Cour Administrative d'Appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 8 février 2007, 03MA01445, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu I, la requête, enregistrée le 21 juillet 2003 par télécopie sous le n° 03MA01445, et régularisée le 5 août 2003, présentée pour la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par délibération du conseil municipal en date du 3 avril 2001, par Me Chateaureynaud, avocat ;

La COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER demande à la Cour  :

1°/ d’annuler le jugement n° 98-2760 en date du 10 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nice l’a déclarée conjointement et solidairement responsable avec l’Etat, la COMMUNE DE LA CROIX-VALMER et le SIVOM du Littoral des Maures dans la proportion de 70 % du préjudice subi par la Société du Golf de Pardigon (S.G.P) à l’occasion de la mise en oeuvre de l’opération d’aménagement dite du Golf de Pardigon ;

2°/ de rejeter la demande de la COMPAGNIE FONCIERE ET IMMOBILIERE DE LA COTE D’AZUR (C.F.I.C.A.) présentée devant le Tribunal administratif de Nice en tant qu’elle est dirigée contre elle ;

3°/ de condamner, à titre subsidiaire, l’Etat à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

4°/ de condamner la C.F.I.C.A. à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 janvier 2007,

— le rapport de M. Laffet, rapporteur ;


- les observations de Me Picardo de la LLC associés pour la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, de Me Briard de la SCP Delaporte-Briard-Trichet pour la COMPAGNIE FONCIERE ET IMMOBILIERE DE LA COTE D’AZUR, de M. Lhotellier de la DDE du Var pour le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer et de Me Picardo substituant Me Richer pour la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES ;

 – et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement n° 98-2760 en date du 10 avril 2003, le Tribunal administratif de Nice a déclaré l’Etat, la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES conjointement et solidairement responsables, dans la proportion de 70 %, du préjudice subi par la société du Golf de Pardigon (SGP) aux droits de laquelle vient la COMPAGNIE FONCIERE ET IMMOBILIERE DE LA COTE D’AZUR (C.F.I.C.A.), à l’occasion de l’opération concernant la zone d’aménagement concerté (ZAC) du Golf de Pardigon et a condamné l’Etat à garantir la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES à hauteur de 50 % pour la réparation du préjudice de cette société, l’Etat étant lui-même garanti par la COMMUNE DE LA CROIX VALMER, par la COMMUNE DE CAVALAIRE SUR MER et par le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES à hauteur respectivement de 25 %, 15 % et 10 % ; que, par ce même jugement, le tribunal a écarté, comme sans lien direct avec les fautes commises par ces différentes collectivités publiques, plusieurs chefs de préjudices invoqués par la C.F.I.C.A. et a ordonné une expertise afin d’évaluer, notamment, les préjudices liés aux frais engagés par la SGP à l’occasion de l’acquisition des terrains et des travaux réalisés en exécution de permis de construire ; que la C.F.I.C.A relève appel de ce jugement en tant qu’il limite à 70 % la part de responsabilité des différentes collectivités publiques, alors que la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES font grief à ce même jugement d’avoir retenu une part de responsabilité à leur égard dans le préjudice subi par la SGP ;

Sur la jonction :

Considérant, d’une part, que les documents enregistrés sous le n° 03MA01446 constituent en réalité les pièces annexées à la requête présentée par la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, enregistrée sous le n° 03MA01445 le 21 juillet 2003 ; que, par suite, ces documents doivent être rayés des registres du greffe de la Cour pour être joints à la requête enregistrée sous le n° 03MA01445 ;

Considérant, d’autre part, que la requête n° 03MA01445 émanant de la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la requête n° 03MA01544 émanant de la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et du SIVOM DU LITTORAL DES MAURES, et la requête n° 03MA01545 émanant de la C.F.I.C.A. sont dirigés contre le même jugement rendu sous le n° 98-2760 par le Tribunal administratif de Nice ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER à l’appel formée par la C.F.I.C.A. :

