CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 28 décembre 2021, 19MA03660, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Demeure Sainte-Croix, M. B… A… et Mme D… C… ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler :

 – l’arrêté du 11 mai 2017 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieudit Sainte-Croix à Roussillon, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

 – l’arrêté du 11 mai 2017 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieudit Les Grès à Saint-Saturnin-lès-Apt, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1703419, 1703421 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 août 2019, le 29 décembre 2019, le 5 janvier 2020, le 12 mars 2020, le 26 mai 2020, le 27 mai 2020, le 3 juillet 2020, le 8 juillet 2020 et le 4 novembre 2021, la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants, représentés par Me Hequet, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juin 2019 en tant qu’il a rejeté leur demande tendant à l’annulation des arrêtés du 11 mai 2017 du préfet de Vaucluse et des décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux ;

2°) d’annuler l’arrêté du 11 mai 2017 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieudit Sainte-Croix à Roussillon, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

3°) d’annuler l’arrêté du 11 mai 2017 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieudit Les Grès à Saint-Saturnin-lès-Apt, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

4°) de rejeter l’appel incident de la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme au titre des dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la recevabilité de leur demande :

 – la SCI Demeure Sainte-Croix, qui notamment est propriétaire d’un bien immobilier depuis le 1er août 2013 dans la commune de Roussillon situé à proximité du parc photovoltaïque qui est construit également sur le territoire de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, a intérêt pour agir au sens des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme ;

 – M. A… et Mme C…, seuls associés et gérants de la SCI et qui notamment résident dans le bien immobilier appartenant à la SCI Demeure Sainte-Croix, ont également intérêt pour agir au sens de ces articles.

En ce qui concerne la légalité des deux arrêtés :

 – l’avis tacite émis par l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement, qui n’a été saisie le 16 octobre 2013 que d’une première étude d’impact insuffisante, méconnaît l’article R. 122-7 du code de l’environnement et eu égard aux modifications apportées au projet avant la délivrance du permis de construire, l’autorité environnementale aurait dû être saisie de nouveau ;

 – l’étude d’impact comporte des lacunes et des erreurs de nature à avoir influencé le public et la décision prise par l’administration : le site devant accueillir le projet est décrit de manière erronée, les conséquences des défrichements nécessaires ne sont pas examinées, les conséquences sur l’habitat des espèces menacées, en particulier du pélobate cultripède, ne sont pas analysées, l’impact paysager ainsi que l’impact sur l’écoulement des eaux sont insuffisamment pris en compte, et les effets cumulés avec d’autres activités ou projets ne sont pas analysés ;

 – l’avis du Conseil national de la protection de la nature aurait dû être sollicité ;

 – une demande unique d’autorisation environnementale aurait dû être sollicitée et constituer l’objet conjoint de l’enquête publique concernant les deux permis de construire ;

 – l’importance du projet justifie le dépôt d’un dossier de déclaration « loi sur l’eau » ;

 – les dossiers de demande de permis de construire, qui ne comportent pas l’attestation prévue à l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme pour les sites accueillant ou ayant accueilli des installations classées pour la protection de l’environnement, sont irréguliers.

En ce qui concerne l’arrêté concernant la commune de Roussillon :

 – le permis de construire concernant la commune de Roussillon, qui est situé en dehors d’une partie urbanisée et compromet les activités agricoles existantes, méconnaît les articles L. 111-3 et R. 111-14 du code de l’urbanisme ;

 – en raison de son impact sur l’environnement, notamment sur les espèces protégées telles le pélobate cultripède, ce permis, dont les prescriptions sont insuffisantes, méconnaît l’article R. 111-26 du code de l’urbanisme ;

 – en raison de l’atteinte qu’il porte au caractère et à l’intérêt des lieux avoisinants, ce permis méconnaît le 1° de l’article R. 111-14 et l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme.

