CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 1 avril 2019, 18MA00148, Inédit au recueil Lebon

  • Réglementation des activités économiques·
  • Activités soumises à réglementation·
  • Étiquetage·
  • Produit agricole·
  • Règlement·
  • Agriculture biologique·
  • Appellation·
  • Engrais·
  • Production·
  • Consommation

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Italpollina a demandé au tribunal administratif de Nice, d’une part, d’annuler la décision du 20 février 2015 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a enjoint d’effectuer, dans un délai de cent-vingt jours, des corrections sur les fiches techniques et dans l’étiquetage du produit fertilisant dénommé Bio-Rex, d’autre part, de condamner l’Etat à lui payer des indemnités de 49 200 euros en remboursement des frais de modification de l’appellation de ce produit et de 15 000 euros au titre des frais de représentation et de communication engagés du fait des injonctions qui lui ont ainsi été faites.

Par un jugement n° 1501826 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2018, la société Italpollina France, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d’annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 20 février 2015 en tant qu’elle lui enjoint de mettre en conformité l’étiquetage de l’engrais Bio-Rex par l’ajout d’une mention indiquant qu’il n’est pas issu de la production biologique ;

3°) de lui donner acte de ce qu’elle propose d’ajouter sur l’étiquetage du produit fertilisant Bio-Rex la mention « utilisable en agriculture biologique conformément au règlement (CE) n° 834/2007 » ;

4°) de condamner l’Etat à lui verser des indemnités de 49 200 euros TTC au titre des frais de modification de l’appellation du produit Bio-Rex et de 15 000 euros TTC au titre des frais de représentation et de communication commerciale ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – en dépit du caractère injustifié de l’injonction y afférente, elle a supprimé la mention relative à l’absence de métaux lourds dans la composition du produit et n’entend plus contester ce point en cause d’appel ;

 – aucune règlementation ne limite, en France, l’usage du terme « bio », les matières fertilisantes étant exclues du champ d’application règlement (CE) n° 834/2007 ;

 – l’article L. 121-1 du code de la consommation n’est quant à lui pas visé dans l’injonction du 20 février 2015 ;

 – l’administration a méconnu le principe de proportionnalité dès lors que le produit peut être utilisé dans la production biologique ;

 – elle a méconnu également le principe d’égalité des opérateurs économiques à l’échelle nationale ;

 – l’article 9 du décret n° 81-478 du 16 juin 1980 lui est inopposable dès lors qu’il ne prohibe aucunement l’utilisation du terme « bio » ;

 – son préjudice est établi.

Par un mémoire enregistré le 30 mars 2018, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et s’en rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques ;

 – le règlement (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 ;

 – le code de la consommation ;

 – le code rural et de la pêche ;

 – la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs ;

 – le décret n° 80-478 du 16 juin 1980 portant application des articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de la consommation en ce qui concerne les matières fertilisantes et les supports de culture ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Marie-Pierre Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

 – les conclusions de M. A… Thiele, rapporteur public ;

 – et les observations de Me B…, représentant la société Italpollina France.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 février 2015, le préfet des Alpes-Maritimes a fait injonction à la société Italpollina France, sur le fondement du VII de l’article L. 141-1 du code de la consommation et dans le délai de 120 jours, d’une part, de supprimer, dans les fiches techniques du produit fertilisant dénommé Bio-Rex, qu’elle commercialise, la mention relative à l’absence de métaux lourds, d’autre part, de modifier l’étiquetage de cet engrais afin d’y faire apparaître qu’il n’est pas issu d’une production biologique. Par le jugement attaqué, en date du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la société Italpollina France tendant à l’annulation de cette décision et à la condamnation de l’Etat au paiement d’indemnités. Cette société, toutefois, ne demande désormais l’annulation de la décision du 25 février 2015 qu’en tant qu’elle porte sur l’étiquetage du produit Bio-Rex.