Considérant que le jugement dont il est relevé appel a été notifié aux parties le 6 juin 2003 ; qu’ainsi, la requête d’appel, enregistrée le 1er août 2003 par télécopie et régularisée par la production, le 4 août 2003, de l’exemplaire original, a été formée par la C.F.I.C.A. dans les délais prévus par l’article R.811-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d’une part, que la C.F.I.C.A. soutient, dans un mémoire ampliatif enregistré au greffe de la Cour le 23 octobre 2002, que le jugement attaqué est entaché d’irrégularité en ce que les mentions contradictoires qui y sont portées ne permettent pas d’établir avec certitude sa date de lecture ; que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la C.F.I.C.A. est recevable à invoquer, pour la première fois, ce moyen dans un mémoire enregistré plus de deux mois après la date de notification du jugement, dès lors que cette société faisait déjà grief audit jugement d’être irrégulier en raison de son insuffisante motivation et que ces deux moyens se rattachent à la même cause juridique ;

Considérant qu’aux termes de l’article R.741-2 du code de justice administrative : «La décision mentionne que l’audience a été publique (…). – La décision fait apparaître la date de l’audience et la date à laquelle elle a été prononcée » ;

Considérant que le jugement rendu par le Tribunal administratif de Nice mentionne en première page que sa lecture a été faite le 10 avril 2003, alors qu’il indique en dernière page qu’il a été prononcé en audience publique le 6 mars 2003 ; que, toutefois, il résulte de la motivation de ce même jugement que le tribunal a rendu le même jour une autre décision sur une requête distincte, présentée par la société d’aménagement du Golf de Pardigon (S.A.G.P.), enregistrée sous le n° 98-2759, dont il résulte clairement et sans ambiguïté qu’elle a été lue le 10 avril 2003 ; qu’ainsi, le jugement n° 98-2760, présentement attaqué, ne peut avoir été lu qu’à cette dernière date ; qu’en conséquence, la différence constatée quant à la date de lecture du jugement entre sa première et sa dernière page ne peut être que le résultat d’une simple erreur matérielle, qui n’est pas susceptible de vicier la régularité du jugement attaqué ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

Considérant, d’autre part, que les premiers juges ont répondu à l’ensemble des moyens soulevés devant eux par la C.F.I.C.A. ; qu’en particulier, ils n’avaient pas à se prononcer sur le moyen, qui n’avait pas été expressément invoqué, tiré de l’enrichissement sans cause des collectivités publiques concernées ; que de même ils se sont prononcés sur l’ensemble de l’argumentation développée par les collectivités défenderesses ; qu’ainsi, le jugement répond aux exigences de motivation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d’irrégularité pour insuffisance de motivation et omission à statuer ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de la SGP en première instance :

Considérant, en premier lieu, que la requête de la SGP avait été présentée devant le Tribunal administratif de Nice par le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat ; que, s’agissant d’une société anonyme, les représentants légaux de la société n’avaient pas à produire le mandat exprès les habilitant à ester en justice devant le tribunal administratif ;

Considérant, en deuxième lieu, que la S.A.G.P. et la SGP ont présenté le 15 juin 1998 des demandes préalables d’indemnité aux personnes publiques concernées ; que ces demandes étaient chiffrées même si elle n’étaient pas accompagnées des justificatifs les concernant ; que ces demandes étaient suffisantes pour lier le contentieux, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER ;

Considérant, en troisième lieu, que la demande contentieuse de la SGP était assortie de conclusions chiffrées, détaillant l’ensemble des préjudices allégués ; que la circonstance que les justifications de ces préjudices aient été produites ultérieurement par la C.F.I.C.A. venant aux droits de la SGP est sans incidence sur la recevabilité de la demande de première instance ;

Considérant, en quatrième lieu, que c’est à bon droit que le Tribunal administratif de Nice a retenu que l’ensemble des fautes commises par les différentes collectivités publiques dans le cadre de la mise en oeuvre de l’opération d’aménagement avait concouru aux préjudices subis par la SGP, qui, dès lors n’avait pas à préciser le lien existant de manière particulière entre chacune des fautes commises et chacun des chefs de préjudices invoqués ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a écarté les fins de non-recevoir qui avaient été opposées en première instance ;

