas assimilé à ces dernières ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 322-6 du code de l’énergie : « Les autorités organisatrices du réseau public de distribution d’électricité ont la faculté de faire exécuter en tout ou en partie à leur charge, les travaux de premier établissement, d’extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution. Les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage par ces autorités sont énoncées aux articles L. 2224-31 et L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales. » ; que l’article L. 322-8 du même code dispose: " Sans préjudice des dispositions du sixième alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : 1° De définir et de mettre en oeuvre les politiques d’investissement et de développement des réseaux de distribution afin de permettre le raccordement des installations des consommateurs et des producteurs ainsi que l’interconnexion avec d’autres réseaux ; 2° D’assurer la conception et la construction des ouvrages ainsi que la maîtrise d’oeuvre des travaux relatifs à ces réseaux, en informant annuellement l’autorité organisatrice de la distribution de leur réalisation. (…) » ; que l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales prévoit : « I. Sans préjudice des dispositions de l’article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération, en tant qu’autorités concédantes de la distribution publique d’électricité et de gaz en application de l’article 6 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie et de l’article 36 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, négocient et concluent les contrats de concession, et exercent le contrôle du bon accomplissement des missions de service public fixées, pour ce qui concerne les autorités concédantes, par les cahiers des charges de ces concessions. / (…) En application des dispositions du quatrième alinéa de l’article 36 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, les collectivités et établissements précités peuvent assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux de développement des réseaux publics de distribution d’électricité (…) / IV. Un réseau public de distribution d’électricité a pour fonction de desservir les consommateurs finals et les producteurs d’électricité raccordés en moyenne et basse tension. (…) » ; que l’article L. 3232-2 du code de l’énergie précise les modalités de versement par le département des aides financières consenties aux maîtres d’ouvrage par le Fonds d’amortissement des charges d’électrification ;

4. Considérant que les dispositions législatives précitées, comme l’a jugé à bon droit le Tribunal, réservent à l’autorité concédante la faculté de conserver la maîtrise d’ouvrage des travaux, la répartition de celle-ci entre concédant et concessionnaire étant déterminée par le contrat de concession ; que, par suite, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que ces seules dispositions législatives lui confient la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement des producteurs au réseau ;

5. Considérant que les dispositions des articles L. 322-4, L. 341-2 et L. 342-2 du code de l’énergie, ainsi que celles des articles 18 et 36 de la loi susvisée du 10 février 2000, ne concernent pas la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement des producteurs d’électricité au réseau ; que, par suite, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que le jugement attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions susmentionnées ;

6. Considérant que ni l’article 29 de l’annexe I du cahier des charges, qui concerne les achats d’énergie aux producteurs, ni aucune autre stipulation de la convention et de son cahier des charges, ne répartit entre l’autorité concédante et le concessionnaire la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement au réseau des producteurs d’énergie, ce dont les parties conviennent ;

7. Considérant, toutefois, qu’aux termes de l’article 1er – service concédé – du cahier des charges de distribution publique d’énergie électrique annexé à la convention de concession du 12 juin 1993 : « Le présent cahier des charges a pour objet la concession accordée par le Syndicat intercommunal d’électricité et d’équipement de la Nièvre, autorité concédante, pour le service public de distribution d’énergie électrique. / Au titre du contrat de concession, l’autorité concédante garantit au concessionnaire le droit exclusif d’exploiter le service public de distribution d’énergie électrique sur le territoire ci-après défini et à cette fin d’établir, sous réserve des droits de l’autorité concédante, les ouvrages nécessaires. (…) » qu’aux termes de l’article 3 – utilisation des ouvrages de la concession – du même cahier : « Le concessionnaire a seul le droit de faire usage des ouvrages de la concession. / Il peut utiliser ces ouvrages pour fournir de l’énergie électrique en dehors du périmètre de la concession, ou (…) pour raccorder des points de livraison des producteurs autonomes, (…). / Est autorisée, aux mêmes conditions et sous les mêmes réserves, l’installation sur le réseau concédé, d’ouvrages pour d’autres services, tels que (…). » ;

8 Considérant qu’il résulte de ces stipulations que, comme l’a jugé à bon droit le Tribunal, à l’exception des droits que l’autorité concédante s’est expressément réservés, les parties à la convention ont entendu confier au concessionnaire la réalisation de l’ensemble des ouvrages nécessaires à l’exploitation du service de distribution d’énergie électrique ; qu’aucune stipulation contractuelle, ainsi qu’il a été dit, ne confiant expressément à l’autorité concédante la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement au réseau des producteurs d’énergie, celle-ci doit être regardée comme incombant à ERDF ; que cette clause, librement négociée et conclue par le syndicat, ne saurait porter atteinte à son droit de propriété ou au principe de libre administration des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

9. Considérant que le SIEEEN ne peut utilement invoquer ni la délibération du 11 juin 2009 de la commission de régulation de l’énergie, laquelle concerne la procédure de traitement des demandes de raccordement au réseau, et non leur maîtrise d’ouvrage, ni le nouveau modèle de cahier des charges de concession de distribution électrique conclu en 2007, étranger au contrat litigieux ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a déclaré que la maîtrise d’ouvrage des travaux de raccordement des producteurs d’électricité au réseau incombait à ERDF ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation d’ERDF, qui n’est pas partie perdante à l’instance ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le syndicat requérant à payer à ERDF une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens ;


DECIDE :


Article 1er : La requête du syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre est rejetée.

Article 2 : Le syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre versera à ERDF une somme de 1 500 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal d’énergies, d’équipement et d’environnement de la Nièvre, à Electricité Réseau Distribution France (ERDF) et au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Délibéré après l’audience du 18 décembre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Tallec, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2013.

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N° 11LY02198

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