En ce qui concerne l’arrêté concernant la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt :

 – le permis de construire concernant la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt méconnaît l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme ;

 – le plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, en tant qu’il comporte la zone 1 AUp créée par délibération du conseil municipal du 21 novembre 2016, est entaché d’illégalité dès lors qu’aucune étude « de discontinuité » au sens de l’article L. 122-7 du code de l’urbanisme n’a été réalisée et que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n’a ainsi pas été régulièrement saisie ;

 – ce plan local d’urbanisme est également entaché d’illégalité dès lors que la réunion d’examen conjoint du 27 juin 2016 a été organisée de manière irrégulière ;

 – ce plan local d’urbanisme est également entaché d’illégalité en raison des insuffisances entachant le dossier soumis à l’enquête publique, notamment l’évaluation environnementale qui décrit de manière insuffisante et erronée le site, en particulier la carrière, qui prend en compte de manière insuffisante l’impact sur des espèces protégées et menacées ainsi que l’impact paysager et qui a été dépourvue de l’examen d’un choix de substitution, ce qui méconnaît les articles R. 104-18 et R. 151-3 du code de l’urbanisme ainsi que les articles L. 122-1 et R. 122-20 du code de l’environnement.

En ce qui concerne l’appel incident :

 – à titre principal, l’appel incident de la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme est irrecevable, le litige relatif au rejet par le tribunal administratif de Nîmes des conclusions de cette société au titre de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme étant distinct du litige de l’appel principal qu’ils ont interjeté et qui tend à l’annulation des arrêtés du préfet de Vaucluse et des décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux ;

 – à titre subsidiaire, cet appel incident est infondé dès lors que, d’une part, leur recours ne présente pas de caractère abusif et, d’autre part, la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme ne justifie pas du caractère excessif, direct et certain du préjudice qu’elle prétend subir en raison de ces recours contentieux.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 novembre 2019, le 27 avril 2020 et le 6 juillet 2020, la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, représentée par Me Ferrant, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l’appel incident :

— de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme ;

 – de condamner la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants à lui verser une somme évaluée à 1 221 084 euros au titre de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la requête est irrecevable, la SCI Demeure Sainte-Croix et ses associés étant dépourvus d’intérêt pour agir en application de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;

 – les moyens soulevés par la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants ne sont pas fondés ;

 – les appelants mettent en œuvre leur droit d’agir en justice dans des conditions qui excèdent la défense de leurs intérêts légitimes ;

 – les recours contentieux empêchent la mise en œuvre du projet de centrale photovoltaïque, entraînant une perte de chiffre d’affaires de 1 106 084 euros à la date du 1er décembre 2019 et l’impossibilité de bénéficier d’un retour sur investissement pour les frais, de l’ordre de 100 000 euros, engagés pour ce projet ;

 – ces recours ont entraîné un préjudice moral qui pourra être justement réparé par une somme de 15 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 février 2020 et le 3 décembre 2021, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

 – les requérants sont dépourvus d’intérêt pour agir ;

 – les moyens soulevés par la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2021, la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, représentée par Me Ferrant, conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires.

Elle soutient, en outre, à la suite de la première audience tenue le 2 novembre 2021, que, si la Cour devait retenir les moyens selon lesquels, d’une part, les deux arrêtés sont entachés d’un vice de procédure tenant à l’absence de saisine régulière de l’autorité environnementale et de l’insuffisance de l’étude d’impact et, d’autre part, l’arrêté relatif à la commune de Roussillon méconnaît les articles L. 111-3 et R. 111-14 du code de l’urbanisme, il lui appartiendrait alors de faire usage des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et de surseoir à statuer dans l’attente d’une régularisation.

Par lettre du 8 novembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, de ce que la Cour était susceptible de surseoir à statuer afin de permettre la régularisation des vices de procédure tenant, d’une part, à l’absence de saisine de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement d’une étude d’impact correspondant au projet de construction et, d’autre part, aux insuffisances dont l’étude d’impact soumise à l’enquête publique est entachée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2021, la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, représentée par Me Jonzo, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la requête de la SCI Demeure-Sainte-Croix, M. A… et Mme C… est irrecevable, les requérants étant dépourvus d’intérêt pour agir ;

 – les moyens soulevés par la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 25 novembre 2021, la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, représentée par Me Ferrant, conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et par les mêmes moyens.

Des mémoires ont été enregistrés le 6 décembre 2021 et le 9 décembre 2021 pour la SCI Demeure-Sainte-Croix et les autres requérants, et n’ont pas été communiqués en application des dispositions de l’article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code civil ;

 – le code de l’environnement ;

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code d’urbanisme ;

 – le décret n° 2015-1353 du 26 octobre 2015 ;

 – le code de justice administrative.

Par décision du 24 août 2021, la présidente de la Cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l’article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Barthez,

 – les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

 – et les observations de Me Hequet, représentant la SCI Demeure Sainte-Croix, M. A… et Mme C…, et de Me Ferrand, représentant les sociétés Saint-Saturnin Roussillon Ferme et Reden Solar.