Sur les conclusions aux fins d’annulation et d’indemnisation :

2. En premier lieu, l’article L. 218-5-5 du code de la consommation, en vigueur à la date de la décision contestée, dispose : « Les agents habilités à constater les infractions ou manquements au présent livre ou aux textes pris pour son application peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un opérateur, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions ». Aux termes de l’article 9 du décret n° 80-478 du 16 juin 1980 portant application, selon son intitulé alors en vigueur, des articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de la consommation en ce qui concerne les matières fertilisantes et les supports de culture : « Est interdit l’emploi, sous quelque forme que ce soit, de toute indication, de tout signe, de toute dénomination de fantaisie, de tout mode de présentation ou d’étiquetage, de tout procédé de publicité, d’exposition, d’étalage ou de vente susceptible de créer une confusion dans l’esprit de l’acheteur, notamment sur la nature, la composition, les qualités substantielles, les propriétés spécifiques, le mode de fabrication, les conditions d’emploi, l’origine, la masse ou le volume des produits mentionnés au présent décret ainsi que sur l’usage auquel ces produits sont destinés ».

3. Aux termes, par ailleurs, de l’article 1er du règlement (CE) n° 834/2007 du 28 juin 2007, pris en son paragraphe 2 : " Le présent règlement s’applique aux produits agricoles ci-après, y compris les produits de l’aquaculture, lorsqu’ils sont mis sur le marché ou destinés à être mis sur le marché : a) produits agricoles vivants ou non transformés ; b) produits agricoles transformés destinés à l’alimentation humaine ; c) aliments pour animaux ; d) matériel de reproduction végétative et semences utilisés aux fins de culture « . Aux termes de l’article 23 de ce même règlement: » Utilisation de termes faisant référence à la production biologique : 1. Aux fins du présent règlement, un produit est considéré comme portant des termes se référant au mode de production biologique lorsque, dans l’étiquetage, la publicité ou les documents commerciaux, le produit, ses ingrédients ou les matières premières destinées aux aliments pour animaux sont caractérisés par des termes suggérant à l’acheteur que le produit, ses ingrédients ou les matières premières destinés aux aliments pour animaux ont été obtenus selon les règles établies dans le présent règlement. En particulier, les termes énumérés à l’annexe, leurs dérivés ou diminutifs, tels que « bio » et « éco », employés seuls ou associés à d’autres termes, peuvent être utilisés dans l’ensemble de la Communauté et dans toute langue communautaire aux fins d’étiquetage et de publicité concernant un produit répondant aux exigences énoncées dans le présent règlement ou conformes à celui-ci. L’utilisation de termes faisant référence au mode de production biologique dans l’étiquetage et la publicité des produits agricoles vivants ou non transformés n’est possible que si par ailleurs tous les ingrédients de ce produit ont également été obtenus en accord avec les exigences énoncées dans le présent règlement. / 2. L’utilisation des termes visés au paragraphe 1 n’est autorisée en aucun endroit de la Communauté ni dans aucune langue communautaire pour l’étiquetage, la publicité et les documents commerciaux concernant un produit qui ne répond pas aux exigences énoncées dans le présent règlement, à moins que ces termes ne s’appliquent pas à des produits agricoles présents dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux ou qu’ils ne soient manifestement pas associés à la production biologique. En outre, l’utilisation de termes, y compris de marques de commerce, ou pratiques en matière d’étiquetage ou de publicité qui seraient de nature à induire le consommateur ou l’utilisateur en erreur en suggérant qu’un produit ou ses ingrédients sont conformes aux exigences énoncées dans le présent règlement est interdite ".

