CAA de MARSEILLE, 5ème chambre - formation à 3, 25 avril 2016, 15MA00771, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D… A… a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner solidairement l’Etat et l’association hospitalière Sainte-Marie à lui verser une somme de 100 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2013 et capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice moral qu’il estime avoir subi du chef de la communication du contenu d’un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Par un jugement n° 1400372 du 29 janvier 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a, en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative, rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2015 et un mémoire enregistré le 29 février 2016, M. D… A…, représenté par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 janvier 2015 ;

2°) de condamner solidairement l’Etat et l’association hospitalière Sainte-Marie à réparer son préjudice par le versement d’une somme de 100 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2013 et capitalisation de ceux-ci en application de l’article 1154 du code civil ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l’Etat et de l’association hospitalière Sainte-Marie une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la juridiction administrative est compétente pour tout litige relatif à la communication à un tiers d’un document administratif, alors même que serait en cause une personne morale de droit privé ;

 – le tribunal administratif a entaché son jugement d’irrégularité en ne prenant pas connaissance et en ne visant pas la note en délibéré qu’il a produite le 22 janvier 2015 ;

 – l’association hospitalière Sainte-Marie a présenté des observations à l’audience sans avoir préalablement produit de mémoire dans l’instance en violation de l’article R. 732-1 du code de justice administrative ;

 – le tribunal administratif a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en se fondant sur la communication du rapport intégral de l’IGAS à la demande du président du conseil des Prud’hommes de Nice, alors qu’est reprochée à l’association hospitalière Sainte-Marie la production antérieure d’extraits de ce rapport ;

 – les extraits du rapport communiqués par l’association hospitalière contiennent des informations erronées, non prouvées, contredisant les précédentes décisions du juge prud’homal, et non précédées d’un débat contradictoire ;

 – l’Etat a commis une faute engageant sa responsabilité au regard des articles 6-2° et 7 de la loi du 17 juillet 1978 en autorisant l’association hospitalière Sainte-Marie à produire des informations nominatives de ce rapport dans l’instance devant le conseil des Prud’hommes, alors même que la procédure juridictionnelle est régie par le code du travail ;

 – l’Etat reconnaît à tout le moins ne pas s’être opposé à la communication des extraits du rapport, ce qui constitue une omission fautive ;

 – l’Etat a commis une seconde faute de nature à engager sa responsabilité en communiquant au centre hospitalier et aux tiers des renseignements erronés ;

 – l’association hospitalière Sainte-Marie a commis une faute en rendant publiques des données à caractère personnel ;

 – ces fautes sont à l’origine d’un préjudice moral en discréditant sa personne et son travail, et doivent entraîner une réparation solidaire à hauteur de 100 000 euros par l’Etat et l’association hospitalière Sainte-Marie compte tenu de son ancienneté dans l’établissement.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2016, l’association hospitalière Sainte-Marie représentée par Me E… conclut au rejet de la requête d’appel et à ce que soit mise à la charge de M. A… une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l’instance.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A… ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées le 14 mars 2016, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur les moyens relevés d’office tirés, d’une part, de l’irrégularité de la formation de jugement de première instance au regard de l’article R. 222-13 4° du code de justice administrative et, d’autre part, de l’incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions présentées par le requérant contre l’association hospitalière Sainte-Marie.

M. A… a présenté le 21 mars 2016 des observations en réponse aux moyens susceptibles d’être soulevés d’office par la Cour.

Il soutient que :

 – le tribunal administratif aurait dû statuer en formation collégiale ;

 – la compétence de la juridiction administrative découle du caractère administratif du document communiqué à un tiers.

L’association hospitalière Sainte-Marie a présenté le 23 mars 2016 des observations en réponse aux moyens susceptibles d’être soulevés d’office par la Cour.

