CAA de MARSEILLE, 3ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2018, 16MA03961, Inédit au recueil Lebon

  • Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées·
  • Personnes et opérations taxables·
  • Taxe sur la valeur ajoutée·
  • Contributions et taxes·
  • Opérations taxables·
  • Territorialité·
  • Valeur ajoutée·
  • Prestation·
  • Corse·
  • Transport

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Corsica Ferries France a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400705 du 25 août 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 octobre 2016 et le 4 juillet 2017, la SAS Corsica Ferries France représentée par la SCP d’avocats Degroux Brugère agissant par Me A…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 25 août 2016 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – l’avis de mise en recouvrement qu’elle a reçu par courriel le 10 décembre 2013 comportait des mentions erronées ou incomplètes ;

 – la proposition de rectification du 23 mars 2011 n’a pas interrompu la prescription pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ;

 – les prestations de restauration et de fret réalisées à bord des navires n’ont pas à être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2017, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Corsica Ferries France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Sauveplane,

 – les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,

 – et les observations de Me A…, représentant la SAS Corsica Ferries France.

Une note en délibéré présentée par Me A… a été enregistrée le 15 janvier 2018.

1. Considérant que la SAS Corsica Ferries France relève appel du jugement du 25 août 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 à la suite d’une vérification de comptabilité de son activité de transport maritime ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 256-6 du livre des procédures fiscales : « La notification de l’avis de mise en recouvrement comporte l’envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l’adresse qu’il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l' » ampliation « prévue à l’article R. 256-3 (…) La notification de l’avis de mise en recouvrement peut également être effectuée par le ministère d’un huissier. Elle est alors soumise aux règles de signification des actes d’huissier » ;

3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la notification de l’avis de mise en recouvrement doit être faite soit par voie postale, soit par voie de signification par un huissier ; qu’en l’espèce, la SAS Corsica Ferries France a reçu notification de l’avis de mise en recouvrement du 10 décembre 2013 par signification d’huissier le 12 décembre 2013 ; que cet avis de mise en recouvrement comporte la mention « proposition de rectification du 18-10-2010 et 23-03-2011 » pour justifier de l’origine de la créance de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, cette notification était régulière ; que la circonstance que la SAS Corsica Ferries France a reçu par courriel le 10 décembre 2013 une copie de l’avis de mise en recouvrement comportant des mentions erronées ou incomplètes est, dès lors, sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

En ce qui concerne l’interruption de la prescription :

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 176 du livre des procédures fiscales : « Pour les taxes sur le chiffre d’affaires, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible (…) » et qu’aux termes de l’article L. 189 du même livre : « La prescription est interrompue par la notification d’une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d’un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun » ;

5. Considérant que l’administration a notifié à la SAS Corsica Ferries France une première proposition de rectification datée du 10 octobre 2010 relative à la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par cette première proposition de rectification, l’administration a informé la société des motifs de fait et de droit à l’origine du redressement de taxe sur la valeur ajoutée envisagé ; que cette proposition de rectification, suffisamment motivée au regard des dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, a interrompu la prescription conformément aux dispositions précitées de l’article L. 189 du même livre ; que si l’administration a annulé et remplacé cette première proposition de rectification par une seconde proposition de rectification datée du 23 mars 2011, cette circonstance reste sans influence sur le bien-fondé de l’imposition dès lors qu’une proposition de rectification régulièrement notifiée, alors même qu’elle aurait été annulée et remplacée, conserve son caractère interruptif de prescription ; qu’en outre, la proposition de rectification du 23 mars 2011, qui est également suffisamment motivée, n’avait pas, contrairement à ce que soutient la société, à expliquer les motifs de l’annulation de la première proposition de rectification et de son remplacement par la seconde ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée, réclamé au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et mis en recouvrement le 10 décembre 2013, aurait été prescrit manque en fait et doit être écarté ;

En ce qui concerne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de transport de fret entre la Corse et l’Italie :

6. Considérant que l’administration a estimé que les prestations de transport de fret effectuées au départ de la Corse vers l’Italie auraient dû être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au motif que, les preneurs de ces prestations n’ayant pas fourni de numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire, le lieu de départ était réputé se situer en France ; qu’un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 479 191 euros a été réclamé à ce titre à la société au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ;

7. Considérant qu’aux termes du 3° de l’article 259 A du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable, par dérogation aux dispositions de l’article 259, est réputé se situer en France le lieu des « prestations de transports intracommunautaires de biens meubles corporels ainsi que les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d’autrui et interviennent dans la fourniture de ces prestations : a) Lorsque le lieu de départ se trouve en France, sauf si le preneur a fourni au prestataire son numéro d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre. (…) Sont considérés comme transports intracommunautaires de biens les transports dont le lieu de départ et le lieu d’arrivée se trouvent dans deux Etats membres de la Communauté européenne (…) » et qu’aux termes du II de l’article 262 du même code : « Sont également exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (…) 11° Les transports entre la France continentale et les départements de la Corse pour la partie du trajet située en dehors du territoire continental (…) » ;