Une note en délibéré a été enregistrée le 16 décembre 2021, présentée pour les sociétés Saint-Saturnin Roussillon Ferme et Reden Solar.

Considérant ce qui suit :

1. La société Saint-Saturnin Roussillon Ferme a déposé, le 26 août 2013, deux dossiers de demande de permis de construire et, par deux arrêtés du 11 mai 2017, le préfet de Vaucluse lui a accordé un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé, lieudit Sainte-Croix à Roussillon, et d’autre part, lieudit Les Grès à Saint-Saturnin-lès-Apt. La SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants font appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juin 2019 en tant qu’il a rejeté leur demande tendant à l’annulation de ces arrêtés du préfet de Vaucluse et des décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux contre ces arrêtés. En outre, la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme demande, par la voie de l’appel incident, de réformer ce jugement en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme et de les condamner à lui verser la somme de 1 221 084 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. En premier lieu, la demande de première instance a été présentée par la SCI Demeure Sainte-Croix, représentée par ses gérants. En application de l’article 1849 du code civil, le gérant dispose d’un pouvoir légal de représentation lui donnant, de plein droit, qualité pour agir en justice au nom de cette société.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 600-2-1 du code de l’urbanisme, applicable au présent litige : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement (…) ». Il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

4. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment dont la SCI Demeure Sainte-Croix est propriétaire et dans lequel résident M. A… et Mme C…, associés de cette société, est situé à environ 400 mètres du projet de centrale photovoltaïque au sol d’une superficie de l’ordre de 6 hectares, en surplomb du projet, et que cette construction sera visible depuis le terrain dont la SCI Demeure Sainte-Croix est propriétaire. Ainsi, la construction autorisée est de nature à affecter directement les conditions de jouissance du bien détenu par la SCI Sainte-Croix et occupé régulièrement par M. A… et Mme C…. Les requérants ont donc intérêt pour agir et la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, par la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme et par la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt doit être écartée.

Sur l’appel principal :

En ce qui concerne les moyens communs aux deux arrêtés :

5. En premier lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s’il a privé les intéressés d’une garantie.

6. Aux termes de l’article R. 122-7 du code de l’environnement, applicable au présent litige : « I. – L’autorité compétente pour prendre la décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution des travaux, de l’ouvrage ou de l’aménagement projetés transmet pour avis le dossier comprenant l’étude d’impact et le dossier de demande d’autorisation à l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement définie à l’article R. 122-6 (…) / II. – L’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement, lorsqu’elle tient sa compétence du I ou du II de l’article R. 122-6, se prononce dans les trois mois suivant la date de réception du dossier mentionné au premier alinéa du I et, dans les autres cas, dans les deux mois suivant cette réception. L’avis, dès sa signature, ou l’information relative à l’absence d’observations émises dans le délai, est mis en ligne sur son site internet et sur le site internet de l’autorité chargée de le recueillir lorsque cette dernière dispose d’un tel site (…) ».

7. Il est constant que l’étude d’impact qui était jointe au dossier de saisine de cette autorité était celle réalisée par la société Biotope du mois d’août 2013 et que cette autorité n’a pas été saisie à nouveau alors qu’une nouvelle étude d’impact, prenant en considération certaines des modifications apportées au projet de centrale photovoltaïque, a été réalisée au mois de mai 2015. Ces modifications ont notamment consisté à prévoir le débroussaillement et l’arrachage d’arbres et de haies dans les parties sud et est de l’emprise du projet. En outre, l’implantation du projet a été modifiée. Eu égard à l’importance de ces changements, l’absence de saisine de l’autorité environnementale de l’Etat compétente en matière d’environnement d’une étude d’impact concernant le nouveau projet de construction a été susceptible, en l’espèce, d’avoir une influence sur le sens de l’avis de cette autorité ainsi que sur celui des décisions prises par le préfet de Vaucluse. Les requérants sont ainsi bien fondés à soutenir que ce vice est de nature à entacher d’illégalité les arrêtés du 11 mai 2017 du préfet de Vaucluse contestés.

8. En deuxième lieu, aux termes du I de l’article R. 122-5 du code de l’environnement : « Le contenu de l’étude d’impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine ».

9. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

10. En l’espèce, l’étude d’impact du mois de mai 2015 qui a été soumise à l’enquête publique, bien que rédigée après l’avis du service départemental d’incendie et de secours du 17 mars 2015, fait notamment allusion aux défrichements et débroussaillements nécessaires pendant la période des travaux de construction de la centrale photovoltaïque au sol, mais ne prend pas en compte les défrichements, autorisés par les arrêtés du préfet de Vaucluse pour une superficie de l’ordre de deux hectares, et demandés dans le but de permettre la mise en protection contre les incendies de forêt de la zone d’implantation de la centrale photovoltaïque au sol. Ces défrichements aux abords du projet, par leur importance, étaient bien de nature à modifier l’appréciation portée sur le projet de construction, notamment en ce qui concerne l’insertion paysagère et les conséquences sur la faune, en particulier sur les amphibiens. En outre, l’étude d’impact indique de manière erronée que le site du projet se localise au sein de l’emprise d’une carrière, alors qu’il ressort des pièces du dossier qu’il inclut des terres agricoles sur la commune de Saint-Saturnin Les Apts qui n’ont jamais été utilisées pour une activité de carrière. Cette insuffisance d’étude d’impact a pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population. La SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants sont donc bien fondés à soutenir que ce vice est de nature à entacher d’illégalité les arrêtés du 11 mai 2017 du préfet de Vaucluse contestés.

11. En troisième lieu, les moyens selon lesquels l’importance du projet justifie le dépôt d’un dossier de déclaration « loi sur l’eau », un avis du Conseil national de la protection de la nature aurait dû être sollicité, et une demande unique d’autorisation environnementale aurait dû être sollicitée et constituer l’objet conjoint de l’enquête publique concernant les deux permis de construire, ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour permettre au juge d’en apprécier la portée et le bien-fondé. Ils ne peuvent qu’être écartés.

12. En quatrième lieu, aux termes de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme : « Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon le cas : / (…) n) Dans le cas prévu par l’article L. 556-1 du code de l’environnement, un document établi par un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, ou équivalent, attestant que les mesures de gestion de la pollution au regard du nouvel usage du terrain projeté ont été prises en compte dans la conception du projet (…) ». De telles dispositions ont été introduites par le décret n° 2015-1353 du 26 octobre 2015 relatif aux secteurs d’information sur les sols prévus par l’article L. 125-6 du code de l’environnement et portant diverses dispositions sur la pollution des sols et les risques miniers et, selon l’article 6 de ce décret, elles « sont applicables aux demandes déposées après la publication au recueil des actes administratifs dans le département des arrêtés prévus à l’article R. 125-45 du code de l’environnement » qui sont prévus par ce décret. Ces dispositions ne s’appliquent donc pas aux présents permis de construire demandés dès le 26 août 2013.

En ce qui concerne la légalité de l’arrêté relatif à la commune de Roussillon :

13. Aux termes de l’article L. 174-1 du code de l’urbanisme : « Les plans d’occupation des sols qui n’ont pas été mis en forme de plan local d’urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date, sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5. / La caducité du plan d’occupation des sols ne remet pas en vigueur le document d’urbanisme antérieur. A compter du 1er janvier 2016, le règlement national d’urbanisme mentionné aux articles L. 111-1 et L. 422-6 s’applique sur le territoire communal dont le plan d’occupation des sols est caduc ». L’article L. 174-3 du même code dispose que : « Lorsqu’une procédure de révision du plan d’occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d’être achevée au plus tard le 26 mars 2017 ou, dans les communes d’outre-mer, le 26 septembre 2018. Les dispositions du plan d’occupation des sols restent en vigueur jusqu’à l’approbation du plan local d’urbanisme et au plus tard jusqu’à cette dernière date ». En application de ces dispositions, la révision du plan d’occupation des sols de la commune de Roussillon afin de le mettre en forme de plan local d’urbanisme, engagée avant le 31 décembre 2015, devait intervenir avant le 26 mars 2017. Le plan local d’urbanisme n’ayant été approuvée que le 18 décembre 2017, la plan d’occupation des sols de la commune de Roussillon a été caduc le 27 mars 2017 et, à compter de cette date et jusqu’à celle d’approbation du plan local d’urbanisme, le règlement national d’urbanisme s’est appliqué sur le territoire de cette commune.