Sur l’exception de prescription quadriennale :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 modifiée susvisée : «Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public.» ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : «La prescription est interrompue par : – Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l’autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l’administration saisie n’est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ; – Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance ; – Toute communication écrite d’une administration intéressée, même si cette communication n’a pas été faite directement au créancier qui s’en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance. Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu’une partie de la créance ou si le créancier n’a pas été exactement désigné. Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l’interruption. Toutefois, si l’interruption résulte d’un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée.» ; qu’en vertu des dispositions de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1968 susmentionnée : «La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l’intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ou de la créance de celui qu’il représente légalement» ;

Considérant que la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES soutiennent que l’illégalité du plan d’aménagement de zone est à l’origine des dommages invoqués par les aménageurs successifs et que c’est donc à compter de l’entrée en vigueur de la loi «Littoral» que la prescription quadriennale a commencé à courir ; que, toutefois, comme l’ont relevé les premiers juges, le préfet du Var, saisi d’une demande d’abrogation du plan d’aménagement de la zone d’aménagement concerté du Golf de Pardigon, a refusé de donner suite à cette demande par décision du 15 juillet 1987 ; qu’un recours contentieux a été formé le 19 février 1991 contre l’avenant à la convention de la ZAC signé le 18 décembre 1990, à la suite duquel une ordonnance du tribunal administratif est intervenue le 28 février 1992 ; que, dans le cadre de cet avenant, des permis de construire ont été délivrés le 24 juillet 1991 ; que, saisi de recours dirigés contre ces derniers, excipant d’ailleurs de l’illégalité du plan d’aménagement de zone, le Tribunal administratif de Nice les a annulés par jugement du 23 avril 1992, confirmé par un arrêt du Conseil d’Etat du 10 juillet 1995 ; que, dès lors, conformément aux dispositions précitées de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 modifiée, la prescription quadriennale a été interrompue par ces différents actes administratifs et décisions juridictionnelles, de sorte qu’elle n’était pas acquise à la date du 22 juin 1998, à laquelle le Tribunal administratif de Nice a été saisi par la SGP ;

Sur l’exception de prescription propre aux participations financières :

Considérant qu’il résulte des écritures de la SGP, tant en première instance qu’en appel, que l’action engagée par cette société a pour fondement exclusif la responsabilité de droit commun pour faute de service, même si elle inclut dans sa demande des préjudices liés au versement de participations indues ; qu’en tout état de cause, les actions en répétition soumises à la règle de prescription quinquennale qu’instituent les dispositions de l’article L.332-6 du code de l’urbanisme sont celles qui tendent à la restitution ou au remboursement de sommes versées ou de dépenses supportées à raison de taxes ou contributions autres que celles dont l’article L.332-6 dispose qu’elles peuvent, seules, être légalement exigées des bénéficiaires d’autorisations de construire ; que, comme l’a relevé le Tribunal administratif de Nice, les sommes et prestations exigées par les collectivités publiques, à la charge de l’aménageur, l’ont été au titre de la mise en oeuvre de la ZAC du Golf de Pardigon et correspondent à des participations prévues par l’article L.311-4-1 du code de l’urbanisme ; que dans la mesure où ces participations n’avaient pas été indûment acquittées, la demande formulée par la SGP ne peut être soumise à la règle de prescription spéciale instituée par l’article L.332-30 du code de l’urbanisme, mais relève seulement de celle prévue par la loi du 31 décembre 1968, dont il vient d’être dit qu’elle n’était pas acquise ; que, dès lors, c’est à bon droit que le Tribunal administratif de Nice a écarté la prescription quinquennale relative aux participations financières ;

Au fond :

Sur la responsabilité des communes et du SIVOM DU LITTORAL DES MAURES liée à la signature de l’avenant à la convention d’aménagement du 18 décembre 1990 :