8. Considérant, en premier lieu, qu’il est constant que la SAS Corsica Ferries France ne peut se prévaloir pour les prestations de transport effectuées de la Corse vers l’Italie de l’exonération prévue au 11° du II de l’article 262 du code général des impôts qui n’est applicable qu’aux prestations de transport effectuées entre la France continentale et la Corse ; qu’en outre, en vertu du a) du 3° de l’article 259 A, les prestations de transport entre la Corse et l’Italie sont réputées se situer en France lorsque le preneur n’a pas fait connaître son numéro d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu’en l’espèce, il est constant que la société requérante n’a pas communiqué les numéros d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée des preneurs des prestations de transport de fret intracommunautaire qu’elle aurait effectuées entre la Corse et l’Italie ; que, dès lors, ces prestations sont réputées se situer en France ; que l’administration fiscale les a soumises à bon droit à la taxe sur la valeur ajoutée ;

9. Considérant, en second lieu, que tant « l’alourdissement de la fiscalité » que la « discrimination » invoqués par la société requérante ne sont que la conséquence de l’absence d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée des preneurs de ces prestations ; que cette absence d’identification n’est imputable qu’à la société ; qu’elle ne saurait invoquer, pour se soustraire à ses obligations fiscales, la difficulté pratique de collecter les informations utiles auprès des chauffeurs routiers ; qu’ainsi, c’est à bon droit que l’administration a procédé au rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant ;

En ce qui concerne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de restauration vendues à bord :

10. Considérant que l’administration a estimé que les prestations de restauration servies à bord devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et a réclamé à la société, à ce titre, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 1 808 624 euros au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ;

Quant à l’application de la loi fiscale :

11. Considérant qu’aux termes du II de l’article 262 du code général des impôts : « Sont également exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (…) 7° Les prestations de services effectuées pour les besoins directs des bateaux ou des aéronefs désignés aux 2° et 4° et de leur cargaison (…) » ;

12. Considérant, en premier lieu, que la liste des prestations de services effectuées pour les besoins directs de la cargaison des bateaux désignés au 2° du II de l’article 262 du code général des impôts est limitativement énumérée aux articles 73 B à 73 E de l’annexe III au code général des impôts ; que la restauration à bord ne figure pas parmi ces prestations accessoires au transport entre la France continentale et la Corse exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, le service de la restauration à bord ne peut être regardé comme une prestation accessoire exonérée au sens et pour l’application du 7° du II de l’article 262 du code général des impôts ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que la société n’est pas fondée à soutenir que les prestations similaires de restauration à bord sont exonérées sur les navires italiens soumis à la loi italienne et que cette exonération constituerait une distorsion de concurrence prohibée par les principes communautaires dès lors qu’elle n’invoque aucune contrariété de la loi française avec la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; que, de surcroît, cette même directive laisse aux Etats membres une certaine latitude sur les prestations qu’ils entendent assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée ou exonérer de cette taxe ; que, dès lors, les choix différents auxquels certains Etats membres se sont livrés dans la transposition de la directive ne peut être constitutif d’une distorsion de concurrence ;

14. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la société aboutirait à un « prélèvement sur capitaux propres » dans la mesure où la société se trouverait dans l’impossibilité de refacturer la taxe sur la valeur ajoutée à ses clients demeure sans influence sur le bien-fondé de l’imposition dès lors que ce rappel n’est que la conséquence de l’application de la loi ; qu’ainsi, c’est à bon droit que l’administration a soumis les prestations de restauration à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Quant au bénéfice de la doctrine administrative :

15. Considérant qu’aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (…) » ;

16. Considérant que l’absence de rectification lors d’un précédent contrôle de la société ne constitue pas une prise de position formelle quant à l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux prestations de restauration à bord, qui serait opposable à l’administration sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que le point de vue exprimé par l’administration dans sa réponse aux observations du contribuable du 19 janvier 2011 ne constitue pas davantage une prise de position formelle qui lui serait opposable ;

17. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SAS Corsica Ferries France n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Bastia, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :


Article 1er : La requête de la SAS Corsica Ferries France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Corsica Ferries France et au ministre de l’action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l’audience 11 janvier 2018, où siégeaient :

— M. Bédier, président,

 – M. Haïli, premier conseiller,

 – M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 janvier 2018.

2

N° 16MA03961

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de MARSEILLE, 3ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2018, 16MA03961, Inédit au recueil Lebon