14. En premier lieu, aux termes de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme : « En l’absence de plan local d’urbanisme, de tout document d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ». L’article R. 111-14 du même code dispose que : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature, par sa localisation ou sa destination : / 1° A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ; / 2° A compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l’existence de terrains faisant l’objet d’une délimitation au titre d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication géographique protégée ou comportant des équipements spéciaux importants, ainsi que de périmètres d’aménagements fonciers et hydrauliques ; / 3° A compromettre la mise en valeur des substances mentionnées à l’article L. 111-1 du code minier ou des matériaux de carrières inclus dans les zones définies à l’article L. 321-1 du même code ".

15. La centrale photovoltaïque est implantée sur le site d’une ancienne carrière d’exploitation de roches calcaires et seule une partie du secteur a été aplanie et est devenue un espace permettant l’exercice d’une activité agricole. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, d’une part, qu’une activité agricole y soit effectivement exercée et, d’autre part, que l’activité d’élevage d’ovins, bien que n’étant pas traditionnelle dans la région, ne pourrait être exercée sur l’emprise de la centrale photovoltaïque. Par suite, c’est sans erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme que le préfet de Vaucluse a pu estimer que le projet de centrale photovoltaïque au sol ne compromettait pas les activités agricoles ou forestières.

16. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 111-26 du code de l’urbanisme : « Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d’environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement. Le projet peut n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l’environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l’article R. 181-43 du code de l’environnement ».

17. Le permis de construire contesté prévoit des prescriptions devant être respectées pendant la phase de chantier. Ainsi, le calendrier des travaux doit être adapté au cycle de vie des oiseaux, les travaux bruyants sont interdits pendant la période de nidification de mi-mars à la fin juillet et les travaux de débroussaillage des secteurs périphériques doivent être réalisés manuellement durant l’hiver afin de limiter l’impact sur la faune. En outre, pendant la phase d’exploitation, le grillage doit avoir des mailles décroissantes afin de permettre le passage des amphibiens, des reptiles et des petits mammifères et ainsi favoriser les continuités écologiques entre l’intérieur de la centrale photovoltaïque et son environnement proche. Il est également prescrit de maintenir la mare naturelle utile à la reproduction des amphibiens et de conserver des talus en pente raide pour la nidification des oiseaux. Au regard de l’ensemble de ces éléments, c’est sans erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R. 111-26 du code de l’urbanisme que le préfet de Vaucluse a accordé, avec les prescriptions précédemment rappelées, un permis de construire concernant l’implantation d’une centrale photovoltaïque sur le territoire de la commune de Roussillon.

18. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ».

19. Il ressort des pièces du dossier qu’en raison de sa dimension, la zone de projet, vue à partir des montagnes environnantes, n’occupera qu’une place très réduite dans une champ visuel large. En outre, l’arrêté du préfet de Vaucluse prévoit la conservation d’une haie de conifères bordant le projet ainsi que son prolongement à l’ouest et à l’est par une haie « en doublon » de la haie existante. Au sud du projet est également prescrite la plantation d’une haie, dans le cas où le bois existant serait supprimé. Ces prescriptions de nature à favoriser l’intégration paysagère de la centrale photovoltaïque au sol dans l’environnement immédiat. C’est donc sans erreur manifeste d’appréciation au regard de ces dispositions du code de l’urbanisme que le préfet de Vaucluse a accordé un permis de construire, comprenant ces prescriptions, pour la construction d’une centrale photovoltaïque au sol sur le territoire de la commune de Roussillon.

En ce qui concerne la légalité de l’arrêté relatif à la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt :

20. Au soutien du présent recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire accordé par le préfet de Vaucluse pour une centrale photovoltaïque au sol sur le territoire de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants excipent de l’illégalité de la délibération du 21 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt a prononcé l’intérêt général de l’opération de réalisation d’un parc photovoltaïque et a approuvé la mise en comptabilité du plan local d’urbanisme correspondante qui a consisté, notamment, à prévoir le classement des terrains concernés dans une zone 1 AUp où sont autorisés les constructions et équipements nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie solaire.

21. L’article L. 600-1 du code de l’urbanisme prive les requérants de la faculté d’invoquer par voie d’exception, devant les juridictions administratives, certains vices de procédure ou de forme susceptibles d’affecter les actes d’urbanisme qu’il énumère, dont les plans locaux d’urbanisme. Toutefois, cette disposition, que le législateur a adoptée dans un souci de sécurité juridique, ne saurait être opposée au requérant qui fait état de ce que l’acte d’urbanisme de l’illégalité duquel il excipe fait l’objet d’un recours en annulation pendant devant une juridiction du fond. En l’espèce, la délibération du 21 novembre 2016 a fait l’objet d’un recours pour excès de pourvoir et l’arrêt de la Cour du 16 novembre 2021 rejetant la requête de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants n’est pas définitif.

