CAA de NANCY, 2ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 16NC01286, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch. - formation à 3, 28 déc. 2017, n° 16NC01286
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 16NC01286
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Autres
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 25 avril 2016, N° 1404851
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036338897

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Yoa a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la majoration de 40 % prévue par l’article 1729 du code général des impôts, ayant assorti la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l’année 2010 ;

Par un jugement n° 1404851 du 26 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2016, la SCI Yoa, représentée par Me B…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg du 26 avril 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de la majoration de 40 % prévue par l’article 1729 du code général des impôts, ayant assorti la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l’exercice clos en 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 800 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la procédure d’imposition est irrégulière dès lors que la proposition de rectification adressée à la société Xym n’est pas signée et ne comporte pas d’indications chiffrées ;

 – l’administration n’a pas adressé de proposition de rectification à M. A… C…, redevable légal de l’imposition en cause, en méconnaissance de l’article L.53 du livre des procédures fiscales ;

 – elle a été privée des garanties prévues par l’article L.64 du livre des procédures fiscales, dès lors que l’administration a en réalité entendu caractériser un montage destiné à éluder l’impôt ;

 – le caractère délibéré du manquement n’est pas établi ;

Par un mémoire enregistré le 29 novembre 2016, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCI Yoa ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique enregistré le 3 avril 2017, la SCI Yoa conclut aux mêmes fins que la requête et indique renoncer aux moyens de procédure initialement soulevés relatifs d’une part, à l’absence de signature de la proposition de rectification adressée à la société Xym et, d’autre part, à l’absence d’informations chiffrées quant aux pénalités de retard.

Vu :

 – les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Didiot,

 – les conclusions de Mme Peton , rapporteur public,

 – et les observations de Me B…, représentant la Sci Yoa.

1. Considérant que la SCI Yoa, qui relève du régime de l’article 8 du code général des impôts, a été constituée le 15 juin 2004 en vue d’acquérir et d’administrer des immeubles ; que, lors de sa constitution, son capital a été réparti entre M. C…, à hauteur de 99,8 %, son fils Yoann et une personne tierce, à hauteur de 0,1 % chacun ; que, par acte de donation-partage du

9 mai 2005, M. C… a accordé la nue-propriété de ses parts à son fils, et en a conservé l’usufruit ; qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité de la SCI Xym, dont M. C… est également le gérant et l’associé à hauteur de 99,7 %, et qui a opté lors de sa création le

1er mars 2005 pour son assujettissement à l’impôt sur les sociétés, l’administration a constaté que ladite société avait déduit au titre de l’année 2010 une perte exceptionnelle de 20 486 euros, résultant de la différence entre la moins-value réalisée par la SCI Yoa lors de la cession de parts de la SCI 9F et la plus-value dont la SCI Yoa avait bénéficié lors de la cession d’un immeuble lui appartenant situé 6 rue de Plobsheim à Strasbourg ; que par une proposition de rectification du 22 mai 2012, établie selon la procédure contradictoire, le service a notifié à la SCI Yoa un rehaussement relatif à l’imposition de ladite plus-value de cession à l’impôt sur le revenu, sur le fondement de l’article 150 U du code général des impôts ; que le service lui a en conséquence assigné une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2010, et des majorations ; que la SCI Yoa, qui a expressément accepté le rehaussement en matière d’impôt sur le revenu, a néanmoins contesté l’application de la majoration correspondante de 40 % pour manquement délibéré prévue par l’article 1729 du code général des impôts ; qu’elle relève appel du jugement du 26 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette pénalité due au titre de l’année 2010 ;

Sur les conclusions à fin de décharge de la majoration de 40 % :

En ce qui concerne le moyen tiré de la régularité de la procédure d’imposition :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 53 du livre des procédures fiscales : « En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l’impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l’administration des impôts et la société elle-même. (…) » ; qu’aux termes de l’article 8 du code général des impôts : " (…). En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l’usufruitier est soumis à l’impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d’usufruitier. Le nu-propriétaire n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l’usufruitier./ Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l’une des formes de sociétés visées à l’article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l’article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; … » ; qu’aux termes de l’article 150 U du même code : " I.-Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH…/… II.-Les dispositions du I ne s’appliquent pas aux immeubles, aux parties d’immeubles ou aux droits relatifs à ces biens: / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ; … » ; qu’aux termes de l’article 150 VF dudit code : « (…) / II. – En cas de cession d’un bien ou d’un droit mentionné aux articles 150 U et 150 UB par une société ou un groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value est dû au prorata des droits sociaux détenus par les associés soumis à cet impôt présents à la date de la cession de l’immeuble. L’impôt acquitté par la société ou le groupement est libératoire de l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value dû par ces associés(…) » ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions, qu’en cas de cession d’un bien par une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, mais à l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le revenu correspondant à la plus-value réalisée sur le bien cédé est payé par la société qui en est redevable ; que l’impôt ainsi acquitté par la société est libératoire de l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value dû par les associés ; que les associés en sont les redevables pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; que toutefois, en cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, seul l’associé qui possède l’usufruit sur les parts sociales dont il est titulaire, à l’exclusion du nu-propriétaire, est soumis à l’impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d’usufruitier ;