Considérant que, comme l’a relevé le Tribunal administratif de Nice, l’autorité administrative a l’obligation de ne pas appliquer un règlement illégal, même s’il est devenu définitif, et quand bien même l’autorité chargée de l’appliquer n’est pas celle qui a fixé la règle ; que, dans ces conditions, dès lors que les décisions préfectorales approuvant la création de la ZAC du Golf de Pardigon et son plan d’aménagement, intervenues au mois de juin 1980, étaient devenues illégales en raison de l’intervention de la Loi Littoral du 3 janvier 1986, les collectivités publiques, chargées de la mise en oeuvre de cette opération d’urbanisme dans un périmètre situé non loin du rivage, ne pouvaient, sans commettre d’illégalité, signer le 18 décembre 1990 un avenant à la convention initiale d’aménagement, en vue de réaliser une telle opération dans un secteur désormais inconstructible au regard de l’article L.146-6 du code de l’urbanisme ; qu’en tant que signataires de cet avenant, la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité à l’égard de la SGP ;

Sur la responsabilité de l’Etat liée à l’intervention de la loi Littoral :

Considérant que la ZAC du Golf de Pardigon, à usage principal, d’activités touristiques et de résidences de loisirs, a été créée et délimitée par arrêté ministériel du 19 juillet 1976 sur les territoires des communes de Cavalaire-sur-Mer et de La Croix Valmer pour une superficie de 94 hectares ; que le plan d’aménagement de zone et le programme d’équipements publics de cette ZAC, ainsi que la convention confiant cet aménagement à la SCI du Golf de Pardigon ont été approuvés par arrêtés du préfet du Var en date respectivement du 27 juin et du 30 juin 1980 ; qu’il résulte de l’instruction que, bien que les recours dirigés contre ces deux arrêtés préfectoraux aient été définitivement rejetés par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 13 février 1985, la convention d’aménagement de 1980 n’a jamais été exécutée jusqu’à ce que la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES décident de signer le 18 décembre 1990 un avenant à ladite convention avec la SGP qui s’est vue transférer l’ensemble des droits et obligations de la SAGP. ;

Considérant que, entre temps, l’association pour la presqu’île de Saint-Tropez a demandé au préfet du Var, par courrier du 3 avril 1987, reçu le 16 avril 1987, de procéder à une révision du plan d’aménagement de zone, afin que soient prises en compte les dispositions de protection du littoral exigées désormais par la loi du 3 janvier 1986 ; que cette demande a été rejetée par courrier du préfet du Var en date du 15 juillet 1987 au motif que l’opération d’aménagement en cause avait été conçue selon des critères respectant la directive d’aménagement national du littoral approuvée par décret du 25 août 1979, dont les principes généraux avaient été repris par la loi «Littoral» ;

Considérant que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de son édiction, soit que l’illégalité résulte des circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; que le refus illégal de l’autorité compétente de procéder à une telle abrogation constitue une faute ; qu’en l’espèce, la décision en date du 15 juillet 1987 du préfet du Var doit être regardée comme refusant l’abrogation d’un plan d’aménagement de zone, dès lors que la demande de l’association pour la presqu’île de Saint-Tropez tendait également à ce que soit déclarée caduque l’approbation du plan d’aménagement de zone par arrêté préfectoral du 27 juin 1980 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.146-6 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date du 15 juillet 1987 : «Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l’intérêt écologique qu’ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières (…) les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l’avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (…). Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements. En outre, la réalisation de travaux ayant pour objet la conservation ou la protection de ces espaces et milieux peut être admise, après enquête publique suivant les modalités de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 précitée. Le plan d’occupation des sols doit classer en espaces boisés, au titre de l’article L.130-1 du présent code, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale des sites» ; qu’aux termes de l’article R.146-1 du même code : «En application du premier alinéa de l’article L.146-6, sont préservés, dès lors qu’ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : a) Les dunes, les landes côtières, les plages et les lidos, les estrans, les falaises et les abords de celles-ci ; b) Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieur à 1.000 hectares (…) ; e) Les marais, les vasières, les tourbières, les plans d’eau, les zones humides et milieux temporairement immergés (…) ; g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée (…) ;