Elle soutient que le juge administratif ne peut connaître de litiges entre personnes privées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

 – la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 ;

 – le code du travail ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. C… Pocheron en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Hameline,

 – et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que M. D… A… a réclamé le 17 octobre 2013 au ministre des affaires sociales et de la santé le versement d’une somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal en réparation du préjudice moral qu’il estime avoir subi du fait de la communication du contenu d’un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) datant de décembre 2010 par son employeur, l’association hospitalière Sainte-Marie, dans une instance l’opposant à celle-ci devant le conseil des Prud’hommes de Nice ; que le silence de l’Etat sur cette demande a fait naître une décision de rejet le 17 décembre 2013 ; que M. A… a également formé le 17 octobre 2013 une demande d’indemnité du même montant auprès de l’association hospitalière Sainte-Marie, qui a refusé d’y donner suite le 2 décembre 2013 ; que M. A… a alors introduit un recours contentieux au tribunal administratif de Nice tendant à la condamnation solidaire de l’Etat et de l’association à lui verser une indemnité de 100 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2013 et capitalisation de ces intérêts ; que, par jugement du 29 janvier 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice statuant en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative a rejeté cette demande ; que M. A… relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Considérant qu’il résulte des dispositions du 4° de l’article R. 222-13 et du 2° de l’article R. 811-1 du code de justice administrative, dans leur rédaction applicable aux jugements rendus par les tribunaux administratifs après le 1er janvier 2014, que le magistrat désigné par le président du tribunal statue seul en premier et dernier ressort sur « les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d’archives publiques » ; qu’il résulte par ailleurs du 10° de l’article R. 222-13 combiné avec les articles R. 222-14 et R. 222-15 du même code que le magistrat désigné du tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur « toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes » lorsque la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d’instance n’excède pas 10 000 euros ;

3. Considérant que M. A… a présenté au tribunal administratif de Nice des conclusions tendant, d’une part, à la mise en cause de la responsabilité pour faute de l’Etat du fait de l’autorisation que celui-ci aurait donnée à l’association hospitalière Sainte-Marie de divulguer le contenu d’un rapport de l’IGAS et de l’insertion d’informations erronées dans ledit rapport, et, d’autre part, à la réparation du comportement fautif de l’association hospitalière elle-même pour avoir produit, dans une instance au conseil des Prud’hommes, des éléments nominatifs le concernant contenus dans ce rapport ; que son recours qui ne peut, eu égard à son objet et aux parties contre qui l’action indemnitaire est dirigée, être regardé comme un litige en matière de consultation et de communication de documents administratifs au sens du 4° de l’article R. 222-13 du code de justice administrative, devait en conséquence faire l’objet d’un jugement rendu par le tribunal administratif en formation collégiale ; que, dès lors, le jugement attaqué, qui a été rendu par un magistrat statuant seul, est irrégulier ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres irrégularités invoquées par le requérant, qu’il y a lieu d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 janvier 2015 et de statuer, par voie d’évocation, sur la demande présentée par M. A… devant ce tribunal ;

Sur les conclusions dirigées contre l’association hospitalière Sainte-Marie :

5. Considérant que, s’il appartient à la juridiction administrative de connaître des litiges tendant à la réparation des préjudices résultant de la communication à des tiers par une personne publique ou chargée d’une mission de service public d’un document administratif comportant des informations nominatives protégées par l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, ou résultant de l’autorisation de procéder à une telle communication, échappe en revanche à la compétence du juge administratif la mise en oeuvre de la responsabilité d’une personne morale de droit privé employeur par l’un de ses salariés se trouvant vis-à-vis d’elle dans une relation de droit privé, à raison de la divulgation d’informations à caractère personnel contenues dans un document administratif dont elle a reçu communication, au surplus lors d’un litige les opposant devant la juridiction prud’homale ;

6. Considérant, par suite, qu’à supposer même que la citation spontanée par l’association hospitalière Sainte-Marie, régie par la loi du 1er juillet 1901, d’extraits du rapport de l’IGAS de décembre 2010 concernant le comportement de M. A… dans ses écritures devant le conseil des Prud’hommes de Nice soit établie, la mise en oeuvre de la responsabilité de l’association par son ancien salarié de ce fait, comme du fait de la production intégrale du rapport sur demande du conseil des Prud’hommes, ne saurait relever de la compétence du juge administratif mais des seules juridictions judiciaires ; que, dès lors, les conclusions présentées par M. A… devant le tribunal administratif tendant à la condamnation de l’association à indemniser le préjudice résultant selon lui de la divulgation d’informations portant atteinte à sa vie privée dans le cadre du contentieux prud’homal sont, en tout état de cause, portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre le ministre des affaires sociales et de la santé :