3. Considérant que si la SCI Yoa se prévaut de ce qu’aucune proposition de rectification n’aurait été adressée à M. A… C…, il est constant que ce dernier, qui ne détient que la nue-propriété des parts de la SCI Yoa et non leur usufruit, n’est pas le redevable légal de l’impôt sur le revenu correspondant à la plus-value de cession immobilière en cause ; qu’ainsi le moyen tiré de l’irrégularité, pour ce motif, de la procédure d’imposition, doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité de l’abus de droit fiscal. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité. Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. Les avis rendus font l’objet d’un rapport annuel qui est rendu public. » ; qu’en vertu de ces dispositions, l’administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables les actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, n’ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé de tels actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

5. Considérant que pour estimer que l’imposition, à tort, des revenus fonciers de la SCI Yoa au sein des résultats de la SCI Xym dans le cadre plus favorable du régime de l’impôt sur les sociétés, avait permis de minorer non seulement les revenus fonciers imposables de
M. C… mais également les résultats de la SCI Xym, et caractérisait ainsi un manquement délibéré justifiant l’application de la majoration de 40 %, l’administration n’a, à aucun moment de la procédure, soutenu, même implicitement, qu’un des actes juridiques en cause aurait été fictif ou inspiré par le seul motif d’éluder ou d’atténuer la charge fiscale que la requérante aurait normalement supportée s’ils n’avaient pas été passés ; qu’elle s’est bornée à relever, d’une part, que si le gérant avait déclaré que l’usufruit des 988 parts souscrites lors de la constitution des deux SCI avait été transféré à la SCI Xym, aucun acte notarié n’avait cependant formalisé cette cession afin de permettre l’imposition des résultats de la SCI Yoa dans le cadre de l’impôt sur les sociétés dont est redevable la SCI Xym ; qu’elle a relevé d’autre part que le caractère involontaire de l’omission ainsi commise par la SCI Yoa ne pouvait être retenu, dès lors que
M. C… est gérant de nombreuses sociétés immobilières et entouré d’un expert-comptable et d’un notaire au fait de la gestion de son patrimoine ; qu’ainsi, la SCI Yoa n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait été imposée en méconnaissance des garanties de procédure prévues par l’article L 64 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le moyen tiré du bien-fondé des pénalités :

6. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré  » ; qu’aux termes de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales : « En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d’affaires, des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l’administration. » ;

7. Considérant, ainsi qu’il vient d’être dit, que par acte de donation-partage du

9 mai 2005, M. C… a accordé à son fils Yoann la nue-propriété de ses 988 parts de la SCI Yoa, qui n’a pas opté pour son assujettissement à l’impôt sur les sociétés et dont les résultats étaient ainsi imposables entre les mains de leurs associés, lui-même en conservant l’usufruit ; que conformément aux dispositions de l’article 8 du code général des impôts, l’usufruitier est soumis à l’impôt sur le revenu au titre de la quote-part correspondant à ses droits sociaux, de sorte que les résultats de la SCI Yoa auraient dû être imposés entre les mains de M. C… dans la catégorie des revenus fonciers ; qu’il est constant que la SCI Yoa a omis de déclarer la plus-value et la moins-value qu’elle a réalisées au titre de l’année 2010 à raison respectivement de la cession d’un immeuble situé 6 rue de Plobsheim à Strasbourg et de la cession de parts de la

SCI 9F ; que la moins-value résultant de la cession des parts de la

SCI 9F, qui appartenaient à la SCI Yoa, a été déclarée par la SCI Xym, alors que le capital de la SCI Yoa était en réalité détenu en intégralité par des personnes physiques, M. C…, son fils et une personne tierce ; que l’administration fait valoir que cette opération a permis à la SCI Yoa de ne pas être imposée à raison de la plus-value réalisée lors de la cession d’un immeuble, et à la SCI Xym, dont le capital est également détenu en majorité par M. C…, qui en est le gérant, de déduire une charge supplémentaire de ses résultats ; qu’ainsi qu’il a été développé au point 5, comme l’indique le service, M. C… ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel de l’immobilier, que la plus-value résultant de la cession d’un immeuble appartenant à la SCI Yoa devait être déclarée et imposée entre ses mains et non au nom d’une SCI tierce ; que les faits relevés par le service traduisent, en l’espèce, la volonté délibérée, de la part de la société, d’éluder une partie de l’impôt dû, sans qu’y fasse obstacle l’échange de courriers entre le notaire de M. C… et le Centre de recherche d’information et de documentation notariales, relatif à la légalité des opérations envisagées de démembrement de la propriété de son patrimoine immobilier via la constitution des trois SCI et leur donation en nue-propriété à ses enfants ; que c’est dès lors à bon droit que l’administration lui a fait application de la pénalité de 40 % susmentionnée applicable en cas de manquement délibéré ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SCI Yoa n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative:

9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Yoa est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Yoa et au ministre de l’action et des comptes publics.

6

N° 16NC01286

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