Considérant que, comme l’a jugé la Cour de céans, dans son arrêt du 20 janvier 2000, la ZAC du Golf de Pardigon s’inscrit dans un site remarquable au sens des dispositions précitées de l’article L.146-6 du code de l’urbanisme, lesquelles font obstacle à la réalisation de l’opération d’aménagement projetée qui porte sur des constructions à usage hôtelier et de résidences de loisirs incompatibles avec la protection du site ; qu’ainsi, eu égard aux exigences de sauvegarde de cet espace naturel en bordure du littoral, le préfet du Var était tenu d’abroger le PAZ concernant cette zone d’aménagement ; que, d’une part, en s’y refusant par la décision du 15 juillet 1987 et, d’autre part, en se bornant à décider, par arrêté du 10 août 1994, de modifier l’acte de création de cette ZAC, ledit arrêté ayant d’ailleurs été annulé définitivement par un arrêt de la Cour de céans en date du 20 janvier 2000 ; le préfet du Var a commis des fautes qui sont de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;

En ce qui concerne la responsabilité liée à la délivrance de permis de construire à la SGP par la COMMUNE DE LA CROIX VALMER :

Considérant que le maire de la CROIX VALMER a délivré à la SGP, par arrêtés en date du 24 juillet 1991, onze permis de construire dans la zone U2 du périmètre de la ZAC, correspondant à douze bâtiments et 383 logements ; que seul un bureau de vente et des appartements témoins ainsi que les aires de stationnement et les aménagements paysagers d’accompagnement ont été réalisés ; que, toutefois, le Conseil d’Etat, confirmant un jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 23 avril 1992, a annulé ces permis de construire, motif pris de l’illégalité du PAZ au regard de l’article L.146-4.II du code de l’urbanisme, le projet de par son importance ne pouvant constituer une extension limitée de l’urbanisation dans un secteur situé en bordure du rivage ; qu’en délivrant ces permis, illégaux au regard de la loi Littoral, le maire de La Croix-Valmer a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, sans pour autant que celle-ci puisse s’exonérer même partiellement de cette responsabilité en faisant valoir que le préfet du Var s’était abstenu de déférer ces permis de construire au Tribunal administratif de Nice, dès lors que la faute ainsi commise par les services de l’Etat ne revêt pas le caractère d’une faute lourde ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que c’est à bon droit que le Tribunal administratif de Nice a retenu que les fautes commises respectivement par l’Etat, la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES avaient concouru à la réalisation d’aménagement et de construction, subis par la SGP ; qu’en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en tant qu’il a déclaré l’ensemble de ces personnes publiques conjointement et solidairement responsables du préjudice de cette société ;

Sur la faute imputable à la SGP :

Considérant que la SGP, qui a succédé à la SAGP, a signé le 18 décembre 1990 l’avenant à la convention d’aménagement de la ZAC du Golf de Pardigon ; qu’elle a ensuite déposé plusieurs demandes de permis de construire, qui lui ont été délivrés le 24 juillet 1991, permis jugés illégaux, comme il a été dit ci-dessus ; qu’eu égard à l’ampleur du projet et que la SGP est un professionnel de l’immobilier disposant nécessairement de moyens d’information importants, la circonstance que cette société ait poursuivi l’aménagement de la ZAC, alors qu’elle ne pouvait ignorer, compte tenu des actions contentieuses qui avaient été engagées contre cette opération, située dans un secteur particulièrement sensible du littoral varois, sans s’assurer de sa légalité au regard des règles introduites par la loi Littoral, constitue de sa part une imprudence fautive, qui est de nature à exonérer partiellement l’Etat, la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES de leur responsabilité conjointe et solidaire ; qu’il y a lieu de fixer la part de responsabilité imputable à cette société à 40 % du préjudice et non comme l’ont fait les premiers juges à 30 % ; que, dès lors, l’Etat et les trois collectivités publiques susmentionnées doivent être condamnés conjointement et solidairement à réparer le préjudice subi par la SGP à hauteur de 60 % du préjudice ;

Sur le préjudice :