22. En premier lieu, aux termes de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme : « L’urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d’annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ». L’article L. 122-7 du même code dispose que : « Les dispositions de l’article L. 122-5 ne s’appliquent pas lorsque le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d’urbanisme comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, qu’une urbanisation qui n’est pas située en continuité de l’urbanisation existante est compatible avec le respect des objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux articles L. 122-9 et L. 122-10 ainsi qu’avec la protection contre les risques naturels. L’étude est soumise à l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Le plan local d’urbanisme ou la carte communale délimite alors les zones à urbaniser dans le respect des conclusions de cette étude (…) ».

23. La mise en conformité du plan local d’urbanisme, destinée à permettre la réalisation d’une centrale photovoltaïque au sol, prévoit ainsi une urbanisation qui, en l’espèce, n’est pas réalisée en continuité avec une urbanisation précédente. En application de dispositions précédemment citées de l’article L. 122-7 du code de l’urbanisme, la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, qui est située en zone de montagne, a saisi la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de ce projet de centrale photovoltaïque au sol.

24. Ainsi que le relèvent la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants, la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt ne produit pas l’étude qu’elle aurait dû soumettre, en application de ces dispositions du code de l’urbanisme, à cette commission. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du compte-rendu du 4 avril 2016 de la réunion du 15 mars 2016, que la commission était informée des enjeux environnementaux et de protection des terres. Ainsi, le vice de procédure dont serait entachée la saisine pour avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n’a pas été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise par le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt et n’a pas privé les requérants d’une garantie. Le moyen tiré d’un tel vice de procédure doit, conformément au principe rappelé au point 3, être écarté.

25. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 153-54 du code de l’urbanisme : " Une opération faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique, d’une procédure intégrée en application de l’article L. 300-6-1 ou, si une déclaration d’utilité publique n’est pas requise, d’une déclaration de projet, et qui n’est pas compatible avec les dispositions d’un plan local d’urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L’enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l’utilité publique ou l’intérêt général de l’opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l’objet d’un examen conjoint de l’Etat, de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. Le maire de la ou des communes intéressées par l’opération est invité à participer à cet examen conjoint « . L’article L. 132-7 du même code dispose que : » L’Etat, les régions, les départements, les autorités organisatrices prévues à l’article L. 1231-1 du code des transports, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de programme local de l’habitat et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux sont associés à l’élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme dans les conditions définies aux titres IV et V. / Il en est de même des chambres de commerce et d’industrie territoriales, des chambres de métiers, des chambres d’agriculture et, dans les communes littorales au sens de l’article L. 321-2 du code de l’environnement, des sections régionales de la conchyliculture. Ces organismes assurent les liaisons avec les organisations professionnelles intéressées « . Aux termes de l’article L. 132-9 du même code : » Pour l’élaboration des plans locaux d’urbanisme sont également associés, dans les mêmes conditions : 1° Les syndicats d’agglomération nouvelle ; / 2° L’établissement public chargé de l’élaboration, de la gestion et de l’approbation du schéma de cohérence territoriale lorsque le territoire objet du plan est situé dans le périmètre de ce schéma ; / 3° Les établissements publics chargés de l’élaboration, de la gestion et de l’approbation des schémas de cohérence territoriale limitrophes du territoire objet du plan lorsque ce territoire n’est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale ".

26. Il ressort des pièces du dossier que seuls les représentants de deux personnes publiques associées ont été présents à la réunion d’examen conjoint du 27 juin 2016 qui s’est tenue à la mairie de Roussillon et a porté sur le projet de centrale photovoltaïque au sol tant en ce qui concerne la commune de Roussillon que la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt. Celle-ci produit certes les lettres de convocation des personnes publiques associées à cette réunion mais ne joint pas les avis de réception. La commune de Saint-Saturnin-lès-Apt n’établit donc pas que les autres personnes publiques associées auraient été convoquées à cette réunion, en tant qu’elle a concerné cette commune, conformément aux dispositions précédemment citées de l’article L. 153-54 du code de l’urbanisme.