4. Le produit commercialisé sous la dénomination Bio-Rex, mélange de fumiers de bovins, équins et volailles déshydratés, est un fertilisant. Il n’entre ainsi dans aucune des catégories de produits agricoles limitativement énumérés par l’article 1er paragraphe 2 précité du règlement du 28 juin 2007 définissant le champ d’application de celui-ci. L’article 23 de ce règlement ne peut donc légalement fonder la décision contestée. Toutefois, cette décision se fonde également sur l’article 9 du décret du 16 juin 1980 régissant spécifiquement les matières fertilisantes et qui, portant application des articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de la consommation alors en vigueur, figure au nombre des dispositions dont la méconnaissance permet à l’administration de mettre en oeuvre les pouvoirs que lui confère l’article L. 218-5-5 du même code. Cet article 9, s’il ne régit pas spécifiquement l’utilisation du préfixe « bio » dans l’appellation commerciale ou l’étiquetage des engrais, prohibe les indications et dénominations commerciales susceptible de créer une confusion dans l’esprit des acheteurs et peut donc valablement fonder une injonction de l’administration visant à dissiper une telle confusion lorsqu’elle résulte de l’emploi de ce préfixe. Au cas présent, par ailleurs, le préfet des Alpes-Maritimes, faisant application de l’article L. 218-5-5 du code de la consommation et de l’article 9 du décret du 16 juin 1980, n’avait pas à viser en outre dans sa décision l’article L. 121-1 du même code définissant les pratiques commerciales trompeuses. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’erreur de droit doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il n’est pas contesté que le produit Bio-Rex n’est pas issu de l’agriculture biologique, les élevages où sont collectés les fumiers qui le composent ne relevant pas de ce mode de production. Alors même que cet engrais peut en revanche être utilisé comme intrant dans l’agriculture biologique en vertu du règlement (CE) susvisé n° 889/2008 du 5 septembre 2008, l’utilisation, dans son appellation commerciale, du préfixe « bio », dont l’usage courant est habituellement associé à un mode particulier de production du produit lui-même, supposant ainsi qu’il est issu de l’agriculture biologique, était propre à créer une ambiguïté pour les acheteurs, fussent-il essentiellement des professionnels, et dès lors à entretenir une confusion sur l’origine et les propriétés du produit au sens des dispositions de l’article 9 du décret. Dès lors, l’emploi de ce terme était de nature à justifier la mise en oeuvre, par l’administration, des pouvoirs de police administrative que lui confère l’article L. 218-5-5 du code de la consommation.

6. En troisième lieu, la mesure contestée, qui n’a nullement contraint la société Italpollina France à modifier, comme elle a cru devoir le faire, l’appellation de son produit, mais lui a seulement imposé d’insérer dans son étiquetage, à titre informatif, la précision selon laquelle cet engrais n’est pas issu de la production biologique, ne saurait être regardé comme excédant ce qui était nécessaire pour dissiper la confusion créée par l’emploi du préfixe « bio ». A cet égard, par ailleurs, la société Italpollina France ne peut utilement faire valoir que d’autres fertilisants comparables au sien ont une appellation commerciale empruntant le même terme sans que l’administration ait adopté de mesures similaires à l’encontre de leurs fabricants. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des principes de proportionnalité et d’égalité ne sauraient être accueillis.

7. Enfin, la décision en litige n’étant pas illégale compte tenu de ce qui vient d’être énoncé, le préfet des Alpes-Maritimes n’a commis, en la prenant, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Italpollina n’est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d’annulation de la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 20 février 2015 et, par voie de conséquence, ses prétentions indemnitaires doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à ce qu’il soit donné acte à la société Italpollina France des modifications qu’elle se propose d’apporter à l’étiquetage du produit Bio-Rex :

9. Il n’appartient pas au juge administratif de donner acte de telles propositions. En tout état de cause, la mesure contestée, ainsi qu’il a été dit au point 6, correspond à ce qui était nécessaire pour corriger l’ambiguïté suscitée par l’emploi du préfixe « bio » dans l’appellation commerciale du produit fertilisant litigieux. Tel ne serait pas le cas de la mention proposée, se contentant d’indiquer que ce produit est « utilisable en agriculture biologique conformément au règlement (CE) n° 834/2007 », dès lors qu’elle est dénuée de toute information quant à sa composition. Ces conclusions ne peuvent dès lors en tout état de cause qu’être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une quelconque somme soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante ou tenue aux dépens dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société Italpollina France et non compris dans les dépens.


D É C I D E :


Article 1er : La requête de la société Italpollina est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Italpollina et au ministre de l’économie et des finances.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.


N° 18MA00148 6

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 1 avril 2019, 18MA00148, Inédit au recueil Lebon