COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 4ème chambre - formation à 3, 27 mars 2014, 13LY02027, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la décision, en date du 17 juillet 2013, par laquelle le Conseil d’Etat, statuant sur le pourvoi en cassation introduit par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, a annulé l’arrêt n° 10LY02637 du 7 mars 2011 par lequel la Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 1002359 du 21 septembre 2010 du Tribunal administratif de Lyon annulant les décisions des 17 novembre 2009 et 19 janvier 2010 par lesquelles la commission de médiation du département du Rhône a refusé de reconnaître M. et Mme B… A… comme prioritaires et devant être logés d’urgence, d’autre part, à la confirmation desdites décisions ;

Vu la requête ouverte au greffe de la Cour administrative d’appel de Lyon le 29 juillet 2013 et enregistrée sous le n° 13LY02027 pour que soit jugé le recours ainsi renvoyé ;

Vu le recours, enregistré le 26 novembre 2010, présenté par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1002359 en date du 21 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en date du 17 novembre 2009 et du 19 janvier 2010 par lesquelles la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône a rejeté la demande de classement prioritaire et urgent de M. et Mme B… A… en vue de l’accès à un logement ;

2°) de confirmer les décisions prises par la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône en date des 17 novembre 2009 et 19 janvier 2010 ;

Le ministre soutient que le Tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit en estimant qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les personnes responsables du prononcé à leur encontre d’une mesure d’expulsion seraient, pour ce motif, inéligibles au dispositif institué par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable ; qu’en effet la loi comme le règlement ont posé comme condition d’accès au dispositif la bonne foi du demandeur ; qu’il y a lieu de se référer sur ce point aux dispositions de l’article L. 441-2-3 II et de l’article R. 441-14-1 du code de la construction et de l’habitation ; que plusieurs décisions de jurisprudence ont admis qu’une demande pouvait être rejetée en raison de la mauvaise foi du demandeur ; qu’en l’espèce, M. et Mme B… A… n’ont pas usé paisiblement des locaux qui leur avaient été loués ; qu’ils étaient, par conséquent, de mauvaise foi ; qu’il suffit à cet égard de se reporter au jugement du Tribunal d’instance de Villeurbanne en date du 14 mai 2009 qui a prononcé leur expulsion ; que c’est en raison des faits qui leur sont reprochés que la commission de médiation a pu estimer, le 17 novembre 2009, à bon droit, que les requérants qui disposaient d’un logement social n’ont pas su s’y maintenir et qu’ils sont directement à l’origine de cette situation et qu’elle a pu relever, dans sa décision du 19 janvier 2010 en réponse au recours gracieux de M. A…, que le comportement de la famille demeurait inchangé et qu’une plainte avait été déposée à leur encontre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que le recours a été notifié à M. et Mme B… A… qui n’ont pas produit d’observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 mars 2014 :

 – le rapport de M. Mesmin d’Estienne, président-assesseur ;

 – et les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

1. Considérant que, par jugement en date du 21 septembre 2010, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en date du 17 novembre 2009 et du 19 janvier 2010 par lesquelles la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône a rejeté la demande de classement prioritaire et urgent en vue de l’accès à un logement présentée par M. et Mme B… A…, locataires d’un logement social à Bron depuis juillet 2001 dont le bail avait été résilié avec expulsion à la demande de la société Alliade Habitat à la suite de conflits de voisinage, par un jugement rendu par le tribunal d’instance de Villeurbanne le 14 mai 2009 ; que le Tribunal administratif de Lyon a estimé qu’il ne résultait d’aucune disposition législative ou réglementaire que les personnes responsables d’une procédure d’expulsion diligentée à leur encontre pour manquement à la jouissance paisible du logement seraient, pour ce motif, inéligibles au dispositif instauré par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et qu’il suivait de là que la commission de médiation du département du Rhône avait entaché ses décisions d’erreur de droit et que ces dernières devaient, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, être annulées pour ce motif ; que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a relevé appel de ce jugement en se fondant sur les dispositions de l’article L. 441-2-3 II et de l’article R. 441-14-1 du code de la construction et de l’habitation et en faisant valoir que les requérants n’avaient pas usé paisiblement des locaux qui leur avaient été loués ; qu’ils étaient, par conséquent, de mauvaise foi ; que la Cour administrative d’appel de Lyon, par son arrêt du 7 mars 2011, a considéré que si, en l’espèce, les troubles du voisinage et les incivilités reprochés à la famille de M. A… avaient bien été à l’origine de leur expulsion, la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône, en opposant à l’intéressé son propre comportement regardé implicitement comme une absence de bonne foi avait, par ses décisions, édicté de facto à l’encontre de l’intéressé une déchéance ou une sanction accessoire ne reposant formellement sur aucun texte législatif ou réglementaire et, par suite, avait commis une erreur de droit ; que le ministre n’était par suite pas fondé à soutenir que c’était à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal avait annulé lesdites décisions et que son recours devait, en conséquence, être rejeté ; qu’enfin, par une décision en date du 17 juillet 2013 statuant sur le pourvoi en cassation introduit par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, le Conseil d’Etat a annulé pour erreur de droit l’arrêt du 7 mars 2011 et a renvoyé l’affaire à la Cour administrative d’appel de Lyon ;

2. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitation : « Le droit à un logement décent et indépendant (…) est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’Etat, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. / Ce droit s’exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1. » ; qu’aux termes des dispositions du II de l’article L. 441-2-3 du même code : « La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4. / Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d’expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement sur occupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent, s’il a au moins un enfant mineur, s’il présente un handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles ou s’il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap. (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 441-14-1 dudit code : " La commission, saisie sur le fondement du II ou du III de l’article L. 441-2-3, se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l’urgence qu’il y a à attribuer au demandeur un logement ou à l’accueillir dans une structure d’hébergement, en tenant compte notamment des démarches précédemment effectuées. / Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d’urgence en application du II de l’article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d’accès au logement social et qui se trouvent dans l’une des situations suivantes : (…) – avoir fait l’objet d’une décision de justice prononçant l’expulsion du logement ; (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires dont elles sont issues, que la commission de médiation est fondée, pour apprécier la bonne foi du demandeur, à tenir compte du comportement de celui-ci ; qu’en particulier, un comportement tel que celui causant des troubles de jouissance conduisant à une expulsion est de nature à justifier que la commission de médiation estime, eu égard à l’ensemble des éléments du dossier qui lui est soumis, que le demandeur n’est pas de bonne foi et, par suite, refuse de le reconnaître comme prioritaire et devant être logé d’urgence ; que c’est, par suite, à tort que le Tribunal administratif de Lyon par son jugement du 21 septembre 2010 a jugé que les personnes qui seraient par leurs agissements responsables de la procédure d’expulsion qui a pu être diligentée à leur encontre, restaient néanmoins éligibles au dispositif instauré par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et a, en conséquence et pour ce motif, annulé les décisions de la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône du 17 novembre 2009 et du 19 janvier 2010 rejetant les demandes de classement prioritaire et urgent de M. et Mme B… A… en vue de l’accès à un logement ;

4. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A… devant le Tribunal administratif de Lyon ;

5. Considérant, en premier lieu, que pour rejeter une première fois, par une décision en date du 17 novembre 2009, la demande de logement présentée par M. A… la commission de médiation du département du Rhône a estimé que cette demande était irrecevable au motif que l’intéressé, s’il était menacé d’expulsion pour troubles de jouissance, avait un logement social dans lequel il n’avait pas su se maintenir et qu’il était directement à l’origine de la situation ; que pour rejeter une seconde fois, par décision en date du 19 janvier 2010, la nouvelle demande de logement présentée par M. A…, ladite commission a relevé que les troubles de voisinage s’étaient poursuivis depuis le 17 novembre 2009 et avaient justifié que des plaintes fussent déposées à l’encontre de l’intéressé et de certains membres de sa famille ; que la réalité des agissements reprochés à M. A… et à certains membres de sa famille est attestée par l’énoncé des motifs du jugement du Tribunal d’instance de Villeurbanne en date du 14 mai 2009 qui a prononcé la résiliation du bail du logement qu’occupaient M. et Mme A… ; que le Tribunal d’instance a relevé dans son jugement que M. et Mme A…, du fait du comportement de leur fils Christophe ainsi que de leur propre fait, ont été à l’origine d’une dégradation du climat régnant au sein de l’ensemble résidentiel du 26 rue de la Perle à Bron depuis juillet 2001, dans lequel ils occupaient un logement social ; que la simple production par les requérants de conclusions aux fins d’appel dudit jugement déposées auprès du greffe de la Cour d’appel de Lyon, n’est pas de nature à établir que le jugement du Tribunal d’instance de Villeurbanne du 14 mai 2009 aurait été censuré par celle-ci ; qu’ainsi M. et Mme A… ne sont pas fondés à soutenir que les décisions litigieuses de la commission de médiation reposent sur une motivation erronée en fait s’agissant de la persistance des troubles allégués de voisinage à l’origine desquels ils seraient ;

6. Considérant, en second lieu, que M. et Mme A… qui se bornent à faire valoir que l’origine des conflits de voisinage en cause serait indéterminée et non uniquement imputable à leurs agissements, ne produisent aucune pièce de nature à contredire la réalité des faits qui ont justifié le prononcé de la résiliation du bail du logement qu’ils occupent par le Tribunal d’instance de Villeurbanne ; que les attestations de tiers qu’ils produisent sont, soit postérieures à la date à laquelle a été rendu le jugement du Tribunal d’instance, soit non assorties d’une justification de l’identité et de la domiciliation de ceux ou celles qui les ont rédigées ; qu’ainsi M. et Mme A…, qui ne peuvent être considérés au vu de l’ensemble de ces éléments, comme des locataires de bonne foi, ne sont pas fondés à soutenir que les décisions de la commission de médiation du département du Rhône rejetant leurs demandes de classement prioritaire et urgent en vue de l’accès à un logement n’auraient pas été prises sur le fondement d’une des conditions visées par les dispositions précitées de l’article R. 441-14-1 du code de la construction et de l’habitation qui permettent l’accès au logement social et seraient, dès lors entachées, d’erreur de droit ;

7. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance évoquée par les requérants selon laquelle leur relogement aurait constitué une bonne solution et que la gravité de leur situation n’a pas été prise en compte, est sans incidence sur la légalité des décisions de la commission de médiation du département du Rhône ; qu’ils ne sont dès lors pas fondés à soutenir que ces décisions seraient entachées d’erreur manifeste d’appréciation ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions de la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône du 17 novembre 2009 et du 19 janvier 2010 rejetant les demandes de classement prioritaire et urgent de M. et Mme B… A… en vue de l’accès à un logement ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 1002359 du 21 septembre 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B… A… devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’égalité des territoires et du logement et à M. et Mme B… A….

Copie en sera donnée au département du Rhône.

Délibéré après l’audience du 6 mars 2014 à laquelle siégeaient :
M. Wyss, président de chambre,
M. Gazagnes, président-assesseur,
M. Mesmin d’Estienne, président-assesseur,

Lu en audience publique, le 27 mars 2014.

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N° 13LY002027

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