CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 22 février 2022, 19MA05604, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 4e ch., 22 févr. 2022, n° 19MA05604
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 19MA05604
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 17 octobre 2019, N° 1709342
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045244668

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) les marchés méditerranéens a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté n° 2017-06 du 27 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au bénéfice de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, les immeubles nécessaires aux travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté (ZAC) littorale sur le territoire de la commune de Marseille et dont elle est propriétaire.

Par un jugement n° 1709342 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt du 8 décembre 2020, la Cour a, avant dire droit sur l’appel formé par

la SCI les marchés méditerranéens contre ce jugement, procédé à un supplément d’instruction tendant à la production, par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, dans un délai de six mois, d’un avis établi par une autorité environnementale qui dispose effectivement d’une autonomie fonctionnelle, soit la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable.

Par des mémoires, enregistrés les 28 juillet, 19 novembre et 24 et 31 décembre 2021, la SCI les marchés méditerranéens a persisté dans ses précédentes écritures.

Elle y précise que :

 – contrairement à ce qu’a considéré la Cour dans son arrêt avant dire droit, le vice tenant à l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale n’est pas susceptible d’être neutralisé, ainsi que l’a jugé récemment le Conseil d’Etat ;

 – aucune régularisation de ce vice n’est susceptible d’être décidée, en l’absence de dispositions législatives propres à l’assurer dans ce contentieux et faute pour la jurisprudence de consacrer un mécanisme de régularisation pour les déclarations d’utilité publique qui n’emportent pas mise en compatibilité d’un document d’urbanisme ;

 – l’avis de l’autorité environnementale, sollicité par l’autorité de l’Etat et produit par le bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique, au-delà du délai de six mois imparti par la Cour, ne respecte pas son arrêt avant dire droit ;

 – en tout état de cause, cet avis, qui a été établi sur la base d’une étude d’impact actualisée en 2021 et qui ne peut donc conduire à la neutralisation du vice identifié par la Cour, démontre que ce vice a bien été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise ou de priver les intéressés d’une garantie.

Par un mémoire de production, enregistré le 28 octobre 2021, l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée produit l’avis rendu le 20 octobre 2021 par le conseil général de l’environnement et du développement durable et annonce un mémoire complémentaire.

Par des mémoires, enregistrés les 17 et 27 décembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

La ministre ajoute que :

 – l’avis recueilli le 20 octobre 2021, par comparaison avec celui entaché d’irrégularité, montre que ce vice n’a pu exercer une influence sur le sens de la déclaration d’utilité publique, ni priver les intéressés d’une garantie ;

 – cet avis ne pouvait être rendu que sur la base d’une étude d’impact actualisée ;

 – ladite étude d’impact, ce nouvel avis et le mémoire en réponse à cet avis du bénéficiaire de la déclaration seront portés à la connaissance du public, le vice identifié par la Cour dans son avant dire droit étant susceptible d’être régularisé.

Par ordonnance du 7 décembre 2021 la clôture d’instruction a été fixée au

28 décembre 2021, à 12 heures, puis reportée par ordonnance du 28 décembre 2021, au

4 janvier 2022, 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

 – le code de l’environnement ;

 – le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

 – le code de l’urbanisme ;

 – la décision n° 437581 du Conseil d’Etat du 28 avril 2021 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Revert,

 – les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

 – et les observations de Me Le Cadet, substituant Me Labetoule, représentant la SCI les marchés méditerranéens et de Me Reboul, substituant Me Burtez-Doucède, représentant l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée.

Considérant ce qui suit :

1. Par son arrêté n° 2017-05 du 27 février 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d’utilité publique les travaux de réalisation de la ZAC littorale sur le territoire de la commune de Marseille. Par son arrêté n° 2017-06 du même jour, le préfet a déclaré cessibles, au bénéfice de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, les immeubles nécessaires à cette opération. La SCI les marchés méditerranéens a demandé au tribunal administratif de Marseille l’annulation de l’arrêté n° 2017-06, en tant qu’il déclare cessibles, au profit de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, les parcelles cadastrées section 901 A, n° 95 et n° 98 dont elle est propriétaire au 130 chemin de la Madrague-Ville. Par jugement du

18 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 8 décembre 2020, la Cour, saisie de l’appel de la SCI Les marchés méditerranéens, a écarté expressément des moyens de sa requête, sauf le moyen tiré, par la voie de l’exception d’illégalité de la déclaration d’utilité publique, de l’irrégularité de l’avis du directeur régional adjoint de l’environnement, de l’aménagement et du logement, statuant en tant qu’autorité environnementale, au regard de paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Avant de statuer définitivement sur ce moyen, la Cour a en effet prescrit, par le même arrêt, un supplément d’instruction tendant à la production, par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, dans un délai de six mois, d’un avis établi par une autorité environnementale qui dispose effectivement d’une autonomie fonctionnelle, savoir la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable.

