CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 24 janvier 2020, 17MA03928, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Pyrénées-Orientales a déféré au tribunal administratif de Montpellier, comme prévenu d’une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les articles L. 2122-1 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques, M. A… F… pour avoir installé sur le littoral de la commune de Barcarès, place des Totems, sans autorisation, diverses installations sur une emprise totale de 172 m².

Par un jugement n° 1700642 du 29 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a condamné M. F… à payer une amende de 1 500 euros ainsi que la somme de 50 euros au titre des frais d’établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2017, M. F…, représenté par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2017 ;

2°) de rejeter la demande du préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – le jugement attaqué est irrégulier en ce qu’il n’a pas respecté les dispositions de l’article L. 774-4 du code de justice administrative ;

 – la procédure de contravention de grande voirie est irrégulière dès lors que le procès-verbal de constatation de l’infraction ne lui a pas été notifié en violation de l’article L. 774-2 du code de justice administrative ;

 – il appartient à l’administration de prouver que l’agent verbalisateur était bien compétent pour dresser le procès-verbal de la contravention de grande voirie ;

 – l’occupation du domaine public maritime par ses installations ne saurait être constitutive d’une infraction dans la mesure où il disposait d’une autorisation verbale ;

 – il convient de réduire significativement l’amende.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. F… ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général de la propriété des personnes publiques ;

 – le code pénal ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme D…,

 – et les conclusions de M. C….

Considérant ce qui suit :

1. Des agents de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Pyrénées-Orientales ont constaté, le 1er juillet 2016, sur le littoral de la commune de Barcarès la présence d’une installation composée d’un manège pour enfants ainsi que deux modules de vente de boissons et gourmandises, sur une emprise totale au sol de 172 m². Le 7 juillet 2016, l’administration a mis en demeure M. F…, qui exploite ces installations sans autorisation, de procéder au démontage dans les 48 heures et au plus tard le 9 juillet 2016 à minuit. Par un courrier du 17 juillet 2016, M. F… a demandé à être autorisé à maintenir ses installations sur le domaine public maritime. Par un courrier du 28 juillet 2016, le directeur départemental des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales a refusé de faire droit à cette demande et a de nouveau intimé à l’intéressé de libérer le domaine public maritime dans les 48 heures. Dans le cadre d’une nouvelle visite de surveillance du littoral, les agents de la DDTM ont constaté, le 2 août 2016, qu’aucune mesure n’avait été prise pour démonter et enlever les installations en cause. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été établi le 16 septembre 2016 à l’encontre de M. F…. Le préfet des Pyrénées-Orientales a déféré M. F… devant le tribunal administratif de Montpellier qui, par jugement du 29 juin 2017 l’a condamné à payer une amende de 1 500 euros ainsi que la somme de 50 euros au titre des frais d’établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie. M. F… relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l’article L. 774-4 du code de justice administrative : « Toute partie doit être avertie du jour où l’affaire sera appelée à l’audience. Cet avertissement est notifié dans la forme administrative. Il peut être donné par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. ».

3. M. F… qui n’était ni présent ni représenté à l’audience devant le tribunal administratif de Montpellier, soutient ne pas avoir reçu de convocation à cette audience. Si le jugement mentionne que les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience, ce qui fait foi jusqu’à preuve contraire, le dossier de première instance ne comporte ni la convocation de M. F… ni un accusé de réception de celle-ci, seul le préfet ayant été régulièrement convoqué. Dans ces conditions, M. F… est fondé à soutenir que le jugement a été rendu en méconnaissance des dispositions de l’article L. 774-4 du code de justice administrative. Par suite, le jugement est entaché d’irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé.

4. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les poursuites diligentées par le préfet des Pyrénées-Orientales devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à la condamnation de M. F… pour contravention de grande voirie.

Sur la contravention de grande voirie :

En ce qui concerne la régularité des poursuites :

5. Aux termes de l’article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : « Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l’Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance et les officiers de police judiciaire sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie ».

6. Il résulte de l’instruction que le procès-verbal d’infraction a été dressé le 16 septembre 2016 par M. G… E…, agent de la direction départementale des territoires et de la mer. L’administration a versé au débat la carte de commissionnement de ce fonctionnaire, surveillant territorial, laquelle mentionne que l’intéressé a prêté serment devant le tribunal de grande instance de Perpignan le 2 avril 2013, conformément aux dispositions de l’article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques. Par ailleurs, aucune disposition du code général de la propriété des personnes publiques ni aucun autre texte ou principe général du droit n’impose une publicité particulière de l’assermentation des agents. Par suite, le moyen tiré de ce que ce procès-verbal aurait été signé par une personne incompétente manque en fait et doit être écarté.