27. Toutefois, plusieurs autres personnes publiques associées, telles la direction départementale des territoires de la préfecture de Vaucluse, la chambre départementale d’agriculture, la chambre de commerce et d’industrie, le département de Vaucluse, le parc naturel régional du Luberon et la communauté de communauté de communes du pays d’Apt Luberon ont émis des avis sur le projet de mise en conformité du plan local d’urbanisme. Ainsi que le relève le commissaire enquêteur, ces avis sont favorables, sous réserve parfois de demandes de précisions sur certains aspects du projet. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces avis auraient été, en l’espèce, susceptibles d’être différents si ces personnes publiques associées avaient participé à la réunion d’examen conjoint et que leur participation aurait été, en l’espèce, susceptibles d’avoir une influence sur le sens de la décision prise par le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt.

28. En outre, en tout état de cause, s’agissant notamment de la région Provence, Alpes, Côte d’Azur et de la chambre des métiers et de l’artisanat de Vaucluse, il ressort des pièces du dossier que ces personnes publiques, comme les autres personnes publiques associées, ont été régulièrement convoquées à la réunion d’examen conjoint tenue le même jour pour examiner le projet de centrale photovoltaïque en tant qu’il concerne la commune de Roussillon et la mise en comptabilité du plan d’occupation des sols de cette commune. Il n’est ni établi ni même allégué que la région Provence, Alpes, Côte d’Azur et la chambre des métiers et de l’artisanat de Vaucluse, ainsi informées de l’existence de ce projet qui concerne tant la commune de Roussillon que la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, auraient alors émis un avis. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que l’appréciation portée sur ce projet unique pourrait être différente en fonction de la commune concernée. Dans ces conditions, l’absence de convocation de la région Provence, Alpes, Côte d’Azur et de la chambre des métiers et de l’artisanat à la réunion d’examen conjoint relative au projet de centrale photovoltaïque en tant qu’il concerne la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt n’a ni été susceptible d’avoir une incidence sur le sens de la décision prise ni privé les intéressés d’une garantie.

29. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que les vices mentionnés aux points 26 à 28 ci-dessus relatifs à la réunion d’examen conjoint du 27 juin 2016, pris dans leur ensemble, ne sont ni susceptibles d’exercer une influence sur le sens de la décision prise et ni de nature à priver les intéressés d’une garantie. Conformément au principe rappelé au point 5, ils ne sont donc pas de nature à entacher d’illégalité la délibération du 21 novembre 2016.

30. En troisième lieu, l’article R. 104-18 du code de l’urbanisme fixe le contenu du rapport environnemental accompagnant les documents d’urbanisme. L’article R. 153-1 du même code fixe le contenu « au titre de l’évaluation environnementale lorsqu’elle est requise » du rapport de présentation des documents d’urbanisme.

31. Le rapport de présentation de la mise en conformité du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt contient une étude environnementale qui se fonde sur des données recueillies principalement en 2010 et en 2013. La SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants, qui s’appuient notamment sur l’avis critique, au demeurant ni daté ni signé, émis par « la mission région d’autorité environnementale de Provence, Alpes, Côte d’Azur » sur le contenu du rapport environnemental dont elle était saisie, estiment que cette étude est insuffisante. Ils font également état de modifications de l’environnement intervenues postérieurement à ces années mais avant la délibération du 21 novembre 2016, et il est en effet exact que les défrichements aux abords immédiats du projet décidés pour éviter le risque d’incendie n’ont pas été pris en compte par l’étude environnementale.

32. Toutefois, en ce qui concerne les conséquences sur la faune et la flore, l’étude liste l’ensemble des espèces se trouvant sur la zone concernée et précise, pour chacune, le niveau de l’enjeu local de conservation, enjeu qui est fort s’agissant de l’amphibien appelé « pélobate cultripède ». Il ne ressort pas des pièces du dossier, nonobstant les critiques souvent de nature méthodologique de la mission régionale d’autorité environnementale, que cette étude serait insuffisante au regard des dispositions de l’article R. 104-18 du code de l’urbanisme ou comporterait des inexactitudes. En outre, les défrichements mentionnés au point précédent, bien qu’ils puissent affecter les habitats d’hivernage de certains amphibiens, n’ont pas d’impact sur les sites de reproduction pérenne que constituent les plans d’eau aux abords immédiats du projet.