2. En premier lieu, par l’arrêt avant dire droit du 8 décembre 2020, la Cour a considéré que l’avis rendu le 26 mai 2015 sur le projet en litige par le directeur régional adjoint de l’environnement, de l’aménagement et du logement, en tant qu’autorité environnementale, par délégation du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’azur, n’émane pas d’une entité interne disposant d’une autonomie réelle à l’égard de l’auteur de la décision attaquée et n’a donc pas été émis dans des conditions répondant aux objectifs de l’article 6 de la directive du

13 décembre 2011. La Cour en a déduit que la procédure administrative préalable à l’adoption de l’arrêté déclarant d’utilité publique les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté littorale a été entachée d’irrégularité. Néanmoins, afin d’apprécier si l’irrégularité de cet avis a été susceptible soit d’exercer une influence sur le sens de l’arrêté déclaratif d’utilité publique, soit de priver les personnes intéressées d’une garantie, dans le cadre de l’enquête d’utilité publique, la Cour a ordonné un supplément d’instruction. A la fois en tant qu’il a ordonné ce supplément d’instruction sur le moyen tiré de l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale, et en tant qu’il a écarté expressément les autres moyens de la requête, l’arrêt avant dire droit de la Cour est revêtu de l’autorité de chose jugée, laquelle s’étend non seulement à son dispositif, mais également aux motifs qui en sont le soutien nécessaire.

3. En réponse au supplément d’instruction ordonné par la Cour, l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, puis la ministre, ont produit l’avis rendu le 20 octobre 2021 par le conseil général de l’environnement et du développement durable. Si cet avis émane d’une autorité disposant d’une autonomie réelle par rapport à l’auteur de la déclaration d’utilité publique en cause, signée du préfet des Bouches-du-Rhône, il ressort toutefois de ses énonciations qu’il n’a pas été rendu sur le fondement de l’étude d’impact réalisée en 2013 et versée au dossier soumis à l’enquête publique ayant donné lieu à la déclaration d’utilité publique en cause, mais sur la base d’une étude d’impact actualisée en 2021, complétée de nouvelles études relatives à l’air et la santé, au bruit ainsi qu’à la faune et la flore, et dont le périmètre a été étendu aux opérations limitrophes dites du secteur de Cap Pinède-Capitaine Gèze et de l’Îlot Château Vert. Ce nouvel avis, compte tenu de ses conditions d’élaboration, ne saurait être comparé avec l’avis entaché d’irrégularité. Ainsi cette irrégularité doit être regardée comme ayant été de nature à exercer une influence sur le sens de la déclaration d’utilité publique et à priver les intéressés d’une garantie. La circonstance, avancée par la ministre, dans le dernier état de ses écritures, et postérieure à l’arrêté en litige, que l’étude d’impact actualisée et complétée en 2021, l’avis de l’autorité environnementale du 20 octobre 2021 et les réponses qui y auront été faites par le bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique seront portées à la connaissance du public demeure à cet égard sans incidence. Il suit de là que le moyen tiré de l’irrégularité de l’avis émis par l’autorité environnementale le 26 mai 2015 et partant de l’illégalité de la déclaration d’utilité publique du 27 février 2017, ainsi par suite, que de l’arrêté n° 2017-06, en tant qu’il déclare cessibles, au profit de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, les parcelles cadastrées section 901 A, n° 95 et n° 98 dont elle est propriétaire au 130 chemin de la Madrague-Ville doit être accueilli.

4. Si, enfin, en invoquant le nouvel avis de l’autorité environnementale, la ministre a entendu affirmer que ce vice est susceptible d’être régularisé, il ne résulte n’aucune disposition ni d’aucun principe qu’il appartiendrait au juge de la cessibilité de parcelles dont l’expropriation a été déclarée d’utilité publique, de rechercher si une régularisation appropriée d’un vice entachant la déclaration d’utilité publique est possible.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI les marchés méditerranéens est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 27 février 2017 en tant qu’il déclare cessibles, au profit de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, les parcelles cadastrées section 901 A, n° 95 et n° 98 dont elle est propriétaire. Il y a donc lieu d’annuler ce jugement et cet arrêté dans la mesure sollicitée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requérante sur lesquels la Cour n’a pas déjà expressément statué dans son arrêt avant dire droit.

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la SCI appelante, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cet établissement et à la charge de l’Etat, au bénéfice de la SCI, la somme de 1 000 euros chacun.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1709342 du tribunal administratif de Marseille en date du

18 octobre 2019, et l’arrêté n° 2017-06 du 27 février 2017 par lequel le préfet des

Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au bénéfice de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, les parcelles cadastrées section 901 A, n° 95 et n° 98, sises 130 chemin de la Madrague-Ville, et appartenant à la SCI les marchés méditerranéens, au 130 chemin de la Madrague-Ville, sont annulés.

Article 2 : L’Etat et l’établissement public d’aménagement verseront chacun à la SCI les marchés méditerranéens la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière les marchés méditerranéens, à l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l’audience du 1er février 2022, où siégeaient :

 – M. Badie, président,

 – M. Revert, président assesseur,

 – M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.

N° 19MA056042

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