CAA de LYON, 4ème chambre - formation à 3, 2 juillet 2015, 14LY01403, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 4e ch. - formation à 3, 2 juill. 2015, n° 14LY01403
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 14LY01403
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Lyon, 3 mars 2014, N° 1201242
Identifiant Légifrance : CETATEXT000030853463

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société ATS a demandé au tribunal administratif de Lyon :

 – d’annuler l’arrêté en date du 29 décembre 2011 par lequel le préfet du Rhône lui a ordonné de procéder au retrait et au rappel de peluches bouillottes « petit lapin fantasy » qu’elle commercialisait auprès de la société Etam puis de détruire, dans le délai d’un mois, les produits retournés ;

 – de condamner l’Etat à lui verser la somme de 720 000 euros, ultérieurement portée à 1 000 000 euros, en réparation du préjudice causé par cet arrêté ;

 – de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros, ultérieurement portée à 4 500 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1201242 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a admis l’intervention de la société Etam Lingerie et rejeté la demande de la société ATS.

Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés les 30 avril 2014, 11 juin 2014, 23 février 2015 et 8 avril 2015, la société ATS Développement, représentée par Me B…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 mars 2014 ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet du Rhône du 29 décembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 6 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

 – le jugement est insuffisamment motivé en ce qu’il n’analyse pas tous les moyens soulevés dans sa demande ;

 – c’est à tort que le tribunal a considéré que la norme BS 8433 : 2004 ne constituait pas la base légale de l’arrêté litigieux mais un référentiel ayant permis de caractériser la non-conformité et la dangerosité du produit, alors que le préfet a nécessairement estimé que le produit était dangereux en application de cette norme qu’il a regardée comme obligatoire en droit français et que cette norme ne pouvait s’imposer, même indirectement ; le jugement est entaché de contradiction de motifs sur ce point et d’erreurs de fait et de droit ;

 – le jugement est insuffisamment motivé en ce qu’il n’explique pas en quoi cette norme était pertinente ou permettait d’apprécier objectivement la dangerosité du produit ;

 – c’est à tort que le tribunal, qui a entaché son jugement de dénaturation, a estimé qu’elle n’avait pas contesté le caractère pertinent de la norme alors qu’elle a clairement contesté la pertinence du second test réalisé par la DGCCRF ; le tribunal a commis une erreur de fait et de droit en considérant que le test réalisé par le laboratoire SCL était conforme aux prescriptions du code de la consommation ;

 – le test ne permettait pas de déterminer objectivement la dangerosité du produit, la méthode utilisée ne reposant pas sur des conditions normales d’utilisation ou des conditions raisonnablement prévisibles ; en se fondant sur le résultat de ce test, le tribunal a entaché son jugement d’erreur de droit au regard de l’article L. 222-3 du code de la consommation ;

 – l’arrêté est entaché d’erreur manifeste d’appréciation en tant qu’il ordonne le retrait et le rappel des produits sur la base d’une norme inapplicable et d’un test ne correspondant pas à des conditions normales d’utilisation ; elle a réalisé des tests démontrant la sécurité du produit ; les éléments mis en avant par l’administration dans ses écritures ne suffisent pas à établir la dangerosité du produit en question ; le tribunal de commerce de Paris a estimé que le produit n’était pas dangereux ;

 – le jugement est entaché d’erreur de droit en tant qu’il fait application du décret n° 2010-166 du 22 février 2010 à un produit qui n’est pas concerné par cette réglementation ;

 – le jugement est entaché d’erreur de fait et de droit en ce qu’il a considéré que les indications de la notice d’utilisation étaient insuffisantes au regard de ce décret ;

 – le retrait et la destruction des produits ordonnés par l’arrêté litigieux étaient disproportionnés ;

 – l’arrêté litigieux est insuffisamment motivé ; ce moyen est recevable dès lors qu’un moyen de légalité externe avait été soulevé en première instance ;

 – la société Etam ne justifie pas d’un intérêt à agir ;

 – le laboratoire SCL de Lille n’a pas respecté la norme BS 8433 : 2004 ;

Par des mémoires enregistrés les 11 février et 8 avril 2015, le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

 – l’arrêté litigieux est suffisamment motivé ;

 – c’est à juste titre que le tribunal a fait application du décret n° 2010-166 ;

 – c’est à juste titre que le tribunal a, en absence de normes nationales ou harmonisées, admis que l’administration pouvait se référer à une norme anglaise ; le fait que le préfet se soit appuyé sur un référentiel ne suffit pas à lui donner valeur de règlement ; il n’y a pas de contradiction de motif ;

 – les tests fournis par la société ATS étaient insuffisants, la procédure d’examen type CE exigée par l’article 9 du décret n° 2010-166 n’a pas été respectée ;

 – le matériel doit être testé au regard du comportement raisonnablement prévisible des consommateurs, même s’il diffère de celui prescrit par le mode d’emploi ;

 – ni le préfet ni le tribunal n’ont commis d’erreur manifeste quant à l’appréciation du danger pour les utilisateurs, qui n’est pas théorique ;

 – les mesures édictées sont proportionnées ; la société ATS n’avait pas proposé de solutions alternatives.

