CAA de MARSEILLE, 7ème chambre - formation à 3, 23 février 2016, 14MA02820, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Centre médical subaquatique et M. A… ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Provence-Alpes-Côte-d’Azur du 14 décembre 2011 qui a autorisé la société Comex nucléaire à cesser son adhésion à l’association Expertis qui a la qualité de service de santé au travail.

Par un jugement n° 1200252 du 6 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SELARL Centre médical subaquatique et de M. A….

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin 2014 et 17 juin 2015, la SELARL Centre médical subaquatique et M. A…, représentés par la société d’avocats W., J.-L. et R. Lescudier, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mai 2014 ;

2°) d’annuler cette décision du 14 décembre 2011 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Provence-Alpes-Côte-d’Azur ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Comex nucléaire la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir contre cette décision qui leur fait grief ;

 –  l’avis du comité d’entreprise a été rendu dans des conditions irrégulières à défaut de la justification du vote des membres présents ;

- la société Comex a commis un délit d’entrave lors de la réunion de ce comité d’entreprise en ne convoquant pas le médecin du travail et en faisant signer le compte-rendu de cette réunion par son directeur général ;

- la décision n’a pas été précédée d’un avis du médecin du travail ;

- elle souffre d’un défaut de motivation en fait et en droit ;

 –  la décision critiquée est illégale faute d’avoir prévu l’organisation d’un suivi médical des salariés de la société Comex après la cessation de son adhésion à l’association Expertis ;

- elle a eu pour effet d’entraîner un changement d’affectation du docteurA…, lequel est intervenu irrégulièrement à défaut de consultation de l’avis de la commission médico-technique d’Expertis ;

- elle procède du harcèlement moral ;

- elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

 –  le caractère abusif de leur requête n’est pas établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2014, la société Comex nucléaire, représentée par la société d’avocats Fidal, conclut au rejet de la requête, à ce que soit infligée à la SELARL Centre médical subaquatique et à M. A… une amende pour recours abusif de 2 500 euros en application de l’article R. 741-12 du code de justice administrative et à ce que soit mise à leur charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du même code.

Elle soutient que :

 – la requête est irrecevable faute pour les requérants de justifier de leur intérêt à agir ;

 – les autres moyens soulevés par la SELARL Centre médical subaquatique et M. A… ne sont pas fondés ;

 – le caractère particulièrement abusif de la requête justifie qu’une amende soit infligée à ce titre aux requérants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2015, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

 – M. A… ne justifie pas d’un intérêt à agir contre la décision querellée en se prévalant de sa qualité de gérant du Centre médical subaquatique ;

 – les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 décembre 2015, la clôture d’instruction a été fixée au 5 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code du travail ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Guidal, président,

— les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

— et les observations de Me B… de la société d’avocats W., J.-L., et R. Lescudier, pour la SELARL Centre médical subaquatique et M. A….

1. Considérant que la SELARL Centre médical subaquatique réalise des expertises hyperbares pour l’association Expertis qui a la qualité de service de santé au travail agréé et assure, à ce titre, le suivi des travailleurs des secteurs professionnels de la métallurgie et des entreprises extérieures intervenant dans les installations nucléaires de base ; que M. A…, médecin du travail, est à la fois salarié de l’association Expertis et gérant de la SELARL Centre médical subaquatique ; que, par une décision du 14 décembre 2011, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Provence-Alpes-Côte-d’Azur a autorisé la société Comex nucléaire à cesser son adhésion à l’association Expertis au motif qu’étant une société d’ingénierie et de services, elle n’avait aucune obligation d’adhésion au service de santé au travail professionnel de la métallurgie des Bouches-du-Rhône ; que cette société a alors adhéré à compter du 1er janvier 2012 à l’AIMST 13, autre service de santé au travail interprofessionnel agréé également pour la surveillance médicale des entreprises extérieures intervenant dans les installations nucléaires de base ; que la SELARL Centre médical subaquatique et M. A… relèvent appel du jugement du 6 mai 2014, par lequel le tribunal administratif de Marseille a considéré qu’ils n’étaient pas recevables à demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 14 décembre 2011 faute de justifier d’un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir ;


Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article D. 4622-30 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : « La cessation de l’adhésion à un service de santé au travail interentreprises est décidée par l’employeur, sauf opposition du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel préalablement consultés. L’opposition est motivée. / La décision de l’employeur est subordonnée à l’autorisation du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi qui se prononce après avis du médecin inspecteur du travail » ; que selon l’article R. 4622-31 du même code : « La demande d’autorisation de cessation d’adhésion à un service de santé au travail interentreprises, en cas d’opposition, est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise ou de l’avis des délégués du personnel. Cette demande précise les motifs de l’employeur. L’autorisation est réputée accordée si aucune réponse n’a été notifiée à l’employeur dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa demande. L’autorisation et le refus d’autorisation sont motivés. En cas d’autorisation implicite, les motifs sont fournis, sur demande, dans le délai d’un mois » ;

