CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 16NC00381, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… C… a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler l’arrêté du 13 octobre 2015 par lequel la préfète de l’Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1502341 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 février 2016, complétée par deux mémoires enregistrés les 11 mai et 12 septembre 2016, M. A… C…, représenté par Me B…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 janvier 2016 ;

2°) d’annuler l’arrêté de la préfète de l’Aube du 13 octobre 2015 ;

3°) d’enjoindre à la préfète de l’Aube, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et lui délivrer, pendant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— les premiers juges ont statué ultra petita ;

 – la décision portant refus de séjour a été prise au terme d’une procédure irrégulière dès lors que la préfète a omis de saisir la commission du titre de séjour ;

 – cette décision est insuffisamment motivée ;

 – aucun récépissé de demande de titre de séjour ne lui a été délivré, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – le refus de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l’article L. 313-11 du même code, ainsi que celles de l’article 371-2 du code civil auxquelles elles renvoient ;

 – il répondait aux conditions pour se voir délivrer, de plein droit, un titre de séjour au regard des dispositions des 4° et 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – il justifie de la condition d’ancienneté de présence en France, requise par la circulaire du ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012 en vue de la régularisation de sa situation ;

 – la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – cette décision méconnaît enfin les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale des droits de l’enfant ;

 – elle a des conséquences d’une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

 – l’obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

 – cette décision doit être annulée en raison de l’illégalité du refus de titre de séjour ;

 – elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – elle a des conséquences d’une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

 – la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 avril 2016, la préfète de l’Aube conclut au rejet de la requête au motif qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Par une décision du 23 juin 2016, le président du bureau d’aide juridictionnelle a admis M. C… au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l’audience publique.

1. Considérant que M. C…, ressortissant tunisien né le 11 mai 1983, déclare être entré irrégulièrement en France au cours du mois d’août 2008 ; que, le 9 juillet 2014, l’intéressé a présenté une demande de titre de séjour en qualité de parent d’un enfant français ; que, par un arrêté du 13 octobre 2015, la préfète de l’Aube a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ; que, par un jugement du 19 janvier 2016, dont M. C… relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « est délivrée de plein droit : / (…) 6° A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues à l’article 372-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée (…) » et qu’aux termes de l’article 371-2 du code civil : « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant (…) » ;

3. Considérant que M. C… est le père d’un enfant français né le 29 mai 2014 ; qu’il n’est pas contesté que, depuis cette dernière date, l’intéressé vit avec son enfant et la mère de celui-ci ; que si les attestations qu’il produit à l’instance ont été établies postérieurement à l’arrêté attaqué, ces documents, notamment les attestations émanant du médecin du service de la protection maternelle et infantile, du médecin kinésithérapeute ayant pris l’enfant en charge en décembre 2014 et janvier 2015 et du président du centre municipal d’action sociale, indiquent de façon suffisamment circonstanciée que M. C… participe, à proportion de ses ressources, à l’entretien et à l’éducation de son enfant depuis la naissance de celui-ci ; que la circonstance que le requérant aurait déclaré, lors de l’enquête de police du 8 avril 2015, souhaiter avoir un enfant avec une ressortissante française afin de régulariser sa situation est sans influence sur le droit de l’intéressé à la délivrance d’un titre de séjour, lequel est subordonné à la seule condition qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de cet enfant depuis sa naissance ; qu’ainsi, M. C… est fondé à soutenir qu’en lui refusant un titre de séjour, la préfète de l’Aube a méconnu les dispositions précitées du 6e de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que par suite, il est également fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions l’obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C… est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d’injonction sous astreinte :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusion en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ;

6. Considérant que, sous réserve d’un changement dans la situation de droit ou de fait de M. C…, le présent arrêt implique nécessairement que la préfète de l’Aube lui délivre une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 75 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, codifiée à l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et des articles 37 et 43 de la même loi, que le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante, à son profit, que le paiement des seuls frais qu’il a personnellement exposés, à l’exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle confiée à son avocat ; mais que l’avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante la somme correspondant à celle qu’il aurait réclamée à son client, si ce dernier n’avait eu l’aide juridictionnelle, à charge pour l’avocat qui poursuit le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

8. Considérant que, d’une part, M. C… n’allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par une décision du président du bureau d’aide juridictionnelle du 23 juin 2016 ; que, d’autre part, l’avocat de M. C… n’a pas demandé que lui soit versée par l’Etat la somme correspondant aux frais exposés qu’il aurait réclamée à son client si ce dernier n’avait bénéficié d’une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1502341 du 19 janvier 2016, ainsi que l’arrêté du 13 octobre 2015 par lequel la préfète de l’Aube a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C…, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l’Aube de délivrer à M. C… une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… C… et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, à la préfète de l’Aube et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Troyes.

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N° 16NC00381

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