7. Considérant qu’aux termes de l’article 42 de la loi 96-452 du 28 mai 1996 modifiée portant diverses dispositions d’ordre social : « Les rapports établis par l’inspection générale des affaires sociales en application du présent paragraphe sont adressés aux organismes concernés qui disposent d’un délai de deux mois pour faire valoir leurs observations. Les rapports définitifs, auxquels sont jointes, le cas échéant, les réponses des organismes concernés, sont ensuite adressés aux présidents de ces organismes qui sont tenus de les communiquer au conseil d’administration et à l’assemblée générale lors de la première réunion qui suit. Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités de la publicité de ces rapports. » ;

8. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le rapport d’enquête sur le fonctionnement et l’organisation du centre hospitalier Sainte-Marie de Nice, réalisé par l’inspection générale des affaires sociales et remis à la ministre chargée de la santé, sur sa demande, au mois de décembre 2010, a été communiqué par le chef de l’IGAS à la directrice générale du centre hospitalier Sainte-Marie par courrier du 20 janvier 2011 ; que cette notification, effectuée conformément à l’article 42 précité de la loi du 28 mai 1996 régissant la diffusion de tels documents, mentionnait expressément que le rapport lui était adressé à titre personnel et qu’il n’avait pas vocation à être diffusé dès lors qu’il contenait des éléments dont la communication porterait atteinte aux intérêts privés légalement protégés par le II de l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, et rappelait au centre hospitalier qu’il lui appartenait de prendre toutes les dispositions destinées à conserver à ce rapport un caractère interne et de saisir le chef de l’IGAS de toute demande de communication de celui-ci ;

9. Considérant que l’Etat n’était pas partie au litige introduit par M. A… contre son employeur l’association hospitalière Sainte-Marie devant le conseil des Prud’hommes de Nice en avril 2013 ; qu’il ne résulte d’aucune des pièces produites et qu’il n’est d’ailleurs pas sérieusement soutenu par le requérant que le chef de l’IGAS, le ministre chargé de la santé ou une autre autorité administrative aurait donné à l’association une autorisation préalable à la communication du rapport dans le cadre de cet instance prud’homale ; qu’il ressort au contraire des termes de la lettre du directeur du centre hospitalier au chef de l’IGAS du 20 septembre 2013 qu’il se borne à informer ce dernier de la communication le jour même dudit rapport en réponse à la demande faite par le conseil des Prud’hommes lors de l’audience du 19 septembre 2013 ; que si M. A… fait valoir en outre que le rapport d’inspection en cause contient des renseignements erronés et aurait été ainsi communiqué de manière fautive à des tiers, il n’établit pas en quoi consisteraient ces informations ni ne démontre qu’une diffusion en aurait été effectuée sans respecter les règles de protection des informations nominatives imposées par les dispositions des articles 6-2 et 7 de la loi du 17 juillet 1978 en ce qui concerne les parties comportant des jugements de valeur ou des appréciations individuelles, communicables aux seuls intéressés ; que, par suite le requérant n’établit pas que l’Etat aurait commis une quelconque faute à son encontre ;

10. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la demande présentée par M. A… devant le tribunal administratif de Nice doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat et de l’association hospitalière Sainte-Marie, qui ne sont pas les partie perdantes, le versement d’une quelconque somme au titre des frais exposés par M. A… et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. A… une somme de 2 000 euros à verser à l’association hospitalière Sainte-Marie en application de ces mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 janvier 2015 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A… devant le tribunal administratif de Nice à l’encontre de l’association hospitalière Sainte-Marie sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de première instance et d’appel présentées par M. A… est rejeté.

Article 4 : M. A… versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à l’association hospitalière Sainte-Marie en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D… A…, au ministre des affaires sociales et de la santé et à l’association hospitalière Sainte-Marie.

Délibéré après l’audience du 4 avril 2016, où siégeaient :

— M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative,

 – Mme Hameline, premier conseiller,

 – Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 avril 2016.

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N° 15MA00771

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