3. Considérant, en premier lieu, que la SELARL Centre médical subaquatique est liée à l’association Expertis par une convention conclue en 2002, aux termes de laquelle elle procédait aux examens spécifiques aux activités exercées en milieu hyperbare pour les salariés des entreprises adhérentes du service de santé au travail en contrepartie du reversement d’un forfait annuel par plongeur expertisé fixé à 241 euros ; que si la SELARL Centre médical subaquatique se prévaut d’une baisse de son chiffre d’affaires du fait de la cessation de l’adhésion de la société Comex nucléaire à l’association Expertis qu’elle évalue à 4 139 euros par an auquel il conviendrait « d’ajouter la perte de la permanence téléphonique » de 864 euros et une augmentation de son loyer, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préjudice commercial allégué menacerait l’existence même de la société, ni même qu’il affecterait gravement son fonctionnement ; que, dans ces conditions, et alors d’ailleurs que l’association Expertis n’a pas contesté l’autorisation administrative donnée à la société Comex nucléaire de mettre fin à son adhésion, son cocontractant, la SELARL Centre médical subaquatique, ne justifie pas d’un intérêt suffisant la rendant recevable à demander l’annulation de la décision du 14 décembre 2011 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Provence-Alpes-Côte-d’Azur ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’autorisation donnée à la société Comex nucléaire de cesser son adhésion à l’association Expertis serait susceptible d’entraîner des suppressions de postes au sein du service de santé au travail interentreprises géré par cette association et notamment pas celui de M. A… ; que l’intéressé reconnaît d’ailleurs, dans le dernier état de ses écritures, qu’il n’est exposé à aucun risque de licenciement ; que s’il fait valoir qu’en raison de la décision de la société Comex nucléaire de changer de service de santé au travail, il n’assure plus la surveillance des salariés de cette société qui représentait 49 % de son temps de travail, il reconnaît lui-même que son activité a été redéployée vers la surveillance des salariés d’autres sociétés ; que s’il se prévaut enfin de ce qu’il doit désormais exercer son activité en dehors de ses centres d’intérêt, la circonstance alléguée, qui ne saurait être regardée comme constitutive d’une forme de harcèlement moral, est sans incidence ; qu’au demeurant, elle ne résulte pas d’une façon suffisamment directe de la décision contestée, mais principalement de la décision de la société Comex nucléaire d’adhérer à compter du 1er janvier 2012 à un autre service de santé au travail interprofessionnel, l’AIMST 13 et dans celle concomitante de son employeur, l’association Expertis, de réorganiser son activité en conséquence ; qu’ainsi, la décision du 14 décembre 2011 ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives de M. A… et n’affecte pas ses conditions de travail de manière suffisamment directe et importante ; que par suite, le requérant ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour déférer cette décision au juge de l’excès de pouvoir ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SELARL Centre médical subaquatique et M. A… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par son jugement du 6 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision du 14 décembre 2011 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Provence-Alpes-Côte-d’Azur ;


Sur les conclusions de la société Comex nucléaire tendant à ce que la Cour inflige à la SELARL Centre médical subaquatique et à M. A… une amende pour recours abusif :

6. Considérant qu’aux termes de l’article R. 741-12 du code de justice administrative : « Le juge peut infliger à l’auteur d’un requête qu’il estime abusive une amende (…) » ; que la faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la société Comex nucléaire tendant à ce que la SELARL Centre médical subaquatique et M. A… soient condamnés au versement d’une telle amende ne sont pas recevables ;


Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mises à la charge de la société Comex nucléaire, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la SELARL Centre médical subaquatique et de M. A… demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SELARL Centre médical subaquatique et de M. A… chacun une somme de 750 euros au titre des conclusions présentées sur le même fondement par la société Comex nucléaire ;


D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SELARL Centre médical subaquatique et de M. A… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Comex nucléaire tendant à l’application des dispositions de l’article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SELARL Centre médical subaquatique et M. A… verseront chacun à la société Comex nucléaire une somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Centre médical subaquatique, à M. C… A…, à la société Comex nucléaire et au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l’audience du 5 février 2016, où siégeaient :

— M. Lascar, président de chambre,

 – M. Guidal, président assesseur,

 – Mme D…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 février 2016.

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N° 14MA02820 6

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