Par des mémoires enregistrés les 20 février 2015, 18 mars 2015, et par un mémoire non communiqué enregistré le 30 avril 2015, la société Etam Lingerie, représentée par Le Martinet et Me A…, conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

 – elle a intérêt à intervenir au soutien des conclusions du ministre, dès lors qu’elle a procédé au retrait et au rappel auprès de ses clients de l’ensemble des produits concernés ;

 – c’est à juste titre que le tribunal a fait application du décret n° 2010-166 ;

 – le tribunal n’a pas commis d’erreur de fait ou de droit en retenant l’utilisation de la norme BS 8433 : 2004 comme simple référentiel pour vérifier la conformité du produit aux dispositions du décret n° 2010-166 ;

 – le recours à une norme anglaise spécifiquement consacrée aux bouillottes à gel était pertinent, la société ATS était en mesure d’en prendre connaissance, bien qu’elle soit disponible uniquement en langue anglaise ; l’état actuel des connaissances et de la technique inclut nécessairement les normes internationales ; le produit n’était pas conforme à la norme NF EN 71-1 ; la méthodologie préconisée par la norme 8433 / 2004 était adaptée ;

 – le marquage des poches de gel n’offrait pas toutes les informations exigées par le décret n° 2010-166 ;

 – le risque inhérent à l’utilisation des peluches bouillottes dans des conditions normales est caractérisé ;

 – le jugement n’est pas entaché de contradiction de motifs ou de dénaturation ; le jugement est suffisamment motivé, la pertinence technique de la norme 8433 : 2004 n’avait pas été remise en cause et, en toute hypothèse, il ne revenait ni au tribunal, ni au préfet, de substituer leur appréciation à celle des experts du SCL de Lille ;

 – elle se rapporte à ses écritures de première instance s’agissant de la légalité de l’arrêté préfectoral du 29 décembre 2011 ;

 – la mesure édictée n’est pas disproportionnée ;

 – le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’arrêté litigieux est irrecevable, dès lors qu’aucun moyen de légalité externe n’a été invoqué dans la requête sommaire d’appel, et n’est pas fondé ;

 – le jugement du tribunal de commerce de Paris ne peut être utilement invoqué, en absence d’identité de cause ou de parties, l’analyse de ce jugement étant erronée ;

La clôture de l’instruction a été reportée au 4 mai 2015 par ordonnance du 10 avril 2015.

Le mémoire, enregistré le 10 juin 2015, produit par le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, postérieurement à la clôture de l’instruction, n’a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code de la consommation ;

 – le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 juin 2015 :

— le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

 – les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

 – les observations de Me B…, représentant la société ATS Développement ;

1. Considérant que la société ATS Développement relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 29 décembre 2011 par lequel le préfet du Rhône lui a ordonné de procéder au retrait et au rappel de peluches bouillottes « petit lapin fantasy » qu’elle commercialisait auprès de la société Etam puis de détruire, dans le délai d’un an, les produits retournés et à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme d’un million d’euros en réparation du préjudice subi du fait de cet arrêté ;

Sur l’intervention volontaire en défense de la société Etam Lingerie :

2. Considérant que la société ATS Développement a commercialisé les peluches bouillottes objet de l’arrêté litigieux exclusivement auprès de la société Etam Lingerie ; que cette dernière a été amenée à participer, auprès de sa propre clientèle, au rappel des produits ; qu’elle a intérêt au maintien de l’arrêté litigieux, qui impute la responsabilité de ces mesures à son fournisseur ; qu’elle n’a par ailleurs pas la qualité de partie de première instance ; qu’ainsi, son intervention volontaire est recevable ;

Sur la régularité du jugement :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

3. Considérant que les premiers juges ont relevé, au point 8 du jugement attaqué, que la société ATS ne contestait pas le caractère pertinent de la norme BS 8433-2004 pour constituer le référentiel d’analyse le plus objectif possible afin de déterminer la conformité des produits à l’obligation générale de sécurité issue de l’article L. 221-1 du code de la consommation et qu’elle ne contestait pas non plus le mode opératoire suivi par le laboratoire de Lille relevant du service commun des laboratoires de la direction générale des douanes et des droits indirects et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; que, cependant, dans son mémoire en réponse n° 3 enregistré le 8 août 2013, antérieurement à la clôture de l’instruction, la société requérante contestait le fait qu’il ait été procédé à 4 cycles de surchauffe consécutifs au micro-onde pour évaluer les risques tenant à une utilisation normale ou prévisible, ce qui constituait une critique de la méthodologie mise en oeuvre par le laboratoire de Lille, qui avait identifié un percement de la poche devant être réchauffée au micro-onde lors du quatrième cycle de chauffe et, par ricochet, de la pertinence de la norme BS 8433-2004 que ce laboratoire avait mise en oeuvre pour caractériser le risque tenant à l’utilisation de la bouillotte ; qu’un tel moyen n’est pas inopérant, dès lors qu’il appartenait, contrairement à ce que soutient la société Etam Lingerie, au tribunal de se prononcer sur la pertinence de cette norme définie par BSI British Standards, pour identifier la conformité d’un produit à l’obligation générale de sécurité en absence de normes nationales ou harmonisées et donc sur l’existence d’un risque pouvant être déduit du non-respect de cette norme ; que, faute de répondre à ce moyen, le jugement est irrégulier et doit être annulé ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de renvoyer la société ATS Développement devant le tribunal administratif de Lyon pour qu’il soit à nouveau statué sur sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de la société ATS Développement présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201242 du tribunal administratif de Lyon en date du 4 mars 2014 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : Les conclusions de la société ATS développement tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ATS, au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et à la société Etam Lingerie.

Délibéré après l’audience du 11 juin 2015, où siégeaient :

- M. Mesmin d’Estienne, président,

- Mme C… et Mme Samson-Dye, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.

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N° 14LY00768

N° 14LY01403 5

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