7. Aux termes de l’article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d’un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu’elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d’instance. ".

8. Il résulte de ces dispositions que le préfet est compétent dès qu’il est porté atteinte au domaine public pour engager des poursuites à l’encontre de l’auteur de cette atteinte, ce qu’il ne peut faire qu’en saisissant le tribunal administratif, juge de la contravention de grande voirie. Ce juge, dès qu’il est saisi par une autorité compétente et notamment le préfet, doit se prononcer tant sur l’action publique que sur l’action domaniale, que lui soient ou non présentées des conclusions en ce sens. Eu égard aux particularités de son office, il doit vérifier, au besoin d’office, lorsqu’est soulevé un moyen tiré de l’irrégularité de la notification des poursuites, si la procédure n’a pas été régularisée par la saisine régulière du tribunal administratif par l’autorité compétente.

9. Il résulte de l’instruction que le procès-verbal établi le 16 septembre 2016 à l’encontre de M. F…, lui a été régulièrement notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 28 septembre 2016. Si M. F… n’a pas réclamé le pli contenant le procès-verbal de contravention de grande voirie, il en a été avisé ainsi que cela résulte des mentions précises, claires et concordantes figurant sur l’accusé de réception retourné par le service postal au service expéditeur comportant la date de vaine présentation du courrier et la mention « Pli avisé et non réclamé ». Dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il n’aurait pas été dûment avisé du procès-verbal dressé à son encontre et qu’il aurait été privé de la possibilité de se défendre.

En ce qui concerne le bien-fondé des poursuites :

10. D’une part, aux termes de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous ». Aux termes de l’article L. 2132-3 du même code : « Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d’amende. Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations ».

11. D’autre part, nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public. Eu égard aux exigences qui découlent tant de l’affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l’existence de relations contractuelles en autorisant l’occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l’autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. En conséquence, une convention d’occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit.

12. Il résulte de l’instruction, et notamment des énonciations du procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 16 septembre 2016, auquel sont joints deux photographies et un plan de situation, qu’a été constatée, le 2 août 2016, la présence sur le domaine public maritime, de manèges et remorques pour une emprise totale au sol de 172 m². Si M. F… se prévaut d’une autorisation verbale d’occupation du domaine public, ainsi qu’il a été dit au point précédent, cet élément n’est pas de nature à caractériser l’existence d’une convention l’habilitant à occuper le domaine public. Il ne peut davantage invoquer le fait qu’il occupe les lieux depuis 1990 pour s’exonérer de sa responsabilité. En outre, un courrier de refus de délivrance d’un titre d’occupation temporaire du domaine public maritime lui a été expressément notifié le 28 juillet 2016. Il suit de là que les faits reprochés à M. F… sont constitutifs d’une contravention de grande voirie.

13. Aux termes de l’article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : « Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d’un montant plus élevé, l’amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l’article 131-13 du code pénal. (…) ». Aux termes de l’article 131-13 du code pénal : « Constituent des contraventions les infractions que la loi punit d’une amende n’excédant pas 3 000 euros. Le montant de l’amende est le suivant : (…) 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe (…) ».

14. Dans les circonstances de l’espèce et en particulier compte tenu du comportement récalcitrant du contrevenant qui n’a pas déféré aux mises en demeure du préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au démontage et à l’enlèvement des installations litigieuses, il y a lieu de le condamner au paiement d’une amende de 1 500 euros, ainsi qu’aux frais d’établissement du procès-verbal du 16 septembre 2016 dressé à son encontre pour un montant de 50 euros.

15. Enfin, il convient également, au titre de l’action domaniale, d’enjoindre à M. F… d’évacuer sans délai le domaine public, si ce n’est déjà fait.

Sur les frais liés au litige :

16. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».

17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. F…, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.


D É C I D E :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2017 est annulé.


Article 2 : M. F… est condamné au paiement d’une amende de 1 500 euros ainsi qu’aux frais d’établissement du procès-verbal du 16 septembre 2016 dressé à son encontre pour un montant de 50 euros.


Article 3 : Il est enjoint à M. F… d’évacuer le domaine public sans délai.


Article 4 : Les conclusions de M. F… tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… F… et à la ministre de la transition écologique et solidaire.


Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l’audience du 10 janvier 2020, où siégeaient :

— M. Pocheron, président de chambre,

 – M. Guidal, président assesseur,

 – Mme D…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 24 janvier 2020.

N° 17MA03928

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