33. En outre, l’étude environnementale analyse de manière détaillée l’impact paysager de la mise en conformité du plan local d’urbanisme, tant à proximité du projet que pour l’ensemble du pays du Calavon, à partir de points de vues depuis les versants du Luberon et des monts de Vaucluse, des belvédères de Roussillon, de la chapelle Sainte-Radelongue située sur la crête la plus élevée des collines de Gargas, de l’église de Croagnes ainsi que des routes départementales n° 915 et 943, en notant les cas où le projet devrait être visible. Elle rappelle l’existence de certains monuments historiques ainsi que celle de sites classés ou inscrits souvent situés à quelques kilomètres de la zone concernée par la mise en conformité du plan local d’urbanisme et mentionne, parfois, « des risques d’interactions visuelles » entre le projet et des sites ou monuments remarquables. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette analyse serait insuffisante ou que les inexactitudes qu’elle comporterait, s’agissant notamment de l’analyse du risque de visibilité du projet ou de « covisibilité » entre ce projet et certains monuments ou de certains sites, seraient significatives. Enfin, les défrichements aux abords immédiats du projet, même s’ils accroissent l’impact visuel à proximité, n’ont pas été de nature à modifier le contenu de l’étude s’agissant de la description de l’impact paysager du projet à l’échelle de l’ensemble des territoires concernés.

34. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’étude environnementale, qui est proportionnée à l’importance d’un projet, comporterait des approximations ou des erreurs qui auraient été susceptibles d’exercer, en l’espèce, une incidence sur le sens de la décision prise par le conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt ou auraient privé les intéressés d’une garantie. Le moyen tiré d’un vice de procédure en raison de la méconnaissance des articles R. 104-18 et R. 153-1 du code de l’urbanisme doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, le dossier soumis à l’enquête publique a permis une bonne information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération et les insuffisances relevées aux points précédents n’ont pas été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la délibération contestée du conseil municipal de Saint-Saturnin-lès-Apt.

35. Il résulte de tout ce qui précède que seul les vices mentionnés, respectivement, aux points 5 à 7 s’agissant de l’absence de saisine de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement d’une étude d’impact préalable à la délivrance du permis de construire correspondant au projet autorisé, et aux points 8 à 10 s’agissant des insuffisances de l’étude d’impact soumise à l’enquête publique sont de nature à entraîner la nullité des arrêtés du préfet de Vaucluse contestés.

36. Aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir, d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

37. Le premier vice dont sont entachés les arrêtés du préfet de Vaucluse contestés peut être régularisé en procédant à une nouvelle consultation de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement avec une étude d’impact correspondant au dossier de demande de permis de construire. Le second vice nécessite d’organiser une enquête publique complémentaire à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l’environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l’avis de l’autorité environnementale recueilli à titre de régularisation, une nouvelle étude d’impact prenant notamment en compte les défrichements nécessités par la réalisation du projet de centrale photovoltaïque au sol et le périmètre exact du projet. Eu égard aux modalités de régularisation ainsi fixées, les mesures de régularisation devront être notifiées à la cour administrative d’appel de Marseille dans un délai de huit mois à compter du présent arrêt.

Sur l’appel incident de la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme et ses conclusions tendant à la condamnation de la SCI Demeure Sainte-Croix, de M. A… et de Mme C… au titre de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :

38. Aux termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme : « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (…) est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ».

39. Le présent recours de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants étant, sous réserve d’une régularisation sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, fondé, il ne peut donc être regardé comme traduisant un comportement abusif de leur part.

40. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants, que la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants sur le fondement de ces dispositions du code de l’urbanisme. Il résulte également de ce qui précède, s’agissant de l’instance d’appel, que la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme n’est pas davantage fondée à demander la condamnation de la SCI Demeure Sainte-Croix et des autres requérants sur le fondement de ces mêmes dispositions.


D É C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par la SCI Demeure Sainte-Croix et les autres requérants jusqu’à l’expiration du délai de huit mois à compter de la notification du présent arrêt fixé pour la notification à la cour administrative d’appel des permis de construire modificatifs adoptés conformément aux modalités de régularisation mentionnées au point 37.

Article 2 : Les conclusions de la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme présentées par la voie de l’appel incident sont rejetées.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas expressément statué sont réservés jusqu’en fin d’instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Demeure Sainte-Croix, à M. B… A…, à Mme D… C…, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, à la société Reden Solar et à la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l’audience du 14 décembre 2021, où siégeaient :

— M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative,

 – M. Barthez, président assesseur,

 – Mme Carassic, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2021.

N° 19MA03660 5

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CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 28 décembre 2021, 19MA03660, Inédit au recueil Lebon