Considérant que la C.F.I.C.A. qui vient aux droits de la SGP est fondée à demander, à due concurrence du partage de responsabilité retenue à l’encontre de l’ensemble des collectivités publiques concernées, le remboursement des différentes dépenses exposées exclusivement dans le cadre de l’exécution de l’avenant à la convention d’aménagement signé le 18 décembre 1990, pour autant que les dépenses dont il s’agit soient directement liées à cette exécution et que le préjudice en résultant soit la conséquence de l’illégalité fautive affectant la validité dudit avenant ainsi que les permis de construire délivrés dans le cadre de cette opération ; qu’en conséquence, comme l’a retenu à bon droit le Tribunal administratif de Nice, la CFICA ne saurait prétendre à être indemnisée des frais de justice engagés pour la défense des intérêts de la SGP dans d’autres instances, ni des frais relatifs aux formalités de publication du changement de dénomination de la société, ni des frais de fonctionnement à l’exception de ceux concernant les travaux de reprographie et de photocopie de documents liés directement à la mise en oeuvre de l’opération ; que, de même, sont sans lien direct avec les fautes commises par les différentes collectivités publiques, les frais de transports et de convoyage, ainsi que d’une manière générale tous les frais financiers et frais d’honoraires correspondant à des sommes exposées avant la signature de l’avenant du 18 décembre 1990 ; qu’en appel, la CFICA ne conteste pas sérieusement l’appréciation qu’ont faite les premiers juges sur ces différents points ;

Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu de confirmer, s’agissant des préjudices indemnisables, le jugement attaqué en ce qu’il rejette les susdits chefs de préjudices et ordonne une expertise en vue d’évaluer les autres préjudices directement liés à la mise en oeuvre de cette opération illégale ;

Sur l’appel en garantie :

Considérant que, compte tenu des fautes qui ont été commises par les différentes personnes publiques qui ont concouru à la réalisation des dommages subis par la SGP, les premiers juges ont fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce, en condamnant l’Etat à garantir la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES à garantir l’Etat à hauteur respectivement de 25 %, 15 % et 10 % ; que dès lors les conclusions de ces trois collectivités tendant à ce que l’Etat les garantisse entièrement des condamnations prononcées à leur encontre doivent être rejetées ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’Etat, la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES doivent être condamnés solidairement à réparer à hauteur de 60% le préjudice subi par la SGP aux droits de laquelle vient la C.F.I.C.A. ; qu’il convient, en conséquence, de réformer le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nice en ce qu’il a de contraire au présent arrêt et de rejeter le surplus des conclusions des requêtes de ces trois collectivités ainsi que la requête de la C.F.I.C.A. ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES, qui ne sont pas dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer à la C.F.I.C.A. la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’en application de ces mêmes dispositions, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, d’une part, et de la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et du SIVOM DU LITTORAL DES MAURES, d’autre part, tendant au remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :


Article 1er : Les documents enregistrés sous le n° 03MA01446 sont rayés des registres du greffe de la Cour pour être joints à la requête n° 03MA01445 de la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER.

Article 2 : L’Etat, la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES sont déclarés conjointement et solidairement responsables dans la proportion de 60 % du préjudice subi par la C.F.I.C.A. au titre de l’opération d’aménagement et de construction de la ZAC du Golf de Pardigon.

Article 3 : Le jugement n° 98-2760 en date du 10 avril 2003 du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER et de la requête de la COMMUNE DE LA CROIX-VALMER et du SIVOM DU LITTORAL DES MAURES, ainsi que la requête de la C.F.I.C.A. sont rejetés.

Article 5 : Les conclusions présentées tant par la C.F.I.C.A. que par la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, la COMMUNE DE LA CROIX VALMER et le SIVOM DU LITTORAL DES MAURES tendant au bénéfice de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la COMPAGNIE FONCIERE ET IMMOBILIERE DE LA COTE D’AZUR, à la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, à la COMMUNE DE LA CROIX-VALMER, au SIVOM DU LITTORAL DES MAURES et au ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

Copie en sera adressée à Mme Poli, expert.


N°s 03MA01445 -03MA01446 – 03MA01544 – 03MA01545

2

SR

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Cour Administrative d'Appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 8 février 2007, 03MA01445, Inédit au recueil Lebon