Rejet 31 mars 2023
Rejet 19 janvier 2024
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Sur la décision
| Référence : | CAA Marseille, 2e ch. - formation à 3, 31 mars 2023, n° 21MA04639 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour administrative d'appel de Marseille |
| Numéro : | 21MA04639 |
| Importance : | Inédit au recueil Lebon |
| Type de recours : | Plein contentieux |
| Décision précédente : | Tribunal administratif de Marseille, 3 octobre 2021, N° 2001587 |
| Dispositif : | Rejet |
| Date de dernière mise à jour : | 11 avril 2024 |
| Identifiant Légifrance : | CETATEXT000047388442 |
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes D, Karine et Laetitia G ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge médicale de M. E G à l’hôpital de la Timone à Marseille, ayant entraîné son décès le 11 février 2009.
Par un jugement n° 2001587 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête des consorts G.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 décembre 2021 et 28 septembre 2022, Mmes D, Karine et Laetitia G, représentées par Me Woimant, demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 octobre 2021 ;
2°) de condamner l’AP-HM à verser, suite à la prise en charge médicale de M. E G à l’hôpital de la Timone à Marseille :
— aux consorts G, en leur qualité d’ayants-droit de M. B G, père de la victime, la somme de 30 000 euros ;
— à Mme D G, la somme globale de 65 100 euros ;
— à Mme A G, la somme globale de 25 000 euros ;
— à Mme F G, la somme globale de 25 000 euros ;
3°) de majorer ces sommes des intérêts légaux à compter de la date de réception de leur demande indemnitaire préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;
4°) de mettre à la charge de l’AP-HM la somme de 2 000 euros à verser à chacune des requérantes au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
— la prescription décennale n’était pas acquise lorsqu’elles ont adressé leur demande indemnitaire préalable le 15 octobre 2019 et introduit leur requête devant le tribunal le 19 février 2020 ; le délai de prescription a été interrompu les 1er février 2010 et 21 juin 2012, dates auxquelles elles ont eu communication du dossier médical ;
— la responsabilité pour faute de l’AP-HM est engagée sur le fondement des articles L. 1110-1, L. 1110-5 et L. 1142-1 du code de la santé publique ; M. G a été victime d’une erreur médicale lors de sa prise en charge ainsi que d’un mauvais fonctionnement du service, ces fautes ayant entraîné son décès le 11 février 2009 ;
— elles ont droit, en leur qualité d’ayants-droit de la victime et de victimes par ricochet, à l’indemnisation de leurs préjudices.
Par un mémoire enregistré le 20 juillet 2022, l’AP-HM, représentée par la SARL Le Prado-Gilbert, demande à la cour de rejeter la demande présentée par les consorts G.
Elle fait valoir que :
— à titre principal, l’action des requérantes est prescrite en application de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique ;
— à titre subsidiaire, aucune faute médicale n’est établie ;
— à titre infiniment subsidiaire, une expertise médicale devrait ordonnée.
La procédure a été communiquée à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, qui n’a pas présenté d’observations.
Une ordonnance portant clôture immédiate de l’instruction a été émise le 17 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
— le code civil ;
— le code de la santé publique ;
— la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
— la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
— la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;
— le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de M. C,
— les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
— et les observations de Me Daimallah, représentant les consorts G.
Une note en délibéré, enregistrée le 17 mars 2023, a été produite pour les consorts G.
Considérant ce qui suit :
1. M. E G, né le 1er octobre 1991, était atteint d’une maladie héréditaire du métabolisme découverte à l’âge de deux ans, appelée acidémie méthylmalonique. Le 31 janvier 2009, il a été hospitalisé à l’hôpital de La Timone en raison de douleurs et de vomissements, dus à une acidose métabolique et à une hernie hiatale. Une fois son bilan métabolique normalisé, celui-ci a pu regagner son domicile le 2 février 2009 avant d’être à nouveau hospitalisé le 4 février 2009 en raison de vomissements persistants. Son état s’est ensuite dégradé jusqu’à son décès le 11 février 2009. Mme D G, mère de la victime, ainsi que les sœurs de ce dernier, Mme A G et Mme F G, ont adressé une demande indemnitaire préalable à l’Assistance publique- Hôpitaux de Marseille (AP-HM), reçue le 21 octobre 2019, qui a été rejetée par courrier du 3 mars 2020. Celles-ci relèvent appel du jugement du 4 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à la condamnation de l’AP-HM à réparer les préjudices résultant du décès de M. G.
