CAA de LYON, 6ème chambre - formation à 3, 11 janvier 2018, 16LY00613, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 6e ch. - formation à 3, 11 janv. 2018, n° 16LY00613
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 16LY00613
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Lyon, 7 décembre 2015, N° 1403175
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036529206

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. B… F… a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler la décision de l’inspecteur du travail du Rhône en date du 30 août 2013 accordant à la société Giraud Rhône-Alpes 1'autorisation de le licencier pour inaptitude physique, d’annuler la décision du ministre du travail du 25 février 2014 confirmant la décision de l’inspecteur du travail et la décision implicite de rejet de son recours gracieux et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1403175 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 février 2016, M. B… F…, représenté par Me G…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 décembre 2015 ;

2°) d’annuler la décision d’autorisation de licenciement de l’inspecteur du travail du Rhône du 30 août 2013 ;

3°) d’annuler la décision implicite du ministre du travail rejetant son recours hiérarchique contre la décision de l’inspecteur du travail ;

4°) d’annuler la décision du ministre du travail du 25 février 2014 confirmant la décision de l’inspecteur du travail et la décision implicite de rejet de son recours gracieux susmentionnées ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – la décision ministérielle a été adoptée par une autorité incompétente ;

 – la décision d’autorisation de licenciement a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière dès lors que le premier avis d’inaptitude a été pris par une autorité incompétente ;

 – son employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement ;

Par mémoire enregistré le 1er avril 2016 et régularisé le 4 avril 2016, la société Giraud Rhône Alpes, représentée par Me C…, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner l’Etat aux entiers frais et dépens ;


Elle soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Vu le mémoire, enregistré le 6 décembre 2017, présenté pour M. F…, par Me E… ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Carrier,

 – les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

 – et les observations de Me Fleurot, avocat de la société Giraud Rhône-Alpes.

1. Considérant que M. B… F… salarié de la société de transport routier Giraud Rhône-Alpes depuis 1989 en qualité de chauffeur poids lourd, exerçait par ailleurs au sein de cette société les mandats de délégué syndical, de secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de membre suppléant du comité d’entreprise et des délégués du personnel ; qu’il a été détaché à temps complet auprès du syndicat général des transports du Rhône CFDT de novembre 2002 à juin 2011, date à laquelle son employeur a demandé sa réintégration ; qu’il a été déclaré inapte à reprendre son poste par avis du médecin du travail ; qu’ayant constaté l’impossibilité de procéder à son reclassement, la société Giraud Rhône-Alpes a demandé, le 3 juillet 2013, l’autorisation de le licencier ; que, par décision du 30 août 2013, l’inspecteur du travail a accordé l’autorisation de licenciement sollicitée et la société Giraud Rhône-Alpes a mis fin à son contrat de travail le 4 septembre 2013 ; que M. F… a saisi le ministre du travail d’un recours hiérarchique ; qu’une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le ministre pendant un délai de quatre mois ; que, par décision du 25 février 2014, le ministre du travail a expressément rejeté le recours hiérarchique, confirmé sa décision implicite et la décision de l’inspecteur du travail ; que M. F… a présenté un recours contre ces décisions qui a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 décembre 2015 ; que, par sa requête, que M. F… fait appel dudit jugement ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Considérant que lorsqu’un désistement parvient après la clôture de l’instruction, la cour n’est pas tenue de donner acte de ce désistement et peut régulièrement statuer en l’état du dossier à la date de la clôture d’instruction ;

3. Considérant qu’en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des salariés qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l’inaptitude physique, il appartient à l’inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu’elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l’emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé, des exigences propres à l’exécution normale des mandats dont il est investi, et de la possibilité d’assurer son reclassement dans l’entreprise ;

4. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été signée par M. D… A…, directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l’expertise juridiques à la direction générale du travail, qui bénéficiait, en vertu d’une décision du 18 janvier 2012 régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 5 février 2012, d’une délégation à l’effet de signer notamment la décision en litige au nom du ministre chargé du travail ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 4624-1 du code du travail dans sa version alors applicable : « Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. Le chef d’entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail » ; qu’aux termes de l’article R. 4624-31 de ce code : « Le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a réalisé : (…) 3° Deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 4624-34 du même code : « L’avis médical d’aptitude ou d’inaptitude mentionne les délais et voies de recours. » ; qu’aux termes de l’article R. 4625-35 dudit code : « En cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou 1'employeur, le recours est adressé dans un délai de 2 mois, par lettre recommandée avec avis de réception, à 1'inspecteur du travail dont relève l’entreprise. La demande énonce les motifs de la contestation. » ; qu’enfin, aux termes de l’article R. 4625-36 du même code : « La décision de 1'inspecteur du travail peut être contestée dans un délai de 2 mois devant le ministre du travail. » ;

6. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées qu’en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l’aptitude d’un salarié à occuper son poste de travail, il appartient au salarié ou à l’employeur, avant de saisir le juge, de présenter un recours préalable obligatoire devant l’inspecteur du travail ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, un litige concernant l’avis d’un médecin du travail sur son aptitude à occuper son poste de travail et lié à l’incompétence de l’auteur de l’avis, doit faire l’objet du recours obligatoire prévu par les dispositions précités de l’article L. 4624-1 du code du travail ; qu’en l’espèce, il est constant que le requérant n’a pas contesté l’avis du médecin du travail du 25 octobre 2012 dans le délai de recours prévu par les dispositions précitées ; que, par suite, cet avis devenu définitif ne peut, en tout état de cause, être contesté devant le juge par la voie de l’exception ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu’outre l’avis du 25 octobre 2012, M. F… a fait l’objet, entre les mois janvier et novembre 2012, de sept autres avis de médecins du travail successifs qui concluaient tous à l’inaptitude définitive du salarié au poste de conducteur de poids lourds et à une aptitude à un poste de travail administratif ou sédentaire sans manutention, ni mouvements répétitifs ou forcés du dos ; qu’ainsi, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d’illégalité au motif que son inaptitude physique aurait été constatée à l’issue d’une procédure irrégulière ;

7. Considérant, en troisième lieu, que dans le cas où la demande de licenciement d’un salarié protégé est motivée par l’inaptitude physique, il appartient à l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que l’employeur a, conformément aux dispositions de l’article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d’autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l’entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l’employeur n’a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d’une recherche sérieuse, menée tant au sein de l’entreprise que dans les entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ;

8. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la suite des deux premiers avis d’inaptitude à exercer les fonctions de chauffeur routier de poids lourds, émis par le médecin du travail en janvier 2012, la société requérante a demandé dès février 2012 à son salarié de lui faire connaître ses critères de mobilité géographique, ses diplômes et ses compétences et a engagé des démarches au sein de la société en vue de rechercher un poste conforme à l’avis d’aptitude sur un poste administratif émis par le médecin du travail ; qu’en outre, il ressort des pièces du dossier que la société Giraud Rhône-Alpes a proposé au requérant, postérieurement à l’avis médical d’inaptitude du 9 novembre 2012, des postes correspondant à un travail sédentaire de type administratif, conformément aux prescriptions du médecin du travail, recherchés non seulement au sein de l’entreprise Giraud Rhône-Alpes elle-même mais aussi au sein du groupe Géodis ; qu’il n’est pas établi que ces postes n’auraient pas été en relation avec ses capacités professionnelles ; qu’au total 12 postes lui ont été proposés, dont certains à proximité de son domicile, notamment celui d’employé administratif réception à Corbas et exploitant transport à Arnas, au siège même de l’entreprise ; qu’en outre, certaines offres ont été assorties de propositions de formation ; qu’ainsi, l’entreprise qui n’était pas alors tenue à d’autres propositions, et notamment au sein de la SNCF, atteste de nombreuses recherches de postes de reclassement dans les entreprises du groupe ; que si le requérant se plaint du retard de son employeur à satisfaire à son obligation de reclassement, cette circonstance en soi inopérante, est au vu des pièces du dossier principalement liée à son état de santé et aux différents examens médicaux réalisés par le médecin du travail au cours de la période ; qu’enfin, la circonstance que la société Giraud Rhône-Alpes aurait proposé au requérant une rupture conventionnelle de son contrat de travail est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité des décisions en litige ; qu’ainsi, dans les circonstances susrappelées, la société Giraud Rhône-Alpes doit être regardée comme ayant procédé à une recherche sérieuse de reclassement de M. F… tant au sein de l’entreprise que dans les entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré de ce que la société Giraud Rhône-Alpes n’aurait pas satisfait à son obligation de reclassement manque en fait ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. F… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article R. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Giraud Rhône-Alpes aurait exposé des frais mentionnés par les dispositions de l’article R. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre par la société Giraud Rhône-Alpes ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. F…, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Giraud Rhône-Alpes présentées sur le fondement de l’article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… F…, à la société Giraud Rhône-Alpes et au ministre du travail.

Délibéré après l’audience du 7 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2018.

N° 16LY00613 3

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