Sur l’exception de prescription opposée par le centre hospitalier :
2. Aux termes de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage () ».
3. Il résulte des termes mêmes des dispositions de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique que le législateur a entendu instituer une prescription décennale se substituant à la prescription quadriennale instaurée par la loi du 31 décembre 1968 pour ce qui est des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics en matière de responsabilité médicale. Il s’ensuit que ces créances sont prescrites à l’issue d’un délai de dix ans à compter de la date de consolidation du dommage.
4. En prévoyant que ces dispositions nouvelles sont immédiatement applicables, en tant qu’elles sont favorables à la victime ou à ses ayants-droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n’ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, le législateur a entendu porter à dix ans le délai de prescription des créances en matière de responsabilité médicale, qui n’étaient pas déjà prescrites à la date d’entrée en vigueur de la loi et qui n’avaient pas donné lieu, dans le cas où une action en responsabilité avait été engagée, à une décision irrévocable. L’article 101 de la loi du 4 mars 2002 n’a cependant pas eu pour effet, en l’absence de dispositions le prévoyant expressément, de relever de la prescription celles de ces créances qui étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002.
5. Les dispositions du 2ème alinéa de l’article 101 de la loi du 4 mars 2002 ont pour objet d’unifier les délais de prescription applicables aux accidents médicaux dans le souci de rétablir une égalité de traitement entre les victimes, que la procédure soit engagée devant le juge administratif ou devant le juge judiciaire. Faute pour le législateur d’avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu’il a institué, ces dispositions doivent s’entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968.
6. A cet égard, aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : « Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Aux termes de l’article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l’autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance () ; toute communication écrite d’une administration intéressée () dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance () « . Aux termes de l’article 3 de cette loi : » La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l’intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance ou de la créance de celui qu’il représente légalement. ".
7. Enfin, en prévoyant, au second alinéa de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique issu de la loi du 26 janvier 2016, que les règles de la prescription extinctive prévues au titre XX du livre III du code civil s’appliquent au régime spécifique de prescription décennale, le législateur a entendu fixer l’ensemble des causes interruptives inhérentes à ce régime et exclure, par suite, à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2016, pour les litiges de responsabilité médicale mettant en cause des personnes publiques, l’application des causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics.
8. En l’espèce, il est constant que le délai de prescription de dix ans, institué par les dispositions précitées de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique, de la créance née du préjudice résultant du décès de M. E G a commencé à courir le 11 février 2009, date de ce décès. L’AP-HM fait valoir que les créances invoquées étaient, en application de ce délai, prescrites, la demande d’indemnisation des requérantes n’ayant été présentée à l’AP-HM que par un courrier du 15 octobre 2019 reçu le 21 octobre suivant.
9. Les consorts G soutiennent pour la première fois en appel que les courriers de l’AP-HM adressés les 1er février 2010 et 21 juin 2012 constituent une communication écrite de l’administration relative à l’existence de la créance qui a interrompu le délai de prescription décennale en application des dispositions de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 qui demeuraient applicables jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2016, ainsi qu’il est dit aux points 5 et 7. Cependant, si les requérantes ont eu, par ces courriers, communication de pièces médicales relatives à la pathologie de M. G, tels qu’une synthèse sur l’histoire et le traitement de sa maladie, un compte-rendu de son hospitalisation ou les résultats d’examens biologiques et radiologiques pratiqués, cette seule communication du dossier médical ne comporte, par elle-même, aucune identification d’une créance déterminée et ne se prononce pas sur le fait générateur ou l’existence des créances, le montant ou le paiement de celles-ci. Celle-ci n’est, dès lors, pas susceptible d’avoir interrompu le délai de prescription. A supposer même que les requérantes aient entendu invoquer les dispositions de l’article 3 de la loi du 31 décembre 2018, celles-ci ne peuvent sérieusement s’en prévaloir dès lors qu’elles admettent expressément que le délai de prescription avait bien commencé à courir à compter du 11 février 2009, date du décès de M. G. En tout état de cause, il ne résulte pas de l’instruction que les pièces médicales transmises les auraient mises en mesure de disposer d’indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l’AP-HM. Par suite, et ainsi que l’a jugé à bon droit le tribunal, la créance que les consorts G soutenaient détenir sur l’AP-HM était prescrite à la date de la demande d’indemnisation amiable formulée auprès de cette dernière le 21 octobre 2019.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts G ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête des consorts G est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D G, représentante unique des consorts G, à l’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille et à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes.
Délibéré après l’audience du 16 mars 2023, où siégeaient :
— Mme Fedi, présidente de chambre,
— M. Mahmouti, premier conseiller,
— M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023.
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